FAOMIS II ※ break my soul in two

Une semaine, c’est déjà trop.

Elle a fait beaucoup de conneries dans sa vie, Artémis. Des erreurs de jugement à n’en plus compter, des décisions impulsives, des mots qui n’auraient jamais dû être crachés. Mais elle est pas lâche – du moins elle ne l’a jamais été, jusqu’à maintenant. Et chaque seconde qui passe est une nouvelle goutte de honte. C’est quand même con, d’être avec un homme et de ne penser qu’à la manière dont quelqu’un d’autre va le prendre. Un trio, puis un duo, puis un duo encore. Même à l’époque, elle a toujours refusé de hurler son amour viscéral à la gueule de Fao, parce qu’un trio c’est trop fragile. Faut pas trop merder avec l’équilibre de ces choses-là, ça s’effondre pour un rien et y’a plusieurs prisonniers dans les décombres.

De toute façon ael va comprendre tout de suite que y’a quelque chose qui va pas : elle a sonné à la porte plutôt que d’ouvrir un portail dans sa chambre à la sauvage comme elle fait d’habitude. Comme si trois grammes de politesse allaient faire la différence à ce qu’elle allait lui annoncer. « Morning, wanker » L’insulte britannique roule sur la langue avec affection, avec le même goût que lorsqu’ils avaient seize ans, au fond de la classe à s’apprendre du slang de leurs douces patries. « You busy ? » Elle revient à peine de sa course, et il lui vient à l’idée qu’elle aurait pu se doucher avant de venir, au lieu de se pointer avec sa brassière et son jogging, mais ça fera pas de différence pour Esmée qu’elle lui dise en baskets ou en talons, de toute façon.
   

CODAGE PAR AMATIS   

Aujourd'hui encore c'est un cauchemar qui t'as réveillé, Esmée. Et après, t'as juste traîné dans ton lit. T'aurais pu aller le voir, mais ça fait encore mal. Tu vas quand même le faire toutes les semaines, mais aujourd'hui t'as pas la force.

Heureusement, Artemis a envoyé un message pour dire qu'elle était là dans quelques minutes. Et c'est la porte d'entrée qui sonne, alors lae brun·e est un peu étonné·e parce que d'habitude son amie s'embarrasse pas de ça. Mais c'est bien elle qui est derrière la porte.

T'as un sourire en la voyant Fao, mais il est pas aussi grand qu'avant.

-'Morning, arschloch.

Ça fait du bien, d'entendre des trucs de son collège dont quelqu'un se souvient.

-Nope.

Tu vas pas au shop, de toute façon ça fait longtemps que t'as annulé tout tes rdv, que ton Instagram pro est en pause, que tu dessines même plus. Quand il est tombé dans le coma, t'as presque arrêté de jouer de la musique. Maintenant qu'il est réveillé, t'as presque arrêter le dessin. Jamais content, Fao, hein ?

-You okay ?

   

CODAGE PAR AMATIS   

La première chose qu’elle se dit, c’est qu’ael a une sale gueule. Mais ils ont tous les deux une sale gueule continuellement depuis qu’Orpheus s’est réveillé, parce qu’il n’y a pas un seul matin où le prix qu’ils ont dû payer ne revient pas leur foutre un pain. Le pire dans l’histoire, c’est qu’ils pourront plus se prendre dans les bras la nuit quand ils cauchemardent. C’est bien beau les potes qui dorment en cuillère, ah ça vraiment qu’est-ce qu’on est potes, ça a jamais été bizarre mais ce serait mentir de dire que c’était toujours un accident quand Arte se réveillait avec une jambe au-dessus de la taille d’Esmée. Et puisqu’elle a enfin arrêté de se mentir pendant deux bonnes secondes, elle sait qu’elle ne peut pas être la petite amie d’Orpheus et se réfugier dans la chambre de Fao à chaque fois qu’elle a besoin d’être complète, parce que ça marche pas comme ça et elle a beau prétendre que la tendresse qu’elle lui porte et les caresses qu’elle lui fait sont anodines, c’est encore. un. putain. de. mensonge. “Of course not ; when have we ever been okay?” elle dit en haussant les épaules. Elle va pour rentrer mais se ravise, elle mérite pas le confort de cet environnement si familier, elle qui va tout déséquilibrer, qui a toujours été la raison pour laquelle ce trio a jamais été à égalité. “Can we walk?” Si Esmée avait pas encore compris que quelque chose allait pas, c’est forcément chose faite. Artemis porte toujours tout sur sa gueule et surtout dans sa gorge, et quand elle fait des suggestions au lieu d’ordonner, c’est que quelque chose tourne pas rond. Fao est bien placé·e pour le savoir.
   

CODAGE PAR AMATIS   

Elle va pas bien. Elle va pas bien et toi non plus, Esmée, et tu te sens misérable mais tu sais pas quoi faire pour elle. T'as envie de la serrer dans tes bras mais tu la sens tendue sans comprendre pourquoi. Il y a un problème, tu peux le lire partout sur son visage. Alors tu t'inquiètes pour elle, pour Orpheus, pour n'importe qui plutôt que d'avoir à t'inquiéter pour toi-même parce que tu veux admettre ton sale état.

T'as l'impression que ça fait une éternité que tu l'as pas vu, ça fait au moins une semaine qu'elle est pas venue. Pourtant depuis les nuits blanches et les cauchemars, vous dormiez plus souvent ensemble. Être seul·e, ça t'as jamais réussi.

-... Yeah. If you want.

C'est un peu une manière de lui demander si elle sûre, c'est pas comme ça d'habitude. Mais y a un truc qui va pas, Fao, et elle est prête à te dire pourquoi, alors tout ce que tu peux faire quand elle te demande de marcher un peu avec elle, c'est de la suivre dehors et refermer derrière toi.

Y a rien d'habituel et lae dragon·ne aime pas ça. Mais iel peut pas faire autrement qu'écouter ; est-ce qu'ael a vraiment le choix ?

-Something's happening ?

T'as peur, mais c'est pas grave. Entre elle et toi, y en a toujours un pour être brave à la place de l'autre, quand il le faut. Toujours l'un d'entre vous pour donner à l'autre l'impulsion de mettre les pieds dans le plat.
   

CODAGE PAR AMATIS   

Elle sent l’appréhension de Fao lui fondre dans l’estomac. Artémis a jamais été foutue de mettre un bouclier face à ellui, jamais assez déterminée à installer une barrière ; elle a toujours été trop reconnaissante de pouvoir partager. Donne-moi tes colères et tes chagrins et tes euphories et tes désespoirs, donne-moi tout, je prendrai tout ce que tu veux bien me donner même si ça fait mal. Mais aujourd’hui c’est elle qui va planter le couteau et le tourner dans la plaie, ça la rend presque plus malade que les émotions qui ne lui appartiennent pas.

La louve ne veut pas faire durer l’instant, pourtant elle marche lentement. Y’a pas de bonne manière de lui annoncer. Arrache le pansement, Artémis, sois honnête et courageuse pour une putain de fois dans ta vie. “I went to see Orpheus a few days ago. I tried to show him our old spots, like the theatre and the fountain and that park where we got shit-faced for the first time, remember?” Orpheus ne se souvient pas mais ces moments ont bien existé, ils sont encore là, ils seront encore là tant que Artémis et Esmée en prendront soin. “Didn’t work, of course, the plan was shit, but while we were out, he…” Elle marche un peu plus vite, comme pour échapper à ce qu’elle est en train de dire. “Well, he asked me to be his girlfriend.” Il manque une information, elle le sait. Mais ça veut pas sortir.  
   

CODAGE PAR AMATIS   

Y a un truc dans l'atmosphère entre vous deux. Alors tu sors une cigarette de ta poche comme si empoisonner ton air un peu plus allait changé quelque chose, faire disparaitre la boule au fond de ta gorge formée de toutes les questions que t'oses pas posé. Tu lui en tends une par réflexe, de toute façon les paquets que tu achètes ce sont vos paquets à tout les deux. Peut-être que ça lui donnera un peu de courage à elle aussi, pour cracher ce qu'elle te dit pas.

C'est à propos d'Orpheus et chaque mot pique un peu plus, parce que t'aimerais avoir essayé tout ça, mais t'en a pas eu la force. C'était déjà assez dur de le regarder dans les yeux trop longtemps, alors dans tout les lieux que vous explorer ensemble, t'aurais jamais réussi le supporter sans craquer.

Et puis le dernier te surprends autant qu'il te déchire. Girlfriend. Ce que t'as rêvé d'être, ce que t'aurais pu devenir si t'avais pas fui, si tu l'avais pas laissé, si t'avais su le protéger, si t'étais revenu à temps, si tu t'étais battu plus fort et que t'avais été moins lâche, si t'avais pas fui encore, si t'étais pas maudite, si, si, si ... s'il s'était souvenu de toi, peut-être.

-Oh.

Tu vacilles, tu t'es arrêté sans t'en rendre compte et ta voix est aussi blanche que ton visage. Tu sais pas quoi dire, t'as juste envie de hurler contre l'univers mais ça serait pas juste pour Arte,  de toute façon elle peut sentir la même lacération que toi à l'intérieur.

-B-but I-I...

I thought he loved me.
   

CODAGE PAR AMATIS   

Elle tire tellement fort sur sa clope qu’elle est étonnée de ne pas voir la cendre rougir jusqu’au filtre. C’est complètement con, mais elle se dit qu’en plus, maintenant il faudra peut-être qu’elle achète ses propres paquets parce qu’elle pourra plus taxer à Fao s’iel la déteste d’avoir déséquilibré leur trio. Oh. Artémis voudrait lui demander des mots en plus, mais est-ce qu’elle en a vraiment le droit ?

Il y a quelque chose d’inattendu dans la déferlante d’ondes qu’Esmée lui envoie à la tronche. De la surprise, bien sûr, de la déception, sûrement, mais aussi un vrai chagrin. Déchirant. Eviscérant. Le deuil de quelque chose qui n’a jamais existé et dont Artémis ne s’est jamais douté. La fumée reste coincée dans ses poumons un peu trop longtemps, et un violent haut le cœur la saisit au corps. “How… How long have you…” elle commence, avant de s’interrompre, à deux doigts de gerber ses tripes par terre. How long have you loved him in secret? Ça ne sortira pas. “Why didn’t…” La louve expire, doucement, cœur battant, penchée en avant, les deux mains posées sur ses genoux comme après une course d'endurance. Why didn’t you tell me? Elle a juste le temps de relever la tête pour regarder Fao en face avant que les vertiges ne reprennent – sur le point de tomber de haut, sur le point de ne pas pouvoir recoller les morceaux.
   

CODAGE PAR AMATIS   

Ça te brise le cœur en deux et elle s'arrête en même temps que toi, elle manquer de tomber en même temps que toi, elle souffre en même temps que toi - et elle comprends, Fao. Elle comprends le seul truc que tu lui a caché pendant toutes ses années alors qu'elle connait tout le reste du bout des doigts, ce que toi t'avais cadenassé au fond de toi. Elle a pas besoin de terminer ses phrases, quand elle plante ses yeux dans les tiens comme deux couteaux meurtriers, tu sais ce qu'elle se demande. Parce que Fao et Arte ont pas besoin de mots pour se comprendre, hein ? Mais y a des secrets qui feraient mieux de rester enterrés.

Ta gorge est serrée, ta gorge fait mal, Esmée. Tout fait mal, en fait, et la voir se tordre sous ce que tu ressens encore plus. C'est dur de parler mais faut bien que ça sorte, cette fois vous pourrez pas échapper aux mots, quand bien même vous en prononcez que la moitié et que l'autre doit compléter les phrases.

-Arte, I..

I'm sorry.
I didn't know how to tell you.
I don't want to lose you.
Please, don't hate me for that.

-Nashville...

C'est le seul mot que tes lèvres douloureuse arrive à cracher, mais tu sais aussi qu'elle comprendra ce que ça veut dire. Que c'est la réponse à la question qu'elle a pas fini de poser.

CODAGE PAR AMATIS   

Elle n’aurait pas dû lever les yeux. C’est pas seulement sa peine à ellui qui lui file la gerbe, c’est aussi la honte d’être aussi à côté de la plaque. Son appréhension de venir foutre la merde dans leur entité, leur trio bien installé, peut-être même l’appréhension de devoir renoncer à Fao, quelque part, sans pouvoir se l’avouer. Quelque part, elle a anticipé que ça pourrait faire mal – c’est la partie d’elle qui espérait encore qu’un jour iel lui dise qu’ellui aussi voulait plus que ça. Mais elle n’a pas anticipé, égoïstement, qu’elle lui prendrait l’objet de son secret à ellui.

Nashville. Nashville, quand elle n’était pas là. A croire que tout ce dont elle avait peur n’était pas tout à fait infondé, après tout. Elle l’a su quand elle est partie de San Francisco, elle a dû faire la paix avec le fait que les choses ne seraient plus comme avant, qu’il y aurait des choses dont elle ne ferait pas partie, des moments qui se passeraient sans elle. Nashville s’est passé sans elle. Putain de Nashville, qui les a avalés tous les deux et les a recrachés dépressifs ou comateux. Nashville, là où elle aurait dû être depuis le début. “Does he know?” Et moi, est-ce que j’aurais dû savoir ? Est-ce qu’elle s’est mis des œillères, juste pour éviter de devoir être ramassée à la petite cuillère ?
   

CODAGE PAR AMATIS   

Tu savais pas que les restants de ce que t'as entretenu seul·e avec tes souvenirs pendant si longtemps pouvait encore faire aussi mal. Sans doute qu'il y a pas que ça qui fait mal, trop de truc à dépaqueter, mais tout est noyé sous la douleur qui t'inonde. T'arrives plus à penser, plus à réfléchir, même presque plus à parler. Et les quelques syllabes que t'arrives à prononcer te semble comme autant de flèches que tu lances dans vos cœurs à tout les deux sans pouvoir t'en empêcher.

-No.

Non, t'a jamais su avant cette fois et même ce fameux soir t'es pas sûr qu'il ait vraiment compris ce que tu voulais lui dire, quand tes je t'aime se sont parés d'autres couleurs que celles d'une profonde amitié. Mais y a quelle teinte de différence entre ça et l'amour au final ? Quand tu regardes Artemis pliée en deux, tu dis que les deux font aussi mal.

-I tried to.. tell him and we almost...

Tu détournes le regard cette fois, incapable de la regarder en lui avouant ta faute. Sauf que la liste de tes crimes s'arrête pas là, Fao.

-But we were so drunk, and I didn't know how to react, and the last morning I... I...

T'avais tellement peur de ce que ça allait impliquer, de ce que ça allait briser. Mais au final ce que t'as fait c'était bien pire, Esmée, t'es partie et tu t'en voudras toute ta vie ; convaincue que si t"étais resté·e, au moins t'aurais pu le protéger.

-I fled...

Ta voix se brise et ton cœur aussi quand t'avoues ça, tu tombes à genoux par terre. Mais c'est trop tard pour arrêter les mos qui coulent comme des larmes.

-And then.. The war. I couldn't come back...

Elle a pas besoin d'entendre la suite, c'est avec elle que tu l'as écrite.

CODAGE PAR AMATIS   

Avant même que Fao ne lui réponde, elle sait que sa question est con. Même si Orpheus avait su quoi que ce soit, de toute manière, les cartes avaient été rebattues entre temps. C’est bien ça le problème ; si rien ne s’était passé ils auraient pu rester longtemps comme ça, à ne rien se dire. A-t-elle pris leur amour pour acquis ? A force de se dire qu’ils n’ont pas besoin de parler, est-elle passée à côté des déclarations les plus importantes ? Artémis s’accroupit au niveau d’Esmée, et doucement, l’oblige à s’asseoir sur ses deux fesses. En temps normal, elle se serait enroulée autour d’ellui, jambes de part et d’autre de sa taille parce que tout autre position l’aurait trop éloignée. Là, elle se contente de répliquer sa position papillon, les ailes brisées en option. Et tant pis s’ils sont en plein milieu de la route, de toute manière y’a jamais personne ici parce que personne se lève à cette heure-ci à moins de devoir ruiner la vie de quelqu’un. ”You didn’t flee. You were scared. You would’ve stayed if you’d known.” Comme elle serait restée, le lendemain matin de leur nuit à eux, si elle avait su. Il y a de nouvelles nuances de complexité insoupçonnées, une lumière inédite projetée sur le traumatisme de Fao, dont Artémis est complètement absente, justement parce qu’elle n’a rien su.

Nouveau haut-le-cœur ; impossible de dire si c’est sa peine à elle ou celle d’Esmée, sa culpabilité ou celle d’Esmée, sa désolation ou celle d’Esmée. ”So you guys could have been a thing and now…” Maintenant je suis en plein milieu, maintenant j’ai tout gâché. Ça commence par un rire sec, jaune, mais ça continue de gronder dans sa gorge jusqu’à l’hystérie. L’ironie, le putain de gâchis dans lequel ils se sont foutus. C’est sa faute, parce qu’elle a pas écouté et elle a rien dit non plus. ”I can’t imagine he would’ve said no to you. Who the fuck would.” L’ironie, encore. L’amertume, aussi. Le goût de tout ça arrive trop tard.  
   

CODAGE PAR AMATIS   

Au moins elle sait maintenant. Ça fait longtemps que t'aurais dû lui dire Faolan, longtemps que t'oses pas mais qu'elle aurait dû savoir. Mais au lieu d'avouer ta faute, ce soir-là où plus que tout les autres t'aurais dû lui expliquer, tu t'es perdu dans ses bras. Pour oublier, pour t'oublier Esmée. Mais ça a fait que repousser le problème, ça empire ta confusion même ; parce que ses mains malgré tout t'apaise quand elles se posent sur toi, te force à t'asseoir plutôt qu'à supplier. T'es avide de son contact à elle aussi sauf que maintenant il t'es interdit - elle s'assoit proche de toi mais pas assez, en face là où d'habitude ça serait contre toi, et tu commences déjà à détester cette distance que t'as laissé s'amenuiser au fil des années. Tu pensais que vous vous tiendrez toujours la main, Fao, pourtant elle l'a lâché pour attraper celle d'Orpheus que tu pouvais pas te résoudre à resserrer.

Oui, tu serais resté, si t'avais su. Mais on peut refaire le monde avec des si, est puis est-ce que ça aurait suffi ? Et qu'est-ce que ça aurait changé ?

Elle rigole Arte, et ça te cisaille un peu à l'intérieur, t'as du mal à saisir toute l'ironie de la chose parce qu'il te manque encore un élément. Pourtant tu souris douloureusement à ce qu'elle dit, parce qu'elle sait que c'est pas vrai.

-You said that like I never got shot down by anyone.

Soudainement ça te semble bizarre, qu'elle dise ça. Pourquoi elle dirait ça ? Elle t'as vu en prendre, des rateaux, elle était là à chaque fois. À qui elle pense, qui t'aurais jamais dit non ?

-Also.. You would have, wouldn't you ?

You would have say no, if I ever asked you ?

CODAGE PAR AMATIS   

Elle est comme au bord d’un précipice, sur le point de dégueuler enfin tout ce qu’elle aurait dû lui dire il y a déjà bien longtemps. After all, they say ignorance is bliss. Le rire d’Artémis se fane alors que le sérieux de la situation s’enroule autour de son cou, cette fois l’humour et le déni ne les sauveront pas. Et au milieu de tout ce carnage, l’absolue tendresse qu’elle lui porte encore qui la frappe en plein visage – bien sûr qu’il s’est pris des vents, mais ça a jamais vraiment compté, c’était jamais vraiment important. Ça a jamais fait mal comme elle comprend maintenant que ça fait mal. Wouldn’t you?

Ça ne fera rien pour apaiser la situation, ça ne fera rien pour démêler les nœuds, pour réparer les pots cassés ou pour s’éloigner du précipice. Mais quitte à sauter, autant sauter de haut et fendre les flots comme une lame. “I didn’t say no that night, did I?” Cette nuit-là. Cette nuit dont ils ont jamais reparlé parce qu’elle craignait trop de l’entendre dire qu’ael regrettait. Elle a pas voulu entendre un ‘désolé’, ça l’a aussi empêché d’entendre ‘je te veux pour toujours à mes côtés’. Ils disent qu’il n’y a que la vérité qui fait mal. Ce qu’ils ne disent pas, c’est que ça peut aussi être fatal. “I’ve been in love with you for almost twenty years, you absolute moron.” Iels étaient que des gosses, à l’époque. Elle l’a aimé malgré toutes ces années de déni, ce serait adorable si elle s’était réveillée avant aujourd’hui ; mais ainsi va la vie.  “It’s all just so fucked up” And never forget you were the one who fucked it up.
   

CODAGE PAR AMATIS   

Elle n’a pas dit non, c’est vrai, Fao. Mais tu t’es toujours dit que ce n’était qu’une passade, presque un mirage - l’illusion d’une seule nuit, celle de l’amour pour effacer l’amer, de la tendresse pour remplacer la violence, comme si vos vies entières n’en étaient pas la combinaison. Les limites s’étaient brouillées ce soir-là, et tu n’as jamais osé mettre pour les rendre plus claires, ou sans doute que tu n’en avais pas envie. Que c’était bien comme ça, dans cet entre deux qui n’appartenait qu’à vous, et tu pensais que ça lui convenait aussi. Tu n’as jamais pensé qu’elle aurait pu vouloir plus. Tu n’as jamais cru que tu pourrais lui donner plus.

Pourtant t’aurais pu. Sauf que t’as jamais cherché à comprendre ses sentiments, et les tiens pour elle non plus. Comme elle dit, Faolan - qu’est-ce que t’as été con.

Et tu comprends soudainement qu’elle est là parce qu’elle a finalement dit oui à quelqu’un, quelqu’un d’autre que toi. Elle a dit oui à Orpheus, à la question qu’il a posée ; celle que t’as jamais pu formuler.

Les deux personnes que t’aimes le plus au monde sont ensemble maintenant. Et t’aimerais vraiment pouvoir te réjouir pour elles deux, être content·e qu’ils soient là pour se soutenir, s’offrir l’un à l’autre ce que toi t’as pas réussi à leur donner. Mais t’arrives seulement à te dire que c’est parce que tu n’as pas été assez, et t’as dans la bouche que le goût des gâchis et des regrets.

-I’m…Sorry.

C’est la seule chose que t’as à dire. Parce que tu l’es, tu l’es vraiment, pour tout. Pour avoir été stupide, pour avoir été de trop, pour pas avoir suffi, pour pas avoir compris. Pour pas avoir dit non, ni pour avoir dit oui.

-I-I think I need some alone time, tu dis en t’écartant un peu d’elle.

Mensonge. T’aurais besoin d’eux, mais pas comme ça. Pas sans toi. T’aurais besoin d’eux, mais pas d’eux à deux ; t’aurais besoin de vous trois. Sauf que t’es pas sûr·e que ce soit encore possible. Le pire dans l’histoire, c’est que t’as failli leur infliger ça, et maintenant que c’est ton tour, t’as du mal à le supporter. Alors tu te dis qu’ils ont raison, au fond ; qu’ils seraient mieux sans toi, tous les deux.

Et t’as plus le droit de partager tes larmes avec elle.

Quand tu t’envoles au loin pourtant, tu peux pas t’empêcher de laisser derrière toi des bouts de cristaux transparents.

CODAGE PAR AMATIS