Au bon endroit, au mauvais moment. ⦿ Erebos & Shoshana

Erebos & Shoshana

Here we are as in olden days, happy golden days of yore. Faithful friends who are dear to us gather near to us once more.

La musique résonne dans le grand salon alors que la gorgone s’affaire à emballer les derniers cadeaux en date. Noël est dans quelques jours et cette année, c’est dans son foyer que se déroulera la fête. Ce moment de convivialité et de partage lui a toujours été cher et son amour pour l’ambiance si particulière qui vibre durant le mois de Décembre a toujours fait pour elle de cette période un moment agréable, de ceux qu’elle aimerait voir durer le plus longtemps possible. Elle imaginait déjà la grande famille rassemblée dans cette même pièce, élégant, souriant, heureux. Les cadeaux soigneusement emballés déposés au pied du grand sapin décoré avec gout, l’odeur de la cannelle et de la dinde aux marrons. Même les discussions un peu plus échauffées lui donnaient envie, car elles faisaient partie du jeu, quand on voulait rassembler tout le monde. Oui Noël serait un moment joyeux. Malgré les différences, malgré l’actualité, malgré tout ce qui pourrait l’abimer, elle s’en donnait la mission.

Et celle-ci commençait par des cadeaux choisis avec soins et emballés dans la même veine. Aussi, elle disparait presque sous les montagnes de papiers colorés, rubans et autres nœuds à paillettes qui s’accumulent sur la grande table du salon. Mais la tâche ne lui fait pas peur. L’avant Noël contribuait tout autant à la magie que le jour j. Elle aimait prendre le temps d’enrober chaque cadeau du meilleur papier, elle s’appliquait à ce qu’ils soient tous différents, soignés et vifs. Et elle imaginait toujours la réaction du destinataire quand viendrait le moment de déchirer follement l’emballage. Est-ce que Holly trouverait son compte avec cette robe délicate ? Ezra serait-il heureux de ces nouvelles partitions ? Parmi tous les cadeaux, elle voyait les passions, envies et plaisir des êtres qui lui étaient le plus cher, et elle ne pouvait s’empêcher de se sentir heureuse. Sur un coin de la table traine une boite de chocolat et de temps en temps, elle en picore un pour se donner de la force, fredonnant plus ou moins fort l’air diffusé dans la pièce, complètement inattentive au monde extérieur. A cet instant ne compte que ce moment de détente, de préparation et d’oubli.

Perdue dans ses pensées et sa tâche, elle n’entend d’abord pas la sonnette qui lui semble bien étrangère. Mais le bruit familier finit par faire son chemin dans son esprit. Pourtant elle n’attend personne. La maison est vide, elle est seule et aucun invité n’est censé venir la rejoindre. Peu pressée, elle se dirige néanmoins vers la grande porte d’entrée. Peut-être s’agit-il d’une chorale de Noël ou d’une livraison de cadeaux de dernière minute, qui sait. D’un geste délicat, elle ouvre pour se retrouver face à son neveu qui un instant semble presque aussi surpris qu’elle de la voir. Pourtant un sourire agréable se dessine sur le visage de la gorgone, car elle est toujours heureuse de le voir, malgré tout. « Bonsoir ma tante » Il finit par lui dire, semblant chercher quelque chose du regard, comme perdu par la situation qu’il vient de créer. Elle veut lui répondre, mais il reprend d’une voix mal assurée. « Je … Noël … » La gorgone fronce légèrement les sourcils, pas tout à fait sure de comprendre ce que Erebos fait sur le pas de sa porte.

La tête baissée et penaude de son neveu lui fend néanmoins le cœur. Elle qui l’a toujours aimé comme son propre fils, sait à quel point les choses sont difficiles pour lui, souvent. Si leur relation s’étiole avec le temps et qu’elle ne sait pas toujours comment l’aborder, elle souffre toujours de le voir malheureux, aux prises avec les conflits internes qui semblent se dérouler en permanence dans son esprit. Alors, pour tenter de l’aider, elle se rapproche de lui et le serre un instant dans ses bras avant d’ajouter. « Bonjour toi. Je ne t’attendais pas, excuse-moi, mais quelle belle surprise, je suis contente de te voir. » Elle glisse ses yeux dans les siens, garde une main sur son avant-bras pour lui faire comprendre que tout va bien, il n’a pas besoin de s’inquiéter. « Tu viens pour m’aider avec les cadeaux ? J’étais en plein emballage, je ne dis pas non à l’aide d’un petit lutin supplémentaire, plaisante-t-elle. Après tout Noël est dans trois jours, il faut s’activer. » Et, serrant légèrement sa main toujours posé sur lui, elle fait un signe vers l’intérieur de la maison. « Viens entre, ne reste pas là. » Elle dit, avant de se décaler pour le laisser passer.

Erebos & Shoshana

Here we are as in olden days, happy golden days of yore. Faithful friends who are dear to us gather near to us once more.

La vie avait parfois une drôle de façon de séparer les gens. Quand elle avait connu son neveu, Erebos était un petit garçon attachant, pas le genre à être le plus fort ou le plus bruyant, il portait déjà en lui le mal qui le rongerait durant des années, mais il rayonnait quand même. La gorgone s’était rapidement attachée à lui. Il lui rappelait Alaya qu’elle avait récemment perdu, ou du moins, qu’elle ne pouvait plus voir comme elle le souhaitait. Holly et Ezra n’étaient pas nés, et Alaska et Erebos peuplaient les jardins du domaine, avec Caïn, évidemment. A l’époque personne n’aurait imaginé que des années plus tard, ce petit trio aurait implosé. Personne n’aurait pu le prévoir car ils ressemblaient simplement à une bande de cousins comme il en existe tant. Chacun avec leurs particularités mais semblant pourtant faire partie d’un grand tout uniforme et indestructible. Les cousins, les enfants, la famille. Erebos était plus discret, plus mal à l’aise peut-être, mais Shoshana l’avait aimé dès le début, avait construit un lien avec lui qu’elle pensait voir traverser les ans. Quand ses enfants à elle étaient nés, elle avait rapidement ressenti la connexion qui lierait tout particulièrement Ezra et son grand cousin. Des liens que l’on ne choisit mais qui nous apporte tant. Elle les avait toujours couvés d’un regard amusé, fière de voir son petit bout de chou marcher avec admiration et tendresse dans les pas de son ainé. Elle avait fermé les yeux comme toutes les mères quand ils tentaient de faire des bêtises plus grosses qu’eux derrière son dos, avait haussé le ton de la voix quand certaines limites avaient été dépassées, retenant un sourire attendri devant la complicité et l’innocence de l’enfance. Oui Erebos avait toujours fait partie de sa vie, mais elle savait que cette connexion avait glissé de leurs doigts, doucement, subtilement, à l’adolescence puis à l’âge adulte. Erebos avait mené des batailles qu’elle n’avait pu observer que de l’extérieur et le lien si évident qui existait jadis était aujourd’hui plus compliqué à exprimer.

Pourtant la gorgone souhaitait à tout prix faire comprendre à son neveu que ce changement n’avait pas lieu d’être. Elle essayait par des tentatives discrètes, se contentant souvent de peu, mais c’était suffisant pour qu’elle puisse se dire que tout n’était pas perdu. Erebos tenait encore à elle, elle le savait bien, il avait simplement du mal à l’exprimer parfois, une peur incompréhensible de le dire ou de le montrer, une inquiétude que tout ne soit qu’à sens unique. Alors elle s’efforçait de faire le lien, inlassablement. En le trouvant sur le pas de porte, elle se laisse imaginer que ses efforts ont enfin payé. Que son neveu, par simple envie de passer un peu de temps avec elle, est venu toquer à sa porte. Car c’est comme ça qu’elle imagine la famille. Des gens qui n’ont pas besoin d’être invités pour passer à l’occasion. Des gens qui n’ont pas besoin de formes ou de conventions sociales pour passer du temps ensemble. Simplement des gens qui tiennent les uns aux autres et qui veulent se voir pour le plaisir de se voir. Peut-être l’esprit des fêtes est-il rentré dans la tête de son neveu, faisant remonter à la surface des souvenirs enfouis lui donnant envie de retenter de lui faire une confiance aveugle comme quand elle le portait à bout de bras pour le faire tournoyer dans les jardins du domaine. Mais en le voyant regarder la vieille montre Mickey qu’il traine depuis de nombreuses années, elle comprend que la visite n’est en réalité dû qu’à un simple hasard de dates. L’air étonné du jeune sorcier, sa question sur la date du jour finissent de planter le décor dans l’esprit de Shoshana, qui sent une petite vague de déception se former au fond de son ventre.

Elle la chasse néanmoins rapidement en lui répondant d’une voix amusée. « J’espère que le Père Noël t’apportera une nouvelle montre, tu traines celle-là depuis trop longtemps, nous ne sommes que le 22 mon grand. » Peu importe finalement s’il n’est pas venu spécialement pour la voir, s’il s’attendait à trouver la famille entièrement réunie. L’important est qu’il est présent maintenant et qu’elle peut profiter de cet instant avec lui. Elle le regarde frapper dans ses mains, tout joyeux à l’annonce de la nouvelle et rit de bon cœur avec lui. « Alors, oui, je veux bien t’aider avec les cadeaux ! » Par chance elle se dit que ses cadeaux à lui sont déjà emballés et lui fait signe de la suivre dans le salon où elle se trouvait quelques minutes auparavant. La table est encore couverte de boites et de paquets en tout genre, ce qui fait soupirer légèrement la gorgone. Un peu d’aide tombe finalement plutôt bien. Se tournant vers Erebos elle plaisante. « Bon. Comme tu le vois il y a pas mal de boulot. Est-ce que tu veux boire quelque chose avant de t’y mettre ? Manger quelque chose ? J’ai quelques bonhommes en pain d’épice qui ont perdu des petites parties de leurs membres et qui n’auront pas le droit d’être sur la table du 25. » Elle secoue la tête en repensant à sa fournée ratée de la veille, vraiment peu digne de sa réputation d’hôte exemplaire. « Mais bien sur c’est juste si tu me promets d’être encore efficace après. » Distraitement elle reprend un bout de scotch qu’elle avait laissé là avant d’aller lui ouvrir et termine un gros paquet à pois, ponctuant sa remarque d’un petit clin d’œil complice.

Erebos & Shoshana

Here we are as in olden days, happy golden days of yore. Faithful friends who are dear to us gather near to us once more.

Elle se montre la plus naturelle possible mais a peur de faire quelque chose qui ferait regretter à Erebos de se retrouver par hasard seul avec elle. Il n’y a rien de surprenant dans cette scène mêlant une tante et son neveu, innocemment réunis autour d’une table remplie des cadeaux qui dans quelques jours apporteraient sourires et joies aux autres membres de leur famille. N’importe qui passant innocemment une tête par l’embrasure de la porte, ne verrait là qu’une scène familiale classique, parmi tant d’autres. Mais les dernières années passées à s’éloigner avaient appris à la gorgone à se méfier et à ne pas prendre pour acquise la relation qu’elle tentait de réparer morceaux par morceaux à chaque rencontre avec Erebos. Elle n’était pas pressée, cela prendrait le temps qu’il faudrait au sorcier pour lui faire à nouveau confiance totalement. Mais elle espérait si fort que ce moment croise un jour leur route à tous les deux, qu’elle ne souhaitait pas tout gâcher avec une parole mal interprétée ou un sourcil levé de la mauvaise façon. Pour l’instant en tout cas, elle ne semble pas avoir touché de corde sensible, tandis que son neveu s’esclaffe au milieu du salon. « C’est drôle comme tu dis ça, ma tante. Je suis en train de t’imaginer avec une pince à épiler en train d’arracher les membres de petits bonhommes en pain d’épice. » Shoshana n’est pas sûre de ce qui fait le plus rire Erebos dans cette vision, mais le rire du jeune homme semble être communicatif car elle le mêle au sien. Quand il rit, Erebos retrouve rapidement les traits et l’attitude d’un enfant. Insouciant, pur, naturel. Un rire qui ne se cache pas, ne s’excuse pas d’être particulier ou de s’exprimer. Il rit avec lui-même, pour lui-même et peu importe si les autres le suive finalement, l’important pour lui semble être de simplement le laisser s’exprimer. En le voyant ainsi, Shoshana voit des flashs de son enfance et la vision lui réchauffe le cœur. Peut-être que la magie de Noël s’exprime, mais retrouver le petit garçon qu’elle a tant aimé la rend instantanément heureuse.

Puis le rire s’arrête et le sorcier semble se concentrer avec la plus grande attention pour prendre une décision sur la bonne boisson à demander. Pendant qu’il réfléchit, Shoshana attrape un nouveau cadeau et l’enveloppe d’une main délicate dans un papier rouge vif orné de dessins dorés. « … est-ce-que tu aurais du lait à la fraise, comme quand on était petits avec Ez’ ? Pour tremper les bonhommes dedans ? … s’il te plaît ? » Elle relève la tête face à ce souvenir commun et lui sourit. Bien sur qu’elle avait toujours du lait à la fraise. Pas que ses enfants en consommaient encore beaucoup, mais c’était devenu une sorte de tradition, d’en avoir toujours une brique au frigo, pour les bonnes occasions. « Ça m’a l’air d’être le choix idéal. Ne bouge pas, je reviens. » Et, après avoir ajouté un dernier bout de scotch sur son paquet, elle se dirige tranquillement dans la cuisine non loin de là. En quelques minutes, elle attrape un plateau, deux grands verres qu’elle remplit de la boisson rosée (car après tout, il n’y a pas de raison qu’elle ne puisse pas craquer pour un petit lait à la fraise, elle aussi) et dispose sur une assiette la fournée de la honte. Membres cassés, têtes disproportionnées, bouts de boutons un peu trop cuits, elle n’arrive toujours pas à comprendre ce qui a pu se passer pour que ses petits bonhommes ressortent aussi amochés de son précieux four. Mais malgré leur piteux état, elle n’a aucun doute sur le fait qu’ils seront bons et appréciés de son neveu. Attrapant quelques serviettes qu’elle dispose sur le plateau, elle s’en saisit ensuite et se dirige vers le salon où elle a laissé Erebos seul quelques instants. Le spectacle qui l’attend quand elle pousse la porte la fige quelques instants alors que le sorcier penaud lui dit. « J’ai rien fait. » Seulement le papier cadeau coincé dans ses cheveux, le morceau de scotch sur son menton et le paquet martyrisé sur la table crient tous le contraire. « Tu es sur ? » Elle dit en fronçant les sourcils et en prenant un air vaguement agacé. Sa lèvre tremble sous l’envie de laisser un rire s’échapper, mais elle maintient son rôle, pose son plateau en gardant un visage impassible, puis regarde avec attention le paquet quelque peut misérable. « Alors qui a fait ce paquet ? elle demande interrogatrice, les lutins ? » Elle se tourne vers son neveu, hausse un sourcil. « Si c’est ça, c’est n’importe quoi, ils ont complètement oublié de mettre pour qui c’était ! » Et joignant le geste à la parole, elle attrape un gros marqueur et inscrit le nom de Holly, se souvenant parfaitement que la boite qu’elle avait laissée là était pour son ainée. Et puis, abandonnant son sérieux, elle se mit à rire tout en déposant le paquet approximatif dans la pile des cadeaux terminés. « Tiens sers toi ce qui te fait plaisir. » Elle ajoute en poussant le plateau vers Erebos. Puis en prenant un air très concentré, elle se rapproche de lui, elle relève son menton et d’un geste délicat, retire le papier collant qui s’y ait établi. Puis, avec la même attention, elle se grandit légèrement pour atteindre le sommet du crâne de son neveu et y récupérer le morceau d’emballage. « Ils ont dû te confondre avec un cadeau aussi, non ? » Elle dit en analysant les deux pièces à convictions dans sa main, avant d’adresser un petit clin d’œil au sorcier. Puis elle se saisit de l’un des verres de lait et d’un biscuit, qu’elle y trempe généreusement. S’asseyant sur une chaise autour de la table, elle croque un premier morceau et ajoute. « Je crois que je vais faire une petite pause pour manger ça tranquillement, j’y suis depuis bien deux heures. Je peux te montrer comment faire après si tu veux ? » Et sans attendre la réponse elle continue la voix pleine d’espoir. « Si tu me racontais un peu comment tu vas en attendant ? »

Erebos & Shoshana

Here we are as in olden days, happy golden days of yore. Faithful friends who are dear to us gather near to us once more.

Son petit acte de comédie fonctionne et elle veut un instant d’inquiétude dans le regard de son neveu. Pas grand chose, quelques seconde seulement pendant lesquels il semble craindre le courroux de sa tante avant de comprendre. Et c’est le bonheur pur et sincère qui s’empare de son visage, permettant presque de deviner les connexions qui s’effectuent au même moment dans son esprit. Elle le regarde caser trop de biscuits dans sa bouche rieuse, parler malgré un trop plein qui laisse échapper quelques miettes et elle rit de bon cœur. Cet Erebos là lui rappelle ses jeunes années, l’insouciance de l’enfance, même si elle ne dure plus sur les traits vieillis de celui qu’elle a toujours connu. Il lui dit ne pas être un cadeau et elle sait que la phrase n’est pas si anodine qu’elle n’y parait entre ses lèvres, mais elle ne relève pas. Elle ne le considère pas comme ça. Quelque soit les difficultés, elle considèrera toujours un enfant comme un cadeau quand il est aimé et désiré. Et elle était sûre qu’Erebos était tout ça, depuis toujours. Elle considérait bien que c’était un cadeau de l’avoir dans sa vie, de pouvoir l’appeler neveu et de partager ce genre d’instant avec lui, depuis toutes ces années. Il était lié à tant de bons souvenirs, tant de moments partagés dans l’enfance avec ses petits à elle. De bêtises et d’éclats de rire, de sourire et de lait à la fraise. On ne peut pas vivre pour toujours dans les souvenirs, Shoshana le sait bien. Elle ne peut pas le considérer pour toujours comme un enfant, mais elle a ça en elle. Ce besoin de protéger, de couver, d’aimer sans condition. Et Erebos, comme tous ces jeunes qui ont su l’attendrir, a gagné sa place, là, tout au fond de son cœur. Un cadeau qu’elle n’échangerait pour rien au monde, qu’elle ne ramènerait au magasin sous aucune menace.

Elle l’observe prendre une grande gorgée de lait et en sortir le haut de la lèvre couvert du liquide sucré. Classique Erebos. « En fait, ma tante, il n’y a rien de très nouveau, et je crois que toutes mes actualités ont dû t’être transmises par Maman. » Elle sourit. Oui, elle et Dahlia échangent beaucoup, malgré les tensions qui peuvent exister avec Rhaegar. Sa belle-sœur a toujours été un soutien agréable, une oreille attentive, une voisine chez qui elle peut se rendre facilement pour se plaindre de sa journée et boire une margarita pour décompresser. Mais ce n’est pas pareil de l’entendre de la bouche de la dragonne que de celle de son neveu, évidemment. « Je continue de travailler dans des pompes funèbres. Pour l’instant, je vais beaucoup chercher des macchabées et je m’occupe des détails logistiques, mais bientôt Allan m’a promis qu’il m’apprendrait l’embaumage et le traitement des corps ! » Il raconte finalement avec une nonchalance déconcertante qui pourrait surprendre des oreilles moins habituées. Mais Shoshana sait que son neveu n’a jamais eu de retenu face à son métier. Il parle de macchabées comme un professeur pourrait parler de ses élèves. En un sens, elle trouve ça admirable. Il fait un métier que peu seraient confortables d’apprécier et il le fait pleinement, entièrement, avec enthousiasme. Peut-être que cela ne dit pas que du bien de lui, mais elle préfère y voir là la preuve de son engagement et du fait qu’il ait trouvé une voie qui lui corresponde. Tant pis si elle fait grincer les dents des inconnus. Elle hoche la tête, croque un nouveau morceau de biscuit. « Ohh ça doit être compliqué non ? » Elle dit avec intérêt. Elle n’espère pas qu’il rentrera dans les détails, mais elle se dit qu’effectivement, cela devait être une pratique compliquée, précise et qui demanderait beaucoup de rigueur. C’était une bonne chose que l’on cherche à éduquer Erebos à ces pratiques, cela soulignait le fait qu’il était compétent dans ce qu’il faisait actuellement.

« Je trouve ça super que ça te plaise. C’est peu commun, mais c’est un métier essentiel. Tu accompagnes les gens et les familles jusqu’à la grande fin, ça ne doit pas être facile tous les jours, mais c’est un rôle important. » Elle le pense sincèrement, alors elle appuie ses paroles d’un sourire parfaitement sincère. « Je serais bien incapable de le faire. J’ai besoin d’aider les gens au quotidien, mais une fois qu’ils ne sont plus là, ça serait trop dur. » Pas tout le monde n’est fait pour tous les métiers, c’est une évidence qu’elle souligne là dans la plus grande franchise. « Je suis très fière de toi. » Elle rajoute en avalant une gorgée de lait. Oui elle était fière de ce grand garçon qu’elle avait vu grandit. Jamais elle n’aurait imaginé comment il serait à l’âge adulte, c’est une tâche impossible à laquelle chaque parent se confronte un jour où l’autre, une question entêtante, parfois inquiétante. Mais elle avait appris avec le temps que cela ne servait à rien de se torturer, les enfants grandissent comme ils le veulent, comme ils le peuvent et aucun parent ne peut rien y changer. « Et ton appartement, tu t’y plais toujours ? Tu ne veux pas revenir vivre ici ? » Elle glisse avec un peu de regret dans la voix. Même si elle comprend qu’il ait pris son envol, elle n’a jamais cessé d’espérer qu’il reprenne sa place dans le domaine familial. Elle n’aime pas beaucoup l’imaginer dans un quartier malfamé et serait beaucoup plus rassuré de l’imaginer dans l’une des maisons clinquantes ornant le domaine.

Erebos & Shoshana

Here we are as in olden days, happy golden days of yore. Faithful friends who are dear to us gather near to us once more.

Shoshana ne dit jamais les choses à la légère. Peut-être que cela vient de son statut de gorgone, mais il lui semble qu’il en a toujours été ainsi, même quand elle n’était qu’humaine. Elle ne dit pas les choses pour plaire, pour combler un vide ou pour se faire bien voir. Elle les dit parce qu’elle les pense, parce qu’elles lui semblent justes et bienvenue. Alors quand elle dit être fière de son neveu, elle n’extrapole pas. Elle ne ment pas. Elle est sincère et elle l’exprime avec les mots simples qui lui ont été donnés, sans détours et sans hésitations. Depuis qu’elle est mère, elle est persuadée qu’il est important d’être sincère, d’être droite et de dire les choses. Qu’elles soient bonnes, ou mauvaises. Il est important de souligner quand ça ne va pas, important de souligner quand tout roule parfaitement. Elle sait que les choix d’Erebos ne font pas l’unanimité dans la famille. Même Rhaegar ne serait pas d’accord avec sa façon à elle de voir les choses. Mais ce n’était pas son problème à elle. Elle se sentait fière de ce jeune homme qui se tenait en face d’elle, malgré tout ce que la société pouvait lui trouver d’étrange, d’anormal ou de dérangeant. Oui Erebos n’était pas semblable à tous les hommes de son âge, mais ce n’était pas l’important. Ce qui comptait réellement, c’était le sourire dans ses yeux et le bonheur sur son visage. Le reste paraissait toujours bien secondaire.

Elle grignote son propre biscuit quand il manque de s’étouffer. Elle tente de lui taper dans le dos pour faire passer les miettes qui ont certainement dû se loger au mauvais endroit, mais sa toux est si violente qu’elle n’arrive pas à réellement l’aider. Alors quand il se calme finalement, elle se contente de lui tendre son verre de lait à la fraise. « Bois un peu pour faire passer. » Elle dit de la voix maternelle de ces femmes qui l’ont répété tant de fois qu’elles continueront de le dire même si quelqu’un venait leur prouver par tout un raisonnement parfaitement logique que cela ne servait à rien. Le garçon se reprend et lui parle alors de sa voisine, tandis qu’un sourire se dessine instantanément sur le visage de Shoshana. En réalité, la gorgone savait que sa petite protégée se trouvait dans le même coin que son neveu. Elle n’aurait su dire avec certitude si c’était le même immeuble exactement, mais elle était contente que les deux aient pu se croiser. S’ils devenaient amie, elle était sûre que cela serait bénéfique pour les deux. « Oh oui, je connais bien Eira, elle vient à mon centre, tu sais ? Je l’aide à reconstruire sa vie. » Elle dit simplement, époussetant quelques miettes laissées par la quinte de toux dévastatrice de son neveu. « Je suis contente que tu l’aies croisée. C’est une fille super qui a bien besoin d’amis super, comme toi. » Elle rajoute en lui serrant un peu le bras.

Dans sa tête, elle imagine les deux en train de cuisiner des crêpes et elle ne peut s’empêcher de rire. Elle doute que la préparation ait été des plus stricte, mais surement avaient-ils dû passer un bon moment. « Tu prendras soin d’elle, je peux compter sur toi ? » Elle lui fait un clin d’œil, avale une gorgée de lait à la fraise. L’idée que les deux puissent veiller l’une sur l’autre lui plait. Au moins elle sait qu’ils sont chacun proches d’une personne de confiance et ça la rassure sur leur lieu de résidence. C’est peut-être un taudis, mais en bonne compagnie, même les plus terribles des taudis peuvent s’éclairer d’une lueur chaleureuse. Finissant son biscuit, elle reporta son attention sur les cadeaux restants. « Bien Monsieur Erebos. Attrapez ce paquet, je vais vous montrer comment faire. » D’un geste souple, elle attrape une grande boite contenant une luxueuse paire de chaussures choisies avec soin pour Rhaegar. Une boite rectangulaire lui semblait la forme la plus simple pour commencer. De son côté, elle se saisit d’une grande écharpe en grosse maille, destinée à Alaska. Elle distribue ensuite le papier, le scotch et les paires de ciseaux, avant de se concentrer. « Suis-moi. » Elle ajoute, avant de commencer à plier et replier le papier. Du coin de l’œil, elle guette l’avancée de son neveu, se tourne parfois vers lui pour lui dire quoi faire, l’aiguiller tout en lui laissant l’opportunité de faire par lui-même. Après quelques instants, les deux paquets sont faits et trônent fièrement sur la table, au milieu des restes de biscuits. « Alors, qu’est-ce que t’en penses ? » Elle lui demande en pointant des doigts les deux emballages, amusée.