Elle va oublier.
C’est obligé. Je m’étais levé avec un sourire neutre, avec un regard neutre. J’en avais plus rien à taper de cette date, avec le temps. Y a du lactose dans les gâteaux d’anniversaire, et ils périment rapidement. Je me demande pourquoi le monde entier ne le remarque pas. J’ai les mains enfoncés dans les poches de ma veste. Le froid d’un pré-hiver glacial me mord les os. Le tabac remplit mes poumons pendant qu’il me pleut sur la tronche. Même le ciel a décidé d’oublier que c’était mon anniversaire, et d’être un peu clément avec la météo pour ce jour spécial. La cigarette s’éteint, et je reçois un SMS.
Je pourrai pas, ce soir, finalement.
Putain de sa mère de bordel de merde.
Elle a oublié.
Je prends mon téléphone et panique. NB ? C’est important tu sais / Vraiment très important / Réponds moi s’il te plaît / Vraiment j’ai besoin que tu me répondes / Tu m’aimes plus c’est ça ? / Tu m’as jamais aimé en fait / Dis le moi c’est plus simple / Non mais NB sérieusement ? / Pourquoi tu réponds pas?
Ma gorge palpite dans des rythmes obscurs. Elle a oublié.
Elle m’a oublié.
C’était certain, sûr même. Je regarde sa fréquence de réponse habituellement. Quelques minutes. Le cadran affiche 15h13 et toujours rien. Je passe une horrible journée. J’ai les yeux pochés de larmes toute la journée, et certainement que je pourrais insulter le premier con venu juste pour qu’ils coulent enfin. Mes cernes sont déjà suffisamment lourdes à porter. Je me traîne de salle en salle. On me parle de photosynthèse, et plus que jamais, je me sens pas réellement proche des plantes. Il n’y pas de soleil. Il n’y pas
Ils sont à ce moment mes meilleurs alliés que j’ai jamais eu. Ils m’aident à me fondre dans la masse. Avec ma main prise dans les couloirs de l’université, j’avais espéré pouvoir passer inaperçu, un énième adolescent chanceux. J’avais souri aux regards envieux, voire ceux des hommes qui me félicitaient un peu grossièrement.
J’étais mal à l’aise mais fier.
J’avais envie de les frapper mais j’étais content.
Plus que jamais, je m’étais senti à ma place. J’étais une belle vie, une copine qui m’aimait. Et là, elle répondait pas à mes SMS, et elle allait m’oublier, me tromper, me quitter, m’abandonner, me détruire, me marcher dessus, et c’était hors de question.
Elle va m’oublier
Je me dis qu’elle doit être en train de voir sa sœur. Je me dis qu’elle doit être en train de voir des amis. Je me dis qu’elle doit être en train de voir d’autres amis garçons.
Elle couche avec eux. C’est certain.
Réponds moi / / Stp stp stp / Pitié stp stp stp je t’aime NB pitié stp
Je me sens humilié, trahi, en colère, honteux.
Alors j’ouvre la porte de mon appartement, reniflant. Je me disais que c’était un rhume, parce que c’était plus simple à justifier. Mes papillons m’accueillent comme une présence familière. Parfois, j’aime imaginer qu’ils sont contents de me voir, alors qu’ils ignorent que c’est moi qui les nourrit sûrement.
Mes yeux se fixent.
Elle est là.
Mes iris palpitent.
Il y a des post-it de partout dans cet appartement.
Cet appartement, c’est le mieux.
Elle m’a pas oublié
Jamais, à aucun moment.
Elle m’oubliait pas, elle préparait tout. Pour que ce soit parfait. Pour qu’on soit parfaits.
Elle était là, fièrement dans un lieu qu’on avait fait le nôtre.
Mon sourire se redresse, arrêtant de se casser la gueule à chaque obstacle.
« NB mais … Mais qu’est-ce que … Mais … ? »
Je regarde autour de moi. Il y a des post-it avec des petits messages et des flèches. C’est une chasse de trésor. J’étais perdu constamment, à la recherche de tas de choses futiles. J’ai mal aux commissures et au coeur. Mes émotions sont des montagnes russes. Elles vrillent, et en un looping un peu serré, Nova-Blue se retrouve dans mes bras.
« Mais … Mais j’ai cru que t’allais oublier et que t’allais tout oublier et que … C’était horrible et … Merde mais … »
A ce moment-là, je m’en veux de l'avoir insulter dans ma tête toute la journée. J’ai envie d’effacer mes messages, qu’ils aient jamais existé que dans une réalité catastrophique. Le mal était fait, et j’ai aucune conscience de la charge mentale qu’elle porte certainement.
« Merci beaucoup et … C’est super et … Je suis désolé pour les messages et … J’ai eu ... » Je freine ma respiration qui prend de la vitesse dans des chutes libres. « J’ai eu peur. Que ça recommence encore. »
Que tu m’aies dis de bloquer ma soirée pour rien faire. J’aurai pris un pack de bières et j’aurai mis une bougie dessus, ça aurait été un joli gâteau. Pour chasser le négatif bicolore, mon visage s'éclaircit dans une hâte enfantine.
« … Je commence la chasse au trésor, alors ! » je dis en commençant à essayer d’élucider les mystères écrits en bleu sur des post-it multicolores, un large sourire aux lèvres.
J’avais hâte de vivre le meilleur anniversaire de ma vie.