Only thing that keeps me wishing on a wishing star. ♫ Orpheus & Abraxas II

Lun 28 Mar 2022 - 19:43

Only thing that keeps me wishing on a wishing star

Orpheus | Abraxas

L’appartement est silencieux quand Orpheus y trace un pas.
L’odeur est devenue familière, à force d’y mettre les pieds. C’est comme si sa mémoire était un accordéon : beaucoup de place, peu de souvenirs, alors tous ceux qu’il a construits prennent un espace gigantesque. Dans ce salon, il y a eu tout. Tout ce qu’il vit depuis des semaines. Il dort là, sur ce canapé. Il mange sur cette table en bois. Il reste, sur ce canapé, enfoui sous une couverture laide que son frère lui dit qu’il aimait.
Orpheus est reconnaissant qu’Abraxas et Cléo l’hébergent, mais il se demande quelquefois s’il est réellement à sa place. Qu’est-ce qui fait une adelphité, si ce n’est des souvenirs communs ? Des soirées à manger des glaces, des courses poursuites dans la cuisine, des cache-cache qui durent trop longtemps et une épaule pour pleurer, pour pouvoir tout dire toujours quoi qu’il arrive. Les jumeaux ont encore tout ça. Ils ont encore ces douces mémoires du temps où ils étaient enfants. Et ils ont eu sept ans entiers pour former de nouvelles surprises, de nouveaux rires, de nouveaux secrets. Sept ans où il n’était plus rien. Il ne peut pas se rattraper.
Alors vraiment, non, il se demande ce qui fait qu’il reste leur frère, à part cet amour innommable que ses deux cadets lui portent. A part cet amour indicible qu’il sent qu’il doit bien leur porter.
« Xas ? T'es là ? »
Ils l’ont laissé finalement quitter l’hôpital en temps plein s’il suivait bien tout son programme de rééducation au dehors. Il doit encore aller voir la kiné, trois fois par semaine, l’orthophoniste tous les jours, l’ergothérapeute, la psychomotricienne, tous ces gens dont les noms de métier font octosyllabes à eux seuls. Il a encore du mal à parler, à marcher, à réfléchir correctement. Mais quand il prend le temps, ça va mieux. Quand il prend le temps, il s’en sort.
« Cléophée ? »

Le salon est vide. La cuisine est vide. Les toilettes sont vides.
Orpheus s’assied sur le canapé, essaie de prendre un magazine mais il a soudain le tournis. La kiné ne l’a pas épargné, aujourd’hui. Peut-être que s’il s’allonge, un peu … le jeune homme bat négligemment des paupières, calant sa tête sur l’accoudoir, ses jambes sur le joli sofa sans même retirer ses Converses.
Les toilettes sont vides. La cuisine est vide. Le salon est vide.
Tout le corps d’Orpheus est vide.

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wishing on a wishing star

“I was so scared to face my fears
Nobody told me that you'd be here
And I'd swear you moved overseas
That's what you said, when you left me
In case it is the last time
That we might be exactly like we were”

Courbaturé, las, épuisé, Abraxas actionne enfin la porte d’entrée de leur appartement, Cléo sur ses talons. Il sait que cette porte grince parce que les vibrations sont désagréables, et sa jumelle fait toujours la moue quand il est question de l’ouvrir. Les bras chargés de sacs de courses, ils s’engouffrent péniblement dans l’entrée et Xas referme la maudite porte d’un grand coup de pied. Ils n’ont pas beaucoup parlé, aujourd’hui ; l’été est brûlant, les esprits échauffés, et dans l’esprit du sorcier dansent les fantômes de ses retrouvailles avec Faolan, les âmes qu’il a accompagnées dans l’au-delà cette semaine et la nausée qu’il n’arrive pas à déloger de son estomac, la confusion et le souvenir des mèches blondes de Sol comme autant de terminaisons nerveuses dans la paume de sa main.

Ils font des courses plus grosses depuis qu’ils sont trois dans l’appartement, mais refusent obstinément que Orpheus vienne et porte quoi que ce soit, même pas le gigantesque sac dans lequel se trouvent de multiples paquets de Chocapics, Miel Pops et Frosties. « Je vais ranger, Cléo, ça va aller » il signe rapidement en direction de sa sœur après avoir lâché les sacs dans la cuisine. Xas la suit du regard, la voit s’arrêter près du canapé et prendre un Orpheus hagard dans ses bras avant de se retirer dans sa chambre. A son tour, le sorcier prend la direction du salon, un demi-sourire aux lèvres. « Ça a été avec la kiné ? » il demande sans s’entendre, incapable de vérifier son ton, son timbre de voix. Si la communication avec Cléo est complètement fluide aujourd’hui, c’est plus compliqué avec son aîné ; difficile de lui demander d’apprendre la langue des signes alors qu’il a déjà eu tant de mal à retrouver tant de fonctions autrefois acquises et connues par cœur. Alors il utilise ses cordes vocales comme on tirerait à l’aveuglette, en espérant taper dans le mille – mais ce n’est pas ça le pire. Le pire, c’est qu’il n’a pas entendu le son de la voix d’Orpheus depuis presque huit ans, et il n’est pas sûr de l’entendre de nouveau un jour, ce son rassurant, la bande originale de son enfance et de tous les moments qui ont compté. « Tu veux m’aider avec les courses ? » La kiné lui a dit que ça ferait du bien, de pouvoir se représenter où vont les choses, de le laisser organiser lui aussi. Xas est bien conscient que plus souvent qu’à son tour, il parle à son frère comme à un enfant, comme si l’aîné était devenu le benjamin mais il ne peut pas faire autrement. Parce qu’il serait incapable de faire l’inverse, de reprendre là où ils ont laissé les choses sur cette nationale près de San Francisco.

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Âge : 31 ANS (01/02/1990) ♫ trop longtemps passés à dormir

Only thing that keep me wishing on a wishing star

Orpheus | Abraxas

C’est le grincement de la porte qui le tire de sa somnolence. Un son lourd et désagréable de gonds qui ne sont pas huilés, de battant ancien et usé qui donne sur un monde entêtant où leur adelphité se trame. Orpheus se redresse, vacillant, tandis que Cléophée et Xas portent les courses dans la cuisine. Il aimerait pouvoir les aider, mais les jumeaux refusent toujours.
Il n’a pas l’impression d’être l’aîné, mais plutôt d’être leur enfant. Un petit garçon égaré qu’ils recueillent sur le canapé et dont ils prennent soin comme ils peuvent. Comme un enfant, il est aimé sans vraiment comprendre pourquoi. Comme un enfant, il veut donner, rendre un peu de ce qu’on lui tend, mais son souffle paraît trop court et ses idées trop entêtantes. Comme un enfant, il n’est qu’une gêne lorsqu’un d’eux passe l’aspirateur, les pieds emmêlés dans les fils jusqu’à s’en éclater au sol. Comme un enfant, il est perdu, souvent, dans ce monde de grandes personnes où tout semble tourbillonner. Comme un enfant grandi trop vite, il est enfermé dans ce corps dont on prétend qu’il est le sien, à surnager dans des eaux troubles où des monstres lui griffent le ventre.
Papillonnant des cils, il se lève pour recevoir l’étreinte de Cléophée et inspire à poumons entiers l’odeur sucrée de sa jeune sœur.
Et puis, Xas sort de la cuisine, un sourire flottant sur les lèvres. Orpheus lui sourit aussi. Ils sont beaux, les Astraea. Prisonniers de corps imparfaits, des esprits fracturés et blêmes dans des coquilles de noix perdues, dérivant sur la mer des songes qui ont fait leur identité. Ils sont comme des étoiles fantômes dessinant une constellation égarée dans une nébuleuse. Mais ils ont cette force aussi, ce lien qui les lie tous les trois, une traîne de comète embrasée qui ne les laissera pas sombrer.
Alors il sourit, Orpheus, malgré sa maladresse latente et ses souvenirs sur papier glace, parce qu’il reste encore des raisons pour eux de pas abandonner.
La voix d’Abraxas est rauque, étrange, une mélodie déconcertante face à son frère déconcerté. Il lui répond du mieux qu’il peut, étincelle de rire aux prunelles.
« Ouais, ça va … » Inspiration. Expiration. « Regarde. »
Et, relevant ses bras tremblants qui n’ont plus de masse musculaire que le minimum syndical, il prend une pause de culturiste, voulant contracter ses biceps. C’est ridicule. Il est ridicule. Pourtant, la joie fugace sur leurs visages semble éclairer un peu la pièce, il a presque envie de rappeler sa sœur pour qu’ici, tous les trois, ils dessinent une chorégraphie avec leurs donjons fracassés.

« Allez. »
D’un pas traînant et incertain, il s’achemine vers la cuisine, ses muscles effarés de l’effort qu’a coûté sa démonstration. Oui, ça se passe bien avec la kiné, mais il n’est plus aussi patient. Il aimerait que ça aille plus vite, il voudrait courir, gravir des escaliers quatre à quatre sans avoir la nausée, pouvoir comprendre, lire, tout dire. Il voudrait pouvoir retrouver le chemin de sa vie d’enfant, la route de son adolescence, remettre son cœur sur les rails pour mener à une vie d’adulte dont il serait protagoniste.
Bon sang, qu’est-ce-que c’est difficile.
Abraxas sort les courses des sacs et lui laisse le temps de ranger. Les placards deviennent ses alliés, ses ennemis, son labyrinthe. En silence, les deux garçons posent les victuailles aux étagères, dans un décor presque connu dont ils se font rôles principaux.
« La kiné, elle … » Les mots tressaillent, butent et culbutent. Il sait qu’il doit parler en face d’Abraxas pour se faire comprendre de lui, mais ses lèvres forment des volutes dont il n’est pas toujours le maître. « … elle veut que … je muscle les doigts. »
Comme sa syntaxe n’est pas forcément claire, il lève une main à hauteur d’yeux et agite péniblement ses doigts, sous le regard profond de Xas.
« Comme ça. »
Il semble tricoter dans l’air des fils d’araignée invisibles, dissociant bien toutes ses phalanges dans des mouvements alternatifs. Un magicien un peu étrange, dont les sorts sont tissés à la main. Un musicien dont les échos voudraient ne plus être muets.

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“I was so scared to face my fears
Nobody told me that you'd be here
And I'd swear you moved overseas
That's what you said, when you left me
In case it is the last time
That we might be exactly like we were”

Il traite Orpheus comme un enfant et il lui sourit avec la tendresse qu’on accorde aux petits qui font des farces ou qui montrent leurs dessins plus ou moins réussis. Pour chaque tentative de son grand frère, Abraxas rejoue dans son esprit les partitions brûlées de leur existence. Orpheus charmeur sans le moindre effort à faire, Orpheus drôle sans le vouloir, Orpheus dont le naturel prenait tout le monde par surprise. Le sourire tendre du sorcier se crispe subrepticement ; tout n’est qu’effort aujourd’hui pour son idole, rien ne vient tout seul, et il est le fils de chien au milieu qui est incapable d’aller de l’avant et d’accepter complètement cette nouvelle version de ce frère qu’il a pris pour modèle toute sa vie.

Ils ne s’attardent pas et se dirigent vers la cuisine. Xas se sent toujours plus à l’aise lorsqu’ils ont une activité à faire, quelque chose qui les occupe – les silences dans leurs discussions sont plus difficiles à affronter, est-ce vraiment une surprise quand y’en a un qui peut pas vraiment parler et un autre qui peut pas du tout entendre ? Il s’affaire à sortir leurs achats un à un, à un rythme assez lent pour qu’Orpheus ait le temps de considérer l’objet et d’aviser sa place dans la pièce. Frigidaire ou placard ? Cuisine ou salle de bain ? Etagère du haut ou étagère du bas ? Des microdécisions sans importance que Xas ne peut s’empêcher de détailler, d’analyser, d’interpréter en vain. Il est luthier, il était musicien avant, il y connaît rien en médecine et en processus de rétablissement, et il en a assez de son esprit qui cherche des signes de guérison, du mieux ou du pire dans chaque action. Il ne veut pas être celui qui observe son frère, qui l’épie et qui attend. C’est un frêle empire que l’on construit lorsque tous ses espoirs reposent sur un pack de six yahourts au sésame rangé au bon endroit.

Et il n’y a absolument rien à faire.

Et parfois, le sorcier manque la moitié des tentatives de discussion de son frère parce qu’il ne le regarde pas. Parce qu’il ne pense pas à le regarder. Parce qu’il a peur de le regarder et de constater qu’il ne peut pas l’aider. Parce que, qui est Abraxas Astraea s’il est inutile à ceux qu’il aime ?

Orpheus a cessé de bouger, et le luthier se retourne à demi. Les lèvres de son frère bougent, et ses yeux se fixent automatiquement sur elles. « Oh, ça a l'air d'être intelligent » il répond vite, avec un enthousiasme feint qu’il espère inaudible dans les mots qu’il prononce sans entendre. Les courses, c’est une bonne activité, donc. Peut-être même que les porter, contrairement à ce qu’il pensait jusque-là, lui permettra de regagner la force physique et la dextérité qu’il avait en tant que musicien.

Un silence s’installe dans la cuisine alors que le regard d’Abraxas se perd en direction des plaques de cuisson.

Orpheus a été musicien toute sa vie. Il n’a pas besoin des exercices domestiques mondains, il a besoin de retrouver la mémoire du muscle. « Attends-moi dans le salon, j’ai une idée » Il n’en revient pas que cela ne lui ait pas traversé l’esprit avant. En quelques enjambées, il pénètre dans sa chambre et récupère la guitare que Fao lui a rendu une dizaine de jours auparavant. Il se l’est approprié comme il s’est approprié la voiture d’Orpheus à l’époque, comme pour s’accrocher à son souvenir, comme pour avoir un talisman, quelque chose qui le lie à son frère perdu. Mais il n’est plus perdu – et tout aveuglé par son égocentrisme, Abraxas a oublié qu’avant d’être des amulettes pour sa douleur à lui, il s’agissait de morceaux d’Orpheus sans lesquels ce dernier ne pouvait espérer être de nouveau complet un jour.

Il rejoint son aîné quelque peu désorienté sur le canapé, la guitare sur les genoux. « Tu adorais jouer. Tu veux essayer, voir si ça te plaît ? » Il aurait voulu dire voir si quelque chose te revient, mais il a appris à utiliser un langage qui évite la pression, après s’être fait remonter les bretelles par les infirmières à l’hôpital. Mais on ne peut pas mettre cet espoir en cage alors qu’il a passé sa vie à admirer les étoiles dans son sillage.

CODAGE PAR AMATIS

Lun 19 Sep 2022 - 22:00

Only thing that keeps me wishing on a wishing star

Orpheus | Abraxas

L’objet entre ses mains est lourd, et plus dur que ses maigres cuisses ne peuvent vraiment s’en protéger. Orpheus le manipule doucement, précautionneusement, comme s’il était aussi fragile que sa propre mémoire ne l’est. Il se sent minuscule, soudain, perdu dans une vie bien trop grande dont il serait le passager au lieu d’être le conducteur.
Tu adorais jouer. Toujours cet imparfait, cet avant qu’on lui dévoile à demi-mots, ce passé qui lui appartient sans être vraiment une part de lui. Toujours ces regards que l’on pose sur un être humain qu’il n’est plus, et qu’il se sent bien trop fragile pour tenter de redevenir. Toujours cette brisure dans les cœurs qui l’entourent et le réconfortent, qui tentent de lui faire miroiter que c’est pas grave qu’il ait changé alors que tous les regards hurlent qu’il était différent, avant.
Il veut bien essayer, oui. La guitare a un corps, un manche, six cordes qui frémissent sous ses doigts. Il a l’impression que ses muscles ont des courbatures sans rien faire.
Alors qu’il lève les yeux vers Xas …

Non, pas Xas. Phoeb’s. Phoebus. Son frère.

Un frisson désagréable parcourt son échine, comme si les cordes se nouaient autour de ses phalanges stressées. Il pose son index sur une frette, son majeur et son annulaire un peu plus loin ; impossible de savoir vraiment d’où lui reviennent ces gestes-là.

Du bruit dans la salle de concert, Faolan en sueur qui rit.

♫

So close no matter how far. Les gestes lui reviennent et s’emparent de son corps comme d’une marionnette. Couldn't be much more from the heart. Dans sa poitrine, son cœur éclate, un orchestre des jours passés qu’il n’arrive pas à rattraper. Forever trusting who we are. Et tout le monde croit qu’il guérira, lui l’aîné, lui l’enfant prodige. Golden boy de San Francisco, entouré de sourires mielleux à s’en faire perdre la raison. And nothing else matters. Qu’est-ce qui importe, désormais ?
Never opened myself this way. Il a l’impression d’être un coffre au trésor que l’on vient de dépoussiérer. Life is ours, we live it our way. Mais la poussière, sur le dessus, est l’homme qu’il est devenu maintenant. S’il fait basculer le couvercle, choisit de redevenir l’ancien Orpheus, qu’est-ce qu’il pourra rester de lui ? All these words I don't just say. Les sonorités dans la gorge, mots bloqués sur une langue fragile, il voudrait chanter sans pouvoir. Les yeux brillants, il fixe Xas dont le regard est suspendu. And nothing else matters. Qui est-ce qui importe, désormais ?
Trust I seek and I find in you. Il a pourtant raclé le fond de son crâne et de sa mémoire à la recherche de celui qu’il était lorsqu’il était né. Every day for us something new. Mais chaque matin, c’est une nouvelle forme changeante qui se tapisse dans ses paupières et qui devient un nouveau lui-même. Open mind for a different view. Il a beau tenter de faire sens de ces éparpillements de lui, il n’est qu’un bout de verre brisé sur un carrelage de vies amères. And nothing else matters. Qu’est-ce qui importe, désormais ?
Never cared for what they do. Artemis qui s’insurge contre les garçons de sa classe. Never cared for what they know. Cléophée qui danse dans le salon, heureuse d’être enfin en week-end et que ses frères rentrent au bercail. But I know. Life is ours, we live it our way. Il doit ré-apprendre, Orpheus, et l’enseignement sera rude ; le coffre s’ouvre et il bascule dans un florilège d’instants vifs. All these words I don't just say. Phoebus qui pleure et les larmes tombent, s’écoulent sur ses joues inconscientes, après le hurlement souverain d’une sirène un peu trop rousse. And nothing else matters. C’est ça qui importe, et qui a toujours importé : son frère, sa sœur, ses amis, tout son microcosme.

Never cared for what they say.

Des flashs, des souvenirs pêle-mêles qui s’agencent dans son esprit las comme un demi-million d’échardes.

Never cared for games they play.

Transpercé de mille flèches ardentes, Orpheus est décomposé, aspiré par son propre coffre, engouffré dans ses propres côtes. Il y a un cœur qui tambourine dont il a oublié la voix ; il y a une âme bleue qui s’échine dont il a oublié la voie.

Never cared for what they do.

Les sourires tourbillonnent, force centrifuge d’un siphon imaginaire dans lequel il se trouve happé. Et son identité présente se trouve remplie de confettis, illusoire, éphémère, lointaine. Elle est la moindre part de lui.

Never cared for what they know. And I know.

Il se souvient, oui.
Il se souvient des genoux écorchés, des étoiles en pâte fimo, de l’air blessé de Gabrielle. Il se souvient d’avoir trop bu, pas assez quelquefois aussi. Il se souvient des filles, partout, souvent, avec leurs yeux de porcelaine et leurs visages en papier bulle ; et Artemis, élevée, fière, un phare flamboyant dans une nuit où il s’était plongé tout seul. Il se souvient de Cléo lorsqu’ils sont partis tous les deux et de cette ultime embrassade face au coffre de la voiture. Il se souvient de sa voiture, de sa guitare, de son plaid et de son tapis, il se souvient du goût sucré des lèvres d’Esmée juste avant, il se souvient de …
Il se souvient de tout.

So close no matter how far
Couldn't be much more from the heart
Forever trusting who we are
No, nothing else matters

Alors que la mélodie meurt sur un manche en bois retrouvé, Orphy lève un regard trempé vers le visage de son cadet. Perdu, désemparé, étourdi, assailli de mille flots contraires qui ne font que le balloter, seuls quatre mots franchissent ses lèvres.

« Prêts à briller, Astraea ? »

Les seuls mots qui importeront.

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Jeu 26 Jan 2023 - 23:20

wishing on a wishing star

“I was so scared to face my fears
Nobody told me that you'd be here
And I'd swear you moved overseas
That's what you said, when you left me
In case it is the last time
That we might be exactly like we were”

Ce n’est pas la guitare qui l’alerte, qui envoie des picotements dans ses extrémités et au bas du dos. C’est l’éclat dans le regard d’Orpheus, comme un voile qui se lève, comme une caméra qui fait le point. Xas voit les doigts bouger, presque danser sur le manche et caresser les cordes et il reste paralysé devant le spectacle. Ça semble tellement naturel, et il l’a déjà vu faire des milliers et des milliers de fois. Mais jamais il n’aurait pensé voir la magie opérer de nouveau. Il n’entend pas les notes mais il n’en a pas besoin – la position des mains de son frère lui indique la mélodie, une mélodie qu’il connaît par cœur.

Prêts à briller, les Astraea ?

Xas tressaille. Orpheus aurait pu le hurler, le graver dans ses côtes, ça l’aurait frappé pareil. Il a chaud, tout à coup, et douloureusement conscient de sa posture, du fait qu’il reste planté là. Il se sent bête. Ses articulations hurlent lorsqu’il se lève un peu trop vite. « Ne… bouge pas. Reste là. » Comme si Orpheus allait bondir et s’enfuir – mais il sent que le moment est important, et il faut que Cléo soit là. Il sent que sa jumelle s’est levée et se dirige vers lui instinctivement, quand il ouvre la porte de sa chambre elle est déjà devant lui, les yeux interrogateurs. Xas lève les mains, et c’est difficile de signer sans trembler. « Je crois qu’il est réveillé. Genre, vraiment réveillé. » La nuit est encore noire, mais dans l’appartement le jour se lève.

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Ven 27 Jan 2023 - 11:21

only thing that kept me wishing on a wishing star

Orpheus & Abraxas

Y a des bribes qui flashent dans son crâne, des accordéons de souvenirs qui se détachent comme des guirlandes. Phoeb’s lui dit de ne pas bouger. Mais comment s’empêcher de bouger, de bondir sur ses jambes, d’escalader le mont Everest et toutes les montagnes du monde pour se rapprocher des étoiles.
Comment rester sur le canapé quand tout lui revient, un raz-de-marée incontrôlable de moments qu’il avait rangés. Ses doigts tremblent contre le manche de bois de la guitare, comme débordants d’une énergie qu’il ne pensait pas posséder.
« Phoeb’s ! » qu’il glapit tandis que son cadet s’éloigne, mais déjà il est un peu loin.

Alors, plus vivement qu’il ne l’aurait cru, il se lève pour suivre son frère qui s’est rué vers Cléophée. Les jumeaux se tiennent face à face, sur le seuil d’une pièce où sa sœur a éparpillé l’univers.
Et, conscient soudain d’être leur frère, Orpheus les attire tous deux contre lui, ses mains posées sur leurs crânes tendres. A l’intérieur de lui, tout grince et hurle et crisse et crie. Mais il est rentré à la maison.
La maison, ce n’est pas vraiment un endroit. Pas même une localisation. La maison, sa maison, c’est eux. Alors, des larmes dans les yeux qui dévalent sur leurs cheveux à eux, Orpheus réalise qu’enfin, après des années d’errance, ils ont vu leur grand frère rentrer.

Le nez enfoui dans les cheveux blonds de Cléo, il murmure, noué par une émotion indescriptible qu’il ne saurait pas endiguer.
« Je suis là. »

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