Don't go chasing waterfalls. ♫ Orpheus & Morgan

Sam 20 Nov 2021 - 18:08

Don’t go chasing waterfalls.

Orpheus x Morgan

Ses pensées sont comme des billes d’eau. Elles flottent dans son esprit défait comme un florilège coloré, un carillon d’instants fugaces qu’on a menés à sa conscience. Son crâne en est plein, saturé, Orpheus s’attendrait presque à ce que ça sorte par ses oreilles. Pourtant … pourtant dès qu’il essaie dans saisir une, la bille lui file entre les doigts. La couleur déserte ses lèvres. Quand il ferme sa prise dessus, elle l’évite et va voltiger dans le panier de ses souffrances. Chaque concept dévie sous ses doigts, chaque phrase qu’il voudrait constituer court bien largement devant lui.
Il a pourtant fait des progrès, depuis qu’il s’est retrouvé là.
Il marche normalement, maintenant, ses mouvements sont fluides ou presque. Il est rapidement essoufflé, parce qu’il ne fait pas d’exercices, mais le neurologue est confiant. Il reste que ces satanés mots, ces phrases qu’il voudrait formuler et qui lui échappent sans arrêt. Il a beau voir, trois fois par semaine, une rééducatrice adorable, c’est difficile pour lui d’avancer. Il voit bien, derrière les prunelles, l’agacement jaillir chez les gens. Chez Arté, sans doute, la première ; mais elle ne semble pas lui dire.
On lui dit qu’il faut avancer, qu’il a fait tellement de progrès. Mais lui ne voit que les échecs. A 31 ans bien tassés, il est de retour chez ses parents, pas de projets, pas de moyens, simplement les murs d’une enfance qu’il a entièrement oubliée. On lui a ré-appris le monde, le Surnaturel, la grande guerre, on lui bourre le crâne d’anecdotes qu’il a vécues avant tout ça. De ce qu’il a compris, il voulait être musicien, il voulait gravir des estrades et jouer pour des milliers de fan. De ce qu’il a compris, avant ça, il habitait dans une autre ville. Nashvill. Avec Abraxas et Faolan. De ce qu’il a compris, il avait une sœur, mais ce qui lui est arrivé n’est pas encore très net pour lui. De ce qu’il a compris, il a tenté de revenir, de rentrer vers sa terre natale, alors que les combats perlaient dans les quatre coins du pays. De ce qu’il a compris, ils ont tout fait, avec son frère, pour revenir à la maison.
De ce qu’il a compris, encore, il est tombé le protégeant.
Parfois, quand il en a marre de ces quatre murs, il passe du temps chez Artémis, chez Faolan, chez Abraxas. Ça fait une semaine qu’il est là, à la Nouvelle Orléans, chez son cadet. La ville est trop effervescente, souvent ça lui donne mal au cœur. Mais il veut vraiment faire au mieux. Alors quand il a dit à son cadet que oui, ça irait sans problème, pour rejoindre le portail brillant de la demeure des Riverwood, il pensait vraiment que ça irait.
Force est de constater que non.

Il est fatigué, épuisé, la sensation de marcher depuis des heures. Et il ne connaît aucune rue, ne reconnaît aucun décor, comme si l’univers tout entier semblait modifier son visage. Sentant la lassitude gagner, Orpheus cherche son téléphone dans les poches de son jean trop grand.
Bien sûr, il est resté chez Xas.
Ce n’est pas grave, il n’a pas peur. Il est simplement épuisé. Peut-être que s’il s’assied un peu, il va retrouver ses esprits. Ou peut-être que ça n’aidera pas. Il le saura en essayant. Alors qu’il en avise un beau, un joli petit banc en bois tartiné de fientes de pigeon, Orpheus dévie ses grands pas et finit par heurter quelqu’un.
« Merci ! » s’écrie-t-il, les mains en avant.
Parce qu’il n’arrive toujours pas à dire pardon. Seulement merci, il paraît que ça a un nom lorsqu’on dit un mot pour un autre. En tout cas il fait ça tout le temps. Et l’autre doit le prendre pour un fou.
L’Astraea dévisage l’inconnu. Iel fait pile la même taille que lui, de longs cheveux bruns et bouclés, et un regard plein d’empathie qui vient donner espoir au brun. De nouveau il fouille dans ses poches, jusqu’à y trouver ce qu’il cherche.
Il tend une petite carte à l’étranger avec un sourire désolé.
Je m’appelle Orpheus Astraea, je suis aphasique et j’ai besoin d’aide.

Dim 28 Nov 2021 - 15:56

Don't go chasing waterfalls

feat Orpheus ✮ There's a light, there's the sun, taking all the shattered ones to the place we belong

Morgan se promenait avec mélancolie dans les rues de la Nouvelle Orléans. Iel n’avait pas vraiment de but, d’endroit où aller, alors qu’iel sortait de chez Rhea encore inquiet·e pour son amie. Ça n’était pas une très bonne période pour elle, en ce moment, mais au moins elle pouvait compter sur ellui. C’était bien tout ce qu’iel pouvait faire, la soutenir, après avoir échoué si spectaculairement à lui montrer les souvenirs qu’elle avait partagé avec sa mère il y a quelques mois. Au moins, lae brun·e était reconnaissant·e qu’elle ne lui en veuille pas.

Habituellement, iel serait sans doute aller chez Hope juste après, mais Hope n’était plus ici. Et ça faisait bizarre, quelque part. Lae sorcier·e savait que son amie avait la bougeotte, qu’elle n’était pas du genre à rester installer longtemps au même endroit. Mais quitter les États-Unis comme ça… Elle avait été vraiment touchée par les derniers événements qui lui étaient arrivés, et Morgan, encore une fois, avait été désolé·e de ne pas pouvoir faire plus. Et maintenant, ça faisait un peu vide, de ne plus pouvoir aller voir la tatoueuse dès qu’iel était ici. Iels avaient partagé tellement de bons souvenirs dans ses rues colorées.

C’est peut-être pour essayer de les retrouver, de les capter au passage, que Morgan se baladait de la sorte. Pour tenter de se rappeler correctement de tous ses bons moments qui lui glissaient entre les doigts. Ça lui faisait un peu de bien autant qu’un peu de mal. Iel aurait aimé pouvoir la retrouver, là, prendre un portail et se retrouver devant elle, mais elle était encore en voyage et iel ne savait pas exactement où. Et puis, impossible de savoir quelle heure il était pour elle maintenant. Oui, tout était différent. C'est comme si tout le monde avait décidé de partir, en ce moment... Hope n'était pas la seule qu'iel ne pouvait plus aller voir comme ça et la tristesse l'envahissait à chaque fois qu'iel y pensait.

Perdu·e dans sa tête et ses réminiscences, Morgan ne fit pas attention à l’homme qui dévia de son chemin au dernier moment et le percuta. Et au lieu de s’excuser, ce dernier lança un “merci” d’un air désolé et lae sorcier·e eut un regard confus. Mais peut-être que c’était un étranger qui ne connaissait pas bien la langue ? Il devait bien y avoir une raison.

Lae brun·e lui fit un sourire rassurant pour lui montrer qu’il n’y avait pas de soucis, que ça arrivait de bousculer des gens - et à vrai dire Morgan était tellement maladroit·e et si souvent dans la lune que ça lui arrivait régulièrement, sans l’aide de personne. Néanmoins, il y eut un instant de flottement, de silence entre les deux comme si aucun n’osait rien dire, et l’autre le dévisageait. Iel failli demander à l’inconnu s’il le connaissait, après tout, iels s’étaient peut-être croisés quelque part et Morgan ne l’avait pas reconnu ; ça n’aurait pas été une théorie si improbable, vu à quoi ressemblait encore certaines de ses soirées.

Mais finalement, il finit par sortir une petite carte de sa poche et à la tendre à lae sorcier·e qui la lut avec attention. Et iel comprit. Relevant les yeux vers Orpheus, iel sourit encore. Le pauvre avait l’air un peu perdu et ça n’était pas très étonnant qu’il ait besoin d’aide. Heureusement, lae sorcier·e était là.

-Bonjour Orpheus, je m’appelle Morgan ! Je peux t’aider, mais je ne sais pas de quoi tu as besoin.

Iel essayait de ne pas parler trop vite pour que son interlocuteur comprenne. Sol lui avait déjà parlé de l'aphasie, mais iel ne se souvenait plus exactement de tout ce que ça impliquait, surtout que ça devait encore être différent d’une personne à l’autre. Mais dans tous les cas, iel était prêt·e à aider ; peu importait sa tristesse, s’iel n’avait rien pu faire pendant la guerre, iel saisirait toutes les chances qui lui étaient donnés pour se rattraper maintenant. Et même sans cette culpabilité permanente, Morgan n’était pas du genre à laisser quelqu’un se débrouiller tout seul comme ça - après tout, on lui avait toujours dit qu’iel était trop gentil·le.

Âge : 31 ANS (01/02/1990) ♫ trop longtemps passés à dormir

Don’t go chasing waterfall.

Orpheus x Morgan

L’inconnu.e sourit gentiment, et Orpheus a de la chance. Une grande chance dans sa malchance. Parce qu’au milieu d’une foule immense remplie d’étrangers trop pressés, il est tombé sur une personne qui veut bien s’arrêter pour lui. Qui veut bien attendre, un petit peu, qui veut bien l’écouter tenter de faire sortir des sons perdus de son larynx fatigué. Il sait, il sait sans s’en souvenir, que tout le monde ne fait pas ça.
Alors il fixe l’autre personne, éperdu d’une gratitude qui transpire par toute sa personne. Et ce merci qu’il a lancé lorsqu’il voulait dire désolé, ce merci devient bien réel. Merci, merci, à l’inconnu.e, à cellui qui s’arrête pour lui. Lui qui n’inspire pas la tendresse, avec son grands corps fracassé, lui qui panique à chaque coin de rue depuis qu’il est revenu du Styx. Merci. Merci, Morgan.
Car Morgan lui dit son prénom, et Orpheus sourit plus grand.
De quoi tu as besoin. Il a besoin qu’on le rassure, il a besoin d’être tenu pendant qu’il marche sur la vie comme un funambule sur un fil, prêt à tomber dans son oubli et à s’y éclater la nuque. Il a besoin qu’on l’accompagne, parce que lui-même il ne sait plus. Il met son t-shirt à l’envers une fois sur deux, même si ça fait bien plusieurs mois. Les médecins disent qu’il a de la chance, qu’il aura peu de séquelles physiques. Mais sa vie, alors ? Ses souvenirs ? Il cèderait volontiers ses jambes pour se souvenir de qui il est.
De quoi tu as besoin. Il a besoin qu’on le comprenne. Il a besoin qu’on le regarde ; pas pour ce qu’il était avant, celui qui hante toutes les prunelles des individus qu’il rencontre. Non. Pour celui qu’il est devenu, cette chose fragile et malhabile qui progresse dans des villes immenses en oubliant son téléphone. Il a besoin qu’on le voie, lui. Orpheus Astraea. Celui qui a été aux enfers, et qui revient tout cabossé. Il a besoin qu’on lui dise que c’est valide, que la personne qu’il est maintenant peut exister par-dessus tout, en dépit de tous les obstacles et pour l’infinité des jours.
De quoi tu as besoin. Il a besoin de sa famille. De ses parents. De son jeune frère. Il a besoin de sa copine. Artemis. Il a besoin de ses amis, Faolan en tête de gondole. Il a besoin d’être auprès de ces gens, parce que c’est eux qui lui rappellent qu’il y a encore des nuages à aller décrocher aux cimes, qu’il y a encore des amours qui n’ont pas fanés en sept ans, qu’il y a encore des accroches dans ce monde où il perdrait pied. Mais il a besoin d’autre chose, d’autres gens, d’autres regards clairs. Il a besoin de se savoir exister bien au-delà d’eux. Qu’il n’est plus cette personne là ; peut-être, il ne la sera plus. Et donc, s’il n’est plus Orpheus, s’il n’est plus l’Orpheus d’avant, il a besoin de nouveaux yeux, de nouvelles voix, nouvelles accroches, de nouveaux nuages à chasser, de nouveaux endroits à hanter.
C’est de ça, dont il a besoin.

Mais il peut pas dire ça à Morgan, Morgan qu’il croise juste à l’instant et qui lui sourit gentiment, tenant sa petite carte en main. Il peut pas lui dire ça, non. Au moins, ça il sait ; qu’il peut pas.
Alors, péniblement, il articule.
Je voulais aller chez les Riverwood mais je ne suis perdu, j’ai oublié mon téléphone et maintenant j’ai mal partout et je ne sais pas où aller.
« Je … perdu. »
Finalement, ça le résume bien.
Je suis perdu, Morgan, perdu. Je suis perdu mais c’est pas grave, tout le monde me dit que c’est pas grave. Moi j’ai l’impression que ça l’est, et j’aimerais bien me retrouver. Je sais que tu peux pas m’aider à mettre du sens dans tout ça, à retrouver ce quelque chose qui fera que ça vaut le coup. Mais tu peux m’aider, un petit peu. J’ai besoin de toi, maintenant.
« J-je cherche … Faolan. »
C’est quoi son nom de famille, bon sang, ça lui glisse sans cesse sur la langue. Ce mot qui ne veut pas venir, qui ne sort pas de son cerveau trop outrageusement esquinté. Orpheus serre les poings très fort, cligne des paupières plusieurs fois, à essayer de convoquer le nom de san meilleur.e ami.e pour que l’inconnu.e puisse l’aider.
« Pond… forest ? »

Don't go chasing waterfalls

feat Orpheus ✮ There's a light, there's the sun, taking all the shattered ones to the place we belong

Le pauvre Orpheus lui dit qu’il est perdu, et tout chez lui indique qu’il ne parle pas que du chemin. Il a l’air perdu dans sa tête, dans ses pensées, dans la vie en générale. Morgan a l’impression de se revoir il y a des années, avant de rencontrer Daesyn et à chacune de ses disparitions après ça. Iel n’avait plus de boussole pour lae guider, plus son tatouage serpentin inerte à suivre. Alors iel est désolé·e, ellui aussi, que quelqu’un soit aussi désorienté que ça. Lae sorcier·e aimerait lui dire qu’iel va l’aider à s’y retrouver mais sait bien qu’il faut un peu plus qu’un·e gentil·le inconnu·e dans la rue. Au moins, iel va faire de son mieux pour l’épauler.

Faolan, c’est le prénom d’un des adelphes de Rhea, mais ça ne doit pas être la seule personne qui s’appelle comme ça dans toute la Nouvelle-Orléans et surtout, le nom qui suit n’a rien à voir avec celui des Riverwood. Pondforest, ça ne dit rien à Morgan, mais ils vont bien finir par trouver.

-Viens, allons s’asseoir, boire quelque chose de frais, ça te fera du bien et après tu pourras prendre ton temps pour tout me dire.

Le banc non loin est assez sale, alors Morgan le dirige plutôt vers un café non loin. Ça ne le dérange pas de payer quelque chose à ce pauvre bougre, pas non plus de prendre son temps pour l’aider ; s’ils arrivent à quelque chose, ça sera plutôt gratifiant de savoir qu’iel a fait quelque chose de bien aujourd’hui. Et puis iel sait à quel point ça peut apaiser d’avoir quelqu’un qui nous aide, sans rien demander en retour. Tant pis si parfois c’est un pigeon et qu’on profite de lui, parce qu’il faut bien que des gens continuent à avoir la main sur le cœur - et Morgan n’a jamais eu le choix que d’être ceux-là, l’inverse ne lui ressemblerait simplement pas.

-Tu veux quelque chose en particulier, ou bien est-ce que tu as besoin d’aide pour lire le menu ?

La seule peur qu’iel a c’est d’en faire un peu trop, iel ne connaît pas vraiment Orpheus et n’a pas envie de le mettre mal à l’aise en étant trop au petit soin avec lui. Mais avec son regard égaré, il a l’air d’un oisillon tombé du nid et iel ne peut pas le laisser au sol comme ça. Iel est du genre à les ramasser, à les soigner, à les aider à retrouver leurs ailes et s’envoler. Peu importe la forme que prennent les ailes, finalement.

-Pour ton ami, est-ce que tu saurais me dire le quartier où il habite ? Ou bien à quoi ressemble sa maison ? Je peux essayer de demander aux alentours si quelqu’un connait un Faolan Pondforest, sinon ! Peut-être que quelqu’un le connaitra.

Heureusement qu’il fait beau dehors ; lae brun·e ne l’aurait pas laissé errer sous la pluie ou dans le froid à la recherche de quelque chose dont il a visiblement du mal à se souvenir. Morgan aimerait pouvoir le soigner quelque part, mais il ne montre aucun signe de blessure, et lae sorcier·e craint que sa magie soit impuissante. Et puis on utilise pas ses pouvoirs comme ça sur un inconnu ; peut-être qu’iel lui demandera plus tard si quelque chose ne va vraiment pas, mais pour l’instant, c’est mieux d’utiliser la méthode la plus simple, tant pis si ce n’est pas la plus rapide. Parfois, il y a des choses que même la magie ne peut pas changer.

Don't go chasing waterfalls. ♫ Orpheus & Morgan