RHEYS II ◊ one single thread of gold tied me to you

one single thread of gold tied me to you “A string that pulled me Out of all the wrong arms right into that dive bar Something wrapped all of my past mistakes in barbed wire Chains around my demons, wool to brave the seasons”

   

   

Qu’est-ce qu’on dit à quelqu’un dont on est supposé tout connaître? Ils auraient dû grandir ensemble, auraient dû connaître par coeur leurs groupes de musique favoris, les moments les plus embarrassants de leur vie. Est-ce que Rhysand est intolérant au lactose? Est-ce qu’il préfère le popcorn sucré ou salé? Est-ce qu’il met le dentifrice sur la brosse à dents avant ou après de la mouiller? Rhea ne peut s’empêcher d’être honteuse de ne pas savoir les choses les plus mondaines sur ce frère qu’elle est certaine d’avoir aimé avec chaque fibre de son être. Pourtant elle est maladroite, gênée quand elle envoie cette invitation par texto, parce qu’elle ne peut s’empêcher de marcher sur des œufs. Parce qu’elle ne peut pas se permettre de le perdre à nouveau, alors elle ne risquera rien.

Peut-être qu’un lieu neutre aurait été préférable, car la dernière chose qu’elle veut serait que Rhys considère l’invitation au Sanctuaire comme une provocation, un affront à leur famille perdue. Mais c’est là qu’elle vit, c’est à ce clan qu’elle appartient désormais et elle ne veut pas s’en cacher. Elle ne mettra aucun fard, et c’est plus beau de partager, de lui laisser le choix d’être déçu par ce qu’il voit ou pas. Les Riverwood sont tous en vadrouille aujourd’hui, Rhea n’a rien demandé mais d’un accord tacite ils ont laissé la maison silencieuse, par délicatesse., parce qu’ils savent ce que ça veut dire pour elle. Quelque part, et s’il l’accepte, Rhysand fera aussi partie de leur famille, d’une certaine manière. « Attention à ta tête » elle conseille alors qu’ils s’engouffrent dans l’escalier en colimaçon qui mène jusqu’à sa chambre, là où le plafond est le plus bas. La dragonne sourit en songeant au nombre de fois où Fao et elle réveillent toute la maisonnée quand ils descendent en pleine nuit pour aller chercher quelque chose à manger et qu’ils se cognent immanquablement sur la poutre dans l’obscurité. Si le Sanctuaire avait une mélodie, ce serait certainement un chapelet de jurons et de ricanements étouffés.

Rhea pousse la porte d’ores et déjà légèrement entrouverte, et invite Rhys à entrer, en se mordant distraitement l’intérieur des joues. « J’aimerais pouvoir te dire que c’est mieux rangé d’habitude mais ce serait mentir » Elle ponctue sa phrase d’un petit rire et s’installe en tailleur sur le parquet, écartant de la main un paquet de chips à moitié terminé. Elle a envie de lui demander s’il se souvient de sa chambre dans leur ancienne maison, s’il se rappelle s’ils ont partagé l’espace ou s’ils avaient chacun la leur. Elle a envie de le prendre par les épaules et de le secouer jusqu’à ce que toutes les réponses et les anecdotes et la complicité en tombent comme d’un pommier. Mais elle est plus fine, plus intelligente que ça, malgré son impatience. Ils se sont cherchés pendant plus de quinze ans, ils peuvent bien prendre leur temps.
   

   

CODAGE PAR AMATIS
   

One single thread of gold tied me to you

Rhea & Rhysand

«Time, curious time, gave me no compasses, gave me no signs. Were there clues I didn't see ? And isn't it just so pretty to think, all along there was some invisible string tying you to me ? »

le 21 avril 2021 – Sanctuaire Riverwood, Nouvelle Orléans.

Quand Rhys avait reçu ce texto d'invitation, il s'était contenté d'y répondre sur un ton banal. Il ne voulait pas réfléchir, il ne voulait pas penser, il ne voulait pas laisser les émotions du passé le submerger une fois encore. Devant l'imposante baraque des Riverwood, une impression désagréable avait asséché sa gorge. C'était donc là, le nouveau foyer qu'elle s'était choisi. Devait-il lui en vouloir ? Rhea avait fini par abandonner leur nom, se décidant à se faire adopter pleinement par cette nouvelle famille. Et Rhysand n'avait pas envie d'y penser, ni de laisser se développer les idées les plus sombres dans son esprit tourmenté, il ne voulait pas conscientiser les raisons de cette oppression dans sa gorge. Pourtant, tout au fond de lui même, la voix de l'angoisse lui soufflait des murmures douloureux : elle a abandonné son nom, elle a abandonné sa famille, elle t'a abandonné.

Dans cette grande maison silencieuse, Rhys arborait une expression neutre, presque blasée, les mains dans les poches, prêt à renvoyer un regard condescendant au premier dragon qu'il croiserait. Par chance, ils ne croisèrent personne et il n'eut pas l'occasion de se montrer désagréable avec qui que ce soit. Baissant la tête sous le conseil avisé de sa sœur, Rhys lui renvoya un regard de biais tandis qu'ils gravissaient les escaliers. Elle semblait heureuse, à l'aise dans ce Sanctuaire comme si elle y avait toujours vécu et il en ressenti un triste réconfort. En apercevant le désordre dans la chambre de Rhea, il se tourna vers elle et répondit à son rire par un sourire léger. Ce gentil fouillis ainsi que la simplicité avec laquelle elle s'installa sur le parquet le délesta d'une grosse part de son malaise. Ici, au beau milieu des affaires personnelles de sa sœur, il se sentait accueilli avec assez de naturel pour qu'il se sente à sa place.

- Je préfère ça, plutôt que tu fasses semblant d'être ordonnée, pas de triche entre nous.

Il lui répondit sans se départir de son sourire, avant de faire quelques pas dans la pièce. L'ambiance de la chambre avait quelque chose de chaleureux avec tous ces souvenirs qui avaient dû émailler la vie de Rhea et il embrassa la pièce du regard.

- T'as accumulé pas mal de trucs. Des cadeaux de ta... famille ou bien des choses que tu gardes depuis plus longtemps ?

Ta famille. Rhys avait buté sur ce mot sans le vouloir. Un peu embarrassé, il détourna les yeux pour se replonger dans la contemplation du décor de la chambre. Après tout, c'était étrange - et triste - qu'ils aient vécu chacun dans des familles différentes alors qu'ils auraient dû grandir ensemble mais voilà, c'était comme ça et aujourd'hui, ça n'avait plus aucune importance. Le principal, c'était que Rhea soit en vie, en parfaite santé et manifestement épanouie. Tout en se focalisant sur l'aspect miraculeux de leurs retrouvailles, Rhys attarda son regard sur une boite à musique qu'il trouvait bizarrement familière. Sans doute devait il se tromper et pourtant...

(c) DΛNDELION
@Rhea Riverwood

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Rhea ne sait pas trop si Rhys est véritablement fasciné par ce qu’il voit, ou s’il fixe obstinément les murs et les meubles pour ne pas avoir à la regarder, elle. Elle ne lui en fera pas le reproche, de toute manière. Il y a trop d’injustice dans l’air, trop d’amertume que son jeune frère découvre aujourd’hui ce qui aurait dû lui appartenir aussi depuis bien des années. Elle avait été si proche du but, ce fameux jour avec cette médecin qui l’avait remis sur pieds. Si proche, et pourtant certaines choses étaient irrattrapables – du moins le croyait-elle jusqu’alors. Ils avaient trouvé la force de parler des choses importantes, des choses techniques, mais c’était dans le quotidien et la légèreté que se trouvait véritablement leur affection ; dans les tentatives de blagues qui leur ont fait comprendre qu’ils avaient un humour cynique assez similaire, dans les grognements et jurons identiques qu’ils ont sûrement hérités de leur père, dans le courage de réparer ce qui a été éparpillé aux quatre vents.

La dragonne sent l’hésitation de Rhys lorsqu’il parle de famille. La mienne ? La nôtre ? Y a-t-il une différence ? Difficile, pour une détective, de sentir toutes ces questions brûler dans sa gorge sans jamais trouver réponse. « L’inconvénient de cette sombre histoire de perte de mémoire, c’est que ça m’a rendu assez parano. Du coup je garde tout, j’ai trop peur d’oublier, de perdre des trucs. » Des gens, elle voudrait dire. Des bouts d’elle-même, aussi. Peut-être, encore une fois, n’y avait-il pas de différence entre les deux. Rhea hausse les épaules avec une nonchalance feinte, bravade inutile que son frère saura immédiatement reconnaître. Sous la dérision, un vrai traumatisme, une vraie plaie qui ne serait probablement jamais véritablement pansée. Sous la pile de détritus, de tickets de cinéma et de concerts, d’emballages de crackers et de bouteilles de ketchup vides, une grande, infiniment plus grande vulnérabilité que ce qu’elle voudrait bien le faire croire. « Les Riverwood sont très branchés cadeaux, donc j’ai pas mal de choses d’eux, effectivement. Mais de chez nous… Je n’ai pas retrouvé grand-chose. Shoshana m’a donné quelques photos, et un pull de maman qu’elle n’a jamais pu lui rendre, mais ça s’arrête là. » Deux familles, deux existences entre lesquelles jongler comme un clown dans un cirque, éternelle écartelée au passé tragique. Elle se relève brusquement, va fouiller une pile de dossiers pour retrouver la petite pochette de photos précieusement conservées. « Tu as pu garder quelque chose, toi ? » Si t’as rien, je te donnerai ce que j’ai, et on construira ensemble de nouveaux souvenirs que jamais rien n’emportera.
   

   

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Rhea & Rhysand

«Time, curious time, gave me no compasses, gave me no signs. Were there clues I didn't see ? And isn't it just so pretty to think, all along there was some invisible string tying you to me ? »

le 21 avril 2021 – Sanctuaire Riverwood, Nouvelle Orléans.

Bien-sûr, Rhys n'était pas dupe, face à l’attitude faussement nonchalante de sa sœur. Sa façon d'évoquer son amnésie avec détachement le poussa à la caresser du regard, enveloppant sa silhouette de son attention fraternelle. Ne fais pas semblant avec moi, Rhea. Je sais. Je comprend. Je suis tellement désolé. Il aurait pu l'enlacer, la prendre dans ses bras, mais ce n'était pas dans son tempérament, même si la chaleur couvait dans ses yeux. Rhysand esquissa un léger rictus, assorti à la désinvolture de sa sœur.

- Pas bête, marmonna-t-il en jouant avec une bouteille vide, du bout du pied. T'oublieras jamais le jour où t'as tartiné de ketchup cette savoureuse cuisse de poulet.

C'était plus facile de se moquer, de délirer, de se foutre de tout, avec son insolence habituelle. Rhys n’avait pas l'habitude de s'attacher aux autres et il savait encore moins comment exprimer son affection. En plus, elle venait d'évoquer Shoshana et le rictus de Rhysand devint plus sauvage. Il ne s'attendait pas à ce que la gorgone apparaisse tout à coup dans la conversation. Comme un rappel. Comme un avertissement.

- Vraiment ? Elle t'a donné un... un pull ? Hm.

Quoi ? C'était tout ce qu'elle avait trouvé pour l'aider ? Lui donner un vieux pull sans doute bouffé au mites ? La belle affaire hein ! L'expression du djinn se transforma pendant un instant, retrouvant la froide insensibilité qui lui était propre. Ce pull portait-il encore le parfum de Priya... ? Non, il ne voulait pas se poser ce genre de question. Le visage de Rhys se ferma. Il s'était montré cruel avec la gorgone, quelques temps auparavant, la manipulant sans pitié dans le but prémédité de la faire souffrir. Voilà qui il était : un être cruel et insensible. Que ferait Rhea si elle savait tout ça ? Rhys n'était même pas sûr de regretter ses actes. Sans doute n' était-il qu'un monstre. Oh oui. Un monstre dénué d'émotion qui ne s'attachait jamais à personne. En tous les cas, il ne valait pas mieux que les Idreis. Lorsqu'il avait confronté Ihsan au sujet de Rhea, celle-ci avait tout nié et le reste de la famille s'était contenté d'un silence opaque. Mais à quoi bon obtenir des aveux de leur part ? Il n'avait pas besoin de cela pour comprendre que les pouvoirs du clan étaient à l'origine de l'amnésie de sa sœur. A cause d'eux, elle était privée d'une part de son passé, contrainte de vivre avec des brèches dans son propre esprit qu'elle colmatait comme elle pouvait.

Rhysand profita que Rhea se redressait pour se frotter le visage et chasser son trouble. Les Idréis avaient abîmé Rhea, ils lui avaient fait du mal mais ce n'était pas contre eux que devait se diriger sa colère. Souvent, il se disait qu'il n'avait pas de raison de les haïr, pas plus qu'il n'avait de raison de haïr Shoshana. Ce n'était pas les autres le problème, ils avaient leurs propres motivations, leur propre train de vie. Non, il n'avait pas à reprocher aux autres d'agir en bien ou en mal. Le vrai problème, c'était lui. C'était à lui-même qu'il devait en vouloir, parce que ce qui le révoltait le plus, c'était d'être totalement incapable de réparer sa sœur. Il avait beau être un djinn, un Idréis, il avait beau faire partie de ce peuple d'immortels échappé des limbes, ses pouvoirs ne suffisaient pas. Et ce manque de contrôle le consumait de frustration. Une émotion féroce, la seule valable pour s'améliorer et se dépasser.

- Je... Il se racla la gorge, retrouvant un ton neutre pour répondre à Rhea. Ouais, tu sais, ils gardent des tas de trucs de famille depuis des siècles. Du coté paternel, je veux dire. Mais du coté des Rhodes, j'ai rien, nan.

Du coté de maman. Il n'osait pas l'espérer. Est-ce que Rhea avait vraiment récupéré des photos de Priya ? Il n'en avait jamais possédé aucune et le visage de sa mère, qu'il n'avait plus vue depuis ses six ans, était flou dans ses souvenirs. Des souvenirs d'enfance, fragiles et usés, qu'il arracherait de ses méninges à coup de pioche s'il le fallait, pour les offrir à sa sœur, elle qui en avait été totalement dépossédée.

(c) DΛNDELION
@Rhea Riverwood

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Rhea voit leurs similitudes, les manières d’être qui n’appartiennent qu’à ceux qui partagent un patrimoine génétique. Le rictus de son frère, cette taquinerie complice et un peu timide masquant une tendresse qui ne sait pas comment sortir. Ses yeux qui se dérobent et sa trachée qui fait mal. La dragonne se racle la gorge en même temps que lui – ce même mécanisme de reprise de contrôle, une sorte de digue émotionnelle – ça lui fait tout drôle.

Il lui parle de côté paternel, et elle a encore plus de mal à lui demander des infos que de parler de leur mère. C’est de ce côté-là que le bât blesse, c’est toute une partie de leur famille avec qui Rhys a grandi, pour le meilleur et pour le pire. Rhea n’est pas stupide, elle sait que sous les retrouvailles des enfants Rhodes se trouve un amas de complications entremêlées et purulentes. Elle sait qu’ils devront y plonger les mains à un moment, qu’ils n’aimeront sûrement pas ce qu’ils vont découvrir. Mais un moment de douceur bordel, un seul moment avant de se jeter dans le vide à la recherche de leur passé. « Et papa ? » elle demande, les lèvres sèches. Rhys lui a rapidement confirmé qu’il ne faisait plus partie de leurs vies et elle n’a pas poussé, encore sous le contrecoup de la réalisation. Mais Rhea, toute détective qu’elle est, n’a jamais guéri de son enfance – la seule enquête qu’elle n'a jamais pu résoudre.

Au bout d’un moment, elle parvient à remettre la main sur un petit coffre en noisetier qu’elle place entre Rhys et elle. Il n’y a pas grand-chose dedans, aussi n’a-t-elle aucune pudeur à l’ouvrir devant lui. Son ancien catalyseur, qu’elle a choisi de mettre en sécurité pour éviter de le perdre à nouveau bêtement dans la rue, un cendrier hideux qui est le produit de la première et unique séance de poterie dans laquelle elle s’est lancée avec Serena, son diplôme de l’académie de police, une écharpe offerte par Sage qui a drastiquement réduit au lavage, et la jolie boîte à musique offerte par Isra. Elle trouve immédiatement l’enveloppe avec les photos et sort les précieux clichés du papier kraft. « Certaines sont floues, mais c’est tout ce que j’ai. Il faut croire qu’avant toi, on avait pas de photographe digne de ce nom dans la famille » elle souffle avec un demi-sourire. Là, sur papier glacé, le visage rayonnant de leur mère, enceinte jusqu’aux yeux de son deuxième enfant, qui tente contre vents et marées de faire manger une Rhea âgée d’à peine deux ans, au visage maculé de purée.  
   

   

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Rhea & Rhysand

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le 21 avril 2021 – Sanctuaire Riverwood, Nouvelle Orléans.

Non, leur père ne faisait plus partie de leur vie. C'était ce qu'il avait répondu à Rhea, dans un haussement d'épaules, comme s'il n'en avait rien à foutre. Ashem les avait abandonné et jamais il ne pourrait le lui pardonner. La blessure resterait à vif dans son cœur, comme autant de secrets accumulés qui saignaient en silence mais il ne s'en plaindrait pas. Il n'était qu'un gamin, avec moins de seize ans de vie sur terre. Il prétendrait toujours être plus vieux, plus sage, plus expérimenté, plus dur. C'était ce qu'il avait toujours fait.

Assis sur le sol, à coté de sa sœur, il l'observa ouvrir ce petit coffre, rempli de souvenirs épars. Des souvenirs d'une vie qu'elle avait passée sans lui, auprès de sa nouvelle famille. D'apparence, il restait calme, esquissant de minces sourires à la vue des différents objets qu'elle lui révélait. Au fond de lui-même, il guettait avec une certaine impatience les photos promises. Quand elle les lui tendit enfin, Rhys sentit un trop plein d'émotions lui serrer la gorge. La remarque de Rhea lui fit expulser un rire un peu assourdi. Il garda la photo sous les yeux quelques secondes, s'imprégnant du visage de Priya, si flou dans sa propre mémoire. Des sourires défilèrent sur son visage alors qu'il découvrait les mimiques de la petite Rhea, le visage tendre de leur mère, son propre visage potelé de bébé. Un enfant qu'il n'était plus, un corps qui n'existait plus. "Je suis content de les voir." C'était sincère et pourtant, il n'avait pas envie de trop s'y attarder. Il n'était pas sûr d'arriver à gérer ce trop plein d'émotion. Sa voix avait déjà repris son timbre habituel, plus détaché, alors qu'il les rendait à Rhea. "Elles ont leur place dans ton coffre à souvenirs... tiens et ça qu'est ce que c'est ? "

Il avait apprécié la valeur du catalyseur, grimacé en riant devant le cendrier, esquissé un sourire jaune devant le diplôme de police. Un sourcil incrédule devant l'écharpe rétrécie, son regard s'était alors arrêté sur la boite à musique. Avec précaution, il la prit en main et remonta le mécanisme pour que les notes s'en échappent doucement.   "Je me souviens de cette boite", dit-il tout bas en retrouvant soudain des souvenirs enfouis de sa prime enfance, qui revenaient à la surface en entendant cette douce mélodie. "C'est maman qui te l'avait offerte, tu l'écoutais tout le temps. C'est... c'est Shoshana qui te l'a rendue ?" Prononcer le nom de la gorgone lui était toujours aussi inconfortable mais il ne voyait pas bien qui d'autre aurait pu lui ramener cet objet familier, si précieux aux yeux de la petite fille qu'elle était.

(c) DΛNDELION
@Rhea Riverwood

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Rhea n’insiste pas au sujet d’Ashem. Auprès de tous, il semble être cette épine brûlante, ce pieu en bois planté au milieu de leurs vies, indélogeable mais générateur d’échardes. Shoshana s’est assombrie immédiatement, la première fois qu’elle a prononcé son nom, et Rhys claque la porte au nez de ce souvenir. Elle n’insiste pas. Il y aura d’autres occasions, d’autres moments pour méticuleusement retirer les échardes. Lorsqu’ils seront habitués à la tendresse, lorsqu’ils sauront se montrer vulnérables, lorsqu’ils auront guéri l’un avec l’autre. Rhea n’a pas besoin de savoir, pas tout de suite. Alors elle se contente de guetter l’expression sur les traits de son frère cadet alors qu’il découvre les souvenirs flous qu’elle a précieusement amassés, un vrai trésor de dragon qui n’attendait qu’à être partagé.

Elle n’est pas dupe du mécanisme qui l’anime, pour l’avoir opéré elle-même toute sa vie. Contrôler l’émotion, la moduler et la façonner en quelque chose d’acceptable. La ranger dans un petit coffre, elle aussi, là où chaque chose aurait une place et où rien ne pourrait les mettre en danger. Elle sait que les photos sont venues gratter quelque part où Rhys a construit de solides barrières de protection, elle sait aussi que le pelliculage brillant sur les clichés est imperméable, qu’ils sauront rattraper l’eau du barrage quand celui-ci rompra. « On peut se les partager. Elles sont à nous deux. » elle répond dans un souffle en plaçant les photos entre eux deux, sans les remettre dans leur enveloppe. C’est leur héritage commun ; un nom de famille, une pile de photos, un sauvetage, et une mine d’or à creuser.

Rhea sent ses joues rosir quand Rhys prend en main la boîte à musique, et elle se sent bête d’être embarrassée, comme une collégienne à qui on parle de son crush. Elle sait aussi que c’est étrange de garder cet objet dans sa boîte à souvenirs – il devrait trôner sur son bureau ou sur sa table de nuit, mais elle ne peut pas s’empêcher de protéger ce qui est précieux, de les rassembler pour pouvoir les emporter rapidement en cas d’urgence. Une petite habitude de la rue qu’elle n’a jamais vraiment perdu. La gêne laisse rapidement place à la confusion devant les questions de Rhys, et elle arque un sourcil étonné. « Non, c’est un cadeau de… ma petite amie. Isra. » Ça lui fait bizarre de l’appeler ainsi tout haut, et Rhys et elle ne sont pas encore tout à fait arrivés au stade de ‘je te raconte ma vie amoureuse’ aussi de nouveau ses joues s’empourprent. Pour échapper à l’étrangeté du moment, Rhea continue à raconter, la voix à demi-étouffée par les ongles qu’elle commence subitement à ronger. « Elle m’a rapporté un truc que j’avais perdu il y a quelques semaines, c’est comme ça qu’on s’est rencontrées. C’est tout récent. Mais… C’est vraiment chouette. » Impossible de retenir un petit sourire, mais un accès de pudeur lui fait refermer la porte, doucement. L’instant est mal choisi. La dragonne se redresse, accueille l’anecdote avec tendresse. C’est vrai que les notes lui semblent familières. « Ça doit être une mélodie connue, si j’en avais une similaire étant petite. » Ça lui semble encore plus précieux, tout à coup, la manière dont Isra a choisi un si joli cadeau avec un sens particulier sans même le savoir.
   

   

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