Chasing old ideas, it doesn't matter. ♫ Orpheus & Yoo-Na

Âge : 31 ANS (01/02/1990) ♫ trop longtemps passés à dormir

Chasing old ideas, it doesn’t matter.

Orpheus x Yoo-Na

Ça ne fait pas longtemps qu’ils le laissent sortir tout seul. Entre les séances de rééducation, tous ces praticiens en blouse clair qui viennent trop lui déblatérer des mots qu’il ne peut pas comprendre. Entre les médecins, les prises de sang, et sa gueule qu’il voit dans le miroir et qui est celle d’un étranger. Orpheus a le droit de sortir sans être accompagné. Il ne le fait pas très souvent. Généralement, il attend qu’Artemis revienne. Ou Faolan. Ou Abraxas. Ou quelqu’un, quelqu’un qui aime un autre lui qui a vécu dans le passé.
Les mots vont mieux. Il arrive mieux à les saisir, à les comprendre, mais c’est difficile de parler. Chaque syllabe lui coûte tellement que parfois il renonce bêtement à s’exprimer avec sa bouche pour plonger dans le monde limbique des gestes qui peuvent signifier.
Alors aujourd’hui, il est sorti. Il a revêtu des vêtements dont on lui dit que ce sont les siens mais dans lesquels il flotte tellement. Il s’est brossé les dents tout seul, ça lui a pris une dizaine de minutes mais finalement l’émail est propre. Il s’est fait beau, si tant est qu’on puisse encore être beau lorsqu’on sort de sept ans de coma. Car il comprend un peu mieux maintenant. Il a passé sept ans à dormir. Il a passé sept ans à dormir, le monde a avancé sans lui, et maintenant il a du retard et est incapable de courir pour rattraper le temps perdu. Il se fait de la peine à lui-même.
San Francisco tremble et l’enlace, de ses longs bras multicolores elle l’accueille dans les rues perdues. Rien ne lui semble familier, pourtant Artemis par centaines raconte des anecdotes sur lui. Ce qu’il a fait ici, là, ce qu’ils ont vécu, ce que ça voulait dire. Et ça lui fait mal, doucement. Orpheus voudrait tellement être la personne qu’ils ont tous connue, la personne qui leur souriait en sachant pourquoi il le faisait, la personne qu’ils ont tous aimée. Mais il n’est plus cette personne-là. Il est une simple coquille vide qui marche lentement dans les rues comme un spectre privé de souvenirs.
Oui, parfois il sort. Il sort pour échapper à ça, pour ne plus se poser de questions, pour n’être qu’un point dans la foule que personne n’aura à connaître. Un homme qui sera inconnu, autant pour les autres que pour lui. Pour que au moins à l’extérieur ce soit pareil qu’à l’intérieur.

Ses pas sont lourds, sa progression ralentie par la chaleur vive et par la faiblesse de ses muscles. Il a comme des poids aux chevilles qui l’empêchent d’avancer plus vite. Les couleurs remplissent tous ses yeux, et les odeurs toutes ses narines. La ville remplit sa coquille creuse, la ville l’assourdit, le secoue, la ville l’emmène dans des endroits où il n’a pas besoin d’être lui. Et ça semble très bien comme ça.

♫ You cross … this line ♫

La musique atteint son oreille avant qu’Orpheus ne comprenne. Il ne saisit pas les paroles, il ne saisit pas l’intention, pourtant physiquement dans ses côtes il y a quelque chose qui se serre.

♫ Do you find it hard to sit with me tonight ? ♫

Perdu soudain, le brun se retourne, en quête de la source des sons qui viennent caresser son tympan comme une pluie fine sur un tambour.

♫ I’ve walked these miles but I’ve walked them straight lined ♫

Derrière lui. C’est une jeune femme, au visage clair, yeux en amandes, cheveux si sombres. C’est une jeune femme qui chante, comme ça, les yeux baissés, au cœur d’une rue. Un objet posé devant elle comme pour recueillir d’autres dons. Orpheus s’approche doucement, avec la force que lui confèrent ses jambes encore tremblantes d’effort.

♫ You’ll never know what was like to be ♫

Avant même qu’il ne le comprenne, des larmes roulent le long de ses joues. Quelque chose remue en dedans. Quelque chose jaillit soudainement. Quelque chose brûle, quelque chose crie, quelque chose dégouline de lui. Quelque chose qui le fait pleurer alors que sa raison a fui ; il pleure sans savoir trop pourquoi, les yeux rivés sur la chanteuse, incapable de dire un mot, attendant dans un grand silence chaque note suivante de la mélodie.

♫ Fine ♫

Dim 12 Sep 2021 - 12:02

Chasing old ideas, it doesn't matter

feat Orpheus D. Astraea 

Des bruits de pas se faisaient entendre au loin, assez rapide et discrète pour savoir que c’était un petit gabarit qui flânait sur les pavés encore humides de la veille. À force d’emprunter ses ruelles, Yoo-na commençait à connaître ses chemins traversés tant de fois et pour de nombreuses raisons, certaines innocentes et d’autres bien plus arbitraire. Aujourd’hui, la fatigue pouvait se lire dans ses yeux et ses cernes qui étaient inhabituellement existants. Cette nuit avait été particulièrement mouvementée, la jeune coréenne avait extrêmement mal dormi par des cauchemars qui lui avaient envahi son esprit déjà bien tourmenté lorsqu’elle était éveillée. Lorsqu’elle passait une mauvaise nuit, son humeur l’accompagnait toujours avec, et là, maintenant, son humeur était maussade. Une émotion qui restait pourtant rare malgré sa situation. Elle ne se souvenait plus très bien de ses « visions » nuptiales, elle se rappelait simplement que tous ses souvenirs subconscients l’avaient ramené dans son pays natal, un endroit où elle ne souhaite plus y mettre les pieds malgré la culture qu’elle avait toujours appréciée. Voilà pourquoi la jeune voleuse était autant perturbée aujourd’hui, et si elle avait prévu de commettre d’autres vols, son envie d’y contribuer s’était assoupie au fil de ses pas, elle n’avait pas le courage pour cela pour cette journée.

Les mains dans les poches d’un des seuls pantalons qu’elle possédait, son visage était rivé vers le sol, son regard était comme hypnotiser par ses pavés qui défilaient uns à uns à une vitesse plutôt lente à l’allure de sa marche. De longs soupire accompagner sa balade improvisée, alors qu’elle tentait de se changer les idées et oublier cette affreuse nuit. Elle espérait que ce soir, son dodo serait plus réparateur et ainsi se lever d’un meilleur pied. Un pauvre béret sur sa tête, elle s’était mise à marmonner quelques mots avant de se rendre qu’elle avait commençait à chantonner l’air d’une chanson, une chanson plutôt mélancolique comme son état actuel. Puis, sans grande conviction, elle s’était arrêtée au bord d’une rue afin d’être vu par les passants. Posant doucement son béret sur le sol, Yoo-na entamait sa chanson avec grande aisance, mais une discrétion tout aussi interrogatrice. Elle avait besoin d’argent pour survivre, et pourtant, là, elle semblait absente, dans un monde lointain, assez lointain pour qu’elle n’observe aucun passant. Quelques pièces tombaient dans son béret, certains avec délicatesse et d’autres avec un semblant de préoccupation que ses boutons d’or chutaient à côté du « contenant ». Malgré tout, Yoo-na poursuivait ses paroles, l’émotion était vive, elle ressentait chacun de ses mots comme une vibration même avec son regard fixé au sol. Une chanson d’ailleurs qui reflétait bien son impression actuelle, douce, mélancolique, mais avec un message puissant au fond. Sa voix se faisait douce et aigue, ses talents de chanteuse l’aidait parfois à gagner un peu d’argent, bien qu’à côté du piano, son instrument de prédilection, cela n’a rien à voir. Dommage que ce ne soit pas un instrument transportable comme le violon ou la guitare encore, elle l’aurait bien emmené avec sinon.

L’ancienne pianiste était tellement dans sa bulle qu’elle n’avait guère remarquer sur le moment un homme qui a su capter son attention. Alors que la fin de sa prestation s’annonçait déjà, la jeune femme redressait doucement son visage et remarquait enfin sur son champ de vision l’inconnu qu’elle n’avait pas remarqué jusque-là. Elle avait aperçu que celui-ci était complètement hypnotisé sur sa voix, du moins, cela se ressentait à travers son regard et ses perles salées qu’elle savait aisément reconnaître. Sans vraiment trop pourquoi, la chanteuse de rue lui adressait un léger sourire une fois sa chanson terminée, comme un signe de gratitude à son égard. Pourtant, il semblait bien plus bouleversé qu’elle ne le croyait, elle y décèlerait même un léger tremblement sur son corps. Sa fatigue devait certainement lui jouer des tours encore une fois, alors elle s’était empressée de ramasser son béret et les quelques pièces à l’intérieur, sauf qu’en se relevant, celui-ci l’observait toujours. Cette fois-ci , Yoo-na était sur le moment intriguée, voire même inquiète bien que pas dans le mauvais sens. Elle s’était donc permis de s’approcher de lui à une distance mesuré, même s’il semblait guère être dangereux, elle ne savait pas qui il était.

- Monsieur, est-ce que tout va bien ?

Son air interrogateur se lisait dans ses yeux alors qu’elle rangeait soigneusement le butin de l’après-midi avec attention, bien que son regard ne lâchait pas celui du jeune homme dans un état inquiétant. C’était en étant plus proche de lui qu’elle se rendait compte que celui-ci tremblait réellement.

- Vous voulez vous asseoir ? C’était une question venue tout à fait naturellement, Yoo-na a toujours eu du mal à voir les gens souffrir, même envers un inconnu, inconnu qui avait sembler apprécier, ou plutôt bouleverser par sa prestation même s'il était évident que ça devait être plus profond que cela.

PRETTYGIRL

Mar 28 Sep 2021 - 20:30

Chasing old ideas, it doesn’t matter.

Orpheus x Yoo-Na

La musique est un doux langage qu’Orpheus parle depuis toujours. Elle est sa bouée, son remède, elle est ce qui le tient en vie. Il y a des périodes entières qu’il a passée à avoir mal, aux doigts, au bras, un peu partout, à force de passer ses jours courbé sur le bois de sa gratte. Personne ne serait capable de dire quand leur histoire a commencé, tellement depuis le début le brun a été lié à ça, à chaque son, à chaque mélodie. Comme si son cœur était tempo et ses pensées des contre-thèmes.
Mais tout ça, Orpheus l’ignore.
Il ne se rappelle plus des nuits, en sueur sur une scène miteuse à kiffer avec ses amis. Il ne se rappelle plus des jours, en retard au conservatoire, où l’enseignant lui pardonnait parce qu’il était un virtuose. Il ne se rappelle plus de rien, en fait. Il y a juste cette voix, dans la rue, qui l’apostrophe comme une sirène, qui fait rejaillir dans son corps des frissons qu’il a oublié. Il n’est plus Orpheus, le mélomane, le guitariste, le charmeur, le compositeur. Il est simplement Orpheus, l’amnésique, l’aphasique, le fou, celui qui a tellement perdu.
Quand le morceau se finit, il met une poignée de minutes à réaliser que c’est le cas. C’est fini. Les notes se sont égrenées, les dernières mesures consommées, et ne reste que le silence. Le silence et le brouhaha de tout l’univers extérieur, celui qui s’était effacé pour qu’Orpheus puisse écouter.
Maintenant la chanteuse s’approche, avant qu’il ne puisse réagir elle est déjà tout près de lui.
« J-je … »
Encore les mots lui font défauts, ils se ruent dans sa gorge enrouée, ils viennent l’étouffer, l’étrangler, au lieu de sortir pour l’aider. Ils lui font mal, à ne pas vibrer, ils lui font mal à ne pas panser.
Je. Je m’appelle Orpheus. J’ai 30 ans. Je ne sais pas ce qui m’arrive. J’ai tout oublié de ma vie. J’ai du mal à bouger comme il faut. A parler comme il faut. A penser comme il faut. J’ai du mal à tout faire, en fait. Mais ce qui me fait le plus mal, c’est de voir dans les yeux des autres que je suis pas l’homme qu’ils voulaient. Ils m’ont réveillé, ils m’ont dit. Mais ils m’ont pas réveillé moi. Ils ont réveillé quelqu’un d’autre, et je suis qu’une photocopie, ratée sur l’autel des souvenirs. Je.

Le brun a fait de grands progrès, il comprend ce qu’elle lui demande, même s’il vacille sur ses deux jambes.
« Oui. » est tout ce qu’il parvient à dire, en tatonnant de la main droite pour retrouver un banc public. Il y en avait un juste derrière, sans doute, peut-être, il ne sait plus. Son vertige vient tambouriner à ses oreilles, et il s’effondre maladroitement sur le réceptacle le plus proche.
Il voudrait donner quelque chose à cette jeune musicienne perdue, cette âme égarée qui s’inquiète. Quelque chose de plus que son regard de petit garçon affolé prisonnier dans un corps d’adulte. Il voudrait lui en donner plus, lui en dire plus, lui préciser qu’il est comme ça parce qu’il est malade un petit peu.
Dans un éclair de mémoire vive, il se rappelle qu’il a quelque chose dans son sac pour ce genre de situations. Il y farfouille, fébrilement, sous le regard de l’inconnue qui semble s’inquiéter pour lui. Ses doigts engourdis se referment sur le petit paquet de cartes, qu’il tire prestement de son sac. Il voudrait ne lui en tendre qu’une, mais finit par les tendre toutes. Un minuscule carré tout blanc, épais comme une carte de visite. Il lui tend, le regard contrit.
Je m’appelle Orpheus Astraea. J’ai 30 ans. Je sors du coma. J’ai du mal à faire certaines choses, surtout comprendre quand on me parle. Si vous vous adressez à moi, articulez et parlez doucement.
Il ne sait même plus ce qu’il y a écrit dessus, il espère juste qu’elle comprendra. Qu’elle le comprendra mieux que lui, parce que lui ne comprend plus rien. A part la mélodie sublime qu’elle a tirée de son violon et qui lui a serré le cœur ; comme plus rien ne lui serre le cœur.

Sam 8 Jan 2022 - 16:00

Chasing old ideas, it doesn't matter

feat Orpheus D. Astraea 

Yoo-na était cette femme à l’air gracile et mélancolique qui tranchait avec ses bouffées de gaieté et de ses rires légendaires lorsqu’ils étaient provoqués. Même si la première version était activée en ce moment-même, sa situation ne pouvait lui faire que songer à une chanteuse qu’elle glorifier grandement depuis son enfance malgré ses origines lointaines. D’un bout à l’autre de la planète, on connaît et on reconnaît la voix d’Édith Piaf, comme celles de Maria Callas ou d’Ella Fitzgerald. Même si l’on ne comprend pas les paroles, ce cri déchirant, ce souffle prodigieux, cette envoûtante mélopée provoquait le même frisson en elle. L’émotion était là, universelle, intemporelle. Plus de cinquante ans après sa mort, celle qui était née voilà juste un siècle, restait vivante dans ses oreilles et dans nos cœurs. Lorsqu’elle chantait dans ses rues, elle pensait à elle et à ce qu’elle a pu ressentir face à tant d’adversité dans ce monde. Bien au-delà de Paris, dont elle avait été un symbole, et de la France, où elle restait un mythe, on peut ainsi affirmer que Piaf appartenait à la mémoire collective, jusqu’en Corée. Comment une si petite femme, qui a connu les misères que peut réserver l’existence a-t-elle pu devenir une si grande artiste ? Oui, la jeune coréenne rêvait de cela elle aussi, avec ce brin d’espoir d’être reconnu pour ses talents dans le monde musical, notamment dans son domaine d’expertise qu’est le piano. Est-ce que certaines personnes avaient pu être comme cet homme devant elle, à être admiratif au point d’en être égaré devant sa voix ? Est-ce que c’était véritablement ce genre de chose ?

Pourtant, cela semblait se mélanger à quelque chose d’autre alors que l’homme qui se tenait devant elle tenter avec difficulté de lui répondre comme il se doit. Il n’y arrivait pas, il tentait de réfléchir, de forcer sur ses cordes vocales qui paraissaient alors inexistante. Yoo-na froncé légèrement les sourcils pendant qu’elle l’aidait à s’asseoir sur le banc verdâtre derrière eux. L’on aurait dit qu’il luttait contre lui-même. Était-il muet ? Non, sinon il n’aurait pas tenté de communiquer avec sa voix qui paraissait toujours absente malgré les quelques gémissements qui sortaient de sa bouche. La jeune musicienne était restée calme et tout à fait compréhensible face à son comportement. Un seul mot perceptible était sorti de ses lèvres « Oui ». La brunette lui adressait un léger sourire par cette réponse et s’était donc assises doucement à ses côtés tout en se montrant précautionneuse et toujours à une certaines distance.

- Prenez votre temps ne vous inquiétez pas, ne vous forcez pas.

Ses mains posées sur ses genoux, elle attendait pendant que l’inconnu semblait fébrilement chercher quelque chose dans son sac. Deux âmes perdues dans leur propre vie, leur propre faiblesse, mais aussi leur propre force même si elle était invisible aux yeux de tous. C’est alors qu’il tirait de son sac un paquet de cartes, étrange, mais Yoo-na le laissait faire, les yeux rivés sur ce qu’il faisait. Puis, l’homme les lui tendit vers elle, avec un instant d’hésitation, elle se décidait finalement à les prendre et à lire ce qu’il y avait dessus. Son sourire s’était accentué malgré l’incompréhension qui se lisait dans les yeux de celui qui se nommait Orpheus, un prénom tout à fait original.

- Je m’appelle Yoo-na et je suis désolée de ce qui vous arrive, sachez que je ne juge pas votre situation.

Suite à ce qu’elle avait découvert sur cette carte, la voleuse avait pris le temps de lui répondre doucement tout en articulant, elle manquait même de lui faire la langue des signes qu’elle avait apprit via une amie muette il y a quelques années de cela. Sauf que pour lui, c’était une situation différente, et s’il savait le parler, il n’aurait sûrement pas eu ses cartes sur lui. Elle poursuivait doucement alors que certains passants dévisageaient du regard la jeune fille, regard dont elle ignorait totalement leurs origines.

- Je viens de Corée je suis nouvelle ici.

C’était la première fois depuis sa venue ici, qu’elle s’exclamait sur son passé, peut-être parce qu’elle avait sûrement une bonne intuition envers lui. Elle ne savait rien de lui après tout, mais elle savait suivre son cœur lorsque celui-ci lui montrait qu’elle pouvait être un peu plus « transparente ».

PRETTYGIRL

Âge : 31 ANS (01/02/1990) ♫ trop longtemps passés à dormir

Chasing old ideas, it doesn’t matter.

Orpheus x Yoo-Na

Il a l’impression que son crâne est vide. Le monde est plein. Plein de gens, de mots, de couleurs, de choses qu’il ne saisit pas tout à fait. Le monde est plein d’inconnus, et même les gens qui sont connus sont devenus des inconnus alors non, le monde est rempli, rempli à ras bord de points d’interrogations. De pixels gris, de trucs flous qu’on pose sur une image parce qu’on sait plus ce qu’elle revêt. Le monde est plein.
Et son crâne est vide.
Rien n’y résonne à part son propre essoufflement. Rien n’y prend forme à part ces interrogations muettes et délicates qui peuvent se faner dans l’instant si Orpheus n’y prend pas gare. Rien n’y est, tout simplement, à part ces brèves informations qu’il essaie de retenir en vain, comme des notes sur une partition qui filent doucement entre ses doigts.
Son crâne est vide et le visage de la jeune femme qui chantait perce le brouillard. Elle lui sourit, et il se demande ce qu’elle doit bien penser de lui. Lui le perdu, le maladroit, lui qui s’essouffle et lui qui pleure. Il avait oublié le concept même de pleurer avant que les larmes ne roulent, et maintenant le mot a surgi, obélisque dans son crâne sourd, montant vers le ciel d’une flèche qui pourrait bien crever la Lune.
Il pose une main sur sa poitrine, avec un sourire reconnaissant. Yoo-Na. Elle dit qu’elle s’appelle Yoo-Na. C’est un prénom un peu bizarre, comme il n’en a jamais entendu. Peut-être bien, de toute façon, que s’il l’avait déjà entendu il ne s’en souviendrait même pas.
Parce que son crâne est vide.
« Je … suis … Orpheus. »
Le dernier mot a crevé la barrière de ses lèvres, il a franchi le mur du son. Rien que pour ça, le brun sourit.

Il se dit qu’il y a de l’espoir, pour son crâne vide et sa tristesse. Il se dit qu’il y a les mélodies, il y a les larmes, il y a les mots qui veulent bien tomber de sa bouche. Et il y a des gens comme Yoo-Na, qui s’arrêtent et qui l’aident un peu.
« Yoo-Na … » il murmure, et les sons se répercutent comme un violent feu d’artifice dans les parois de son larynx.
Elle dit qu’elle vient de Corée. Il ne se rappelle plus où est la Corée. Ce qu’est la Corée. Il se dit que ce doit être un endroit, un royaume qu’il pourra nommer quand il aura tout retrouvé. Il sourit, encore une fois. Parce qu’il sait un peu des choses. Par exemple, il sait d’où il vient.
« Je … moi, je … San Francisco. »
L’agrammatisme qui subsiste le prive de faire de réelles phrases, mais il en fait l’effort quand même, les yeux embués de murmures des souvenirs qu’il n’a même plus. Il vient de San Francisco. Il ne saurait pas la placer sur une carte, sa ville natale, pas plus même qu’il ne saurait dire pourquoi la musique l’a ému. Mais c’est comme ça.
Il voudrait dire que lui aussi, il est nouveau.
Les sons s’échappent comme des portées régies par leur propre tempo.

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