Every dream filled with hell from beyond ⭓ Heyre

Feyre & Hel

Tears running dry
Shattered inside, but I still gotta smile
As I'm sinkin', I relive the story

C’était fini. C’était fini et c’était comme si l’aube se levait après la plus sombre des nuits. Mais elle était si morne et grise, cette aurore, et ils avaient tant perdus dans les ombres que personne n’avait vraiment le cœur à la célébrer. Surtout pas les perdants.

Et perdants ils étaient, les Nightshade au nom éclaboussé de rouge, tant celle qui s’était levée avec son surnom maudit que tous les autres. Tant ceux qui avaient simplement subis, que ceux qui s’étaient élevés contre leur propre sang et qui avaient vu couler le leur.

Il y avait un trou dans leur âme à tous maintenant, plusieurs peut-être, là où il y aurait dû y avoir Adriel et Deucalion, là où il y aurait dû avoir Athena qui n’était pas rentré avec eux, là où il y aurait pu y avoir Sapphire si seulement elle n’était pas celle qui avait tout débuté.

Il ne restait plus que des lambeaux de leur famille, devenu puzzle dont il manquait des pièces, à jamais incomplet. Des lambeaux qui leur glissaient entre les doigts.

Mais Hel voulait s’y raccrocher pourtant, désespérément ; puisqu’il le fallait iel se ferait fil de soie ou fil de fer pour les rapprocher, iel se couperait en mille pour changer de forme et réunir tous les morceaux. Parce que c’était tout ce qu’il lui restait à faire, après en avoir perdu un si gros. Tant pis si la sourde douleur hurlait au fond d'ellui quand iel la découpait ou la compressait pour mieux s’adapter, pour mieux se faufiler, tant pis s’il avait envie de pleurer. Il n’y avait plus que le présent qui comptait.

Il fallait faire en sorte que tout tienne en place maintenant, que ça ne s’effondre pas de nouveau. Parce que si tout s’écroulait encore l’adolescent n’était pas sûr qu’il puisse s’en relever une fois de plus, alors qu’ils peinaient déjà à le faire et que certains étaient restés à terre. Et il était encore moins sûr de pouvoir, lui, supporter une perte de plus.

Mais la vanne était solidement fermée pour le moment, scellée au fond de lui parce qu’il refusait de l’ouvrir. Ça n’aurait servi à rien, tout ça, ça n’était pas utile et ils avaient besoin de lui, de ce qu’il pouvait leur offrir - pas de sa propre peine pour rajouter à la leur.

Alors iel ignorait chacune de ses pensées qui scandaient le nom de feu son petit frère, iel ignorait les appels de Perséphone pour s’occuper de Feyre, d’Orion, de sa mère qui ne tenait plus debout après la perte de son dernier enfant. De sa mère au regard vide à présent.

Aujourd’hui c’était sa sœur qu’il allait voir, pour l’aider à ranger ses affaires dans sa nouvelle chambre. Pas qu’il y ait beaucoup d’affaires à ranger, depuis que leur ancien manoir avait été détruit.

Ça lui avait fait mal, aussi, de voir les ruines de leurs maisons. Presque tout avait été réduit en cendres et peu de choses avaient survécu au massacre ; il n’y avait presque plus rien de ce qui avait fait leur vie jusqu’ici, simplement ce qu’ils avaient pu emporter dans leurs bagages quand ils avaient fui. Adieu tous les croquis qu’Hel avait fait, à ses mannequins couverts de tissus, à son haut préféré offert par Perséphone qui était à laver, aux tenues qu’iel avait cousues aux poupées et aux peluches de ses frères et sœurs. Adieu aux affaires d’enfants qui avaient été gardés, aux œuvres d’art en pâte pour la fête des mères, aux empreintes des petites mains dans l’argile ou dans la peinture. Adieu aux photos de familles coincées dans les lourds albums, aux beaux livres de la bibliothèque qu’il avait regardés avec envie en se disant qu’un jour il les lirait tous, aux héritages secrets qu’on découvre dans les vieilles demeures.

Adieu à leur ancienne vie.

C’était l’heure de se concentrer sur la nouvelle.

Ici c’était toujours aussi grand, mais c’était encore trop impersonnel, vide de leurs possessions et des souvenirs qu’ils auraient pu y faire. Ils en feraient de nouveaux, sans doute, mais si leurs trois rires enfantins finissaient par résonner ici aussi, il y aurait toujours une fausse note là où il en manquait un dernier, là où il en aurait fallu quatre.

Et ça n'était pas aujourd'hui qu'il y allait avoir ses mélodies-là, de toute façon ; ils avaient mangés tous ensemble ce soir-là, mais ils avaient mangés en silence, encore sous le choc de la fin et du deuil.

La chambre de Feyre ne faisait pas exception à la règle, elle avait les mêmes murs froid et blanc que le reste du bâtiment, la même sensation de vide qui n'allait pas disparaître de sitôt.

La porte était entrebâillée mais Hel toqua quand même.

-Feyre ? Ça va ? Je suis venu t’aider. Pour t'installer correctement.

Il fallait bien commencer quelque part, après tout, et Hel n'avait pas envie de le faire par lui-même. Iel voulait voir où les autres en étaient, eux, d'abord. Avant de s'offrir le luxe douloureux de pouvoir se réparer ellui-même.

Codage par nenes

Feyre & Hel

Tears running dry
Shattered inside, but I still gotta smile
As I'm sinkin', I relive the story

Feyre n’avait pas l’air d’aller bien, et soudainement Hel se demanda pourquoi il avait demandé ça. Ça va ? Quelle question idiote, qu’on posait sans y penser. Évidemment qu’elle n’allait pas bien, pas dans ce manoir tout neuf et encore vide d’âme, évidemment qu’elle n’allait pas bien alors que les seules choses qu’ils avaient apportés avec eux n’étaient que des valises entières de regrets et de larmes.

Il lui restait encore des affaires, quelques objets qu’ils avaient réussi à sauver dans les décombres, celui du manoir comme de leur vie entière. Mais ça n’était pas l’important qu’ils avaient réussi à sauver, et c’était bien trop tard pour rattraper le reste. Hel aurait échangé toutes les peluches, tous les jouets, toutes les poupées et tous les croquis du monde, il était près à tout jeter si seulement cela pouvait lui rendre le plus important. Adriel.

Le pire ici ce n’était pas l’absence de tout, c’était son absence à lui. Peu importait que ce soit une nouvelle maison ou l’ancienne, peu importait qu’il y ait leurs affaires ou pas, s’ils avaient pu passer le seuil de l’entrée tous les quatre. Ils auraient été abattus quand même, ils auraient été encore tremblants et traumatisés, ils auraient été fatigués et ils auraient quand même perdu leur grands-parents, mais ils n’auraient pas perdu le plus beau joyaux de leur couronne. Ils n’auraient pas perdu leur petit frère.

Et il n’avait même plus les jouets qu’ils avaient partagés, les dessins qu’il avait fait pour lui, les rêves qu’ils avaient rêvés ensemble.

Alors, lui non plus, il n’aimait pas être ici. Mais qu’est-ce qu’il pouvait bien y faire ?

Les objets se mirent à voler dans la pièce sous l’impulsion des pouvoirs de Feyre, bien plus qu’Hel ne l’avait jamais vu faire. Ils tournaient dans la chambre comme le maelstrom des émotions de la petite dragonne, que l’aîné fendit vaillamment pour la rejoindre sur son lit et la prendre dans ses bras.

-Je sais que ça n’y ressemble pas trop pour le moment. Mais c’est ici notre maison, maintenant.

Lui non plus, il n’aimait pas trop être ici, pourtant. Mais ils n’avaient plus le choix, parce que Sapphire ne leur avait pas laissé.

Lui non plus, il n’aimait pas trop être ici, mais il n’avait que treize ans et un cœur brisé, et tout ce qu’il voulait, c’était que la famille qui lui restait aille un peu mieux.

Codage par nenes