Almost like a family reunion [PV Roméo]

Une journée comme une autre, voilà ce que c'était que cette journée. Une journée où il travaillait comme toujours, à tout contrôler autour de lui, à vérifier que les danseurs et danseuses soient tous et toutes parfaits. Que les serveurs et serveuses fassent correctement leur boulot. Que tout soit parfait. Parce qu'il ne supportait pas que ce ne soit pas le cas. Et tout ce qu'il se disait à cet instant, inspectant une dernière fois les danseuses qui sortaient des loges, c'était qu'il aurait aimé que Narcisse soit là ce soir pour animer le spectacle. Pour être au coeur du spectacle en fait. Parce que tout était beaucoup mieux quand elle était là. Elle qui était si parfaite. Mais le propriétaire du cabaret chassa ses pensées de son crâne, quelque chose avait retenu sa star ailleurs, c'était comme ça et il fallait qu'il fasse sans elle. Au moins pour ce soir. Alors il avait fini par lâcher un soupir et décider de se rendre dans la salle.

Enfin plus précisément, il avait décidé d'aller jusqu'au bar pour demander comment se passaient les choses ici. Si tout le monde était heureux, si tout le monde consommait correctement également, une part importante de l'activité du cabaret. Et comme toujours, tout semblait bien se passer de ce côté-là, il n'avait à s'inquiéter de rien, qu'on lui répondit gentiment, quoi qu'un peu inquiet qu'il puisse se mêler de ce qui se passait réellement et engueuler le premier venu pour une erreur minime. Il soupira, encore une fois, et allait repartir vers son bureau quand une serveuse vint le voir. « La jeune femme, là-bas, a demandé à ce qu'on vous serve et qu'on mette la consommation sur sa note, monsieur, » avait-elle dit d'une petite voix, presque timide, s'attendant presque à ce qu'il s'emporte après elle. Au lieu de cela, le sorcier arqua un sourcil et regarda la femme en question. Rien de plus captivant que cela, rien de vraiment attirant, pas à ses yeux en tout cas, mais intriguant malgré tout. On ne lui offrait pas souvent à boire de la sorte.

Patientant un instant, le temps que le bartender s'occupe de son corpse reviver, son cocktail de prédilection qu'il chargeait en absinthe, Romeo observa la femme. Il n'y avait pas grand chose à en dire, elle ressemblait à nombre de femmes qui passaient la porte de son établissement, nombre de femmes qu'il avait déjà vues, encore et encore. Pas une seule n'arrivait à la cheville de Narcisse. Elle non plus. Il espérait simplement que ce n'était pas encore une de ces femmes qui avaient entendu parler de sa réputation, de son argent et du fait qu'il soit célibataire. Il commençait à ne plus supporter les filles à papa qui voulaient se trouver un compagnon et profiter de sa richesse. Armé de son verre au goût acidulé, il se rendit de son pas léger jusqu'à la table de l'inconnue et s'assit à son côté, croisant les jambes et laissant son bras gauche s'appuyer sur le dossier de la banquette. Regardant le spectacle plutôt que la femme, il porta son verre à ses lèvres. « J'imagine que vous souhaitiez attirer mon attention. C'est chose faite. Pour environ deux minutes. Faites vite. »

Ce n'était même pas un jeu, même pas un évènement dont il se souviendrait quand il repenserait à la soirée, plus tard. Ce n'était qu'une rencontre qui resterait sans aucun doute anonyme, parce qu'elle ne l'intéressait pas une seule seconde. Ce n'était que le verre qui l'avait attiré, le verre et voir la déception dans les yeux d'une nouvelle victime. Elle était jeune, elle pourrait faire un sacrifice de choix si elle se montrait trop insistante. Peut-être plus tard, pour l'instant, il allait l'écouter, faire ce qu'il faisait le mieux : attendre qu'on le flatte. Parce que c'était probablement là le seul intérêt à venir prendre un verre avec ces personnes qui se pensaient assez importantes pour attirer son attention. Ils ne comprenaient souvent que trop tard que ce n'était jamais une bonne idée d'attirer le papillon de nuit à eux avec de jolies lumières. Une autre gorgée de son breuvage, un regard captivé par le spectacle et le son de cette voix qui entrait doucement dans son oreille alors qu'il écoutait les mots et attendait d'y voir l'intérêt.

Le sorcier laissa échapper un rire en basculant la tête en arrière, faisant onduler un peu ses cheveux derrière lui, avant de pencher la tête vers elle pour lui couler un regard particulièrement amusé. « A peine, en fait, » se fendit-il de répondre avant de relever la tête pour boire une nouvelle gorgée d'alcool. Elle était si loin de savoir. Elle parlait de famille, sans savoir ce que cela impliquait, ce que cela voulait dire. Une famille, comme si il avait véritablement besoin d'en avoir une. Oh certes, il se souvenait de sa mère, celle qui l'avait abandonné des années et des années plus tôt. Mais avait-il besoin de retrouver les restes de cette famille ? Il n'en savait rien. Et si elle faisait partie de sa famille adoptive, c'était encore pire. Il ne restait rien de son coven de l'époque, de sa famille, des siens qui lui avaient servi à nouer le lien qu'il avait avec Sytry...Elle allait subir le même sort si elle continuait de ne pas savoir de quoi elle parlait, voilà ce qui était absolument certain.

« Y'a-t-il une réelle raison à votre visite ou n'êtes-vous venue que pour retrouver un lointain cousin ?... Parce que si tel est le cas, j'ai bien peur que vos deux minutes soient achevées. » Pas de temps à perdre avec des joutes qu'il allait gagner à coup sûr. Elle n'avait aucun pouvoir, aucun intérêt et aucun argument qui le fasse rester. Il tourna de nouveau la tête vers elle, posant son regard sur son visage, sans dévier un instant sur ses formes, il n'était de toute façon pas intéressé. Dans son arrogance, il voulait bien lui laisser une nouvelle chance d'attirer son attention, quelques précieuses secondes de plus de son temps, avant de partir et d'oublier l'existence de cette femme dont il ignorait jusqu'au nom.

"Pourquoi qui vous prenez-vous ?" avait-il envie de lui répondre, la fixant d'un regard dur et froid, parce qu'elle osait lui parler de respect, elle qui venait chez lui pour jouer à un jeu dont elle ne connaissait même pas les règles. Qui était-elle pour venir réclamer des conversations et des réponses ? Qui était-elle pour venir le déranger ainsi, sous prétexte qu'elle appartenait à une famille décimée, déchirée, enterrée depuis longtemps ? Elle ne méritait ni respect ni attention, aussi arrogante puisse-t-elle être, elle ne méritait pas la moindre considération de la part du sorcier qui se sentait infiniment plus important et puissant qu'elle. Qui était-elle hein ? Même en entendant la suite, même en voyant la lave qui coulait de sa paume, il ne changea pas d'avis. Une sorcière ? Une nymphe ? Une dragonne peut-être même ? Qu'importait donc ce qu'elle était, elle ne rivaliserait jamais avec lui. Ou avec Narcisse. D'un claquement de doigts, les employés du Crimson pouvaient être là, les chiens de garde qui s'occupaient du lieu, les sorciers qui y travaillaient...Elle ne savait pas où elle avait mis les pieds...

« Mon nom n'a rien d'un secret. En revanche, venir me dire que vous êtes la fille de quelqu'un qui est peut-être pour quelque chose dans le massacre de ma famille... » Il avait repris une gorgée de son verre, un sourire sûr de lui sur les traits. Il se fichait de qui avait massacré les Vescovi par le passé, il n'avait fait qu'entendre les histoires de ses parents adoptifs, quand il avait été en âge de savoir ce qui s'était passé. Et encore, ce n'étaient bien là que des histoires, des rumeurs, des mots que les parents avaient dit à l'adolescent pour tenter d'apaiser ce qu'ils pensaient être une crise d'identité parce qu'il ignorait d'où il venait. Des détails insignifiants dont il n'avait pas besoin, au fond, des détails qui n'avaient aucun intérêt pour quelqu'un comme lui, quelqu'un qui avait bâti son empire de ses propres mains et qui continuerait à le faire prospérer sans tenir compte des personnes comme elle. « Je n'ai rien à vous dire, malheureusement pour vous, et vous conseille de partir sans faire d'histoire, » avait-il ajouté en se levant nonchalamment.

Romeo coulait sur elle un regard descendant, un regard écrasant, la détaillant une dernière fois. Pas que son visage l'eut intéressé. Loin de là. Mais si elle ressemblait à sa mère...L'avait-il peut-être déjà vue ? Il ne la connaissait pas, ce nom qu'elle avait lancé n'avait aucune signification pour lui, même si elle semblait persuadée du contraire. Comme toujours, les gens comme elle croyaient toujours être au centre de l'univers, sans s'apercevoir que c'étaient eux qui tournaient autour d'un astre bien plus imposant et lumineux qu'ils ne le seraient jamais. « Vous venez de loin, comme vous l'avez dit, vous devez avoir beaucoup de route à faire pour rentrer dans les jupes de maman... »

Dans l'esprit de Romeo, c'était la colère qui brûlait, plus forte que tout le reste. Plus forte que le peu de patience qu'il avait accordée à la femme en face de lui. Plus forte que son contrôle sur lui-même qu'il tâchait de maintenir. Plus forte que toutes volontés de se montrer humain quand il n'y avait plus en lui que l'esprit d'un monstre. Parce qu'elle allait trop loin. Elle se croyait tout permis, pour une raison qui lui échappait, elle qui n'était rien, qui n'était personne, qui n'avait aucun droit sur ces terres, dans son palais. Ses doigts se crispèrent autour du verre, dans ses yeux flamboyait une envie de la réduire en morceaux, en charpie sanguinolente, à tel point que même Sytry n'en voudrait plus. La chaleur de la lave, les flammes qu'elle fit naître, le rougeoiement intense...Et au milieu de tout cela, la colère toujours plus forte, toujours plus vive de l'homme, du sorcier. Si il ne savait pas qui elle était, il semblait qu'elle ne savait pas qui il était non plus. Petite peste sans cervelle, petite catin qui valait moins que rien.

Dans les cris de la serveuse, Romeo entendait bien plus que cela. Il entendait sa rage qui débordait, qui lui rappelait que c'était son lieu, son sanctuaire. Et quand on venait en son sein et qu'on profanait tout ce qui était sacré, qu'on s'en prenait aux siens, on risquait non seulement de déclencher la fureur du maître des lieux mais aussi de tous ceux qui vivaient et travaillaient ici. De cette famille qui était toujours là, de ces membres qui comptaient les uns sur les autres. Mais elle ne pouvait assurément pas le comprendre. Elle qui avait tout de l'enfant gâtée, de la prétentieuse stupide, incapable de voir qu'elle n'était qu'un grain de poussière dans les rouages du temps et du pouvoir. Oh oui, elle allait le regretter. Et le sorcier fit un signe de la main, aux deux dragons qui avaient accouru en entendant les cris de la pauvre serveuse, qui s'était maintenant effondrée au sol. Le signe de la main leur demandait de ne rien faire, de lui laisser le plaisir de s'occuper de cette enfant qui se prenait pour une femme.

D'un mouvement rapide, venir jusqu'à elle et la saisir à la gorge, priant silencieusement Sytry de lui faire don de son pouvoir d'envoûtement. Sentir la peau chaude sous ses doigts et sentir aussi son propre pouvoir qui affluait, qui pénétrait en elle par les pores de sa peau. Il la regardait froidement, ses yeux vides de tout autre chose que la fureur glacée, l'envie de lui faire subir les pires outrages parce qu'elle avait osé s'attaquer à lui et aux siens. « Alors comme ça, on croit savoir ce que c'est que la colère...? Si tu avais su qui j'étais, tu ne serais pas venue jouer les divas sans en avoir le pouvoir... » siffla-t-il entre ses dents en serrant un peu plus sa prise sur la gorge. Ce serait si facile de l'étouffer, de la broyer, de l'empêcher de faire quoi que ce soit de plus. Mais laisser ses pouvoirs d'envoûtement agir, lui faire faire tout ce qu'il voulait et la laisser se rendre compte de ce qui s'était passé quand elle retrouverait la pleine maîtrise d'elle-même...Cela était bien plus savoureux. « Rappelle ta lave et demande pardon, immédiatement. »

Elle jouait avec le feu, c'était tout ce qu'elle voyait. Elle jouait avec le feu de toutes les manières possibles. Comme une femme qui croyait avoir le pouvoir, qui ne comprenait pas la situation dans laquelle elle se trouvait. Comme une adolescente qui faisait un caprice pas possible parce qu'elle n'avait pas ce qu'elle croyait mériter. Comme une enfant qui étale ses pouvoirs devant les yeux de tous au lieu de les garder et de surprendre au moment d'attaquer réellement. Et elle allait comprendre qu'à jouer avec le feu, on se brûlait bien plus souvent et bien plus durement qu'on ne le pensait. Elle n'était qu'une enfant qui ne comprenait pas de quoi il s'agissait, qu'une enfant qui n'avait pas encore appris comment se tenir dans le monde des adultes, qu'une enfant à qui on devrait plutôt donner une sucette pour qu'elle se taise et qu'elle aille voir ailleurs le temps que les grandes personnes discutent...

« Je n'ai pas besoin d'être à la hauteur, très chère. Je suis déjà bien au-dessus de tout ce que tu ne seras jamais... » soupira-t-il. Elle n'était qu'une gosse, voilà tout. Une gosse qui voulait sans aucun doute impressionner quelqu'un en venant ici, en faisant son petit cirque. Parce qu'au fond, pourquoi faisait-elle cela ? Parce qu'ils appartenaient à la même famille ? Cette famille n'était plus que des cendres dans l'esprit du sorcier, un passé qu'il avait enterré avec les corps de son coven, des années plus tôt. Pourquoi s'accrocher ainsi au passé ? Ce n'était pas dans l'histoire qu'il trouverait ce qu'il attendait, ce qu'il cherchait, le pouvoir et l'immortalité qu'il convoitait pour rester de ce monde et continuer de posséder son petit empire. Mais elle ne comprendrait jamais cela. Était-elle dragonne, nymphe ou sorcière, il n'en savait rien et ça ne l'intéressait pas le moins du monde. Elle ne ferait pas le poids quoi qu'il arrivait.

Le sorcier fit signe et Cerbère et Panoptès les rejoignirent rapidement, encadrant Romeo. « Ces messieurs vont t'escorter jusqu'à la sortie et je te conseille de ne pas jouer avec eux si tu veux éviter de te faire mal, » prévint-il avec un large sourire satisfait sur le visage. Les deux dragons n'hésiteraient pas avant d'utiliser leurs pouvoirs, parce qu'elle avait menacé la sécurité du club, parce qu'elle avait blessé une employée, parce qu'elle avait insulté leur patron et ami. Elle pouvait jouer, elle pouvait crier, elle pouvait faire l'enfant, cela ne changerait absolument pas ce qu'il se passerait. Elle finirait dehors plus rapidement qu'elle ne le voulait.

Pour lui, elle faisait déjà partie du passé, elle n'était plus que l'écho d'une vague dispute et il avait tout autre chose à gérer désormais. Comme les dégâts qu'elle avait causés et qui devraient être réparés au plus vite. Alors le sorcier avait laissé le soin aux dragons du Crimson de s'occuper de cette petite peste, parce qu'il n'allait plus accorder une seule seconde de son temps à elle personnellement. La seule chose qu'il ferait, sans doute, serait de rajouter une ligne de protection pour se débarrasser d'elle, l'empêcher de pénétrer encore dans le lieu. User et abuser de la magie pour protéger les siens n'avait jamais été un problème, il allait encore une fois utiliser ce stratagème. Mais pas aujourd'hui. Quand il aurait réfléchi, réuni ce qu'il fallait pour faire cela. Et il n'avait d'ailleurs pas écouté ce qu'elle avait à dire en repartant vers le bar, peu intéressé par le venin qu'elle pouvait cracher sur lui.

Le sorcier était retourné au bar, s'enquérir de l'état de tout le monde, employés comme clients qui avaient assisté à la scène de la gamine. La pauvre serveuse, celle à qui elle avait osé s'en prendre. Il était encore furieux quand il la voyait, en laissant Galatée préparer de quoi la soigner au mieux, si c'était encore possible. Parce qu'elle était en état de choc, parce qu'elle était à peine consciente, parce qu'elle était en pleine catatonie et qu'il n'espérait qu'une chose : qu'elle n'en garde pas de séquelle. Laisser faire, c'était tout ce que le sorcier était en capacité de faire, malheureusement pour lui, parce qu'il détestait rester dans l'inaction de la sorte. Comme un lion en cage, il arpentait la salle, maintenant que tous les clients étaient dehors, maintenant qu'il ne restait que les employés. Jusqu'à ce que Méduse n'arrive pour le calmer, comme elle savait si bien le faire, juste en lui parlant.

L'écouter et boire un verre de plus, la laisser lui dire comment ils allaient faire pour se venger de ça. Et rester avec elle jusqu'à ce que Narcisse arrive, qu'on lui raconte ce qui s'était passé. Ensemble, ils trouveraient un moyen de faire payer, de se venger, protéger mieux encore le Crimson Palace, en faire la forteresse que le lieu devait être pour protéger les surnaturels qui y vivaient, pour protéger les clients qui venaient s'y réfugier. Pour faire du club, le lieu de paix et le refuge qu'il devait être. Et ça, Romeo y accorderait toute son attention.