ASTRAEA II 屮 i didn't tell you i was scared

La chambre est familière. Elle n’aurait jamais cru dire ça d’une chambre d’hôpital. Elles se ressemblent toutes dans tous les hôpitaux du monde entier et aucun n’a rien à envier aux autres. Un lit, des machines qui bipent, des fauteuils usés par les années. Ce qui change souvent, c’est les protagonistes. Il y a toujours un malade et toujours des proches inquiets. Il y a des sourires de soulagement et des larmes de tristesse. Il y a des maladies et des guérisons, des condamnations et des miracles. Toutes les chambres d’hôpital sont les mêmes mais celle-ci est familière, celle-ci est celle d’Orpheus. Ils n’étaient plus venus depuis longtemps. C’était trop dur pour Xas et pour elle aussi. A quoi bon traverser le pays pour se trouver face à un corps inanimé et devoir prétendre devant ses parents d’être la fiancée de leur fil. Devoir les écouter parler de Cléophée à Flora, la traiter comme si elle était leur fille, mais pas tout à fait. C’était douloureux, ça les tirait vers un passé qu’ils avaient tenté d’oublier en fuyant à l’autre bout du pays. Personne ne leur reprochait vraiment.

Pourtant ils avaient sauté dans le premier portail il y a quelques jours de ça, quand la nouvelle est tombée. C’est maman qui a appelé Abraxas, la voix tremblante pour annoncer que Orpheus était réveillée. C’est Cléo qui avait du prendre l’appareil pour lui demander de répéter, qu’ils n’étaient pas surs d’avoir compris, est-ce qu’ils étaient sûrs ? Ils étaient partis en laissant tout en plan, une tomate à moitié coupée sur le plan de travail. Leur salade attendrait, leur grand frère était réveillé. Mais la douche avait été froide. Plus pour Abraxas que pour elle. Elle avait l’habitude de passer pour une étrangère, qu’on soit incapable de mettre son vrai prénom sur ce visage qui n’était pas le sien. Pour son frère, c’était la première fois. La plus douloureuse de toute en plus, quand elle vient d’un être qu’on a aimé depuis toujours. Elle avait vu dans son regard qu’il avait rarement autant souffert. Seulement quand il avait cru la perdre et elle aurait tout donné pour ne jamais avoir à revoir ça.

Aujourd’hui, ils revenaient pour retenter leur chance. Ou simplement pour le revoir. Ils ne pouvaient plus l’ignorer, se cacher à la Nouvelle Orléans. Ils ne pouvaient plus prétendre que c’était trop dur de le regarder inanimé. Il était là, dans sa chambre, celle qu’ils ne connaissaient que trop bien, les yeux ouverts à les regarder comme deux étrangers dont il aurait voulu se rappeler. Cléo s’était assise rapidement en arrivant et depuis, son regard était planté sur lui. Elle ne savait pas comment agir, comment se comporter. Ils étaient deux êtres parfaitement liés cachés dans le corps de deux parfaits inconnus. Ca ne devait pas être plus simple pour Xas, mais elle n’arrivait pas à détacher son regard pour s’en assurer. Abraxas lui donne un verre d’eau et elle le fixe en avaler chaque goutte. Il y a longtemps qu’elle n’a pas été entourée de ses deux frères, mais elle n’aurait jamais cru que ça pourrait un jour être si difficile.

Il n’y a qu’elle qui peut réellement parler, dans cette pièce. Les infirmières les ont prévenus de ne pas s’attendre à de grands discours. Ca rend le silence encore plus pesant, ça pose une pression supplémentaire sur ses épaules. Elle a l’impression d’être une interprète présente pour faciliter le dialogue entre les deux frères, sans avoir son propre mot à dire. « Comment … Comment tu te sens ? » Elle demande bêtement, parce que c’est la seule question complètement con qu’elle arrive à prononcer. « Tu as l’air mieux que la dernière fois, ça nous fait plaisir de te voir. » Elle sourit comme elle peut, jette enfin un regard à Xas. « Ton frère avait hâte de revenir. » Moi aussi j’avais hâte, moi ta sœur. Mais c’est plus simple comme ça.