CW : évocations religieuses
Amen.
Il n’y avait pas réellement de chemin à suivre. J’ignorais si j’en avais eu un, ne serait-ce qu’un jour de ma vie. J’avais suivi des règles strictes, j’avais fais mes prières, fais mes sacrements. Baptisé baptiste avec ma bague de pureté au doigt, j’attendais calmement que Dieu vienne m’éclairer. Est-ce que j’avais fais quelque chose de travers ? Je m’efforçais à me montrer parfois généreux, avec quelques centimes jetés dans des mains de miséreux.
Les valeurs comptent peu, et je m’étais engagé pleinement dans la foi. Mission céleste au bout des revolvers, je pensais faire le Bien. J’allais purger la Terre des hérétiques qui volaient la Grandeur du Divin, et c’était en Son nom que je me présente dans son Temple.
Sur mon banc, je lis calmement quelques psaumes et versets pour trouver quelque part une vérité. Il est où, ce chemin à suivre ? Ils sont où, les commandements à obéir pour avoir une vie rangée et heureuse ?
Païen dans des lieux inadaptés, j’ai d’autres croyances étalées sur le torse, avec des bleus contre mes côtes. Alaska avait été un gaz inflammable et les Riverwood les flammes infernales qui venaient détruire tout sur leur passage. Entre des images de frayeurs oranges et rouges datant de huit ans et les tombes trop impersonnelles, j’étais revenu à Phoenix.
Qu’on me donne un signe, quelque chose. Qu’une voix m’appelle, me dise quoi faire.
Requiem aeternam dona eis, Domine
J’ai des chants liturgiques sur les lèvres, silencieux. Les répéter me donnera peut-être une réponse. Je vois pas de Lumière, je vois qu’un autel dépouillé de signes trop ostentatoires. J’étais loin de ma paroisse, et le malaise se lisait sur chaque tic de mon visage. Ils étaient où, les fidèles, avec qui chanter en choeur des requiem des temps passés ? Je voulais revenir en arrière, là où prier était un signe communautaire et non une question de vie ou de mort. La religion avait pris une importance démesurée dans ma vie depuis 2013. Certaines paroisses prônaient un amour global.
Dieu ne disait-il pas qu’il fallait accorder le pardon et l’amour ?
Je l’entendais pas de cet avis.
J’étais pas certain que Dieu pardonnerait les Enfers et les malédictions humaines. Satan était responsable de nos malheurs. Le pardonner serait abandonner l’ennemi, Le laisser gagner. J’ai des envies de couronnes et de médailles, alors je croquerai dans l’argent à m’en détacher des incisives tant que je détruirais pas la cause de nos malheurs sur Terre.
Je m’en remets donc à Toi, mon Seigneur. Que tu me montres un signe, que Tu m’apportes Ton enseignement précieux, que je puisse croire à des lendemains plus heureux, et à une paix durable sur Terre et aux Cieux, sans démons ni hérétiques pour s’accorder les bénéfices de Ta grandeur et de Ta puissance.
Je savais bien que Tu n’aurais jamais laissé faire.
2013 avait été l’oeuvre du Malin. C’était hors de question que je laisse passer ça.
et lux perpetua luceat eis.
Peut-être que j’avais été responsable, aussi, au fond. Ma bague de pureté se fout de ma gueule depuis 2012, et j’avais refusé de la retirer. C’était peut-être une exception, une erreur de jeunesse.
Les erreurs se reproduisent après tout. Je pensais à mon père. Je finissais par me dire que j’étais là une belle représentation des siennes, et de sa reproduction.
Sûrement que j’étais responsable, mais que j’osais pas y penser. J’ai la gorge nouée en repensant à l’étendue de mes pêchés. J’avais eu des sensations étranges à propos d’un jeune homme en 2008, et peut-être qu’Il avait attendu 2013 pour punir la Terre de mes propres erreurs. J’avais blessé Nova-Blue, j’avais des bouquets de regrets dans l’esprit depuis. J’aimais différemment, mon Seigneur. J’essayais de comprendre Tes enseignements du mieux que je pouvais, mais quelque chose foirait constamment.
J’étais qu’une erreur reproduite à l’infini.
Il pleut sur ma Bible, ouverte à la Troisième Lamentation. Je remarque que je tremble, qu’il y a un toit au temple, et que j’ai des sillons orageux sur les joues.
Je lève soudainement la tête, surpris.
Dakota Williams.
J’ai un sursaut et mes yeux se posent instinctivement sur ses mains. Rien pour me frapper. Juste une Bible. Peut-être qu’elle aimerait me la faire bouffer. J’imprimerai plus rapidement les Ecrits, ainsi.
« … Dakota ? … Tu es protestante … ? »
Je la connaissais assez peu. Je l’imaginais assez peu chrétienne. J’ignorais la nature de sa foi, mais il me semblait que les homosexuels étaient toujours mal vus. Ma bouche se cache dans un coin de mon visage.
Je passe rapidement mes mains sur mes joues et mes yeux avec des gestes maladroits. C’était hors de question qu’elle voit une faille, quelque chose. Je devais rester droit. Plongé dans des illusions, je suis toujours heureux, sûrement en couple avec Nova-Blue pour tapisser son visage de jalousie, et me sentir un peu supérieur une nouvelle fois.
J’essaie de me persuader, mais même mon esprit est insensible aux doux mensonges maintenant.
« Tu veux que je t’aide à déboulonner un banc pour me frapper avec, peut-être ? »
J’essaie de rire un peu. C’était peut-être ça, mon signe. C’était pas chrétien de ma part. Tant pis. J’ignorais ce qu’elle me voulait, et j’ai les yeux rouges et gonflés. Je pense qu’à la honte face à elle, ignorant celle que je devais ressentir en tant que meurtrier dans un lieu Sacré.
Amen.