How could this happen to me ? ♦ Eden & Caïn

Eden & Caïn

I've made my mistakes, got nowhere to run ; the night goes on as I'm fading away. I'm sick of this life, I just wanna scream.

Eden s’aventura doucement dans la banque devenue déserte.
L’édifice, fierté de Rhaegar, était luxueux en tous points, un symbole trop ostentatoire de la richesse de la famille. Eden n’y était guère sensible. Il aimait bien l’architecture, mais toutes ces moulures, ce doré, finissaient par lui donner mal au crâne. Il hâta doucement le pas, tentant de ne pas faire de bruit, car sa seule présence en ces lieux semblait déjà être un fardeau.
Il était venu récupérer quelque chose dans le coffre-fort de Dahlia, sa clé passée autour du cou comme un lourd cadenas de plomb. L’établissement était désert, en une fin de soirée pareille, et c’était seulement par son nom qu’Eden Stonegold avait sa place. Les coutumes, dans cette famille, avaient quelque chose de pompeux, et le sorcier lunaire n’était là que pour l’amour de Dahlia. Souvent sa chemise trop serrée, les convenances et les usages lui échappaient, venant lui enserrer le coup. Mais il le supportait.
Par amour pour Dahlia.
Le blond était un homme confiant. C’était ce qu’il tentait d’inculquer à ses enfants : avoir confiance en l’avenir, en les choses, en l’humanité. Voir qu’Erebos suivait ses traces était l’une des plus grandes fiertés qui réchauffaient le cœur d’Eden. Quand à sa radieuse Alaska, elle brillait d’une autre matière, qui la rendait inatteignable, compréhensible que par sa mère. Ainsi se déroulaient les choses. Les garçons d’un côté, les filles de l’autre. Erebos accroché à lui, Allie attachée à sa mère. L’équilibre parfait aimant.
Il eut un sourire pour lui-même. Qu’il récupère vite ce qu’il devait, et il s’en retournerait là près de son épouse et leurs enfants, prêts à passer une bonne soirée autour du plat favori de Dahlia. Des instants de bonheur complices qu’ils partageaient par lot de quatre.

Un bruit attira son attention derrière le comptoir.
Immédiatement il suspendit sa démarche dans la banque déserte. Il ne devait y avoir personne, personne ne pouvait entrer là. Rhaegar y veillait sans cesse, rabachant à ses hommes de mains combien la sécurité prime.
Alors il n’y aurait dû y avoir personne, et certainement pas à l’arrière lorsque tout ce qui s’y trouvait était le coffre familial qui contenait le plus précieux de tous les atouts de la banque.
« Y a quelqu’un ? » hasarda-t-il, soudain alerte.
Il avança, les mains courbées, prêtes à former l’un de ces signes qui activerait sa magie.
« Montrez-vous ! »

Eden & Caïn

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A l’instant où il aperçut le visage derrière le comptoir, Eden relâcha sa tension. Des cheveux sombres, un regard intelligent, cet air de ceux qui sont perdus : c’était simplement son neveu.
Eden appréciait bien Caïn. D’autant plus lorsque, comme Reby et lui, le jeune humain se retrouvait mis à la marge des dragons. Plus d’une fois, il avait décelé, dans les prunelles sombres de son neveu, la colère et la frustration de n’être pas comme il fallait. Le blond avait du mal, souvent, avec la manière dont Deirdre prétendait éduquer son fils. Le temps passé à le dénigrer ne pouvait que le rendre amer, et un jour elle paierait les fruits de la rancœur qu’elle mériterait. Dahlia, bien que plus modérée, semblait également par moments avoir du mal avec Caïn.
Le plus proche, dans toute la famille, était certainement Erebos. Mais depuis ces dernières années, l’adolescent souffrait bien trop pour assurer à son cousin la position de confident. D’hospitalisation privées en hospitalisations publiques, son fils avait été malmené par les affres de l’existence, et seule la survenue de la guerre l’avait aidé bien malgré lui à retrouver la tête haute.
Enfin. Toujours était-il que Caïn n’était pas un malfrat ou un voleur, comme Eden de prime abord n’avait craint pour la banque de son beau-frère. Le neveu avait ses entrées, au même titre que toute la famille, dans l’édifice pulsant le luxe.
« C’est toi, Caïn. » soupira-t-il de soulagement. « Tu m’as fait peur. Ton oncle Rhaegar me tuerait s’il arrivait quoi que ce soit à sa banque adorée. »
Il passa une main dans ses cheveux, encore bête de s’être inquiété.

Caïn semblait préoccupé, luttant pour avoir l’air détendu. Un fait qui intrigua Eden, puisqu’il n’y avait aucune raison, a priori, d’être inquiété. Il avait simplement travaillé tard, cela pouvait bien arriver à son neveu comme à lui-même : se laisser prendre par le temps.
Pourtant, quelque chose dans sa voix fit tiquer le sorcier lunaire, sans qu’il ne puisse exactement ce qui donnait cette impression.
« Je venais récupérer quelque chose dans le coffre de Dahlia. » fit-il en pointant à son cou la clé de la dragonne gardienne. Ils avaient une clé chacun : une pour Rhaegar, une pour Deirdre, une pour sa femme. Ensemble, elles pouvaient ouvrir le coffre qui contenait le crâne de pouvoir qu’on avait laissé à leur garde. « Rien de très important, ne t’en fais pas. »
Il eut un sourire franc et doux à l’intention de son neveu, qui gardait sur son visage brun une expression indéchiffrable. Si Caïn était énigme, Eden n’en trouvait pas la clé et ce malgré les longues années à vivre tout proche du jeune homme.
« Et toi, Caïn, est-ce-que tout va bien ? J’ai entendu du bruit … »
Se penchant pour regarder derrière son neveu, le blond Stonegold aperçut les traces d’une magie faiblarde qui pulsaient encore faiblement. Un glyphe. Un glyphe extrêmement peu puissant, du genre qu’on trouvait sur le marché noir lorsqu’on était assez stupide pour penser que cela fonctionne.
Eden fronça les sourcils.
« Qu’est-ce qui s’est passé au niveau du coffre ? »
Sa voix était plus menaçante, prête à gronder et à trouver. Peut-être quelqu’un avait-il pris son neveu Caïn en otage pour mieux venir s’emparer du trésor contenu dans le coffre. Quelqu’un de mal intentionné, peut-être un Chasseur, une Chasseresse, auquel Caïn ne pouvait guère avoir le choix que d’obéir.
Il réactiva sa magie, prêt à pouvoir l’utiliser si l’occasion se présentait.
« Caïn ? »

Eden & Caïn

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Quelque chose n’était pas normal, et l’attitude de son neveu ne faisait que le confirmer. Eden sentait les émotions, c’était bien la spécialité de la magie qu’il entretenait. Caïn sentait mauvais la peur à des kilomètres à la ronde. Une peur étrange, comme altérée par une autre émotion plus trouble. Une sorte de culpabilité qui en semblait indissoluble.
Il s’approcha prudemment de l’humain, qui semblait réellement nerveux à l’idée qu’Eden soit ici. Pourtant, le sorcier avait toujours voulu être une figure présente pour lui. Au milieu de cette famille ambitieuse, où lui-même se faisait bouffer ; que ceux qui ne portent pas d’écailles puissent au moins se serrer les coudes.
Le mensonge était piteux. Grossier.
Jamais Rhaegar ne confierait la sécurité de sa banque à qui que ce soit d’autre que lui. Et certainement pas à Caïn. Caïn qui répugnait tellement le patriarche des Stonegold qu’à plusieurs repas de famille il avait fallu écarter l’un pour que le deuxième ne pleure pas. Non, quelque chose ne collait pas.

A pas de loup, il s’avança jusqu’à la devanture du coffre. Caïn au moins ne mentait pas sur les glyphes explosifs. C’était d’une piètre qualité, mais cela avait été suffisant pour produire des marques noircies près de la serrure de leur coffre. Sauf que ça ne marchait toujours pas.
« Je suis désolé, Caïn, mais j’ai du mal à te croire. » «  » fit-il en observant les marques, haussant légèrement la voix pour que son neveu derrière lui puisse tout de même entendre ces mots. « Rhaegar sait déjà très bien que son coffre résiste à ça. »
Eden détourna ses yeux clairs pour les reposer sur l’humain, resté quelque peu en arrière.
« Tu peux m’expliquer, sans mentir, ce que tu faisais près du coffre ? »

Caïn Stonegold a écrit:

How could this happen to me

Feat.  @Odalie Maelström As Eden Stonegold 

My Destiny, Be unworthy.

 

Le mensonge de Caïn était trop évident. Trop parfait pour être crédible. Entendu par n'importe qui d'autres, qui sait ? Mais là, il s'agissait de son Oncle Eden, qui l'avait vu grandir et évoluer au fil des ans. Utiliser son sentiment d'infériorité à son avantage était grossier, car Eden savait que Caïn possédait malgré tout des talents cachés lui aussi. Tout comme le fait de tester la sécurité du coffre de la Banque de Rhaegar, lui qui en était si fier. Même si le dragon d'or était clément envers le rebus de la famille Stonegold, leurs sentiments respectifs n'étaient pas pour autant aller en s'améliorant autant pour qu'une telle probabilité puisse réellement se concrétiser. De plus la spécialité du sorcier, la magie lunaire en plus de pouvoirs être utilisés sous de multiples formes, était accès sur les émotions. Il devait sans doute sentir le trouble qui habitait le jeune Stonegold en dépit de l'effort de suggestion qu'il s'auto-induisait pour se persuader lui-même de ce qu'il pouvait bien raconter. Dans l'espoir que tout se passerait comme il l'avait prévu. Mais son Oncle continuait à avancer. Irrémédiablement. Il ne pouvait pas l'arrêter. Par aucun moyen. Même si ce n'était pas tout à fait vrai ... Caïn baissa la tête au sol. Un sentiment de vide et d'échec bien trop familier vient le prendre à l'âme. Il ne peut donc rien réussir. Lui, le raté de la famille... Ce gouffre qui creuse son âme le pousse vers le bord d'un retranchement qu'il ne voulait pas avoir à atteindre. Pourtant le corps de Caïn bouge, son bras s'actionne et vient chercher chercher quelque chose sous ses vêtements. Et le bras se repositionne le bras du corps, objet ancré dans son poing serré. Pendant qu'Eden déclare ne pas croire à son mensonge, ce qui était plus qu'évident, il peut constater les marques de l'essai infructueux de son neveu dans l'usage de glyphe explosif du marché noir.  De la magie bas de gamme qui doit faire grimacer un utilisateur des arcanes comme lui. Bien sur que Rhaegar sait que son coffre résiste à ce genre de misérables tentatives. En faite le coffre de Rhaegar, et peut-être même l'entièreté de la structure de sa banque, pourrait certainement résister au souffle d'un dragon aussi puissant que lui. Si Caïn avait eut le temps d'y penser, il aurait vu l'évidence mais il était trop tard pour faire marcher arrière.... Il ne le pouvait plus de toute manière. Il ne pouvait certes se résoudre à faire ce qu'il était sur le point de faire, mais pourtant il allait le faire. Parce que l'humain n'avait plus d'autre alternative. Il ne supportait plus cette existence inférieur. Il ne pouvait continuer à vivre avec cette humanité qui parasitait son sang et le rendait semblable à milles misérables. Alors même si son plan initial était un échec monumental, l'arrivée de son Oncle en devenue une opportunité horriblement tentante à saisir. Et unique. Elle ne se reproduira jamais. Les démons qui habitaient les recoins de son esprit lui hurlaient d'agir. Eden avait la clé autour du cou. Il n'était ni Rhaegar, ni Deirdre, ni Dahlia contre lesquelles ils n'auraient même pas eut l'ombre d'une chance. Si il devait définitivement toucher le fond pour arriver à ses fins, Caïn était résolu à le faire.... Presque ... De nouveau le sorcier l'interroge, mais Caïn en à fini d'être stoïque. Il est allé rejoindre son Oncle, dans le corridor du coffre-fort. Ce dernier vient de se retourner vers lui. Il le regarde, mais Caïn garde la mine basse. Toujours les bras le long du corps, il à un de une de ces mains au poing fermés, tandis que l'autre semble presque se mettre à trembler... "-Je voulais l'ouvrir." Si Eden voulait la vérité, la voici qui franchit les lèvres de son pitoyable neveu. Avouant sa faute tel l'enfant pris sur le fait. Mais pas tout à fait. Car l'enfant est mort depuis longtemps déjà. "-Dès que les Stonegold sont devenus les gardiens du crâne, ça ne m'a plus quitter... Je pensais que j'avais renoncer, que je m'étais fais une raison... Tu sais ce qu'on dit sur les vieux démons..." Oui l'enfant était mort depuis des années. Et l'homme n'avait jamais voulu en être un. Créature normal parmi les fantastiques, il était la grisaille parmi la couleur. Il n'était donc pas devenu l'homme qu'on attendait de lui qu'il devienne. Il en donna le change. Mais ce qui se tapissait sous le masque innocent et presque angélique qu'il revêtait en guise de visage, n'était rien de moins qu'un monstre. "-J'aimerais que tu ouvres ce coffre, Oncle Eden. Avec ta clé." Caïn ne brandissait toujours pas l'objet qu'il tenait dans sa main tremblante. Un objet noir à l'allure simple mais terrifiante une fois qu'on l'avait identifier. Arme de mort tirant ces projectiles de métal, le Glock que Caïn s'était procurer dans les bas-fonds de Phéonix n'avait pas de codes de séries. Il l'avait acheter sous le manteau à un revendeur dans le même marché que les glyphes. Contrairement à ces derniers, on lui avait refiler quelques choses de réellement efficaces. Avec un chargeur encore plein du fait que le jeune homme ne s'en était encore jamais servis. Quitte à verser dans la folie, Caïn avait l'impression que les pensées de son cerveau devenaient des sortes de gribouillis informes et hurlants. Grouillante de vision folles oû il pointait le révolver sur le front de son Oncle. Ou son visage prenait la forme d'un rictus méconnaissable et démoniaque. Ou enfin on céderait à ces désirs et que sa destinée s'accomplirait enfin. Il était si près du but qu'il était impossible pour Caïn de faire marcher arrière. Il avait déjà fais le premier pas pour franchir la ligne du non-retour.

Codage modifié par moi ~ retouché par Aim sur base d'un codage de Sasa ~ pour NOTD

Eden & Caïn

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Caïn était un enfant. Il avait toujours été un enfant. De ces enfants de grande famille, qu’on obligeait à grandir trop vite pour répondre à des exigences qui faisaient bien trois fois leur taille. De ces enfants qui ne savent plus dissocier leur prénom de leur nom de famille. Caïn n’était pas simplement Caïn. Il serait toujours Caïn Stonegold. Et c’était le poids de ce Stonegold qu’il se traînait comme une injure et qui lui labourait le cœur. Le poids de ce nom bien trop lourd qui le rendait triste, malheureux, et amer quand les jours venaient.
Caïn serait toujours Caïn Stonegold.
Mais il n’en voyait que les mauvais côtés. Il ne voyait que l’exigence, les regards sombres de Rhaegar, la moue de dégoût de Deirdre face à son fils qui n’était qu’humain. Il ne voyait pas tout le reste. Son cousin, qui l’aimait tellement. La famille qu’il avait autour, Dahlia et lui, certainement Shosh. Non, Caïn ne voyait pas ça. Il serait toujours Caïn Stonegold, mais avec le pire du Stonegold. Avec les pierres qu’on lui jetait, mais pas l’or qu’il avait au cœur ; avec la froide roche de la haine, mais pas le doré de l’amour.
Eden retrouva cet enfant dans la posture contrite de Caïn, au moment où il annonça qu’il avait tenté d’ouvrir le coffre. Surpris par son honnêteté soudaine, le sorcier fut pris au dépourvu et lança un regard blessé à son neveu.
Il aurait pu le lui dire. Eden aurait tout accepté, il aurait parlé, et compris. Il aurait pu le lui dire et sans doute que tout aurait été différent. Mais non. Il avait fallu qu’il mente, et ça tordait le cœur d’Eden de se dire que son propre neveu n’avait pas assez confiance en lui pour être honnête avec son oncle.
Il resta un instant, bouche bée, dévisageant le jeune humain.
Quels monstres avaient été les adultes, son entourage, pour lui faire croire une seule seconde qu’il n’était pas assez ? Combien profondément Caïn s’était-il enfoncé dans la folie ? Eden songea à Erebos, à combien lui-même souffrirait si son fils descendait cette pente sans que quelqu’un ne le rattrape. Quelqu’un pour le prendre par le bras et le retenir, en arrière, pour qu’il apprenne de ses erreurs au lieu d’y plonger tout entier, retentissant par son chaos.

Il voyait cet enfant perdu, ce petit garçon debout, seul. Et il sembla soudainement qu’il était le seul à le voir. Les adultes étaient de tels monstres qu’ils n’avaient même pas pris le temps de s’arrêter pour lui parler. Alors ce serait lui, Eden, qui devrait le prendre par la main.
« Caïn … »
Il fit un pas vers son neveu, dont le visage s’emmurait donc un émotion indescriptible.
« Je sais ce que ça fait. Vraiment. D’être dans une famille où tout … tout tourne autour des dragons. Et d’en être pas un soi-même. » Déglutition pénible, un peu, avant de poursuivre sa phrase. « Je ne suis pas dragon non plus, Caïn. Mais ça ne veut pas dire que nous sommes moins qu’eux. Je sais … je sais ce que ta mère t’a dit. Ce que ton oncle Rhaegar dit. Je sais, Caïn. Mais c’est faux. C’est terriblement faux. Et je peux t’apprendre la magie, si tu veux, comme je l’ai apprise à Erebos. Vous pourrez vous entraîner ensemble, je … »
Un rire franchit ses lèvres, dans la compréhension subtile de ce qui se tramait sous ses yeux.
« Je peux t’apprendre, Caïn, tu sais. Mais je ne peux pas t’ouvrir ce coffre. »
Alors il le vit, ce garçon, il en saisit la pleine mesure. Ses yeux se changèrent en abysses lorsqu’il vit la forme trop sombre dans la main droite de son neveu. Et de ses lèvres sèches ne purent s’articuler que deux sons.
« Caïn … »
Caïn serait toujours Caïn Stonegold.
Mais ce n’était plus un enfant.

Eden & Caïn

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Que faisait le monde aux enfants, pour les inciter à la violence ?
Eden songea à Sapphire Nightshade, tristement célèbre pour les morts laissés dans son sillage amer. Il avait dû, lui aussi, combattre. Il avait dû monter, se dresser face à elle, former un rempart à l’ignominie et à la violence manifeste que promouvait la sombre dragonne.
La bouche trop sèche. Les lèvres trop sèches.
Il n’y avait aucun moyen, de toute façon. Ils étaient figés dans cet instant, bloqués à tout jamais dans ce moment de basculement où tout pouvait leur arriver. Eden n’ouvrirait pas le coffre : il n’en avait pas la possibilité. La serrure était protégée par trois clés, portées par les trois adelphes. S’il possédait celle de Dahlia, actuellement à son collier, il n’avait ni celle de Rhaegar, ni celle de Deirdre. Sans doute Caïn le savait-il. Alors, pourquoi ? Une folie montait sereinement dans le regard de son neveu tandis que les mots s’amoncelaient, formant une marée d’écho dans le hall sonore de la banque.
Le sorcier secoua la tête. Chaque phrase martelée par Caïn était une violence à leur sang, une douleur qu’il se prenait en pleine poitrine comme s’il s’agissait de son propre fils.
Comme les autres. Hypocrite. Menteur.
« Caïn, écoute moi … »
Je ne t’ai pas appris la magie plus tôt parce que je n’avais pas conscience, je n’avais pas compréhension de tout ce qu’il y avait chez toi. Et je suis désolé, Caïn. J’aurais dû voir ça. Moi, le grand sorcier, plongée dans ma tour parnassienne, je n’ai pas su te regarder comme autre chose qu’un jeune enfant. J’aurais dû voir. Je suis désolé. J’aurais pu faire mieux, pour toi, mon neveu. J’aurais pu parler à Deirdre. J’aurais … il est trop tard pour les regrets, Caïn. Ça n’efface rien, mais ça peut tout. Si tu m’écoutes, Caïn, maintenant, on va pouvoir changer les choses.
Je t’en prie.
C’est tout ce qu’il essayait de dire, mais son neveu n’entendrait pas. Il continua à parler, pointer le canon de son arme contre lui-même, face un Eden désemparé qui leva des mains vides de magie. Il n’attaquerait pas son neveu. Pas comme ça. Pas de cette manière. Pas face à toute cette souffrance.
Il n’y avait qu’une seule réponse, face à la souffrance, c’était d’appeler la bienveillance.
Je ferais mieux de crever, ici et maintenant.

Le blond baissa un peu la tête.
« Non. Non, Caïn. »
Les sons résonnèrent comme des échecs contre le marbre lisse du sol.
« Personne … personne n’a tenté de te corriger. Parce que quand je te regarde, je ne vois rien à corriger. Ce n’est pas parce que tu n’es pas comme eux … comme nous, que tu ne vaux rien. Je suis désolé, que tu le croies, vraiment, je suis désolé. Mais si tu fais ça, Caïn … »
Du menton, il désigna l’arme, il engloba toute la pièce.
« … si tu fais ça, tu vas le regretter. »
Et il le pensait sincèrement, que son neveu n’avait pas l’âme, pas la force d’appuyer sur la détente. Ce n’était pas une menace, ou pas réellement en tous cas. C’était plus une constatation, un moyen de dire à Caïn qu’il lui restait encore le choix. A geste lent, Eden tendit une main vers la silhouette fébrile de son neveu bouleversé. S’il ne lui prenait pas la main, il pouvait au moins rendre l’arme, éviter de commettre l’irréparable.
Eden ne craignait pas pour sa vie ; peut-être, sans doute, aurait-il dû.
« Je te jure. Tu le regretteras. »
Car lorsqu’on le veut, Caïn, lorsqu'on veut se tuer soi-même, on en ressort jamais indemne. Eden pensa à son garçon, son jeune et brisé Erebos, qui lui même avait attenté à ses jours de trop nombreuses fois. Caïn suivrait-il ce chemin, lui aussi ? N'y avait-il pas autre chose qui puisse le rattacher au monde ?
« Je ne peux pas ouvrir ce coffre. Alors, laisse donc ça, s’il te plaît … »

Eden & Caïn

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Le visage de son neveu manifestait une expression qu’Eden déchiffrait avec peine. Il avait l’air … conquis par une rage immense. Mais il n’y avait pas que ça. Sous le vernis, sous l’apparence, il y avait cette fêlure, profonde. Il y avait ce petit garçon auquel Eden tendait la main, avec la force qu’il pouvait, la volonté d’un monde meilleur où il pourrait s’épanouir sans en passer par la violence.
Mais non. Non, le choix était fait. Non, le couperet était tombé, tranchant avec lui les espoirs d’une enfance bien trop vite enfuie. Non, les plaies étaient bien trop profonde, et le louveteau accablé avait fini de le lécher en espérant qu’elles cicatrisent. Il en voulait plus, désormais. La soif de reconnaissance, toujours avide et insondable, cédait tout doucement la place à une soif de pouvoir aveugle que le blond ne comblerait pas.
Le canon du revolver se détourna du jeune Stonegold pour se pointer vers le sol. Eden se détendit un peu, envisageant quelques secondes que peut-être ses longues paroles avaient trouvé un point d’impact, une brèche pour entrer dans le cœur de l’humain bien trop délaissé qui se tenait en face de lui.
Hypocrisie. Le mot sonna comme une détonation dans l’air silencieux de la banque, assené au milieu des autres que Caïn proférait en rage. Vers la fin de son monologue, l’arme qu’il tenait dans la main trouva la direction dangereuse du thorax d’Eden Stonegold.
Instinctivement, douloureusement, ce dernier se raidit, songeant qu’il suffirait d’un geste, d’un mauvais coup, de quelque chose, pour que cette soirée finisse mal et que l’un d’entre eux soit blessé. Aussi leva-t-il en tremblant ses deux mains en gage de bonne foi.
« Caïn, je comprends que tu sois en colère. Je comprends vraiment je … »
Mais déjà son neveu reprenait, sourde détermination dans la gorge. Je ne te laisse plus le choix. Le canon glacé de son arme rencontra la chemise d’Eden, qui voulut reculer d’un pas sans pour autant pouvoir s’y résoudre.

Ne pas répondre à la violence par la violence. Malgré la panique accablante qui s’élevait dans son esprit, les vents arides de la colère face à l’aveuglement du jeune homme, Eden baissa très calmement l’une de ses mains tenues en l’air pour la poser sur le métal.
Le revolver, sous sa paume, était aussi froid que la mort et aussi brûlant que l’enfer.
Il plongea son regard peiné dans les prunelles de son neveu.
« Caïn, écoute moi maintenant. »
Son ton se faisait plus sévère, celui d’un père qui, cruellement, avait fait défaut à l’humain. Il avait tenté la franchise, la gentillesse, la bienveillance. Tandis qu’il regardait son neveu, l’autre main, toujours dans les airs, dessina des gestes discrets, prêts à activer sa magie si le besoin s’en ressentait. Mais il ne désespérait pas. Il n’aurait pas à faire usage de ses pouvoirs sur le Stonegold. Sur son neveu. Sur un jeune homme. Il l’avait trop fait durant la guerre et on ne l’y reprendrait plus.
Alors sa voix se fit grondante, articulant chaque syllabe avec la force d’une tristesse qu’il ne pouvait plus tant cacher.
« Je ne peux pas ouvrir ce coffre. La clé, le catalyseur de Dahlia. Ça ne suffit pas. Il te faut aussi celui de Rhaegar et celui de ta mère. Je ne les ai pas. Je ne peux pas. »
Sa paume se fit plus pressante contre l’arme, cherchant à baisser le canon, que celui-ci cesse de pointer sur sa poitrine de cette façon.
« Alors tu vas arrêter. Maintenant. Tu vas baisser cette arme. Et on va rentrer au domaine, toi et moi, tranquillement. Et on parlera de ça à personne. Est-ce-que c’est clair ? »
Si sa voix avait pu moins trembler, est-ce-que les choses auraient été différentes ? S’il était parvenu, un peu, à maîtriser ses émotions, à défaut de celles de Caïn, aurait-il pu changer les choses ?
Eden n’avait pas la réponse.
Et personne ne l’aurait jamais.

Voyant que Caïn, face à lui, ne baissait pas vraiment son arme, il finit par presser sa paume, du plus fort qu’il put, vers le bas, pour faire tomber le flingue au sol. Le plan n’était pas compliqué : désarmer son neveu et le lier, par sa magie, afin qu’il ne puisse plus lui nuire.
Un plan simple. Efficace. Facile.
Que rien ne pouvait préparer à ce qui se produit alors.

Dans la tension vive de la banque, une détonation retentit.

Eden & Caïn

I've made my mistakes, got nowhere to run ; the night goes on as I'm fading away. I'm sick of this life, I just wanna scream.

Il faisait froid, dans cette banque.
Eden entendit cette pensée traverser le vide de son crâne. Ses sens semblaient, soudainement, s’être émoussés comme des vieilles lames. Des billes de verre s’étaient jetées sur le sol en marbre de son crâne, rebondissant à l’infini en formant des bruits insolites.
Il faisait froid, dans cette banque.
Une œuvre d’art surréaliste ornait le torse du sorcier, une fleur rougie par le présent qui le coupait de tout futur. Le coquelicot s’étendait, et toutes ses pensées défilèrent comme des diapositives rayées, enchaînées trop vite sur l’écran beaucoup trop clair de ses pensées.
Il revoyait en marche rapide les instants heureux de sa vie. Son enfance insouciante et brève, coupée trop vite par la violence d’une adolescence ombrageuse. Et puis ce phare dans la tempête, Dahlia et son sourire de star, Dahlia et ses yeux mystérieux qu’il avait cent fois explorés dans l’espoir d’y trouver une faille. Mais Dahlia n’avait pas de faille, elle n’avait que cette force immense dans laquelle il puisait ses bases. Dahlia le ventre distendu, portant sous son nombril fragile l’engeance qui les rendrait heureux.
Le rire de crécelle d’Erebos, les cheveux soyeux d’Alaska. Les enfants courant dans les couloirs, sous le regard tendre d’une femme qui était devenue une mère. Rhaegar, Deirdre, qui riaient, l’insouciance d’une génération qui avait mûri bien trop vite.

Et Caïn.
Caïn, au milieu de cela, débout sur sa propre détresse, pleurant à perdre l’équilibre d’un destin qu’il ne connaîtrait pas. Caïn, le regard éperdu, l’absence d’ailes gravée sur la face, Caïn qui tentait à tout prix de se tailler à griffures d’ongles une place dans ce monde de dragons. Caïn, debout en face de lui, qui le regardait sans comprendre, le canon d’une arme fumante comme pinceau pour faire un chef d’œuvre.

Il faisait froid, dans cette banque.
Autour de lui, le monde changeait, et bientôt sa joue rencontra le marbre glacé sous leurs pas. A côté de lui, une chaussure se manifesta. Une chaussure qu’Eden regarda comme la septième merveille du monde, comme s’il s’agissait d’un trésor qui pourrait encore le sauver.
Mais Eden connaissait la mort, il l’avait longtemps côtoyé. Jamais il n’aurait cru partir laissant derrière lui tant de choses, mais après tout son heure sonnait et il ne pouvait pas refuser.
Il faisait si froid, dans cette banque.
L’odeur impersonnelle de l’argent vint lui chatouiller les narines, et puis la chaussure disparut, quitta son champ de vision pour sans doute s’échapper plus loin. Eden connaissait bien la mort, et la mort le reconnaissait. Elle fit déteindre sur le sol l’impressionnisme de ses côtes, dessinant des champs de roses rouges sur le dallage trop ventilé.
Un sourire tordu s’échina à bouger les lèvres du blond.

Il faisait trop froid, dans cette banque.
Ses cils trop lourds, ses paupières rouges, tout semblait tirer le rideau sur le théâtre de sa vie. Avant de délaisser la scène, il en regarda les acteurs. Dahlia, Erebos, Alaska, un podium de ceux qu’il aimait. Ils étaient trois, ils étaient forts ; ils n’avaient pas besoin de lui.
Alors, sans même réaliser la douceur qui déjà partait, sans même comprendre réellement l’histoire qui venait de s’achever, Eden ferma des yeux tranquille.

Il faisait vraiment bien trop froid.
Sa dernière pensée fut pour Caïn. Il espéra qu’aucune personne ne lui porterait préjudice, il espéra au fond de lui que son neveu un jour trouve la paix. Il espéra de toutes ses forces, et dans un dernier agissement, il tendit la main vers la place où s’était tenue la chaussure.
Eden souriait lorsqu’il mourut.
Dans un dernier mouvement de lèvres, il n’avait pu articuler.

« Je te pardonne. »