Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Ven 21 Jan 2022 - 23:57

Là où l’horizon a tremblé, j’ai dansé la pluie.

Midnight sun

07 septembre 2019.

« If there’s no question about the exercice, I suggest we get going? Go ahead and pick a partner, you’ve got five minutes. »
Durant ce genre de formation, les gens venaient souvent en groupe. Une bande d’amis, une famille. Mais pas lui. Lui, il restait assis au fond de la salle, l’air concentré, les yeux profonds, et il attendait patiemment qu’on lui infuse la langue des signes comme des tatouages sur la rétine. Il dévisageait sa figure avec une telle intensité, sans doute ses lèvres pour saisir les nuances de ce qu’elle disait. Pour l’exercice, elle leur avait demandé de se présenter, notamment en épelant leur nom grâce à l’alphabet dactylologique toujours affiché au tableau. La blonde s'empara de sa gourde pour y prendre quelques gorgées. Ces journées étaient épuisantes, mais elle rentrait toujours ravie. Elle serait de retour à Washington juste à temps pour la répétition du soir ; elle l’avait promis à Chiara.
Embrassant la pièce du regard, elle avisa un seul élève qui n’avait pas trouvé de binôme. Lui. Sol eut un sourire attendri et vint s’asseoir en face de l’homme.
« Hi. Do you need me to be your partner? »
Elle avait souri encore plus en le regardant épeler les lettres de son long prénom.
Poing fermé, pouce sorti. A. Main à plat, pouce rentré. B. Deux doigts croisés, comme pour porter chance. R.
Et, ainsi, à mesure des gestes, Solal avait pu décoder.
Abraxas Astraea.

16 avril 2021.

Sol passa une main dans ses cheveux avant de rentrer dans le parc, y récupérant au passage le cordon de ses écouteurs. La journée avait été longue ; pourtant, lorsqu’elle avait saisi le smartphone affichant ce nom, un sourire franc s’était tracé sur les traits blonds de l’immortelle. Cette petite pulsation en plus, comme une décharge d'allégresse de se dire qu’on pensait à elle. De se dire qu’il pensait à elle. Et pas seulement pour lui envoyer des articles scientifiques, ou bien des questions importantes. Pour les memes, aussi, pour les rires, pour ces instants de quotidien qu’elle avait le droit d’apprécier.
L’air de la ville sentait l’été, voilà ce qui l’avait frappée à la sortie de son portail, quittant le froid presque de Washington pour rejoindre la Nouvelle-Orléans.
Un bref coup d'œil à sa montre. Elle avait un petit peu d’avance.
Je suis arrivée, je t’attends près de l’entrée. Même banc que la dernière fois, je crois.
Il y avait quelque chose de grand à songer le chemin tracé. De l'épellation malhabile, Xas avait acquis en confiance et retrouvé son propre signe. Un nom que la blonde, entre deux rires, sur le comptoir d'un café vieilli, avait su trouver avec lui. Le savant mélange des mots étoile et musique, orchestrés avec un mouvement qui allait de ses lèvres à son cœur. Sol se souvenait des premières fois où elle avait guidé ses doigts pour qu'il puisse le dire en douceur. Et désormais, il n'avait plus tant besoin d'elle que pour être prunelle attentive et compagne des soirées hostiles.
Lorsque Sebastian lui avait donné son propre signe, elle en avait été émue. Le poing levé au-dessus de la tête, fermé sur tous ses espoirs sourds. Soleil. Solan. Solal. Sol. Elle avait tenté d'être digne, n'avait pas toujours réussi, mais elle chérissait ce souvenir autant qu'elle chérirait ce soir : dans la lumière pleine et radieuse des moments restants à cueillir.
Une poignée de minutes à peine avant qu'elle ne le vit arriver, tambourinante de ses sourires. Sa silhouette pressée et intense faisait crisser les gravillons, mais il ne pouvait guère l'entendre.
Elle se leva d'un geste vif pour accueillir l'ancien élève, bouche fendue pour saluer l'ami, nébuleuse au cœur délivré pour lui signifier sa joie brute.
Good evening, gentleman.
Elle signa, heureuse et sereine. Il y avait chaque fois ce frisson, cette joie lorsque ses mains bougeaient. Un langage secret et intime qui pouvait être juste à eux, le cryptage de leurs amitiés qui s'écrivaient à quatre bras.

Lun 14 Mar 2022 - 17:34

Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie

“On veut bien mourir mais pas souffrir
Le cœur est lourd et plein d'épines
On déplace les lignes pour ne pas les franchir
Il y a celui que je suis
Il y a celui que je voudrais être”

07 septembre 2019

Il n’est pas assez idiot pour ne pas comprendre qu’il est complètement dans le déni. Qu’il n’y a aucune autre raison pour se borner à aller tout seul à cet atelier, comme quelque chose de honteux, comme s’il priait pour qu’on ne l’y voit pas. Abraxas n’est pas un vrai sourd, c’est une situation temporaire. Un handicap mineur, le pot cassé d’une situation épineuse et d’une suite de choix malencontreux. Cléo sait qu’il y va, parce que son petit secret ne va pas si loin, mais il refuse qu’elle l’accompagne, parce que si elle l’accompagne ça deviendra vrai. Ça deviendra leur manière de communiquer. Lui, il n’a pas trop le choix, en attendant de trouver une solution, un nouveau deal, il entend que dalle alors ce sera sûrement plus simple pour se faire comprendre que de se trimballer constamment avec son petit tableau et son petit marqueur. C’est temporaire. C’est temporaire. C’est temporaire. Il ne peut quand même pas croire que plus jamais il n’entendra une note de musique, que plus jamais il entendra Cléo rire, ou l’accent de Faolan. Aïe. Il n’a pas réfléchi, ne s’est pas souvenu à quel point ça le fout en l’air de penser à san ami·e, san ancien·ne ami·e. Mais ça aussi il trouvera le moyen de le réparer, quand il aura récupéré tous les morceaux. C’est une question de temps.

Il n’est pas comme eux, il le sait, et ils doivent le sentir aussi, quelque part. Personne ne vient vers lui pour les exercices, alors c’est leur formatrice qui lui sourit et qui le prend en pitié. Il est prêt à argumenter, à dire à la fameuse Solal qu’il n’a pas besoin de partenaire, qu’il a compris ce qu’il fallait faire et qu’il va le faire. Mais c’est trop con, il sait pas le dire en langue des signes et ce serait trop long à écrire sur son panneau. Elle a un sourire à défaire tous les barrages, alors il cède. Il commence à épeler son nouveau prénom, il l’étrenne comme un nouveau pull qui lui va trop grand. Oh honey, I’ll never admit to it but I need much more than that.

16 avril 2021

She came in and she was like a shot of espresso.
She’s like being bathed in sunlight.
She’s incredibly energetic and enthusiastic.
And she had this sense of play and fun which was incredibly exciting.

C’est la douzième fois environ qu'il passe la vidéo en boucle sur son téléphone et qu’il a ce sourire mi-niais mi-moqueur. Il voudrait bien l’envoyer à Sol, mais elle a pas encore répondu à son dernier screenshot et de toute manière ils se voient dans quelques minutes, et en plus il est pas sûr d’assumer quand il la verra. Ils sont amis, mais quand Andrew Garfield parle d’Emma Stone dans ces mots-là, ces mots justes et vrais et forts, ils sont plus que ça. Ce serait trop dommage de se faire des idées et de tout gâcher ; ces derniers temps il essaie vraiment d’arrêter d’en faire sa spécialité.

Le sorcier en a marre d’être le calimero de toute cette histoire. Les miracles arrivent, les choses les plus belles et les plus improbables arrivent, malgré tous ses efforts pour faire n’importe quoi, et il n’en est pas assez reconnaissant. Alors aujourd’hui, il ne va pas encore pleurer sur son sort, il ne va pas accabler la pauvre Solal avec ses états d’âmes, il rangera au placard les éclairs et les démons d’orage. L’ironie de sa propre hypocrisie lui passe sous le nez, alors qu’il s’imagine préserver son amie alors qu’il se contente de fuir une nouvelle fois. Fuir les nuages intrusifs, les pensées ingrates et méfiantes et médiocres, les doutes, les questions, les tendances à l’apitoiement. Orpheus est vivant. Ça devrait être tout ce qui compte. Et si ça doit, alors ça sera. “Evening, sunshine” Un clin d'œil un peu pauvre, mais symbolique. Pour lui après tout, elle s’appelle comme ça. Ses doigts s’agitent pareil lorsqu’il parle d’elle et lorsqu’il parle du beau temps, ça veut bien dire quelque chose. “I’m starting to get desperate, I’ve been trying for months to arrive first so you don’t have to wait for me, but you must have a trick. No matter how early I am, you beat me to it.” Il la regarde, faussement soupçonneux par dessous ses cils. Peut-être qu’elle commence à le connaître un peu trop bien.

CODAGE PAR AMATIS

Sam 26 Mar 2022 - 23:16

Là où l’horizon a tremblé, j’ai dansé la pluie

Midnight sun

Ce que Sol appréciait le plus, quand elle parlait la langue des signes, c’est que sa bouche restait dispose pour sourire à tous les passants. Ses lèvres ne se mouvaient pas ; elles suivaient bien d’autres destins, des expressions, des rires muets qu’on ne pouvait lui distinguer que lorsque ses mains reprenaient.
Ce que Sol appréciait le plus, quand on parlait la langue des signes, c’est que les visages en face d’elle devenaient des peintures de songe. Les contrariétés se peignaient aussi sûrement que des tâches d’encre et les bonheurs se dessinaient comme des acryliques sur la peau.
Ce que Sol appréciait le plus, quand Xas parlait la langue des signes, c’est qu’il y avait souvent cet air d’émerveillement sur son visage, comme s’il était encore surpris de faire toujours partie du monde. Il était beaucoup plus jeune qu’elle, mais ce n’était plus un enfant. Elle s’était faite égyptologue pour déchiffrer ses hiéroglyphes, analyste de son visage pour y déceler les grandes joies.
Et les soucis, apparemment.
Il portait sa contrariété en étendard sur son visage, dans chacun des plis de son front et les ombres de ses regards. Un air un brin plus renfermé, un minuscule je-ne-sais-quoi qui donna envie à la blonde de l’enlacer entre ses bras. Solal n’en fit rien ; à la place, elle se rassit sur le banc, riant de ce faux désarroi que lui exprimait Abraxas.

Oh, this? Must be because I time travel. Did I not mention it?
Sol répondait avec malice, les yeux bleus pétillants d’un rire qu’elle espérait faire éclater. Il était de ces amis chers qu’elle ne voulait pas voir malades, à se morfondre sur un soupir ou à être trop nostalgiques. Elle se dit que son cœur battait un peu trop vite pour la saison, un peu trop vite pour la saison. Oscillante entre l’envie trouble de pouvoir aider son ami et celle d’ouvrir une fenêtre pour lui faire entrer la lumière, elle demeura quelques instants dans la douceur crépusculaire, ses gestes suspendus au vol comme des oiseaux désemparés.
Il s’était assis auprès d’elle, et Solal ne put que sourire face à la soirée à venir.
How was your day?
Et puis, sans laisser trop de temps.
What’s our plan for tonight? There’s this street art thing in Pontchartrain, we could grab some food and get there, or … you know, we could stay here. I don’t know. You tell me.
Ses doigts bougeaient dans la lumière, projetant leurs ombres magnanimes sur le visage de son ami qui ne semblait plus aussi gris. Ce que Sol appréciait le plus, lorsqu’elle parlait la langue des signes, c’était les yeux de Xas sur elle qui rendaient son sourire valide.
I’m just glad I get to spend some time with you. I feel like it’s been ages.

code by underratedboogeyman

Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie

“On veut bien mourir mais pas souffrir
Le cœur est lourd et plein d'épines
On déplace les lignes pour ne pas les franchir
Il y a celui que je suis
Il y a celui que je voudrais être”

Il fait trop beau pour le temps qu’il porte en lui, et elle est trop belle pour l’orage qui menace d’éclater.

Xas détourne le regard, range son téléphone dans la poche avant de sa veste. ”Wouldn’t surprise me if you did” il signe, taquin mais incertain, comme toujours lorsqu’il est confronté à la multitude de possibilités magiques de leur univers qu’il continue de découvrir jour après jour, sans parvenir à les aimer toutes. Le sorcier connaît peu de djinns, de toute manière il n’est pas vraiment le genre à aller les chercher, il sait que Sol est spéciale, particulière. Mais ne le serait-elle pas tout autant si elle était humaine ? ”Food’s fine by me, I’m in the mood for something quiet” il ajoute, pensif. ”I’m sorry that I haven’t been in touch, it’s been an… eventful couple of weeks” J’aimerais bien pouvoir t’en parler le cœur ouvert mais j’ai peur que ton sourire se ferme si je suis sincère. Il n’est même pas certain de pouvoir se le formuler à lui-même, de trouver les mots, de pouvoir les porter, former les idées avec ses mains pour les déposer dans celles de Sol et espérer qu’elle voie du bleu là où il ne voit que du gris.

Il se relève, époussetant inutilement son pantalon en tweed brun, et fait un geste en direction de leur rue, avant de reprendre. ”There’s a great Ethiopian down the road, how about we get something there and you can tell me about you for once?” Abraxas a souvent l’impression de recevoir beaucoup plus qu’il ne donne, de prendre de l’espace beaucoup plus qu’il ne s’efface. Il sait que Sol est son inverse parfaite, toujours prête à panser les blessures des autres et à s’oublier dans leurs déboires – et il aimerait pouvoir dire qu’il n’en a pas bénéficié mais ce serait mentir. Il veut faire mieux, pourtant. Il veut donner, lui aussi, parce qu’elle mérite un meilleur ami qu’il n’a été pour elle jusque-là, et que peut-être qu’arrêter de se prendre pour le centre du monde lui fera du bien aussi. Solal qui a tant vécu, Solal qui a tant saigné pour les gens comme lui. C’est le moins qu’il puisse faire, sans égoïsme, sans faussement se divertir de ce qui tambourine dans son crâne comme une litanie incessante. Orpheus. Orpheus. Orpheus. Fatidique foutoir et faux frère qu’il a été en foutant tout en l’air.

CODAGE PAR AMATIS

Âge : 229 ANS (21/06/1792) ☀ une vingtaine sur la face

Là où l’horizon a tremble, j’ai dansé la pluie

Midnight sun

Ça fait mal, d’aimer quelqu’un d’autre. Ça fait mal d’ouvrir des portes sur soi, de donner accès à son cœur, de pardonner dans un sourire. Ça fait mal, la plupart du temps, d’articuler les mauvais mots, de se parler sans se comprendre alors qu’on voudrait mieux s’entendre. Sol savait que ça faisait mal. A chaque malheureux qu’elle relevait, à chaque blessure qu’elle refermait, à chaque plaie qu’elle cautérisait. Elle savait qu’elle ne devait pas, qu’aimer chacun de toutes ses forces finirait par l’anéantir. Comme si un bout d’elle s’écrasait à chaque fois qu’elle croisait des yeux, une partie qui ne pouvait pas soigner sans les aimer un peu.
Ça faisait mal, d’aimer le monde. Le monde ne le lui rendait pas. Le monde balbutiait des excuses qui ne lui suffiraient jamais, pour les bleus et les meurtrissures qui fanaient ses cheveux dorés. Parfois, dans des nuits sans soleil, la djinn songeait qu’elle était folle, qu’elle aurait mieux fait de fermer les écoutilles de son partage et de cesser de croire en une vie où la justice serait partout. Parfois, dans des nuits sans sommeil, Sol Delacroix se demandait ce que ça faisait d’être égoïste. D’être capable de ne pas donner tout ce qu’elle avait à chaque passant, de voir le mal avant qu’il prenne un ascendant dans sa poitrine.
Elle ne savait pas.
Elle ne saurait jamais.
Wanna tell me about it ? signa-t-elle avant même que Xas ait fini de dire ses excuses.
Mais le sorcier se relevait sans articuler de réponse, et Sol eut un sourire fugace des maux qu’elle devinait à peine. Il y avait un poids sur son cœur, une ombre morne sur ses traits, et il en taisait la raison par pudeur, ou par peur peut-être.
Qu’importe. Elle soignait autrement, et se releva à son tour pour le dévisager encore.

Non, il ne voulait pas lui parler, n’en avait pas envie ce soir. Aussi fort qu’elle voulût tenter de le convaincre malgré tout, elle se contenta de se taire avec des mots flous sur les lèvres.
I was more thinking Lebanese, but Ethiopian sounds just perfect. articula-t-elle de ses doigts.
Tandis qu’ils se mettaient en marche, quittant le joli petit parc qui se vidait progressivement, la blonde passa l’un de ses bras sous celui, tremblant, d’Abraxas. Elle était là, s’il le souhaitait, et il faudrait bien qu’il le sache. Il était bien trop important pour se contenter de se taire, bien trop précieux pour que les nuages restent à obscurcir ses prunelles. Du coin de l’œil, elle le sonda, attendant qu’il prenne la parole.
Quelques dizaines de mètres plus loin, Solal reprit donc ses mouvements.
I thought about you, yesterday. I was reading this novel, and the main character was collecting famous people’s last words, and I kept wondering if those people knew, when they said it, that those words were their last words. I mean, I guess if they knew, they’d choose a meaningful and poetic phrase, and I wondered what my last words would be if I had to choose. Probably a Doctor Who quote, something like ‘hate is always foolish, and love is always wise’ which is…
Elle interrompit son monologue, réalisant avec tristesse que son sujet de conversation n’était sans doute pas le plus gai pour une journée déjà morose. De fait, le roman était triste ; elle ne pouvait pas décemment conseiller à son ami de le lire, ou de lui prêter. Sol prit un sourire un peu las.
Well, fit-elle dans un petit rire triste. We don’t have to talk about it. Were you working, today?
Ça faisait mal, d’aimer les gens, parce qu’elle songeait en permanence à tout ce qu’elle pouvait blesser, aux douleurs qu’elle infligeait trop, sans le vouloir, sans y penser. Alors Sol se cachait souvent, derrière des rires ou des sujets qui n’avaient aucune importance, pour dissimuler que ses peurs étaient aussi grandes que son cœur.
Mais avec Abraxas, souvent, tout ça paraissait moins fragile. Il était comme la couche de givre sur des brins d’herbe en fin d’automne, comme une nuée d’hirondelles brunes qui annonçaient d’autres printemps. Et, quand il était là, pour Sol, aimer devenait plus facile.

code by underratedboogeyman

Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie

“On veut bien mourir mais pas souffrir
Le cœur est lourd et plein d'épines
On déplace les lignes pour ne pas les franchir
Il y a celui que je suis
Il y a celui que je voudrais être”

C’est difficile de savoir à quel moment ça soulage les gens de prendre des décisions pour eux, et à quel moment on les écrabouille sous nos gros pieds. C’est une bête histoire de bouffe éthiopienne ou libanaise, mais finalement représentative de tout ce qu’Abraxas remet en question sur lui-même. Maintenant, c’est trop tard pour dire ‘non, non, faisons comme toi tu veux’, parce qu’après l’ambiance est bizarre, tout le monde est poli et courtois et on n’avance jamais. Mais le résultat est là : ils vont aller là où Xas a suggéré. En bon marionnettiste, il continue de contrôler tout son petit monde, qu’il s’agisse de chawarma ou d’autonomie du corps.

Le sorcier acquiesce imperceptiblement lorsque Sol mentionne les dernières paroles et l’ouvrage dont la réflexion est tirée. Il se demande soudainement ce qu’il dirait, lui. Probablement un truc à la con qui ne vaut pas trop la peine de réfléchir. Pour la djinn, cependant, c’était en plein dans le mille. “It does sound a lot like something you’d say” Elle rend une image de tendresse sans le moindre effort, une bonté qui lui vient naturellement – elle serait probablement mieux avec les deux pieds sur terre que sur ce piédestal sur lequel la place Abraxas, mais c’est difficile pour un pêcheur de ne pas adorer une étoile. “John Green, right? The novel?” fait-il alors qu’ils atteignent le coin de la rue. “Don’t look at me like that, I do read you know” continue-t-il avec un sourire malicieux devant la surprise qu’il devine sur le visage de Sol. Peut-être n’est-il pas le stéréotype du lecteur de John Green, mais le pouvoir de Looking for Alaska transcende genres, générations et galaxies. “The quote from that book that always stuck with me was ‘the only way out is through’, I can’t tell you how long I’ve spent thinking about it, what it means, etc. I read that ages only and I think only now am I beginning to come to terms with it.” Il se souvient de ces nuits à en discuter avec Flora, au chevet de Cléo, lorsque cette dernière est tombée malade et que l’espoir se faisait illusoire. Arrêter de se cacher, confronter sa peine, sentir les choses vraies et importantes au lieu de fuir sans cesse à la recherche d’une solution meilleure. Encore aujourd’hui, ses instincts le perdent dans le labyrinthe, par peur de faire ce qu’il faut pour en sortir. “I suppose you could have taught me that from the start though. I never had the courage to go through anything, but you do. Your bravery is one of the many things I admire about you.” Une moue timide retrousse les lèvres alors que sa main gauche retombe pour ouvrir la porte et laisser la djinn entrer dans le restaurant. Espérons qu’au moins, la nourriture soit à la hauteur, il se sentirait peut-être moins con d’avoir encore une fois imposé son choix. A moins que ça ne fasse que le conforter dans son idée d’être dans son bon droit.

CODAGE PAR AMATIS

Âge : 229 ANS (21/06/1792) ☀ une vingtaine sur la face

Là où l’horizon a tremble, j’ai chassé la pluie

Sol | Abraxas

Ils n’avaient pas besoin d’en parler, mais Abraxas parlait quand même. Il se coulait dans la discussion comme si elle était forgée pour lui, acceptait les bifurcations que la djinn regrettait déjà. Elle eut un air un peu surpris lorsqu’il évoqua le roman dont elle venait de lui parler, avant qu’un sourire n’apparaisse sur ses traits, sincère et troublé. Il l’avait lu, alors. Looking for Alaska et son idéalisation, son labyrinthe de l’existence, son grand Peut-Être, ses réflexions sur la condition mortelle qui avaient bouleversé Sol.
Sa quête n’était pas solitaire, puisque le sorcier tout près d’elle avait vécu les mêmes questions. Il s’en ouvrit avec une sincérité que l’on ne peut pas espérer demander au premier venu.
C’était ce qu’elle aimait, avec Abraxas : parler n’était pas compliqué. Les confidences se faisaient doucement, simplement, avec une tendresse indicible et un naturel désarmant. Combien de ces mêmes soirées avaient-ils passé tous les deux, les yeux plongés dans l’océan de ces points communs innombrables, s’amusant de leurs différences avec des scintillements ravis.
Aussi l’entendre ainsi parler, évoquer sans nulle honte ce livre dont il n’était pas vraiment cible procurait à l’immortelle cette joie profonde et immuable d’une amitié qui vient éclore.
Ils s’installèrent paisiblement ; l’endroit se montrait agréable, et les deux Surnaturels prirent place face à face autour d’une table si petite que leurs genoux s’effleuraient presque. Une fois leur menu du soir choisi et banalités échangées, Sol reprit la conversation comme si pas une seconde n’était passée, recousant d’un fil mordoré les heures qui voulaient s’éloigner.

I could say the same about you, Xas. signa-t-elle, son regard bleu nettement plus grave. Even after everything you went through, that whole mess with Flora and Cléophée, and Orpheus still in the coma … after all that, you’re still there. Still trying to give the world the best of you, unconditionally.
Dans un sourire, elle se demanda comment Xas avait été, avant. Quel avait été l’enfant brun qui jouait aux petites voitures sur le sol de San Francisco, l’adolescent maladroit qui avait sans doute essayé de lutter bien trop fort pour lui, le jeune adulte avec sa basse qui déménageait à Nashville. Comment Abraxas était-il, avant toutes ces épreuves arides que la vie, sans ménagement, lui avait lancé au visage ? Aurait-elle pu l’aimer autant, auraient-ils été des amis, s’ils s’étaient rencontrés plus tôt ?
Elle poursuivit d’un air serein.
Just because you cannot hear the world does not mean you are not listening to it. So, yeah, I think if one of us can be described as brave, it has to be you.
Il était courageux, Abraxas, dans cette volonté toujours prête à prendre la douleur des autres. Cette indignation contre la vie qui le poussait à rechercher, sans arrêt, d’autres solutions, quand toutes celles qu’on lui proposait ne paraissaient pas acceptables. Ce refus d’accepter un monde qui ne soit pas aussi beau que celui qu’il avait en tête.
Sourire sincère sur le visage, elle signa dans un regard doux.
I admit I might have a bit more of experience in some areas. But you do not need to be older to be one of the bravest persons I know.

The only way out of the labyrinth of suffering is to forgive

code by underratedboogeyman

Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun

Re: Là où l'horizon a tremblé, j'ai dansé la pluie. ☀ Midnight Sun