(scyver III) One single thread of gold tied me to you

Scylla Van Seabrook

River Asherah

Time, curious time

And isn't it just so pretty to think, all along there was some invisible string, tying you to me?

Viktoria avait été très claire, il n’y avait personne d’autre pour l’accompagner. Il avait essayé de contourner la tâche, lui demandant s’il n’était vraiment pas possible de trouver quelqu’un, n’importe qui, plutôt que de le mettre dans cette situation, mais la réponse était revenue inlassablement. Finalement, il avait accepté, sachant également qu’il ne fallait pas non plus trop jouer avec la patience de la générale. C’était lui qui serait chargé de la protection de Scylla ce soir. Lui et personne d’autre. La princesse assistait à un gala dont il n’avait pas retenu le nom ou le but. Pour lui, il ne s’agissait que d’un évènement mondain comme il en existe tant, comme tout ceux auxquels il n’a jamais donné d’importance. Mais ce qu’il avait retenu surtout c’est qu’elle serait là, avec lui et personne d’autre. En oubliant bien sûr les centaines d’invités extérieurs.

Depuis qu’elle était venue à l’Hydra, depuis qu’ils s’étaient parlés avec plus de sincérité que durant ces douze dernières années, ça n’était pas réellement arrivé. Ils s’étaient revus, oui, mais jamais seuls, jamais avec la possibilité d’échanger, vraiment. Il ne savait pas réellement ce que cette perspective le faisait ressentir. Un mélange d’excitation et d’appréhension, très certainement. L’envie folle de la voir, l’envie d’en avoir envie mais la peur de ce qu’il pourrait se passer. Elle avait laissé planer un doute en quittant l’arrière salle de l’Hydra, un espoir, comme une minuscule flamme qu’il avait couvée depuis. Aussi terribles qu’étaient ces pensées, aussi coupable qu’il pouvait se sentir en croisant le regard de Llyr, Scylla lui avait donné des brides de ce qu’il n’espérait plus depuis des années et cette perspective le terrifiait autant qu’elle le motivait à creuser plus en profondeur dans leur relation.

Il était passé la chercher en voiture. Un chauffeur triton au volant, il était sorti du véhicule, c’était adossé à la portière en attendant qu’elle descende. Il s’était faufilé dans un costume beaucoup plus chic que ce qu’il avait l’habitude de porter. Quand il regardait son reflet dans cette tenue, il avait l’impression de voir son frère. Il avait l’impression de faire semblant, de prétendre. Comme quand ils étaient plus jeunes et qu’il rêvait de devenir comme Llyr, de tout faire comme lui. Il avait été son guide, son ami, son modèle pendant si longtemps qu’il avait toujours été difficile de se soustraire à son image. Et puis elle était descendue. Rayonnante dans une robe choisie avec gout pour souligner la beauté qu’il lui connaissait si bien. Il était resté là, un sourire un peu bête aux lèvres, à la regarder descendre les marches avec grâce, après s’être tournée sur elle-même pour lui faire observer sa tenue. Il était souvent impressionné de la facilité avec laquelle elle effectuait tous ces mouvements d’humains pour lesquels lui avait toujours l’impression, même des années plus tard, d’être parfaitement gauche.

Quand elle arrive enfin à sa hauteur, il lui tend la main et ouvre en même temps la portière, pour l’aider à monter à l’arrière. « Cette robe est renversante. » Il lui dit avec un sourire avant de se sentir un peu gêné néanmoins. Il n’est pas là en rendez-vous galant, se rappelle-t-il alors qu’il ferme la porte et contourne la voiture pour s’installer à côté d’elle. Un signe de tête au triton à l’avant et le moteur démarre. Pendant quelques minutes ils restent là, silencieux alors que cette simple remarque tourne et retourne dans sa tête. Alors qu’ils ralentissent, il se tourne finalement vers elle. « Prête ? » Il demande en croisant son regard, le soutenant un peu plus longtemps que nécessaire.

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gitano

one single thread of gold tied me to you “A string that pulled me Out of all the wrong arms right into that dive bar Something wrapped all of my past mistakes in barbed wire Chains around my demons, wool to brave the seasons”

   

   

Si elle connaissait Viktoria moins bien, Scylla aurait pû penser que la générale avait orchestré ce coup volontairement, pour la sortir de l’incertitude. Mais son amie avait trop de respect pour elle, trop de révérence pour la manipuler ainsi, même avec toutes les bonnes intentions du monde. Alors elle avait enfilé sa robe, neuve, d’une couleur dragée qu’elle avait peu l’habitude de porter, mais aucune tenue de son placard n’aurait pu être appropriée. Tous les tissus imprégnés de son odeur à elle mêlée à celle de Llyr ; ce n’était pas une fragrance qu’elle voulait porter alors que son cavalier serait River. River dont la cravate ne serait vraisemblablement pas accordée à sa robe, River qui devait bien se moquer des enjeux du gala, River qui trouverait certainement le moyen d’offenser quelqu’un d’ici les dix premières minutes de leur présence. Mais River la ferait aussi rire, elle en était sûre. Il électriserait l’atmosphère, transformerait cette soirée champagne en excitante tequila comme un messie à écailles. Ainsi, que la générale ait assigné sa protection au triton importait peu ; quoi qu’il arrive, elle avait le voile du devoir pour dompter sa curiosité.

Tout était très codifié, Scylla s’y était faite au fil des années. Le chauffeur, la formalité, la bienséance. Pourtant, quand elle vit River adossé à la voiture, ça avait quelque chose de nouveau. Il portait ce que pourrait porter Llyr, avec une décontraction et une nonchalance qui lui collait à la peau, mais les yeux ne mentent pas. « Cette robe est renversante. » L’apparence était plus rigide que le cœur. « Et toi, tu as l’air d’un poisson hors de l’eau. » répondit-elle avec une connivence dont elle ne se savait pas capable lorsqu’il prit sa place à côté d’elle dans la Cadillac bleue. « Mais tu le portes bien » elle ajouta en tournant légèrement la tête, sourire accroché aux lèvres. Quand avait-elle appris à faire tous ses compliments de manière détournée? Était-ce sous l’eau, ou bien plus tard, quand elle avait rejoint la civilisation humaine et commencé à goûter à leur couardise? « Prête ? » River la connaissait, peut-être même pouvait-il lire avec exactitude la pensée qui la traversait, et peut-être même qu’il tenait en lui un fragment de réponse. Néanmoins, Scylla effectua une rapide pression sur le bras du triton en guise de réponse, et laissa son regard vagabonder sur les rues défilantes de Washington, les couleurs chaudes de la nuit tombante enveloppant le cuir de la voiture. « Je sais que ce n’est pas trop ton truc, ce genre d’événements. Ça veut dire beaucoup pour moi que tu m’y accompagnes, alors merci d’avoir accepté. » La princesse n’était pas vraiment certaine qu’on lui ait demandé son avis, mais c’était un remerciement approprié. Elle était extrêmement consciente des subtilités psychologiques que renfermait le fait d’occuper une position qu’aurait habituellement occupé Llyr. De la même manière qu’une partie d’elle-même se fendait lorsque son époux lui parlait de se lancer dans des activités traditionnellement plus spontanées, plus risquées, plus River. Le commencement et la fin de leurs relations se mêlant de plus en plus, jusqu’à les mener dans un brouillard dangereux.

   

   

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River Asherah

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Elle le taquine mais il sourit comme un bienheureux. Elle pourrait tout lui dire, il finirait par lui pardonner, il s’en était rendu compte au fil des années. Il avait essayé de lui en vouloir, essayé de la détester. Ça aurait été plus simple. S’offusquer pour une remarque, s’énerver pour une action. Il savait faire, il pourrait faire. Mais elle finissait toujours par gagner. Elle ne jouait même pas, il ne l’avait juste pas en lui. Ils avancent dans l’atmosphère étouffée de cette voiture qui les file au travers de l’agitation extérieure, comme un cocon dans lequel ils se retrouvent un instant seuls avant d’affronter la réalité du monde. Elle le remercie d’être là et il acquiesce d’un simple signe de tête. Il n’a pas vraiment eu le choix et elle doit bien le savoir, mais tous les deux savent pourtant ce que ça veut dire d’avoir tout de même accepté, d’être tout de même assis là, sur le cuir immaculé de la voiture de luxe.  « Tu sais moi dès qu’il y a des petits fours, j’ai du mal à résister. » Il ironise, parce que c’est souvent plus simple que de dire la vérité. C’est ce qu’il a toujours fait et ce qu’on attend de lui. Ca le protège et ça le légitimise. River est drôle et insouciant et il sait que l’on pensera toujours ça de lui. Ca ne le gêne pas, il doit juste prendre toujours soin de conserver sa place.

Quand la voiture s’arrête, l’agitation extérieure s’intensifie. Devant la portière, un grand tapis rouge qui les mène jusqu’au cœur de l’évènement. Rien n’est jamais simple et intimiste quand on se déplace avec une princesse. Il l’a appris avec le temps.  « Le spectacle commence. » Il dit simplement en lui faisant un clin d’œil, avant de s’extraire de l’habitacle. Dehors les crépitements des appareils photos ponctuent l’air et ça le fait tressaillir. Ils ne traîneront pas sur ce parvis et il le sait déjà. Si ça ne tenait qu’à eux, ils l’éviteraient même. Tout le monde se passerait facilement de son sourire à lui, mais elle avait des obligations plus précises. Jetant un regard aux alentours, il contourne le véhicule pour aller lui ouvrir la portière, lui présentant sa main pour l’aider à sortir. C’est dans ce genre d’endroit que son attention doit être la plus forte. Pas question de se laisser distraire et de laisser l’opportunité à n’importe quel fou de s’en prendre à Scylla. Il a été formé pour ça, protéger la famille royale quoi qu’il en coûte, mais il n’en aurait même pas eu besoin pour protéger sa princesse.

La voiture s’éloigne alors qu’ils remontent l’allée qui leur fait face. S'il tient son bras sur quelques mètres, il finit par s’écarter légèrement, c’est elle que la foule veut voir, pas lui et il le sait. Il ne reste pas bien loin, pressant habilement le pas pour faire passer l’épreuve le plus vite possible. Dès qu’ils seront rentrés, la soirée pourra réellement commencer et il sera beaucoup plus détendu. Quand ils passent finalement la porte, il attrape très rapidement deux coupes de champagne et lui tend l’une d’entre elles.  « A la tienne, princesse. » Il dit en inclinant son verre vers le sien, avant d’avaler une première gorgée en sentant immédiatement une pression s’évaporer de ses épaules. Ils ne sont plus entourés que par des grandes richesses, des gens aussi inintéressants qu’ils ont l’air ennuyeux, d’après lui. Mais Scylla a sûrement un autre programme que le sien. Alors il se penche à son oreille et lui murmure presque.  « Je te propose un truc pour rendre ça moins pénible, on alterne entre un truc officiel que t’es obligée de faire et un truc plus sympa qu’on peut trouver à faire. » Avalant une autre gorgée, il s’éloigne d’elle, jette un regard alentour et se reconcentre sur son visage. « Tentée ? » Il demande en souriant, les yeux brillants.

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Scylla ne sait plus très bien le pourcentage d’embarras et de maladresse dans l’équation compliquée de leur relation. Elle rit de bon cœur à la remarque de River sur les petits fours, résistant à l’envie de gratter là où ça la démange – on peut se dire des mondanités tant qu’on veut, rien dans toute cette situation n’est mondain ou sans importance ou léger. Le reste du trajet est silencieux, la princesse recomposant avec soin l’expression sérieuse et distinguée attendue d’elle pour le restant de la soirée, et River aux prises avec ses propres pensées. Quand la voiture s’arrête et que les flashs des appareils photo commencent à crépiter, elle résiste à la tentation de froncer les sourcils. C’est la toute première fois qu’elle remarque que quelque chose cloche. « Le spectacle commence. » Scylla acquiesce en s’extirpant du véhicule, faisant bien attention à bien ramener l’étoffe de sa robe sur ses genoux en sortant. Ça lui avait toujours semblé naturel, tout ça, au bras de Llyr. Elle se souvient bien s’être dit que les humains faisaient quand même beaucoup de cas de simples occasions – à bien des égards elle se sent plus poursuivie et célèbre que sous la surface, où elle est littéralement de sang royal. A Nydaros, pourtant, il lui est tellement plus facile de trouver un instant de calme. Ce soir, c’est la présence de River qui lui fait réaliser l’absurdité de cette soirée et de cette situation, quand bien même elle ne le dira jamais tout haut. Parce qu’aussi ridicule ces événements soient-ils, ils font partie de son devoir, son sempiternel devoir.

C’est elle qui récupère le bras que River lui a soustrait quelques instants plus tôt, avec délicatesse, pour la laisser briller devant la supernova des paparazzis de part et d’autre du tapis rouge. « A la tienne, princesse. » Scylla prend sa coupe de champagne avec gratitude et un sourire en coin. Depuis leur soirée à la Nouvelle-Orléans, cet alcool de fête lui fait immanquablement penser à Odalie et à la joie ressentie en sa compagnie. « A la tienne, garde royal. » Deux titres qui, fut un temps, avaient toute la valeur du monde. Aujourd’hui, la sirène n’est plus certaine d’y trouver autant de sens qu’autrefois. « Je te propose un truc pour rendre ça moins pénible, on alterne entre un truc officiel que t’es obligée de faire et un truc plus sympa qu’on peut trouver à faire. Tentée ? » Les bulles du champagne ne pétillent pas assez pour la distraire de la vacuité soudaine qui la submerge. C’est en revanche la spécialité de River, qui ne faillit jamais. La sirène lève son verre à son tour. « Je suis partante. Quand bien même tu auras sûrement plus d’expérience dans le domaine des trucs sympas. Mais je te fais confiance. » Je te fais confiance. Je te confie ma soirée, ma santé mentale, mes obligations et mes bouts de rêves éparpillés.

La princesse regarde autour d’elle, sondant la foule de ses iris pour établir des priorités. Remercier les donateurs, introduire la nouvelle directrice du centre, se laisser photographier avec les personnalités les plus influentes, donner cette interview qu’on lui a demandée et faire le discours d’inauguration. Etrangement, elle s’est beaucoup plus amusée ces derniers mois à organiser, recruter, donner des directives – ce soir est censée être l’apothéose de tous ses efforts, pourtant elle ne parvient pas à se concentrer sur le résultat. Peut-être parce qu’elle réalise seulement l’indécence de toute cette richesse entre les murs qui vont accueillir les moins fortunés, les solitaires et les parias. C’est une soirée pour que les puissants se congratulent entre eux ; et elle ne veut pas réellement en être. « L’avantage que j’ai sur toi, c’est que j’ai aidé à concevoir l’endroit, je connais les plans comme mes écailles. » Un sourire confiant étire ses lèvres, tandis qu’elle garde un œil prudent sur leurs environs. « Je vais dire bonsoir au maire, il est bavard donc en attendant je te mets au défi de trouver le solarium. Si j’arrive avant toi, tu dois aller lécher les bottes de quelqu’un en mon nom. Je te donne un indice : il y a une porte dérobée quelque part. » Elle a l’impression de jouer à la femme amusante et impertinente, de jouer à être une autre plutôt que d’être véritablement naturelle, mais pour sa défense, il est difficile de se laisser aller quand on a passé sa vie dans un sarcophage de rigidité.
   

   

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Le solarium. Le mot sonnait comme toutes ces choses que les humains inventaient pour rendre la Terre plus attractive, s’éloigner des limites mêmes imposées par leur nature. Sur les lèvres de Scylla, il prenait pourtant tout son sens, devenant instantanément son seul objectif. Il voyait bien les efforts que la princesse mettaient en oeuvre pour s’affranchir de son titre, de son éducation et de ses devoirs. Et si elle avait besoin de lui pour briser sa carapace dorée, il n’hésiterait pas une seule seconde. « A tout de suite Princesse. » Il lui dit en souriant avant de s’éloigner dans la foule guindée.

Il n’avait aucune idée de ce à quoi pouvait ressembler un solarium. Aussi se mit-il à déambuler dans la pièce sans bien savoir où aller. En un geste vif, il changea sa trajectoire et se dirigea vers l’entrée, là où se tenaient encore les organisateurs de l'événement. De sa voix la plus professionnelle, il les interpella, coupant une discussion en cours. « La princesse ne se sent pas bien et a besoin d’un instant au calme, indiquez-moi le solarium, je pense qu’il lui fera du bien. » Usant légèrement de son pouvoir de persuasion face au regard étonné du jeune homme qui lui faisait face, il ne mit pas longtemps à obtenir ce qu’il était venu chercher. Quelques secondes plus tard, il trônait au milieu de la salle parfaitement vide, le regard plongé dans les étoiles surplombant le toit vitré.

Lorsqu’il entendit la porte s’ouvrir, il croisa le regard de Scylla, victorieux et heureux de la retrouver. « Facile. » Il se contenta de dire, haussant les épaules et se rapprochant d’elle. Il l’attira vers le centre de la pièce, se plaça en face d’elle, relevant son menton vers le ciel, du bout des doigts. Un instant, il laissa la beauté du ciel parler pour eux. « Tu te souviens quand on nageait si près de la surface qu’on arrivait à distinguer quelques étoiles ? Et qu’on se demandait ce que ça serait de les voir “pour de vrai” ? » Il rit doucement en mémoire de leurs jeunes années et de l’innocence qu’ils avaient alors. Quand tout était beaucoup plus simple.

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À tout de suite Princesse.

C’est bien pour ça qu’elle entend à moitié les chaleureuses félicitations, qu’elle répond à côté aux questions et qu’elle a l’air ailleurs. On lui pardonnera, parce qu’on pardonne tout à ceux qui ont de l’argent et du statut, mais en vérité elle ne s’en serait pas formalisée. D’aucuns diraient que c’était une mauvaise idée d’aller à un événement si important escortée par un élément aussi distrayant – mais c’était une de ses plus belles victoires, quelque chose qu’elle avait accompli elle-même et qui était né de ses convictions à elle – et il y avait une beauté indéniable à la partager avec River. Tout complètement distrayant qu’il soit.

Scylla n’est que peu surprise de le retrouver au solarium, fier comme un paon, finalement. Le garde est un triton de parole. « Facile. » Elle n’ose pas rétorquer qu’il a été avantagé parce que personne n’a voulu lui lâcher la grappe ces vingt dernières minutes, mais ce serait de mauvaise foi. Et le moment n’a pas besoin de ça. La sirène se laisse entraîner au centre de la pièce, et relève les yeux vers le dôme en verre qui trône au-dessus d’eux, guidée par River. La nuit est à couper le souffle. « Tu te souviens quand on nageait si près de la surface qu’on arrivait à distinguer quelques étoiles ? Et qu’on se demandait ce que ça serait de les voir “pour de vrai” ? » Pour une fois, la nostalgie n’est pas douloureuse, elle répand une chaleur dans son corps sans pour autant créer des nœuds dans son estomac. « Comme quoi il y a des rêves qui se réalisent » souffle Scylla, plus trop certaine de parler des étoiles. Mais River ne l’a pas lâchée – elle sent les doigts souples du garde sur le tissu de sa robe trop sage.

L’espace d’un instant, elle songe à mentionner leurs futures ailes, ce bien qu’ils vont récupérer et qui les emmènera plus près du ciel que jamais. Mais ça semble artificiel, à cet instant-là, il est impensable qu’une quelconque ribambelle d’étoiles la contente plus que la douceur du moment. C’est peut-être le champagne, l’ivresse du travail accompli ou la splendeur de l’endroit, mais un soupir de soulagement quitte ses lèvres. « Je n’ai pas envie d’y retourner, je crois » avoue-t-elle dans un murmure. River a proposé un jeu mais elle n’a plus envie de jouer et les règles sont floues et sa gorge est nouée et le temps a l’air de s’être arrêté. D’une main hésitante, elle dénoue le nœud papillon de River – et se garde bien de se rappeler à quel point le geste lui est familier. « C’est pas vraiment toi » justifie Scylla tandis que le morceau de coton noir tombe au sol.

On pourrait croire que c’est un jeu dangereux, ce dans quoi Scylla est en train de mettre les pieds. Mais je vous l’ai déjà dit ; elle en a assez de jouer.
   

   

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River Asherah

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« Je n’ai pas envie d’y retourner, je crois. » Elle lui dit, autant comme une confidence que comme une prière. Il ne va pas le lui reprocher. L’air est plus respirable ici, loin de la foule et des murmures continus. Il n’a pas besoin de plus, une princesse et quelques étoiles. « C’est pas vraiment toi » Elle rajoute avec sérieux alors que son nœud papillon disparait sur le sol. Il doit avouer que de ne plus sentir la sensation d’étouffement provoquée par l’objet de torture le soulage instantanément. Mais il n’y prête presque pas attention, bien trop concentré sur le regard que lui jette Scylla. Cet instant comme suspendu entre eux et les signaux qu’il n’ose pas tout à fait comprendre. Ils avaient décidé de jouer, mais peut-être qu’elle avait changé les règles en cours de route.

Une main posée sur sa hanche, il laisse ses doigts remonter le long de son dos. Il a envie de lui dire que cette robe non plus, ce n’est pas vraiment elle, mais aucun son ne passe la barrière de ses lèvres. Il a cette impression que l’instant ne s’y prête plus. Les choses ont changé entre eux. Les tensions se sont apaisées, les secrets se sont dévoilés. Ils ne sont pas parfaits et la route est toujours semée d’embûches. Mais dans le récit de leur histoire, il sent au fond de ses tripes que ce moment comptera. Alors sa main remonte le long de sa nuque, s’attarde sur une mèche qui a réussi à s’échapper de l’élégante coiffure de la princesse. « On peut rester là. » Il finit par lui dire d’un ton calme, comme une confidence lancée en sa direction à travers l’immensité de l’espace.

Au milieu de leur ilot à la fois si exposé et si privé, ils sont seuls et les images de leur rencontre, des mois plus tôt reviennent à l’esprit du triton. Il se revoit débarquer comme une tornade chez elle, tenter de tout détruire jusqu’à atteindre, presque malgré lui, la barrière de ses lèvres. Leur connexion avait été brève et lui avait laissé un gout amer. Aujourd’hui, il ressentait se même désir de s’attacher à elle avec l’espoir égoïste et un peu fou qu’elle le laisserait faire. Il n’y avait rien de logique. Les choses n’avaient pas tant changé. C’était peut-être le champagne, le nœud papillon ou la robe de soirée. C’était peut-être ces mois passés côte à côte, ces non-dits enfin dévoilés. C’était un mélange de passé, de présent et de futur qu’il ne savait pas expliquer. C’était le souvenir des ailes de leur peuple qui semblaient encore battre dans leur dos. D’un pas il s’approche encore un peu d’elle, pose son front sur le sien. « On peut rester là. » Il répète sans savoir pourquoi, se perdant dans l’océan de son regard, la chaleur de sa peau et les effluves de son odeur. Ce n’était pas le champagne ou leurs tenues. Ce n’était pas leurs ailes. C’était cet amour qu’il avait toujours eu fond du cœur, dévorant chaque partie de son être depuis des années et des années. « Scylla, si on reste là, je crois que je vais t’embrasser. » Il dit le souffle court. Cette fois il ne se précipitera pas. Cette fois il veut faire les choses bien. Car ce moment comptera. Si elle lui donne une chance de tout faire pour.

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« On peut rester là. » Il le dit deux fois, comme une fois pour lui, une fois pour elle. Est-ce que ce serait s'échapper? Est-ce que ce serait se cacher? Pourquoi partir, quand l’air est chaud et sucré, quand on a l’impression de mettre le nez dehors serait encore s’écarteler. C’était leur premier calme après la tempête, leur premier battement serein après toute cette chamade, et peut-être que c’était tout ce qui leur avait fallu. Du temps, du temps pour peser leurs mots, pour peser leurs gestes, du temps pour vivre et pour guérir. Pourtant, ils ne peuvent pas rester là éternellement, dans cet instant suspendu, front contre front et regrets contre regrets. « Scylla, si on reste là, je crois que je vais t’embrasser. » Ça aurait pu suffire à rallumer les lumières, à éclater la bulle, s’ils n’avaient pas fait tout ce chemin. Ça aurait pu la faire fuir, la statufier comme sa dernière confession l’avait fait. Scylla a encore peur – probablement qu’une part d’elle ne peut s’empêcher de penser à la suite, à ce que ça signifie – mais elle ne bougera pas. Elle a pris sa décision, et peut-être que ça devait toujours se terminer comme ça ; commencer comme ça. « Non » elle répond dans un souffle, reculant légèrement son front pour être capable de regarder River dans les yeux, après tout ce temps passé à danser autour de la vérité en refusant de le voir. Toutes ces choses qu’on refuse, par peur de décevoir. Mais c’est la dernière fois qu’elle lui dit ‘non’.  « Je veux que ce soit moi, cette fois. » Tu ne seras pas le seul à plonger, à plonger dans mon cœur, à plonger pour tes crimes. Alors elle saute enfin de la falaise qu’elle craignait tant, avec la certitude qu’à défaut de voler, elle sera rattrapée. Quand elle l’embrasse, elle ne goûte pas l’hésitation – seulement le soulagement, les fourmillements qui se multiplient dans son corps, et cet étrange sanglot pris au piège dans son gosier ; un chagrin d’avoir trop attendu mêlé à la délicieuse plénitude de céder enfin. Ses mains grimpent dans la nuque tant aimée, se perdent dans la chevelure sombre, l’attirant à elle avec un désespoir presque comique. To be loved is to be known, and I have known you my whole life.
   

   

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River Asherah

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Non. Ca ressemble à une gifle qu’elle lui aurait envoyé en plein visage alors qu’il pensait que la situation c’était éclaircie. Ca le surprend lui qui croyait avoir réussi, cette fois, à lire les signaux qu’elle lui avait envoyé. Peut-être qu’il était toujours aussi bête et qu’elle était toujours aussi trop bien pour lui. Son corps se tend alors que son cerveau bouillonne pour trouver une parade sans passer pour un idiot. Non comme un point final à tous les espoirs qu’il aurait pu nourrir, comme une réponse simple et solide à tous les problèmes qu’un oui aurait pu entraîner. Un non qui ne dure qu’une fraction de secondes. « Je veux que ce soit moi, cette fois. »  Elle dit comme une libération alors que leurs lèvres se trouvent sans que River n’est le temps de comprendre ce qu’il lui arrive. Non cette fois voulait dire oui et il ne cherchait pas à comprendre autre chose.

Transporté, il la laisse les rapprocher, comme s’ils n’étaient soudainement plus qu’un, comme si cet instant qu’il avait tant imaginé se déroulait enfin sous ses yeux. Ses bras s’enroulent autour de sa taille et se verrouillent autour de son corps comme pour s’assurer qu’elle ne partira plus, qu’elle ne le quittera plus. A cet instant rien n’a d’importance que ce moment. Les années perdues s’évaporent, la trahison qui volent au dessus de leur tête ne suffit pas à cacher le soleil qui les baigne de sa douceur. Ils sont au milieu des étoiles, là où les rêves ne sont jamais trop grands et où la patience est toujours récompensée. Il l’embrasse comme jamais il ne pensait embrasser et il doit se rappeler de respirer tant le reste n’a plus d’importance. Quand leurs lèvres finissent par se séparer, ils restent collés et un sourire imbécile et heureux se dessine sur son visage. « Ca n’a jamais été que toi. » Il dit en faisant se toucher délicatement le bout de leurs nez. S’il se voyait il rigolerait sûrement d’être aussi mielleux, mais il s’en fout, jamais il n’a été plus heureux.

Il l’embrasse à nouveau, juste pour s’assurer qu’il n’a pas rêver et parce qu’il a la possibilité de le faire, qu’elle ne dira pas non, cette fois. « On s’en va ? » Il dit en souriant avant de déposer un baiser sur sa joue, son menton, son cou, sa clavicule, le haut de son épaule jusqu’à la faire rire. Malgré leurs précautions il sait qu’ils ne sauront pas totalement à l’abri des regards ici et il n’a pas envie de partager son bonheur. Il ne veut qu’être avec elle, dans une bulle où ils pourront n’être que deux individus qui ont enfin osé être honnête. Il ne sait pas de quoi demain sera fait, pas plus qu’elle, mais ce soir, ils seront deux adolescents, deux amants, deux âmes sœurs. Demain ils seront plus forts, plus sûrs, plus prêts à affronter la vie. Alors il l’embrasse à nouveau, enlace leurs doigts et l’entraîne vers la porte. Il ne sait pas où il l’emmène, mais ils y iront ensemble. « Pas mal cette fête. » Il dit en haussant les épaules avant d’éclater de rire et de croiser son regard. « Pas mal cette princesse. » Il rajoute en riant, alors que le bonheur rayonne de chaque centimètre de son âme.  

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gitano