Long time no see | Shosh

Aníbal & Shoshana

Sometimes before it gets better, the darkness gets bigger. Oh, we’re fading fast, I miss missing you now and then.

C’était une journée comme les autres. De celles qui existent par millier et qui ne se différencient plus entre elles quand on y repense quelques jours plus tard. Est-ce mercredi qu’elle avait mangé un délicieux gratin de carotte ? Non car c’est jeudi qu’a eu lieu le rendez-vous avec les fournisseurs pour le Snake’s Life. Ou alors c’était peut-être lundi ? Dans le fond, cela importait peu. La vie savait être monotone et glisser dans une quiétude bien étudiée pour permettre à ceux qui ne se font pas de souci de la parcourir sans se questionner. Il y avait parfois des hauts, parfois des bas et il y avait ces jours comme les autres au milieu. C’est le tout qui formait une vie, c’est le tout qui faisait que le temps passe sans que l’on ait le temps de s’en rendre compte.

Aujourd’hui, Holly avait oublié un projet à la maison avant de partir en cours, et elle avait dû le lui apporter en urgence. Sur le chemin du retour, en revanche, elle était beaucoup plus libre. Dans quelques heures, elle irait certainement travailler. Elle n’avait pas vraiment d’horaire, elle venait quand elle pouvait, quand elle voulait, mais finissait souvent par être tout le temps dans les parages. Le centre était devenu une seconde maison de laquelle elle n’avait aucune envie de partir. Il y avait toujours à faire, toujours à dire. Il y avait toujours quelqu’un à aider, toujours quelque chose à mettre en place, de nouvelles idées à trouver ou des affaires à ranger. Ca aussi, ça contribuait au temps qui passe.

Ce temps qui laissait des rides de plus en plus marquées au coin de ses yeux, ce temps qui faisait grandir ses enfants en les emmenant de plus en plus loin d’elle. Ce temps qui laissait s’effriter des relations pour en construire de nouvelles, tout en lui disant d’en profiter chaque jour avant que le temps ne disparaisse. Aujourd’hui, elle en profiterait en se baladant un peu en ville. Peut-être qu’elle ne trouverait rien de vraiment intéressant à y faire, peut-être qu’elle repartirait les bras chargés de cadeaux pour toute sa famille ou de nouveaux accessoires à installer sur son bureau. Aujourd’hui, elle laissait le temps au temps et se contentait de flâner le nez au vent, parce qu’il est agréable parfois de se dire qu’on a le temps.

Mais dans ce monde personne n’est jamais parfaitement en harmonie avec ce qui l’entoure. Alors, tandis qu’elle profitait de l’instant, elle se fit bousculer par un homme un peu trop pressé. Reprenant son équilibre pour éviter de se retrouver les fesses par terre, elle grogne mécontente. « Ca vous gênerait de faire un peu att … » Mais sa voix se coupe instantanément quand il se retourne vers elle et prononce son prénom, à elle. « Aníbal ? » Elle demande sur le même ton étonné. Voilà quelqu’un que le temps lui avait arraché et elle ne se serait jamais imaginée le rencontrer, là, par le plus grand des hasards au milieu de la rue. Leurs derniers échanges avaient été compliqués et elle ressentait immédiatement une forme de joie mêlée d’inquiétude en revoyant ce visage qu’elle avait connu par cœur des années auparavant. « Je … Ca fait si longtemps, je m’attendais pas à te trouver là. Qu’est ce que tu fais là ? Comment ça va ? » Des formules d’usage qui, elle le comprend trop tard, sembleront surement déplacées vu la nature de leur relation aujourd’hui, après tout ce temps.