Genetics affairs [Caïn&Lily]

Genetics affairs

Science of radical change
(c'est CaLi)

Lily était éreintée par sa journée et elle serait bien rentrée chez elle si elle n’avait pas une première version de son article à rendre à son tuteur pour le lendemain. D’ailleurs en y pensant bien, quand on enlevait une lettre au mot tuteur, on voyait bien que ces gens étaient fait pour presser jusqu’à la moindre énergie de leurs étudiants. Et de l’énergie, elle en avait besoin en ce moment même pour tenir jusqu’à la fin du jour, elle qui ne supportait ni le goût, ni l’odeur du café. Elle venait actuellement de survivre à deux heures de cours que lui avait refilé par son tuteur, trop débordé pour les tenir lui-même cette année en lui expliquant que ce serait « sans aucun doute » bénéfique à sa formation, comme s’il essayait de s’en convaincre lui-même.

Lily avait vite compris les vraies raisons de cette cargaison si rapidement offerte : il s’agissait d’une option qui n’intéressait aucun étudiant (même pas ceux présents au vu de leur tête) et qui avait lieu en fin d’après-midi à l’heure où tout un chacun sortait boire un verre, le tout dans le plus petit amphithéâtre de la faculté qui était sans cesse imprégné d’une odeur de moisissure qui accrochait les vêtements et les cheveux pires que la fumée des cigarettes. Ainsi, après avoir cassé sa voix en deux heures de monologue et devant le peu d’attention de la salle, qui balançait entre bâillements et mâchouillages de chewing-gum (pour survivre à l’odeur de la salle sûrement), la doctorante avait permis aux étudiants de sortir cinq minutes en avance prise de pitié pour eux qui n’entendaient visiblement rien à la génétique. Ah, qu’elle aurait aimé avoir Kota dans sa salle ce jour-là pour avoir un soutien et une paire d’oreille attentive qui lui rappellerait que son cours était captivant pour ceux qui se donnaient la peine d’ouïr ses paroles.

A cet épuisement s’ajoutait l’abattement mental de ces derniers temps après les révélations de tortures sur êtres surnaturels et les émeutes qui avaient suivi cette annonce. Etait-on en proie de retomber dans une guerre civile ? Lily avait coupé les médias qui l’entouraient pour éviter aux informations alarmantes de tourner en rond dans sa tête. Elle n’avait pu totalement y échapper cependant, car des types plus nombreux et plus bizarres qu’à l’habitude étaient venus l’attendre à la sortie de son laboratoire de recherche après s’être vaguement renseigné sur ses recherches. Elle avait également été sollicitée par de multiples journalistes dont elle avait décliné les offres, avant de débrancher son téléphone professionnel et d’effacer les informations personnelles qu’on pouvait trouver à son sujet sur internet.

Le beau temps n’avait pas suffi à alléger sa fatigue et elle marchait maintenant à grands pas vers la bibliothèque où elle espérait se reposer à l’abri de tout regard. En entrant dans ce lieu d’histoire à l’odeur de vieux livres, elle se sentit déjà un peu mieux, pris un livre au hasard de la section génétique et s’installa à la première table un peu isolée qu’elle voyait. Elle prit un air perdu dans ses pensées, une main couvrant son menton et même sa bouche à la façon du penseur de Rodin, puisque c’est tout ce que ses talents d’actrice lui permettaient, et elle récita ainsi discrètement ses incantations pour se ressourcer.

Une ombre s’étala sur sa table et la priva du peu de soleil qui passait les étroites ouvertures du lieu. Un homme s’était rapproché en prenant soin de ne pas la surprendre, semblait-il et elle avait eu le temps d’arrêter ses extravagances incognito. Il avait une allure très noire et très chic qui détonnait du public habituel de la fac, lui donnait un air d’un autre temps, et pourtant ce n’était pas faute que les étudiant-es d’ici aient tenté divers styles vestimentaires pendant leurs années sur les bancs. Il faut dire que ses cheveux roux paraissaient toujours attirer l’attention de personnes plus ou moins fréquentables.

L’inconnu n’avait pas l’air trop effrayant pour un homme et paraissait plutôt charismatique, ce qui n’était pas difficile en comparaison des chercheurs qui s’approchaient plus de nerds. Il n’avait pas l’air d’être dans une approche de drague a priori et il faisait même mine de s’intéresser à son travail tout en entrant un peu plus dans sa zone de confort. Elle n’avait pu s’empêcher de hausser un sourcil légèrement agacé en entendant ce mot désuet de mademoiselle, qui renvoyait immédiatement la femme à son statut marital. Néanmoins, celui-là, elle avait bien envie de lui laisser une chance d’ouvrir la bouche. Juste avant d’émettre un son, elle remarqua le catalyseur noir à son doigt, d’une couleur différente de celui de Serena, et se dit que c’était bien sa veine d’attirer tous les dragons du coin en ce moment. Enfin, du moment que ses veines continuaient de fonctionner en circuit fermé, cela lui convenait bien à elle.

Elle se composa un gentil sourire et demanda d’un ton affable qui lui donnait l’impression de revêtir de nouveau sa fonction professorale :

Bonjour, heureuse que vous ayez eu vent de mes recherches cher damoiseau. Êtes-vous un admirateur ? Quelle est donc la raison de votre présence ? Que puis-je pour vous ?

Elle allait lui dire qu’elle avait du travail et ne pouvait lui consacrer que cinq minutes de son temps quand la description de cet homme lui rappela quelque chose. Son amie sorcière, en lui décrivant les différentes factions du monde surnaturel, avait parlé d’un chef humain de ce nom qui régentait l’Ordre éponyme. Mais que fait-il ici dans son université et qui plus est seul ? N’était-il pas censé se trouver à l’autre bout des US ? La soirée s’annonçait pleine de péripéties. Dans ses souvenirs, on l’avait mise en garde contre l’Ordre qui tentait d’instaurer la suprématie des dragons sur les êtres humains en réveillant la Dark Dragon. Et dans le contexte des actualités, cela faisait sens qu’elle attire l’attention malgré toutes les précautions qu’elle avait prises.

La prenait-il pour une des humaines qu’il méprisait ? Elle n’avait pas très envie d’entendre un ton condescendant après l’échec de son cours. Devait-elle le renseigner sur son identité surnaturelle ou ses recherches pour éviter tout risque ? Aurait-il l’audace de la faire enlever au milieu de la bibliothèque de son université dont le travail des vigiles laissait beaucoup à désirer ? L’attitude de l’homme semblait invalider cette dernière hypothèse, mais elle était décidée à ne pas se retrouver avec lui en dehors d’un espace public qui semblait pouvoir la protéger un peu de lui dans une certaine mesure. Si ses ami-es documentalistes n’étaient pas très loin, tout-es semblaient affairé-es et ne pourraient répondre à ses signes de détresse. Dans tous les cas, elle pourrait toujours gagner du temps en déblatérant sur ses recherches, un sujet sur lequel n’importe quel doctorant était intarissable.

Une fois qu’il aurait eu ses réponses, alors peut-être s’en irait-il. Autrement, il faudrait que ce soit du donnant-donnant. L’identité de l’homme n’était pas si problématique en vérité. En fait, d’un point de vue scientifique, il s’agissait même d’un spécimen passionnant : le seul humain de sa famille de dragon. Sa génétique draconienne était-elle peut-être en sommeil, enfermée dans sa double hélice qu’il pourrait sûrement transmettre à ses descendants. Autrement, il faudrait expliquer comment le brassage chromosomique de ses deux parents dragons avait pu s’avérer doublement récessif ou trouver la mutation génétique qui s’était opérée entre les deux générations. A travers le verre de ses lunettes, Lily voyait l’homme sous un œil nouveau et espérer sans trop y croire pouvoir récupérer une trace ADN de lui de quelque forme que ce fusse. Un cheveu, un poil ou une peau morte semblant pour le moment être les solutions les plus accessibles.

@Caïn Stonegold

Codage par Libella sur Graphiorum

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(c'est CaLi)

« Vous n'avez encore rien accompli qui mérite d'être admiré, Lily. »

L’onde de choc de ces mots était douloureuse. Lily n’avait jamais eu l’impression de n’avoir « rien accompli » jusque-là. C’était une bosseuse, elle s’était beaucoup documentée, elle avait fait des premiers tests sur des échantillons d’ADN trouvés par-ci par-là chez des connaissances ou des connaissances de connaissances avec plus ou moins de consentement au préalable. Le panel n’était certes pas gros, mais avec toute la connaissance qui existait sur l’ADN humaine, on pouvait déjà poser de fortes hypothèses dans ce domaine encore nouveau.

Et pourtant, une petite voix lui disait qu’elle était encore qu’une petite doctorante sous-payée qui peinait à faire publier ses premiers papiers, donnait des cours dont les autres profs ne voulaient pas, faisait des conférences dans une petite librairie de quartier méconnue. Elle ne voyait pas encore la fin de cette thèse, il faut dire qu’il lui restait encore tant à accomplir. Si seulement elle avait des larbins pour automatiser ses petites tâches ou plus d’échantillons ADN pour avoir des résultats plus fiables…

Face à ses problèmes financiers, Lily avait même réfléchi à prendre à deuxième job à la fac ou dans un bar le soir pour compléter ses fins de mois comme elle l’avait déjà fait plus tôt dans ses études. La thèse était censée la libérer financièrement, mais ça payait peu et le montant de travail l’empêcher de s’employer vraiment à autre chose. Elle avait donc dû retreindre son mode de vie : moins de bières avec les copains copines, moins de biscuits de quatre heure, moins d’herbes aromatiques dans sa cuisine, etc.

Toujours est-il qu’à choisir entre la technique de la carotte et du bâton, Caïn avait choisi d’utiliser les deux contre elle. Après la première tape douloureuse, il lui susurrait des mots doux. « Ne vous en faites pas, vous n'avez rien à craindre venant de moi. Comme je vous l'ai dis, je suis venu à votre rencontre car je suis intéressé ». Il se dressait en sauveur, dans le contre-jour qui l’auréolait d’un certain éclat, comme prêt à la rassurer. Mon estime de moi ne tenait-elle qu’à ça ? se demandait Lily. Mais plus que ça, ses mots l’intriguaient.

« Et ce n'est pas vous qui pouvez m'aider, pas dans un premier temps. »
Un poids s’enleva de mes épaules. Le grand Caïn ne venait donc pas pour elle ? Quel soulagement. Mais que lui voulait-il donc alors ? Toujours dans cet élan théâtral, il se rapprocha encore d’elle sur la table, ses yeux plongés dans les siens. Un regard d’un gris intense. C’était là le moment de sa proposition. Scotchée à ses yeux tout autant qu’aux sons qui sortaient de sa bouche, Lily semblait entendre ses rêves de recherche les plus chers pour la première fois dit à voix haute, se répandant sur cet air mélodieux, et ils apparaissaient si réels, si proches, à portée de main…

Elle dut cligner plusieurs fois des yeux. Que pouvait-on répondre à ce genre de proposition ? Dire non après la meilleure proposition de recherche qu’on lui ait faite ses dernières années ? Refuser ce qu’elle avait entendu été presque sacrilège, comment pouvait-on refuser pareille chose ? Mais encore fallait-il s’avoir à quel point la proposition était sincère et réalisable en pratique. Comment il comptait procéder en somme. Le tout sans montrer trop d’empressement. On ne savait jamais vraiment à quel genre de type on avait affaire. Et malgré tout son amour pour la recherche, Lily n’était pas encore prête à soumettre ses financements et ses recherches à la dépendance d’une sorte de… mafia ?

« Hum, je vois, cette proposition paraît plutôt avantageuse en effet. Mais j’aurais besoin d’avoir un peu plus d’éléments pratiques pour bien comprendre de quoi il retourne. De combien d’échantillons s’agirait-il par exemple ? Parlez-vous de centaines, de milliers d’individus surnaturels ?

Serait-il possible d’avoir des informations complémentaires sur ces individus comme la race de leurs ascendants et la nature de leur pouvoir, tout en conservant leur anonymat bien sûr ? Comment pourrais-je vérifier que les échantillons que vous me fournirez viendraient vraiment d’êtres surnaturels ? »

« L’idée me plaît, mais ça ne fait pas tout. Comment puis-je vous faire confiance et être sûre que je ne serais pas dépendante de vous ? Vous devez bien attendre quelque chose de moi en contrepartie ? »

@Caïn Stonegold

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(c'est CaLi !)

L’envoûtant Caïn discourait de ses grands mots tout en éludant la question scientifique, ou du moins en blablatant dessus tel un néophyte. Mais ses compétences sur la génétique surnaturelle intéressaient moins Lily que son argent. Après tout, elle pourrait bien résoudre l’aspect technique elle-même comme elle l’avait souvent fait (quand son tuteur notamment se révélait incompétent sur ce qui s’éloignait un petit peu de son sujet pointu). Et puis, elle commençait à l’apprécier pour son initiative. Elle avait envie de le connaître. Et aussi, elle aimait se sentir balancée par ces belles paroles qui lui étaient destinées à elle seule, comme pour flatter son égo. Peut-être avait-elle trop manqué d’attention dans son enfance au Texas où trop différente des siens, elle avait toujours été la bête de foire à part. Mais ça, c’était de la psychologie de comptoir.

« Je commence à penser que je vous apprécie bien et je comprends vos motivations pour mes recherches. Je crois que ce ne serait pas dans votre intérêt de me duper en effet. Et je vous suis très reconnaissante pour tous les moyens que vous vous proposez de mettre à ma disposition. Vos conditions me conviennent tout à fait, cela dépasse de loin ce dont je bénéficie ici à mon travail. »

Ce qui plaisait à Lily dans cette discussion… c’était peut-être son impression d’avoir le choix à ce stade de la discussion. On lui proposait un marché, lui posait des questions auxquelles elle pouvait répondre, toutefois, était-elle vraiment libre d’y répondre ?

A-t-on le choix quand on vit assommé par le travail au point de ne pouvoir penser très clairement et qu’on nous propose de l’argent alors que sous-payé on peine à finir les fins de mois ?

Passer d’une situation critique à une autre grandiose, elle n’avait plus osé en rêver depuis le début de sa thèse. Comment pouvait-on hésiter entre un retour anticipé au Texas chez ses parents faute de moyen et une indépendance économique sur le long terme à laquelle peu de femmes pouvaient vraiment rêver ? Lily rêvait d’un appartement à elle, pas un studio-taudis aux joints morts et aux punaises de lit, mais bien un spacieux espace sain. Elle souhaitait maintenant de toutes ses forces être à son propre compte et quitter son tuteur tyrannique (pour qui elle devait encore rendre son article pour le lendemain, alors que celui-ci ne lui répondrait pas avant un mois pour faire deux remarques non pertinentes après avoir lu son travail en diagonale sur son smartphone en prenant l’ascenseur de son building de cinquante étages). Plus que tout, elle désirait ardemment les deux semaines de vacances qu’elle méritait depuis trois ans. Oui, le privé avait plus rapporté que le public. Etait-ce vraiment un mal que de se laisser aller à la tentation ?

Non, Lily ne souhaitait pas avoir à se trouver un mec pour pouvoir payer son loyer. Très peu pour elle un homme sale qui lui demanderait des faveurs sexuelles et dont elle dépendrait économiquement. Être dépendante de Caïn dans un rapport de business recherche & développement lui paraissait ainsi une option bien plus favorable.

Alors pourquoi dire non à une telle proposition ?
Ah oui, l’éthique. Un grand mot, une valeur même pour certain. L’éthique devait-elle s’appliquer à tous et systématiquement ? N’avait-elle pas de bonnes raisons d’y déroger ? Surtout quand il s’agit de questions de survie économique et de bien-être.

A quoi cela rimait-il de parler d’éthique en plus ? En science, l’éthique scientifique est si bancale, elle dépend du regard de chacun, de mille paramètres plus ou moins connus, elle peut être biaisée de tant de manières selon les intérêts de chacun.

Alors oui, (1) l’éthique qu’on lui avait apprise lorsqu’elle était étudiante, c’était de suivre l’objectivité de ses données et de son travail. Lily était une bonne doctorante rigoureuse, mais effectivement, faute de matériels et de financement elle n’irait pas loin.
Sauf que par la suite, (2), on lui avait appris que l’objectivité n’existait pas, que tout était subjectif en ce monde et son point de vue le premier, qu’il fallait donc choisir en conscience et poser les limites de son point de vue. Bon d’accord, Lily choisissait donc la solution de Caïn en ayant conscience qu’elle aurait tout le nécessaire pour ses recherches, mais qu’aussi en contrepartie, elle serait entourée moins rigoureusement dans son travail.
Enfin en thèse, point (3), ses collègues lui avaient dit qu’elle devait avant tout penser à elle et à comment ses recherches pourraient lui être profitable, et lui avait conseillé non pas de choisir ce qui était juste, mais ce qui serait juste pour elle et ainsi le deviendrait à la face du monde sous sa caution scientifique. Lily pouvait ainsi franchement choisir la voie offerte par Caïn sans regret ou remord, penser au seul avenir qu’il lui était concrètement permis à l’heure actuelle et elle pourrait très bien réajuster le tout plus tard.

« J’apprécie avant tout l’honnêteté et j’espère ainsi que si nous sommes amenés à coopérer (attendons tout de même que le contrat soit signé), vous saurez toujours vous montrer franc et transparent. Ce sont des qualités que j’affectionne particulièrement. »

Ce qui la confortait dans ce choix qui s’affirmait davantage dans son esprit à mesure qu’elle réfléchissait, c’était les raisons qui l’avaient poussée vers le public. Le plaisir d’enseigner ? Elle détestait désormais ses étudiants ignares et désintéressés. Partager ses connaissances avec le grand public ? Elle pourrait toujours continuer à le faire dans le privé, bien que sans obligation, mais elle doutait de vouloir encore le faire aux vus des dernières actions du gouvernement contre les êtres surnaturels et les agressions répétées qu’elle recevait en conférence de la part des deux camps. Avoir un statut reconnu dans la société ? Plus le temps passé et plus elle pensait que l’argent parviendrait mieux à lui donner ce statut qu’un poste universitaire. L’argent, ça ferait plaisir à sa famille, c’était quelque chose que les gens comprenaient bien, ça créé un vrai rapport de force. Un statut universitaire, c’était à peu près intelligible par trois péquenauds de sa ville d’origine.

« Je crois que nous sommes liés tout deux dans la mesure où nous avons autant à apporter l’un à l’autre. Je vous crois capable de m’aider à faire carrière avec votre détermination et votre argent, autant que je pourrais vous aider par mes recherches très prometteuses qui pourraient influer sur l’avenir de notre société. A condition que ma dépendance à vous ne m’empêche pas de mener mes recherches à bien. Et je vous assure que mes recherches vont dans un sens qui vous intéresse. »

Elle reprit son souffle et plongea ses yeux au plus profond des siens pour lui témoigner de l’intensité et de la sincérité de son propos.

« Vous pouvez me certifier que vous m’aiderez toujours dans ce sens ? Que vous m’appuierez toujours dans mes recherches et que vous me protégerez des personnes qui pourraient me vouloir du mal ? On peut l’écrire dans un contrat bien que je doute que cela ait de l’importance pour vous. Un contrat peut toujours être rompu. Mais pour me rassurer, vous pourriez le jurer sur la tête de Dark Dragon et des membres de votre famille sûrement. Ce type de serment doit davantage vous parler je suppose. »

Et puis, risquait-elle vraiment quoique ce soit ? Dans ce rapport de force, Caïn était un simple humain, il ne pouvait que difficilement lui faire du mal. Quoi qu’il en soit, elle pourrait toujours se soigner à l’aide de ses pouvoirs. Et quand bien même il enverrait ses sous-fifres, Lily était prête à endurer. Elle avait ses amies pour la défendre, Kota, Serena, sa petite sorcière préférée. Et elle savait comment subir. Elle l’avait appris pendant des années dans sa famille : subir physiquement le travail ardu de la ferme, l’abrutissement mental qu’il produisait par des tâches répétitives et pénibles. Elle avait tenu à l’écoute de ces remarques rabaissantes constantes et de leur intolérance à sa propre personne tout en continuant à les aimer, car au Texas, rien ne peut briser une famille, l’amour familial passe avant tout quoi qu’il arrive. C’était sûrement suite à ces expériences que Lily avait développé ses talents de soin et sa magie liée aux énergies. Une question de survie. Et si Lily ne soignait à l’heure actuelle que les corps, elle ne doutait pas que cela ait aussi un effet sur les âmes. Comment on peut éclairer un esprit en y soustrayant la fatigue. Et assurément un jour, comment soigner des traumas.

A cette pensée, Lily se sentait pousser des ailes et se dit qu’elle pourrait très bien révéler à Caïn sa véritable nature, son identité cachée pendant tant d’années. N’avait-elle pas à y gagner ? Caïn lui permettrait d’en apprendre plus sur son identité et elle pourrait sûrement rencontrer d’autres sorciers. Elle avait en tête les phrases de sa seule amie sorcière qui la poussaient à intégrer un coven et à vraiment intégrer la communauté surnaturelle. N’était-ce pas là l’occasion parfaite ?

Dans une certaine mesure, l’idée de rejoindre un « gang » surnaturel ne dérangeait pas tant que ça  Lily et elle n’était pas en total désaccord avec les idées de l’Ordre. Même si elle rêvait d’un monde sans discrimination, elle ne pouvait nier la supériorité innée des surnaturels sur les êtres humains. N’était-il pas les mieux placés pour gouverner le monde plutôt que des humains craintifs ? Et après tout, ne gouvernaient-ils pas déjà le monde dans l’ombre?

« J’aimerais que nous fassions plus ample connaissance M. Stonegold. Et si nous allions boire un verre ? Je crois que l’université n’est pas un bon lieu pour parler de tout ça et je n’aimerais pas qu’un collègue glisse malencontreusement ses oreilles de notre côte. Je finirais mon article plus tard dans la nuit. Tâchons d’apprendre à nous connaître et de fêter notre future collaboration. Peut-être pourrais-je alors vous en apprendre plus sur les raisons de mon engagement scientifique. »

« Pour vous en donner un aperçu de mes intentions, j’ai choisi ce sujet de recherche par ambition et pour des raisons personnelles. Savoir si les surnaturels et les humains sont des espèces différentes et dans quelle mesure, appréhender comment inhiber certains gènes ou en exprimer d’autres qui n’auraient jamais dû permettre à un humain de retrouver ses origines dragons, c’est tout ça qui me passionne. »

Lily scrute méticuleusement le fond des pupilles de Caïn à la recherche d’un changement qui ferait mouche.

« Quand on répond à ces questions, je crois qu’on est vraiment à même de répondre à la question de qui est vraiment à même de diriger ce pays. De qui mérite d’être en haut de la hiérarchie sociale. Je veux être utile à la recherche si elle permet d’établir un ordre plus juste en ce monde. Je ne suis pas simplement une gentille scientifique, je suis aussi une jeune femme éclairée qui a pu s’extirper de sa famille de paysans texans par ses talents et qui tient à obtenir le statut qu’elle mérite. Je veux que chacun puisse renouer avec les racines de son talent, que ce soit un surnaturel isolé avec son milieu ou un humain qui n’a pas pu activer les gènes dont il avait hérité. Et je crois à ce titre que nous partageons des intérêts communs. »

A ces mots, Lily tend doucement ses mains vers Caïn comme pour lui donner quelque chose. Elle les tenait jointes depuis une minute déjà, un temps pendant lequel elle avait murmuré mécaniquement un jargon trop connu tout en buvant les paroles de Caïn. Elle ouvre ses paumes en signe d’offrande et souffle délicatement dessus en sa direction pour y pousser d’invisibles perles d’énergie pour lui apporter un peu de détente et de bien-être, un léger sourire malicieux esquissé en coin.

@Caïn Stonegold

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Ils traversèrent à grand pas le parc de l’Université en direction de la petite limo aux fenêtres teintées sous les airs interloqués des indigènes des lieux. Depuis quand chercheur et homme d’affaire fricotaient-ils ensemble ? Lily appréciait beaucoup ces regards envieux braqués sur elle qui regonflaient un peu son égo (du moins, c’est comme ça qu’elle les interprétait). Elle était dans une de ses journées où il est bienvenu de se faire mousser, d’avoir un peu de considération, voire d’être traitée comme une princesse en bénéficiant de privilèges auxquels ont rarement droit les rats de bibliothèques. Elle ne se sentait pas mal de recevoir ces nouveaux privilèges, pour elle, il était mérité et n’avaient pas à être questionné (bye bye la déontologie). Traîner avec le banquier était une étape nécessaire à son parcours, elle qui avait déjà fui le monde rural, son travail répétitif et son ignorance. Il était peut-être bien un signe du destin, il venait en cet instant répondre à ses besoins de protection et de richesse qui était précieux par les temps qui courent.

La walk of fame achevée, la grande rousse s’installa tranquillement dans la voiture et demanda à ce qu’on les dirige vers The Diamond Hotel. C’était un des bars les plus branchés de la ville et bien qu’elle n’y ait jamais mis les pieds, elle ne doutait pas qu’ils trouveraient l’endroit à leur goût. Et puis, c’était moins sordide que le cabaret de Roméo (qu’elle avait pourtant trouvé très à son goût quelques mois plus tôt). Bon, Lily n’avait sûrement pas la tenue adéquate pour ce genre d’endroit, mais elle ne doutait pas que la simple présence de ses attributs et du banquier suffisent à la faire rentrer sans problème.

Ils s’installèrent à une table dans une pièce un peu en retrait à la manière des VIPs, de façon à se retrouver isolée des autres êtres vivants qu’il n’était pas convenant de mêler à leurs manigances. Ils commandèrent des cocktails aux noms russes qui leur donnaient l’impression de voyager dans des lieux lointains fabuleux, ou à défaut, de vagabonder dans les effluves d’alcool de leur existence. Même si Lily avait appris à être quelque peu légaliste dans la vie (pour affronter les tourments de l’administration notamment), un contrat aujourd’hui ne suffirait pas à la rassurer, elle avait besoin de confiance. Ce que l’alcool semblait parfois faciliter dans la mesure où il détendait et tapait sur les cerveaux les plus résistants. Que Mr. Stonegold trouve insignifiant de jurer soit, mais elle espérait bien qu’il se confierait lui-même. Et pour cela, elle était prête à exposer ses fragilités la première.

« Et si nous trinquions enfin à cette nouvelle collaboration ? »

Un grand écran déroulant, une technologie pourtant oubliée depuis longtemps, émettait un léger son parasite depuis son encastrement dans le mur. Lily vida son premier verre d’un coup, pour le plaisir d’en commander un autre. Il lui fallait bien une dose liquide de courage pour raconter des histoires un tant soit peu personnelles.

« Pour en revenir aux motivations de ma recherche, il faut revenir à mon parcours de petite paysanne des loin Etats ruraux. Une vie sans intérêt, insignifiante, entouré de beaucoup d’humains ignorants. Dans ma famille, on était humains de génération en génération et ça n’avait jamais été une question. Mes parents ont même été les premiers à sortir les armes quand la guerre s’est déclarée pendant mes frères et moi nous terrions sous terre. Pourtant vous savez quoi ? Certains jours, j’avais moins peur de la guerre que tu sors qu’ils me réserveraient s’ils découvraient que j’étais une sorcière. »

Le deuxième verre arriva et Lily laissa sa main s’amuser à faire de petits ronds lents avec sa cuillère à cocktail.

« Bref, je m’étais toujours sentie un peu spéciale et pas à ma place là-bas. J’aime beaucoup ma famille, mais qu’est-ce qu’ils peuvent être intolérants et excessifs… Donc j’ai bossé comme une dingue pour mettre un peu d’argent de côté et toucher la bourse et je suis arrivée ici, à l’autre bout du pays. J’ai continué à faire profil bas comme je l’avais toujours fait, mais avec mon sujet de recherches et les émeutes récentes, ce n’est plus vraiment comme si c’était possible. »

« Mais ce n’est pas le plus important. J’ai toujours été une grande défenseuse de l’égalité et de la tolérance. J’ai toujours souhaité qu’on soit traité en égaux et le gouvernement actuel rend tout ça impossible. On est marginalisés, traités comme des monstres… Alors que physiquement les êtres humains ne font pas le poids, on l’a bien vu lors de la dernière guerre. Et mes années à travailler la génétique montre bien que même si on possède des gènes très proches, ce qui nous donne notamment des apparences physiques similaires, ces gènes se superposent pour créer des capacités hors du commun. Si on arrivait à contrôler tout ça… on pourrait aussi bien donner des pouvoirs aux humains, en retirer aux surnaturels délinquants que créer de nouveaux pouvoirs tout à fait différents. Mais bon, ça ça prendra sûrement des décennies. Bref, tout me porte à croire que si les humains veulent imposer leur fonctionnement sans nous prendre en compte, alors on peut très bien nous aussi porter notre propre contre-proposition politique ».

Le son du téléviseur se faisait plus fort et la retransmission d’un discours du gouvernement apparut à l’écran. Pour Lily qui s’était coupée du monde le temps de quelques jours ou peut-être quelques semaines maintenant sentie qu’il y a quelque chose d’important qui se jouait là. Elle fait signe à Stonegold de regarder lui aussi l’écran. Tout deux regardaient en silence.

« Vous avez vu… ça ? » demanda-t-elle pour mettre fin à la gêne.

Ses yeux étaient habités par la peur. Elle sentit l’alcool lui monter à la tête, lui donner comme une sensation de vertige. N’était-elle pas en train d’halluciner ? Elle craignait pour sa sécurité, elle ne voulait pas que son identité soit étalée en place publique.

@Caïn Stonegold

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La proposition.

Lily était un peu sonnée par les nouvelles télévisées, comme absorbée dans la torpeur des images. Reconnecter au monde réel n’avait jamais été facile pour la souris de laboratoire et encore moins quand elle avait l’impression que la Terre ne tournait plus rond... Les événements se bousculaient à une vitesse qui semblait défier les lois de la physique, ou à défaut, celles du pauvre cerveau de Lily qui essayait désespérément de digérer toute cette information.

« Eh bien, cela donne effectivement une nouvelle perspective à mes recherches » réussit-elle à articuler.

Les infos à la télé, le discours de Caïn la reprenant mot pour mot, son argumentaire appelant à se tourner vers l’action tout de suite et maintenant suivant l’énergie du moment... Lily avait toujours apprécié ces beaux discours, elle croyait en l’honnêteté de son prochain, avait l’amour des bons mots et un caractère plutôt influençable. Elle avait souvent du mal à discerner le vrai du faux, le bien du mal, mais elle n’en restait pas moins méfiante.

Sûrement avait-elle dit oui trop vite à la proposition et qu’elle n’en comprenait pas encore tous les enjeux. Comment une offre alléchante et adaptée à ses besoins pouvait-elle être une arnaque ? Cet individu qui lui payait des coups pouvait-il bien chercher autres choses qu’une belle collaboration sincère ? S’il la pressait, c’est bien qu’il avait peur qu’elle change d’avis ou que sa proposition n’était pas si clean que ça. Elle aurait dû se douter que ceux qui ont hérité ou bâti des empires dorés l’ont souvent fait en marchant sur les autres.

On voulait la présenter comme une héroïne des temps modernes, la sauveuse des êtres surnaturels discriminés. Mais Lily n’est qu’une goutte d’eau au milieu des US et elle se sentait dépassée par les événements. Il fallait bien quelqu’un pour redonner espoir dans la tempête, pour montrer le chemin vers l’égalité des êtres et leur rendre leur liberté de choix, leur proposer une alternative à toutes ces absurdités. Elle pouvait y participer certes, si elle en trouvait la force. Rien ne paraissait moins sûr. Elle n’était pas de ceux qui se sentent galvaniser par la difficulté et préférait en général se faire discrète et disparaître dans des moments comme celui-là.

Ainsi, quand le contrat tomba sur la table après le discours de Caïn, presque sans transition, Lily se sentit très mal à l’aise. Il ne voulait pas perdre de temps, il n’y avait pas de temps à perdre, chaque seconde vers le stylo semblait durer une éternité.

Mettre la machine en marche, disait-il ? Tout donnait à croire qu’elle ne pourrait plus faire machine arrière.

Elle prit le stylo Montblanc et signa. Fît taire son esprit en ébullition. Il fallait espérer que demain serait un meilleur jour.


L’amitié ?

En rentrant chez elle, Lily pensa au lendemain. Tout le monde irait se faire recenser mais pas Lily, ce n’était pas possible. Pour autant, elle était incapable de vivre isolée, au ban de la société, et c’est bien pour ça qu’elle avait accepté l’offre de Caïn. Tout ce qu’elle ne pouvait pas expliquer à sa famille, ses collègues sur son identité, elle en payait là le tribut. Et il faudrait bien qu’elle explique à ses nouvelles amies qu’elle avait accepté une offre aussi alléchante qu’insensée parce qu’elle se sentait désespérée.

Elle avait besoin de ce contact social, de cette attention… La situation compromettait de fait la plupart de ses relations et l’offre de Caïn avait au moins l’avantage  de lui proposer un futur et peut-être d’aider la jeune désaffiliée à tisser de nouveaux liens.

Elle se doutait bien que ses nouveaux amis n’allaient pas apprécier la nouvelle, mais l’amitié véritable n’est-elle pas censée comprendre ces situations de fragilité et d’entre-deux où chacun n’a pas toujours le choix ?

Quoiqu’il arrive, Lily ne resterait pas risquer sa vie au nom de l’amitié. Peut-être pourrait-elle toujours leur envoyer des messages malgré la distance ? Elles savaient bien que ses amies surnaturelles ne suivraient pas l’ordre quoi qu’il arrive, et dans le cas de Dakota, elle n’était même pas en danger, comment pourrait-elle comprendre ?

Pourrait-elle toutefois un jour revenir sur sa décision ? Rien n’était si sûr, mais elle préférait garder une lueur d’espoir.

Avait-elle seulement besoin d’annoncer la nouvelle à ses amis ?


Préparer son avenir.

Dans le bar avec Caïn, le contrat et le stylo, alors que le choix était déjà fait, Lily se demandait pourquoi retarder l’irrémédiable.

Elle demanda toutefois des garanties. Lui expliqua qu’elle ne pourrait pas se faire recenser, qu’il lui faudrait un lieu sécurité et des gens à proximité pour la défendre.

Elle lui dit que dans l’idéal, elle aimerait bien rester à la NO. Qu’elle pourrait s’installer ici, dans cet hôtel chaleureux qui était déjà à son nom d’une certaine façon. Un hôtel, c’était chic et  ça ferait une bonne planque pour installer des bureaux en sous-terrain. Pour un homme tel que lui, ça ne devait pas être bien difficile d’acheter un bâtiment comme celui-là.

Elle demanda aussi si Caïn pourrait lui produire un faux certificat de recensement pour faire illusion devant la police, ou au moins devant ses parents, ses anciens collègues et certains de ses amis qui ne savaient pas qu’elle était une surnaturelle.

Elle lui posa quelques questions aussi sur les fameux privilèges de l’ordre. Puis, elle continua de noyer son chagrin dans l’alcool et ses pensées devinrent floues.

@Caïn Stonegold

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