YOORA ★ wild hearts can't be broken

Quelque part, Chiara peut comprendre ce qui a poussé sa cousine à les retrouver. Mais elle est trop en colère contre sa mère pour respirer.

Ça fait déjà une petite heure qu’elles se promènent, que l’actrice fait le minimum d’efforts possible pour engager avec Yoo-na. Elle est curieuse pourtant. Dans d’autres circonstances, elle l’aurait invitée à déjeuner avec plaisir, lui aurait posé mille questions, l’aurait accueillie comme une sœur parce qu’elle en a toujours voulu une mais que ses parents ne se sont déjà pas aimés assez pour l’élever elle. Mais c’est Hana qui lui a demandé de le faire, avec ce ton un peu pressé et faussement tendre. « Fais lui visiter la ville jusqu’à ce que je revienne, vous pourrez faire connaissance, elle est de la famille après tout » Ca l’a fait enrager. Cette manière d’automatiquement considéré Yoo-na comme de la famille, comme si ça voulait dire quelque chose chez eux. C’est chacun pour sa pomme, elle l’a compris depuis longtemps et elle ne veut pas que sa cousine se fasse de faux espoirs.

Chiara ne sait pas grand-chose sur les circonstances qui ont amené la jeune femme à se tourner vers eux, mais elle se dit qu’il faut que ça aille sacrément mal pour venir trouver Hana, ce diable personnifié dont personne ne se méfie. Elle sait qu’elle est injuste, que quoi qu’elle en dise, elle n’est pas à plaindre, elle n’a pas de drame ou de tremblements de terre qui justifieraient la crevasse béante entre ses côtes qui la rend incapable d’aimer correctement. Un grand vide là où on aurait dû lui prêter attention. Puis elle a vu aussi la manière dont Yoo-na l’a regardée avec surprise, peau blanche sur peau noire, le seul héritage que son père lui a laissé avant de se tirer et de fonder une autre famille ailleurs comme si elle n’avait été qu’un brouillon d’enfant avant d’en avoir pour de vrai.

Avec un sourire poli, elle se tourne vers Yoo-na à un feu rouge. « Je connais un chouette café à l’angle, si tu veux faire une pause » C’est elle qui en a assez de marcher à vrai dire, mais elle ne le dira pas. Parce que c’est sa faute, parce qu’elle a tenu à mettre ses escarpins rouges comme pour s’assurer de souffrir, comme pour se punir par avance d’exécuter sa tâche avec ressentiment et mépris. Comme pour avoir une raison de se plaindre. Elle ne sait pas d’où ça vient, mais elle fait ça tout le temps. Et puis il faut dire qu’ils sont sacrément beaux, ces Ferragamo volés. Toutes deux se dirigent vers le café indiqué par Chiara et signalent leur arrivée à un garçon qui leur sourit largement avant de les placer en terrasse. Avant même de passer commande, l’actrice sort son paquet de cigarettes. Elle a commencé tard, avait juré à ses parents de ne jamais céder à cette tentation, puis elle a fumé ses premières cigarettes pour un rôle, pour avoir cette vibration rauque dans la gorge. Et finalement elle n’a jamais arrêté, et ce n’est certainement pas avec Aaren et Tristan qu’elle va pouvoir le faire. « Ça ne va pas te plaire mais il faut que tu saches » laisse-t-elle échapper comme un couperet, parce qu’à un moment donné il faut arrêter les conneries et les fausses politesses, si Yoo-na est véritablement de sa famille alors elle n’a pas besoin de jouer à ce petit jeu « Je ne sais pas ce que tu attends de Hana mais… » Première bouffée de cigarette, toujours la pire, il faut s’habituer. « Tu seras forcément déçue » complète-t-elle en la regardant par-dessous ses cils. Son ton n’a rien de grave, l’air de ne pas y toucher, elle annonce cette vérité fracassante comme on parlerait de la pluie et du beau temps, parce que ça fait longtemps qu’elle est habituée, elle.
   

CODAGE PAR AMATIS
   

Wild hearts can't be broken

feat Chiara Flowers

Yoo-na avait marché pendant de longues heures dans la Capitale de Washington, le ciel était brumeux de ses couleurs grisâtres, le soleil se faisait timide et l'air frais. Les mains dans les poches de son manteau bien trop grand pour son petit gabarit, il tenait néanmoins bien chaud. La jeune voleuse semblait avoir l'esprit occupé. Cela faisait plusieurs fois qu’elle traversait la  même rue, dans la même direction, la même allure, ses doigts fins caressant ses quelques mèches brunes qui se baladaient sur son visage de porcelaine. Une réaction pareille ne pouvait que révéler que Yoo-na était en pleine hésitation, et sur apparemment quelque chose d'une grande importance à ses yeux. Flottement d'incertitudes, de perplexités, de réticences. Cela faisait plusieurs jours que notre jeune femme avait choisi de retrouver un membre de sa famille. Oui, vous avez bien lu, un membre de sa famille, un sujet qu'elle ne voulait pourtant plus en entendre parler et c'était d'ailleurs pour cela qu'elle avait pris ce risque fou de tout abandonner, de tout quitter, son confort ainsi que sa passion pour le piano. Elle avait absolument tout sacrifiée. Mais pourquoi prendre une telle décision ? Tout simplement car Yoo-na était toujours attachée de loin à ses origines, et cette famille qu'elle avait seulement entendu parler de temps à autre par ses parents, cela l'avait intriguée grandement. Bien évidemment, la jeune fille ne s'attendait pas à des bienvenues des plus joviales, peut-être étaient-ils comme ses parents, centrés sur eux-mêmes, ou peut-être pire. Toutefois, la musicienne voulait se laisser la chance, ou l'espoir, de se dire qu'ils étaient possiblement différents.

Elle avait enfin sauté le pas en trouvant cette maison, et avait fait l’effort de se rendre plus « présentable ». Disons que les moyens étaient minimes pour être véritablement apprêtés pour ce genre de situation, et elle ne devait laisser paraître sa ou plutôt ses difficultés actuelles. Heureusement qu’elle bénéficiait de ses connaissances en tant qu’ancienne musicienne de la haute-société coréenne, on pouvait le dire à ce niveau-là… Les présentations avaient été simples et rapides avec une femme du nom d’Hada qui semblait donc être une de ses tantes. Elle avait fait en sorte de décrire avec détails sa famille coréenne ainsi que son identité et la raison de sa venue ici. Cela ne s’était pas fait sans difficulté, reparler de son passé n’était jamais un plaisir pour elle.

Yoo-na était resté silencieuse à l’attente de sa cousine comme la grande femme l’avait suggéré. Oui, la jeune coréenne se sentait ridiculement petite à côté d’elle, mais sa cousine allait davantage lui donner cette impression lorsqu’elle croisait son regard. La voleuse ne pouvait cacher son étonnement en la scrutant assez timidement, les yeux tantôt levés vers elle, tantôt baisser vers le sol. Sa couleur de peau n’était pas un problème, elle s’en fichait même royalement pour ainsi dire, c’était sur le moment, plutôt surprenant. Des milliers de questions se posaient déjà dans sa tête, sa famille avait alors des origines plus éloignés qu’elle ne le pensait ? Enfin, sa réaction était surtout penchée sur le charisme que dégageait cette femme, soigneusement apprêter, le regard plutôt sûr, elle ne laissait pas indifférente notre Yoo-na vêtu assez banalement aux couleurs ternes, elle se sentait presque tâche à côté d’aussi beaux habits.

Les deux silhouettes enjambaient le pas dans les rues de Washington, toujours ses mains dans les poches comme signe de nervosité. Elle attendait depuis très longtemps ce moment, et pourtant, presque aucun mot n’étaient sortis de sa bouche. Arriver à un feu rouge, c’est Chiara comme elle se prénommait, qui lui proposait de se poser dans un café.

- Oui, avec plaisir…

Voix silencieuse, discrète, elle hochait la tête avant de la suivre de nouveau. Yoo-na ne put s’empêcher de l’observer de nouveau sur sa tenue, sur sa gestuelle et sa démarche, et ses escarpins d’un rouge vif. La dernière fois que la jeune coréenne avait porté des talons, c’était il y a un bout de temps déjà, et cela lui manquait d’une certaine manière, elle était au moins un peu plus grande avec ça. Le duo arrivait enfin vers une terrasse assez espacée, il n’y avait pas encore grand monde. Une fois assise, la jeune femme observée sa « nouvelle cousine », en train de sortir son paquet de cigarette alors qu’elle continuait la conversation d’une manière assez nonchalante et plus directe également. Ses fines lèvres s’étaient pincé entre elles, ses mains sous la table et ses doigts qui s’entremêlaient, elle soupirait légèrement pour enfin lever son visage avec cette fois-ci un regard appuyé.

- Ne t’inquiète pas pour ça alors, c’est un mot que je connais que trop bien. Il vaut mieux ne pas trop promettre, si on veut épargner la déception amère.

L’on aurait attendu d’une Yoo-na extrêmement gênée face à ce genre de révélation, mais il n’en fut rien aujourd’hui, elle avait répondu avec un ton assuré et incroyablement direct, chose plutôt surprenante venant d’elle. Il fallait dire qu’elle avait plutôt l’habitude de ce genre d’information « tu seras déçu, « n’attends rien de lui», des phrases répétitifs mais tous avec une signification commune.

- Je ne suis pas venue ici avec beaucoup d’espoir si je dois aussi t’avouer quelque chose. Je me suis enfuie de Corée pour vivre le plus loin possible de ma famille.

Confidence soudaine, Yoo-na était clairement en train de lui révéler ses intentions malgré sa silhouette recroquevillée sur sa chaise métallique.

- Mais je me suis dit que je pouvais laisser une chance, au moins sur vous, et quand bien même si pour « Hana » c’est foutu… On peut toujours rattraper le temps perdu je pense…

Son espoir, aussi minime soit-elle était sûrement touchant, Yoo-na l’avait toujours en elle malgré les drames vécus, elle voulait croire que sa venue ici ne serait pas vaine, elle s’accrocherait jusqu’au bout si elle le devait même si pour l’instant, elle se contentait d’avouer ses intentions, ou du moins, ses convictions, car après tout, elle ne la connaissait pas pour l’instant.