I can't be the only one ☾ Marshall & Edgar

Âge : 229 ANS (21/06/1792) ☀ une vingtaine sur la face

Marshall & Edgar

So tonight I’m calling all astronauts, all the lonely people that the world forgot. If you hear my voice come pick me up, are you out there? Cause you’re all I’ve got.

26 juin 2002

Nuit noire quand tu soulèves la fenêtre, ton précieux butin sous le bras. La maison craque, mais t’as pas peur. T’es un aventurier, un vrai. C’est pas cette vieille maison grincheuse qui va te faire te défiler. C’est trop spécial, ce soir.
Nuit noire quand tu descends le long du mur, te réceptionne sur le toit du garage. Tout le monde se connaît par ici, tu sais bien que si quelqu’un te voit c’est fini ; tes parents sauront. Mais tu sors quand même dans le noir. Les étoiles te font doucement signe tandis que tu te laisses glisser au sol.
La partie la plus dure est faite, maintenant tu n’as plus qu’à marcher. T’as mis ton plus beau pyjama, celui qui ressemble à un costume, comme ça si quelqu’un venait à croiser le petit Marshall là-dehors, tu pourrais faire croire que c’est normal. Même si la perspective de mentir à qui que ce soit te fait peur, tu te dis que c’est pour la bonne cause. T’essuie tes mains moites de l’escalade inversée, récupère ton bien le plus précieux et t’élances vers le champ voisin.
C’est pas la meilleure ville, ici. Y a pas d’immenses grands magasins, pas d’allées florissantes partout. Ta maison, elle est toute en bois ; il faut bien faire un demi-mile avant de trouver les voisins. En traversant un champ de maïs dont les épis te coupent les bras, dont les grappes lourdes inquisitrices pèsent presque aussi lourd que toi. Enfin, pesaient. Parce que t’as grandi, maintenant. T’as 9 ans et ton corps se fait plus athlétique à chaque printemps.
Les parents voulaient pas que tu sortes parce que demain, il y a école. Mais ça t’importe pas, à toi. Ce qui t’importe c’est ce qui se passe, là, dans le ciel, ce soir. Une éclipse de Lune immense qui n’attend que d’être admirée. T’as même pas pris de lampe de poche, l’idée t’a à peine effleuré. Sous ton bras, une lunette astronomique qu’on t’a offert pour tes 7 ans. T’y tiens comme à la prunelle de tes yeux, alors elle est toute enroulée dans ta couverture Spiderman ; celle que papa t’a ramenée de New York quand il y est allé, une fois.

Les ombres familières du maïs se dessinent sur ton horizon tandis que tu atteins l’endroit. Un gros rocher posé par-là, juste à la limite du champ et de votre terrain à vous. C’est ton endroit, ton fier royaume. T’as caché mille petits trésors dans les aspérités rocheuses, mille bouts de toi éparpillés qui sont délavés à chaque pluie. Lunette dans la poche, tu le gravis et t’assied, essoufflé, en haut. Il ne fait que deux mètres de haut, deux mètres cinquante à tout casser, mais dans ton esprit de garçon c’est le sommet de l’univers.
Tu prends une grande inspiration, savourant l’air tiède de la nuit qui fait s’éveiller tous tes pores. C’est le plus bel endroit du monde.
Un craquement retentit, plus bas, et l’inquiétude barre ton visage. Peut-être que t’aurais dû prendre une lampe, finalement, parce que là tu discernes rien dans l’agitation à tes pieds. Le vent remue les lourds épis, et même si t’es un grand garçon y a cette pression derrière tes côtes tandis que toutes tes peurs d’enfant font une vivace apparition. Tu vois rien, et tu tends l’oreille pour discerner la source du bruit.
Il se reproduit, derrière toi, comme si quelqu’un sans le vouloir écrasait des plantes trop rigides.
« Y a … y a quelqu’un ? »

Marshall & Edgar

La douceur de la nuit, de l'air frais qui s'engouffrait dans la chambre, avec ses odeurs, ses bruits, le léger vent. C'était une belle soirée, une soirée comme il y en avait beaucoup, en fait, parce que cet endroit était probablement l'un des plus beaux du monde. Du moins aux yeux de l'enfant qui regardait les étoiles par la fenêtre de sa chambre. Il n'aurait voulu grandir nulle part ailleurs, il ne s'imaginait vivre nulle part ailleurs. Juste lui et ses parents, dans la vieille maison familiale, celle où avaient vécu tous ceux qui l'avaient précédé, là où il avait vu le jour. Il avait les coudes sur le bord de la fenêtre et le menton dans les mains. Dans ses yeux brillaient les étoiles de ce ciel nocturne qu'il aimait tant. Derrière lui, dans le noir de sa chambre dans les combles, la porte s'ouvrit et la voix de sa mère résonna dans la pièce, sur un ton doux, comme toujours. Il ne s'était même pas retourné, pas besoin. "Tu peux sortir, si tu veux" lui dit-elle avec un air complice sur le visage. Elever son fils dans la liberté et le respect de la nature, voilà ce qu'elle avait toujours fait. Et c'était pour cela que cet endroit était si parfait, si paisible, si beau.

Le garçon n'hésita pas un instant. Si il avait la permission, alors il sortirait en effet. Courir enfiler ses chaussures et puis sortir sur le perron, avant de filer vers les champs, vers la liberté qu'on lui offrait pour la nuit, ou au moins pour la soirée. Et partir, heureux de pouvoir juste courir sous le ciel étoilé. Il se sentait porté par le vent, par l'air de la nuit, arrive jusqu'au champ de maïs dans lequel il aimait bien jouer, bien se cacher, même si il jouait tout seul et qu'il le sentait parfois un peu trop. Mais à huit ans, c'était facile de s'inventer des amis imaginaires et de vivre de folles aventures avec eux, pas forcément besoin de vrais amis quand on avait son imagination, quand les histoires qu'il avait dans la tête prenaient vie au milieu de cette nature qu'il aimait tant. Courir encore un peu le long du champ jusqu'à voir le gros rocher.

Et puis là, sur ce rocher, quelqu'un. Un autre enfant, il le voyait clairement à la lumière des étoiles. De quelques pas, aller se cacher dans le maïs et avancer un peu plus vers le rocher, pour l'espionner, pour voir ce qu'il faisait. Il avait l'air bizarrement habillé, surtout pour lui qui était comme toujours avec son short et son t-shirt. Mais il avait fait craquer le maïs sous ses pas pourtant légers et l'autre l'avait entendu. Il rigola dans le noir en l'entendant demander si quelqu'un était là et entreprit d'escalader le rocher pour sortir du maïs. Apparaissant à côté de l'autre enfant, il le regarda un peu, la tête penchée sur le côté, comme un animal qui attendait quelque chose, qui l'observait de ses grands yeux bruns. « Je voulais pas te faire peur. T'es sorti pour les étoiles toi aussi ? »

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Marshall & Edgar

So tonight I’m calling all astronauts, all the lonely people that the world forgot. If you hear my voice come pick me up, are you out there? Cause you’re all I’ve got.

Tu n’es pas de ces jeunes enfants qui sont effrayés à chaque pas. Non. Toi, un jour, tu exploreras les recoins d’une galaxie beaucoup trop vaste pour avoir peur de quoi que ce soit. Tu rencontreras d’autres vues, leur beauté à couper le souffle te donnera l’envie d’exister, tu le sais et ça te rend fou de penser qu’au-delà des nues il y a un milliards d’autres mondes qui n’attendent que ton engouement. Tu voudrais déjà retenir dans tes paumes de main maladroites la pluie fine des météores, embrasser les constellations et traverser les nébuleuses. On t’a offert cent livres dessus, que tu relis à l’infini.
C’est pas possible qu’il y ait que vous, tu te dis. Pas possible qu’il y ait que ça, dans toute l’immensité lointaine, que les humains et puis rien d’autre.
Alors non, t’as pas peur, Marshall. Pourtant quand la silhouette surgit, comme un diable sorti de sa boîte, tu manques de perdre l’équilibre. Tu te rétablis, genou à terre, pour calmer ton myocarde paumé. C’est ton rocher, t’as jamais vu personne dessus, et pourtant là y a quelqu’un d’autre. Un garçon, de ton âge ou presque, que t’as sans doute croisé avant mais tu t’en rappelles plus vraiment.
Tu bafouilles, un idiot en flagrant délit de rêverie.
La lunette dans sa couverture Spiderman a failli t’échapper des mains, et tu la serres contre ton cœur. Tu te serais jamais pardonné si elle s’était brisée par terre, ou sur le rocher, ou ailleurs. T’aurais ramassé les morceaux jusqu’à te mettre les mains en sang, avec l’objet le plus précieux qu’il t’ait été donné de tenir.
« J-je … oui. »

Incapable de dire autre chose tellement tu t’y attendais pas. Oui, t’es là pour regarder les étoiles. Quelle autre raison y a sur la terre pour être dehors après la nuit ? Oui, t’es là pour regarder les étoiles, mais t’es pas ignorant là-dessus, t’as lu mille livre, tu sors pas juste, comme ça, sur un coup de tête, exhaler le début d’été en dévisageant le cosmos.
Alors tu te reprends et tu déplies la petite note que tu as imprimée pendant que ton père regardait pas trop. Tu la brandis comme un trophée devant le nez de l’inconnu avant de la poser au sol, sur la surface rêche du rocher, pour lui désigner les dessins.
« Y a … y a une éclipse de Lune, ce soir. J-j’ai pris ça pour la regarder. »
Et, joignant geste à la parole, tu détricote le lâche maillage de la couverture, dévoilant dans la clarté toute lunaire l’éclat de ton plus précieux bien.
« C’est une lunette astronomique ! » tu annonces, fier comme un 4 juillet.
Tu pourrais lui parler des heures du modèle et du verre de loupe, mais curieusement t’as l’impression que ça l’intéressera pas trop. Il ressemble à un touriste, avec son short et son fin t-shirt que t’aperçois sous les étoiles. Alors tu le fixe, toi aussi, le détaille comme il te détaille. Il pourrait te ressembler, un peu. De nuit, d’un champ mal éclairé. Mais c’est sans doute pas le cas du tout.
« Tu t’appelles comment ? Moi, c’est Marshall. »

Marshall & Edgar

Le garçon aurait pu rire d'avoir vu qu'il l'avait surpris à ce point. Mais ça n'était pas très drôle, en fait. Et quand l'autre avait dit qu'il était aussi là pour les étoiles, il lui avait largement souri, tout content de voir qu'il y avait quelqu'un d'autre sous ce ciel étoilé. Il aimait tant la nuit, il aimait tant le ciel nocturne. Il aimait voler dans ce ciel également. Peut-être le ferait-il pour rentrer à la maison, tout à l'heure, quand l'aube approcherait. Parce qu'il était hors de question qu'il rentre avant que les pâles rayons du soleil aient commencé à faire rosir le ciel. Mais ça, c'était pour plus tard. D'abord, il observait le garçon à ses côtés et ce qu'il tenait dans ses mains. Le papier qu'il déplia pour le poser sur le rocher. Il l'attrapa pour le regarder. Une éclipse de lune ? Il n'avait jamais vu ça, lui, il n'avait jamais fait attention à cela en fait. Mais son sourire éclairait toujours son visage si mobile. Encore plus quand l'autre lui montra ce qu'il tenait contre lui, ce qu'il avait caché dans une couverture. Un appareil. Pour observer le ciel. Qu'il n'osa pas toucher.

« Edgar. Mais tout le monde m'appelle Eddie, avait-il répondu distraitement en observant toujours l'objet. » La lunette astronomique, avait dit l'autre garçon. Marshall. Il ressentait la passion du garçon, il ressentait sa joie, son envie de voir les étoiles. Et cette passion l'envahissait aussi, parce qu'elle était forte, parce qu'elle était belle. Edgar ne savait pas encore comment faire pour éviter que les émotions des autres ne l'envahissent trop, ne surpassent les siennes. Et voir quelqu'un d'autre, un garçon de son âge, aussi heureux et passionné par cette nature, par ce ciel que lui-même aimait tant...Cela lui remplissait le coeur de joie. Il le voyait déjà, dans ses songes de créateur d'univers, comme un explorateur, celui qui allait découvrir de nouveaux mondes, de nouvelles planètes. Il l'imaginait dans un vaisseau fait de bois, bâtie comme l'avait été sa cabane, avec des lunettes d'aviateur, guidé toujours plus loin par le besoin de découverte. Et il se mit à rire joyeusement.

« Et comment ça marche ? Tu regardes dedans ? » Il était tout aussi curieux qu'il avait envie de l'entendre parler de quelque chose qu'il aimait. Qu'il avait envie de voir l'étincelle dans ses yeux. La passion dans sa voix. Il était venu s'asseoir en tailleur, essayant de rester en place comme on le lui demandait parfois, comme quand sa mère lui faisait l'école à la maison. Mais ce n'était pas facile, il aimait bouger et il avait déjà envie de se lever et continuer à explorer, de tournoyer sous les étoiles jusqu'à ce qu'elles lui semblent pareilles à des comètes qui voyageraient au-dessus de sa tête. Mais non, il resta sur place, à écouter la réponse de son nouvel ami. Parce que bien entendu qu'ils étaient déjà amis.

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Âge : 229 ANS (21/06/1792) ☀ une vingtaine sur la face

Marshall & Edgar

So tonight I’m calling all astronauts, all the lonely people that the world forgot. If you hear my voice come pick me up, are you out there? Cause you’re all I’ve got.

Eddie. Tu lui souris avec délice, parce que t’es bête d’avoir eu peur, parce que t’auras plus jamais peur de ce qu’il vient vers toi, maintenant. Y a entre vous cette connexion que seuls les enfants peuvent entendre, cette certitude inaliénable que oui, vous êtes déjà amis.
Eddie, oui, ce sera ton ami. Tu ne le sais peut-être pas encore, ce soir sous la clarté lunaire, mais ce sera ton meilleur ami. Vous partagerez tous vos instants, vos rires et vos peines d’être grands. Vous serez des inséparables, au point que ceux qui vous rencontrent ne sauront pas qui est Eddie, qui est Marshall, et l’un et l’autre vous vous amuserez à en jouer. Vous serez invincibles, idiots, vous veillerez bien trop tard le soir pour vous réveiller le lendemain et courir construire des cabanes, des cerf-volants, des météores, admirer la beauté du monde et la fragilité du temps. Vous serez de ces amitiés dont tout le monde jalouse la candeur, de celles qui font sourire les adultes avec un air compatissant, jalouser les autres enfants, scintiller les étoiles plus fort.
Mais pour l’instant, t’en es pas là. Pour l’instant, celui qui sera un beau jour ton Eddie à toi reste simplement un Eddie.
Son rire est communicatif, et bientôt tu ris toi aussi, et l’éclipse de Lune pourrait bien furtivement te passer sous le nez que ça n’a guère plus d’importance. Vous riez, le monde devient grand, et pourtant tellement petit qu’il se réduit à ces éclats, ces petites voix d’enfants nocturnes qui résonnent au champ de maïs.
Tu t’assieds à côté d’Eddie et tu lui montre la lunette, manipulant avec précaution comme si un rien pouvait la briser.
« Oui, regarde, tu mets ton œil ici, et tu vises une étoile. N’importe laquelle. » tu dis en lui montrant un peu. « Tiens, tu veux essayer ? »
Tu lui mets le verre devant le nez, et tu partages, sans démesure. Tu partages parce qu’il n’y a personne avec qui tu peux partager. Pas de petit frère, pas d’amis qui n’ont pas déménagé loin. Son visage s’éclaire en voyant, à travers le prisme de l’objet, l’immensité du ciel nocturne.
Pour l’instant, vous n’en êtes pas là. Mais vous resterez tout de même, à contempler la voie lactée, parlant des mille et unes étoiles qu’un jour, ensemble, vous visiterez, des bateaux qui vous emmèneront franchir les ports de l’univers et de tous les projets superbes qu’on formule quand on a neuf ans.

3 septembre 2006
Tu marches. Le cœur lourd, la tête basse. Tu marches, en ce jour de rentrée, le long de la route jusque chez toi. T’es pas dans la même classe qu’Eddie, cette année, et ça te pèse sur la poitrine. Ton sac pèse trop lourd sur ton dos. Tu n’aurais jamais dû marcher.
Mais dans le bus, y avait plus de place. En tous cas pas pour les comme toi. La tête du caïd de la bande quand il t’a dit que le bus prenait pas les nerds. Et t’as rien dit. Tu dis jamais rien. Parce que c’est vrai, t’es pas comme eux. Eux ils gloussent et parlent des filles, alors que toi t’aime les étoiles. Les dinosaures. Faire des barrages sur les ruisseaux, courir à s’en péter les côtes, jouer aux cowboys et aux indiens en imaginant des martiens qui viennent kidnapper le shérif. Ils te comprendront jamais, et tu les comprendras guère mieux.
Tu le sais, depuis que t’y es, dans ce grand collège anonyme, tu te rends compte que t’es différent. Qu’à grandir aussi loin des autres, tu leur ressemble pas vraiment. Et que même ton meilleur ami, maintenant on l’a séparé de toi.
Alors tu marches. Tu marches parce que tu te sentais pas d’attendre le bus suivant, de dévisager le chauffeur avec ton air de chien battu. Tu marches parce que tu voulais te dégourdir le cœur, aussi. T’étais si heureux de la rentrée, tout s’est effondré en y allant. Vous partagerez plus les mêmes choses, avec Edgar. Lui, il se fera des nouveaux amis ; parce que qui ne voudrait pas être ami avec lui ? Et toi, tu resteras assis au fond, tout seul sur ta table de deux, à dévisager les nuages qui suivent dehors leur course folle.
Un soupir, tu shootes dans une pierre.
Au moins, si Eddie était là, vous feriez la course jusqu’à la maison. Ou bien vous cueilleriez des mûres, et vous en rendriez malades à force de toutes les manger. Mais c’est fini. C’est fini, fini, fini, maintenant, maintenant il faudra que tu sois grand, que t’apprennes à faire les choses seul.
Et t’es pas sûr d’avoir envie.

Marshall & Edgar

Des nuits à regarder les étoiles, il y en eut beaucoup d'autres après ça. Des nuits à être complices. Des après-midi aussi. Des week-ends entiers. Ne plus grandir seul était nouveau, agréable, incroyable. Et il n'avait jamais pensé qu'avoir un ami humain pourrait être si important dans sa vie. Mais maintenant, il ne pourrait plus se passer de Marshall. Plus jamais. Alors forcément, quand ils n'avaient pas été dans la même classe au collège, ça avait été un drame. Il avait voulu quitter le collège, parce que ça n'avait d'intérêt que parce qu'il était là, que parce qu'il pouvait partager avec lui ce qu'ils apprenaient ensemble. Il avait envie de dire à ses parents qu'il n'y retournerait pas. Mais il connaissait déjà la réponse qu'on lui ferait. Il savait que ce ne serait pas possible. Qu'ils insisteraient pour qu'il y retourne, que c'était mieux pour lui. Mais le rêveur qu'il était n'avait pas besoin de cours de mathématique ou d'espagnol...

Mais en réalité, Edgar avait bien plus important à s'occuper que ses cours ou vouloir y retourner ou pas. Non, il y avait cette bande là. Ces petits durs qui s'y croyaient, comme si le monde leur appartenait, comme si ils avaient le droit de faire leur loi sur les autres enfants. Il n'avait jamais aimé l'injustice. Jamais. Mais la voir en face de lui et sur quelqu'un qu'il appréciait, c'était trop. Alors il avait attendu que tout le monde s'assoit, que le bus démarre, regardant la tête de son ami par la fenêtre, marchant au-dehors, les épaules basses, l'air accablé. C'était bien plus qu'il ne pouvait en tolérer, bien plus qu'il ne pouvait accepter. Qu'on s'en prenne à son ami, devant lui, le voir ainsi aussi malmené par la vie, par le monde autour de lui et par ces petites brutes...Il ne laisserait pas passer ça. Alors il attendit, patiemment, que la bande descende à leur arrêt et les suivit, avec d'autres gamins, près d'un lotissement en bordure de la ville.

Aller se cacher, au milieu des arbres et des buissons à côté d'un chemin de terre qui partait vers les champs plus loin. Enlever ses vêtements et les fourrer dans son sac de classe avant de revêtir une autre forme. Il grogna un peu en prenant cette apparence de gros chien, pas une de ses préférées, loin de là même, mais ce n'était pas le but. Et le gros chien courut après la bande, grognant, aboyant, claquant de ses mâchoires pleines de crocs et de bave, jusqu'à ce que le chef de la bande tombe à la renverse à force de courir comme un dératé pour fuir l'animal. Alors il lui sauta dessus, bavant et aboyant tout près de son visage, claquant encore une fois des mâchoires férocement. Il aurait pu le mordre, ça aurait été facile. Aussi facile que lui quand il faisait du mal aux autres. Quand il s'acharnait sur Marshall sans autre raison que sa différence, son côté rêveur qu'Eddie aimait tant...Il pleurait le chef de la bande, il pleurait et il suppliait, les autres étaient plus loin, à attendre de voir. Mais Edgar n'était pas comme eux, pas une brute sans coeur, alors il rebroussa simplement chemin. L'autre avait eu la peur de sa vie et peut-être que savoir qu'il s'était uriné dessus aller pousser les autres à se moquer de lui et à arrêter de trainer avec lui...

Et le chien était reparti en courant, se cacher dans les fourrées. Et c'était un oiseau qui en était ressorti. Sa forme préférée cette fois-ci, un petit cardinal, tout rouge, tout ébouriffé, qui s'élança dans les airs jusqu'à voir son ami qui continuait à marcher. Et le petit oiseau vint tournoyer autour de lui, doucement, il ne voulait pas lui faire peur. Il tournoyait et voletait près de lui, attirant son attention par son champ, ses petits piaillements, le guidant lentement. Et puis disparaître de sa vue, soudainement. Edgar était redevenu adolescent, fouillant son sac pour s'habiller rapidement et apparaître presque aussi soudainement que l'oiseau avait disparu face à son ami. Ah ! Je t'ai rattrapé enfin !

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Âge : 20 ANS (26/06/2001) ◬ trop jeune pour tout comprendre

Marshall & Edgar

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L’oiseau tourne tout autour de toi, ça te fait relever la tête. T’entends d’ici la voix de ta mère faut pas te mettre dans des états pareils, Marsmallow ! Mais à quoi bon, hein, Maman ? A quoi bon ne pas se mettre dans des états pareils ? Si on est pas triste pour les choses qui finissent, en colère pour les injustices, à quoi bon être humain, au fond ? T’es triste, Marshall, t’es super triste, parce que tu réalises durement qu’il faudra bien que tu grandisses. Que ta vie, elle s’arrêtera pas à la limite de ton village, qu’elle va plus loin que cette clôture sur laquelle vous montez tout le temps. Que tu vas grandir, toi aussi, et peut-être même que t’oublieras ce que ça fait d’être un enfant, tu deviendras adulte aussi, et tu diras à tes enfants qu’il faut pas se mettre dans des états pareils.
Y a que les enfants qui comprennent ce que c’est d’être inconsolable, t’en es profondément persuadé. Et maintenant que t’en seras plus un, tu voudrais que ça dure encore, tu voudrais que ton innocence croupisse pas sous des chaises moisies avec tous les autres chewing-gums que des gosses plus cools que toi ont collés là.
C’est le glapissement d’un oiseau qui vient te sortir de tes pensées. Tout rouge, il est si minuscule qu’on dirait qu’il vole juste pour toi, qu’il s’est ramené pour te faire sourire. Et ça marche, un peu, fugacement. T’arrêtes pas de t’émerveiller sur les jolis trucs dans ce monde, c’est ton péché mignon, un peu. Pas oublier de regarder autour au lieu de fixer bêtement tes pieds. Il a raison, ce petit oiseau, avec ses piaillements et son air vif. Tu relèves timidement la tête pour regarder autour de toi.
C’est à cet instant qu’il surgit.

Tu l’as pas entendu venir. Il a même pas essayé de t’attraper, de t’appeler. Il fait irruption dans ton champ de vision comme il a fait irruption dans ta vie : avec ce fracas intangible que tu regrettes pour rien au monde.
« Ed-Eddie ?! »
Tu le fixes, la bouche grande ouverte, heureux et surpris à la fois, comme si sa seule présence ici ne pouvait être qu’une effraction de la trame même de l’irréel.
« Je… Comment t’as fait pour me rattraper ?! Je croyais que tu finissais avant moi, je … »
T’hyperventiles autant que t’articules, tellement t’es heureux qu’il soit là. Ça change rien, et puis ça change tout. Parce que t’es plus tout seul, maintenant. La route devient beaucoup moins longue, et ton chagrin beaucoup moins lourd. Tu n’es plus tout seul, Marshmallow, t’as ton cher Eddie avec toi.
Sans crier gare, tu t’arrêtes de marcher et tu l’attrapes par la manche. Tu tires dessus pour qu’il s’arrête lui aussi, et tu le serres fort dans tes bras. T’as eu quelques poussées de croissance, tu fais bien une tête de plus que lui, mais peu importe. Tu le serres super fort, parce que tu sais pas dire autrement à quel point t’es reconnaissant. Reconnaissant à lui d’être là, reconnaissant à l’univers de t’envoyer si bon ami, reconnaissant, reconnaissant.
« C’était super nul, l’école, sans toi. » tu murmures contre son épaule.
Tellement nul que t’as qu’une envie : oublier ce que t’as vécu, rentrer faire une tarte avec lui, tarte que vous mangerez en cachette en grimpant doucement sur le toit. Parce qu’au fond de toi, tu le sais.
C’est super nul, la vie, sans lui.

Marshall & Edgar

Apparaître comme ça devant son ami n'était probablement pas la meilleure des solutions pour être discret et cacher sa véritable nature à celui qui n'était qu'un humain. Mais ça n'était pas important. Au pire, il comprendrait ce qu'était réellement Eddie. Mais le zouwu était persuadé que ce n'était pas grave, que leur amitié pouvait aller au-delà de ça, que ce n'était pas important. Alors peu importait qu'il se pose des questions. Et il souriait largement à son ami, bien content de le voir, comme toujours. Je t'ai attendu, en fait, mais je t'ai raté faut croire ! Il souriait largement, il était heureux de retrouver son ami, d'être avec lui, même si il l'avait défendu sans que l'autre le sache, au fond. Et maintenant, juste l'accompagner, presque sautillant, heureux d'être là, heureux d'être avec lui, oubliant la colère à l'avoir vu se faire malmené, juste apprécier qu'il soit à ses côtés. Et il aurait continué comme ça si Marshall ne l'avait pas attrapé pour l'arrêter.

Se faire serrer dans ses bras comme ça, par son ami, par celui qui comptait le plus dans sa vie, probablement. Ce gamin d'à peu près son âge, son seul véritable ami au fond, n'était pas n'importe qui. Il aurait tout fait pour Marshall et il savait que c'était réciproque, il savait que le garçon qu'il avait rencontré autrefois, cet adolescent qu'il était maintenant, serait toujours son ami. Et peut-être un peu plus. Mais ça...C'était une petite pensée, un songe qui dormait au fond de son esprit et qu'il n'allait pas évoquer maintenant. Ouais, l'école, c'est pas terrible...Pas pouvoir être avec toi, ça a été dur. Et puis c'est chiiiiiiant leurs cours là ! Il l'avait gardé un moment dans ses bras, peu importait leur différence de taille depuis que Marshall avait fait une poussée de croissance. C'était même amusant de voir qu'il le épassait totalement désormais.

Et puis il avait fini par se détacher de son ami, s'écarter un peu pour le regarder avec un sourire. Viens, on devrait aller se chercher un truc à manger chez moi et aller dans le champ s'installer. T'en dis quoi ? Il y aurait forcément à manger chez lui, forcément un truc que sa mère aurait cuisiné pour quand il rentrerait du collège justement. Et elle savait bien qu'Eddie ne reviendrait pas tout seul, alors il y aurait une quantité affolante de cookies, cupcakes ou quoi que ce soit qu'elle ait fait pour eux.

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Mer 5 Jan 2022 - 13:31

Marshall & Edgar

So tonight I’m calling all astronauts, all the lonely people that the world forgot. If you hear my voice come pick me up, are you out there? Cause you’re all I’ve got.

Le visage enfoui dans ses cheveux, t’oublies une seconde ta journée. De toute façon, les journées sans lui, c’est du temps perdu. C’est ce que tu te dis, Marshall, pendant que ton cœur éclate de retrouver ton meilleur ami. Tu sais bien comment les autres vous voient. Les deux idiots du village, ceux qui connaissent pas bien la ville, qui posent des questions trop intelligentes pour pas être foncièrement débiles, t’entends bien les rires derrière vous et ça te fatigue à chaque fois. Que toi, on s’en prenne à toi, qu’on te dise que t’es qu’un pauvre nerd, qu’on vienne te voler ton goûter ou te traiter de paysan, tu t’en fiches. Mais Eddie. Qui pourrait en vouloir à Eddie ? Sa seule faute, à lui, c’était d’être ton ami à toi. T’as peur du jour qui arrivera où en fait, il en aura marre. Où il se rendra compte que c’est de ta faute s’il est mis en marge, lui aussi. Et où il fermera sa porte pour plus que tu puisses y entrer, parce qu’il sera mieux sans toi.
Tu le serres un peu plus fort avant qu’il se dégage, les yeux rempli d’incertitudes que t’as pas envie de lui montrer.
Le visage d’Eddie te noue la gorge, sans que tu saches vraiment pour quoi. Rien qu’à l’idée qu’il t’ait retrouvé, t’as envie de sauter jusqu’au ciel pour y attraper des nuages et en faire de la barbe à papa, t’as envie de danser sur place avec tes vieux mouvements débiles, une énergie toute entière t’envahit, et tu lui lances un fier sourire.
« J’en dis que … »
Tu bouges, imperceptiblement, pour te mettre en position. Tu sais que t’as tes chances, cette fois, t’es plus grand que lui. Tu vas forcément y arriver. C’est pas de la triche, juste un peu. Une seconde de préparation en plus, c’est tout.
« … le dernier arrivé a perdu ! »

Et tu t’élances à vive allure, l’air qui siffle dans tes oreilles. Tu cours, de ton corps maladroit, en ligne droite le long de la route. Tes jambes bougent sans que tu commandes, tu te sens libre, tu te sens bien. Ça évacue le trop plein d’émotions d’avoir cru être seul toujours, et qu’Edgar t’ait bien retrouvé. Tu cours, les poumons incandescents, les muscles qui tirent sous ton jean, et tu finis par bifurquer au milieu du champ de sa famille.
Haletant, tu ralentis. Tu l’as pas vu te doubler, donc t’es forcément le premier. Tu t’installes sous le porche, pour reprendre ton souffle, les cheveux collés par la sueur de l’effort que tu viens de faire.
Tu l’attends, le cœur tambourinant, incapable de déceler sous les pulsations de l’effort l’émotion qui t’aura saisi.

Sam 8 Jan 2022 - 18:19

Marshall & Edgar

Tout allait toujours mieux quand il était avec Marshall, tout semblait toujours plus simple, plus beau, plus mieux. Et surtout, rien ne lui semblait impossible avec lui à ses côtés. Ensemble, ils auraient pu tout faire, aller où ils voulaient et devenir qui ils voulaient sans que personne ne les arrête jamais. Viser les étoiles ne semblait pas si irréaliste quand Marshall était avec lui et cette simple petite pensée folle le réchauffait doucement à l'intérieur. Il gardait cette idée pour les nuits solitaires et froides, pour se tenir au chaud et ne pas avoir peur. Et puis soudain, il se mit à courir loin de lui, à courir comme un dératé. Et ça, ça afficha un grand sourire sur le visage d'Eddie, un sourire radieux, parce que c'était toujours beau de voir son ami heureux. Il lui laissa un peu d'avance, parce que c'était trop facile sinon, en le regardant s'éloigner un peu.

Et lui aussi, il se mit à courir, à faire ses pas longs, d'abord lents et puis de plus en plus rapides. Une fraction de seconde, c'était ce qu'il lui fallait pour traverser les airs, pour traverses les monts et champs, pour traverser le temps lui-même. Une fraction de seconde pour se retrouver à l'autre bout du monde. Une autre pour revenir. Mais surtout, en cet instant, une fraction de seconde pour arriver chez lui, sous le porche, même pas essoufflé. Il sentit l'odeur des gâteaux qui sortaient du four, celle des champs autour de la maison, celle de la forêt un peu plus loin. L'odeur du monde dans lequel il se sentait si bien et qu'il aimait tant. Un monde qu'il voulait garder dans un écrin, un monde dans lequel il voulait grandir, vivre et puis vieillir, lentement mais sûrement. Mais il manquait une odeur dans ce monde si parfait : celle de Marshall.

Presque sur la pointe des pieds, le zouwu était rentré dans la maison et avait parcouru les quelques pas qui séparaient l'entrée de la cuisine pour aller y chercher les cookies encore chauds. Servir deux verres de lait, prendre l'assiette de cookies et alors qu'il avait entendu des pas faire grincher le bois du porche, il avait passé la tête la porte qu'il avait laissée ouverte. Je crois que t'as perdu, Marsh. Il rit de bon coeur et vint s'asseoir à côté de son ami, l'assiette pas loin d'eux, lui laissant l'un des grands verres qu'il avait servis. A chaque fois qu'il le regardait, qu'il voyait ses yeux, les détails de son visage, les courbes délicates de ses lèvres...A chaque fois, il y avait des papillons qui s'envolaient dans son estomac et qui remontaient dans sa gorge, jusqu'à son cerveau, sans qu'il n'en comprenne la raison profonde. Mais il savait une chose : il adorait ça et il ne voulait jamais que ça cesse.

code by underratedboogeyman

Ven 28 Jan 2022 - 23:38

Marshall & Edgar

So tonight I’m calling all astronauts, all the lonely people that the world forgot. If you hear my voice come pick me up, are you out there? Cause you’re all I’ve got.

En sueur, tu reprends ton souffle, transi par la course incroyable que tu viens juste d’affronter. Courir, pour toi, c’est presque une seconde nature : tu te dis que si tu cours vite, les autres ne te rattraperont pas. Les autres ne t’atteindront pas, ne pourront pas vraiment t’atteindre. Tu seras le roi des vitesses, prince des célérités du monde. Tu monteras sur un trône de vent rempli de mille et une libertés, et tu souriras tranquillement aux champs bruissant sur ton passage.
Pourtant, quand tu entends le porche qui craque juste à côté de toi, que tu vois surgir la tignasse que tu connais presque par cœur, tu peux pas t’empêcher de sourire. Ça te va si vous êtes deux rois. Vous aurez un royaume d’étoiles, de chamallows et de cookies. Les automnes seront des printemps et les longs hivers des étés. Vous défierez tous les idiots qui t’empêchent de monter dans le bus, vous serez toujours dans la même classe, et tous les autres que vous verrez passeront leur temps à se demander, parmi ces deux gars de la campagne, lequel est réellement Marshall et lequel s’appelle bien Edgar.
« Comment … » T’es surpris. « … mais je pensais … » Encore un peu essoufflé. « … comment t’as pu arriver avant moi, tu t’es téléporté ou quoi ?! »
T’es surpris, mais au fond ça n’a pas d’importance. Il éest là. Toi aussi, t’es là. T’as juste envie de savourer la tiédeur d’un septembre naissant, la pâleur de fin de journée. Il te laisse un grand verre de lait et tu en bois des longues lampées jusqu’à avoir des moustaches blanches qui se prennent au-dessus de ta lèvre. T’es surpris, tu poses la question, tu te dis que ce serait cool s’il pouvait se téléporter. Mais tu sais que ça existe pas, ou bien seulement dans les comics. Tu hausseras juste les épaules devant sa justification, parce qu’au fond tu t’en moques vraiment, de comment ton Eddie a fait.
Il est juste là, près de toi, et c’est ça le plus important.

T’as douze ans, c’est ton meilleur ami -certains diraient ton seul ami-, alors tu vas en prendre soin. Tu te sers maladroitement en cookies et tu croques dedans à pleines dents, ravi de sentir la saveur du chocolat sous ton palais.
« Mh … délichieux ! » tu articules.
On t’a toujours dit de pas parler la bouche pleine, mais tu t’en fiches. L’air sent l’été qui disparaît, et tu voudrais devenir le prince dans un palais de courant d’air pour qu’aucune porte ne puisse claquer entre ton cher Edgar et toi. T’as l’impression que ta poitrine est devenue une énorme caisse claire, à tambouriner dans les coins ; tu mets ça sur le compte de la course. C’est plus facile que de songer, alors que t’as seulement douze ans, que parfois si ton cœur s’emballe c’est parce que t’as bien remarqué le sourire d’Eddie qui est heureux. Que parfois si tes mains sont moites c’est parce que tu aimerais bien qu’il soit heureux en permanence.
Alors tu ne dis rien, Marshall, tu prends simplement ton goûter en fixant la terre poussiéreuse où aucune voiture n’est garée. L’instant est exquis comme un fruit dont la saveur est délectable, et tu souris sans y songer avec Edgar à tes côtés.
Vous serez les rois de ce monde.

Lun 31 Jan 2022 - 15:04

Marshall & Edgar

10 avril 2009

Le crayon traçait des formes sur le papier. Pas des lettres, oh ça non. Il traçait des arabesques complexes sur la feuille du cahier, des formes toujours plus imbriquées les unes dans les autres, pleines de courbes, de lignes, comme un trait ininterrompu qui se perpétuait et devenait un dessin à part entière. La page était presque couverte de ces dessins, de ces courbes élégantes et fines, qui ne représentaient rien de précis, ce n'étaient là que les égarements du crayon sur le papier, rien de plus. Et quand la page fut totalement remplie, le crayon se releva et se posa à certains endroits, pour rayer, pour combler, pour colorier de cette couleur graphite certains espaces vides entre les lignes, rendant le motif encore plus complexe. Peu à peu, le dessin s'acheva, il aurait pu y avoir de la couleur, avec les stylos-billes rouge et vert, mais non, le noir et blanc était bien. Parfait même. Et quand la sonnerie résonna à l'extérieur de la salle de classe, le zouwu qui tenait le crayon releva soudainement la tête. Il n'écoutait que peu, en classe, en particulier en cours de maths. Ça n'était pas vraiment un domaine qui l'intéressait beaucoup. Il avait rangé ses affaires rapidement, enfournant dans son sac tout ce qui trainait sur la table, et était sorti de la salle, une seule ance sur l'épaule, pour se mêler à la foule...

Parfois, les dons qu'il avait reçus à la naissance lui pesaient un peu trop. Et au milieu d'un bahut rempli d'adolescents aux émotions en vrac, son empathie naturelle n'était nullement un don. Il essayait de se fermer à tout cela, à ces émotions, à ces sentiments qui lui traversaient le crâne de part en part quand il était dans cette foule. C'était si difficile. Sa mère lui avait proposé de reprendre les cours à domicile, pour éviter de baigner dans cet horrible bouillon d'adolescence en plein changement. Il avait dit non. Parce que si il avait dit oui, il aurait été coupé de la seule chose qui rendait ses journées agréables et qui affichait un sourire sur ses traits. Il ne pouvait pas se couper de ça, de lui. Pas avec tout ce qui arrivait d'autre. Il avait traversé les couloirs du bahut, essayant de ne pas entendre tout ce qui se passait autour de lui, retrouvant peu à peu un sourire alors qu'il sentait se rapprocher la seule présence qu'il aimait retrouver. Jusqu'à ce qu'il le vit un peu plus loin, lui et son sourire, lui et son air adorable, lui et son regard...

Un instant, Eddie s'arrêta au milieu des gens qui continuaient de marcher autour de lui. Il lui sembla que le temps s'était arrêté pour et pour l'adolescent qu'il regardait. Les bruits s'étaient atténués, les couleurs du monde s'étaient fadées, les mouvements semblaient à la fois plus rapides et moins importants. Parce qu'il n'y avait plus que lui. Juste le regarder et soupirer un peu, en se disant qu'il aurait aimé être invisible parfois, pour juste rester avec lui sans qu'il le sache, pour le regarder en secret et l'accompagner. Il pourrait le faire d'ailleurs, il pourrait devenir juste un oiseau, juste un papillon, n'importe quoi qui passerait inaperçu et qui le suivrait sans même qu'il ne s'en rende compte...Mais ce serait différent. Ce ne serait pas comme pouvoir provoquer ses éclats de rire lui-même ou entendre sa voix qui ne parlait qu'à lui. Non, ce serait totalement différent. Et il avait fini par se mouvoir de nouveau, allant jusqu'à l'adolescent avec un sourire sur le visage. Hé Marsh ! T'as fini les cours aussi ? Il était venu à côté de lui, le pousser gentiment comme il faisait souvent, un geste qui en cachait un autre. Mais le seul qu'il s'autorisait à faire malgré tout.

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I can't be the only one ☾ Marshall & Edgar

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