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Lun 28 Mar 2022 - 23:20

Hand on my forehead, kiss my neck
Odalie | Gabriel


15 janvier 2021.

Il faisait froid, dans ce pays.
Rien de comparable avec la neige Surnaturelle qui avait recouvert la Nouvelle-Orléans il y avait deux semaines de cela, mais les températures hivernales restaient source de mécontentement pour une Odalie provençale qui n’aimait pas trop se couvrir. Elle avançait d’un pas pressé, semblable à comme l’ombre d’elle-même.
Cela faisait trois jours à peine qu’elle n’y était pas retournée. Ça lui avait paru faisable, dans l’instant, de se rendre là-bas. C’était un endroit familier, sans doute l’un des plus familiers dans toute la ville de Washington, vu qu’Oda n’y mettait les pieds que pour pouvoir y faire la fête. Ça lui avait paru juste, logique, d’aller sonner chez Gabriel, blessée, meurtrie, après les évènements de la manifestation. Elle était beaucoup plus secouée qu’elle ne lui montrerait jamais, beaucoup plus troublée par ce djinn qui était rentré dans son crâne que par n’importe lequel des hommes qui seraient un jour ses amants.
Il faisait froid, dans ce pays.
Et elle se sentait froide aussi. Elle avait l’impression qu’un venin glacé s’était glissé entre ses côtes, s’était comme frayé un chemin dans l’antichambre de sa conscience. Désormais, Odalie peinait à rassembler suffisamment les barrières autour de son cœur. Elle se sentait froide et sans vie, vidée du sang des regards troubles que les autres posaient sur elle. Elle se sentait froide, insipide, et les jours lui glissaient dessus comme de l’eau sous un parapluie. Un beau jour, les baleines cèderaient, et elle se prendrait au visage la violence de tous ces instants qu’elle n’avait pas vraiment saisis.
Gabriel lui avait envoyé un message pour lui proposer de venir. Elle n’avait pas de raison de dire non ; alors, elle lui avait dit oui.
Tout, plutôt que rester chez elle, que de repenser à ce djinn qui avait détraqué son crâne pour y insuffler des cauchemars qui la suivaient même la journée. Tout, plutôt que d’affronter encore la sensation de la cloche de verre qui la coupait du monde entier et venait lentement l’asphyxier comme une corde logée à son cou. Tout, plutôt que de songer que si elle tombait, un prochain jour, dans son appartement trop vide, personne ne viendrait la relever. Tout, plutôt que d’envisager qu’elle aurait dû rester en Allemagne, là où elle avait quelque chose, au lieu de craindre pour sa vie et de traverser l’Atlantique. Tout, plutôt que de se laisser engloutir par des émotions indociles qui refusaient de se ranger là où elle avait l’habitude, derrière des barrages trop immenses pour que quiconque ne les franchisse.

Odalie monta une à une les marches en bois du Coven. Chacune grinçait sous ses semelles, comme un crac crac intimidant qui la faisait se questionner. Elle passa devant la porte de Morgan, après avoir appris qu’iel la partageait avec Daesyn, une djinn, qu’instantanément sa nature fit se méfier la sirène. La situation était étrange, de se dire qu’elle montait rejoindre le frère cadet d’un autre amant. Mais elle ne pensait pas à ça.
Elle pensait juste à Gabriel, au dessin courbe de ses épaules, à la force de son sourire et à cet endroit dans sa nuque où elle pouvait poser une main. Si elle avait été moins lasse, Odalie aurait questionné la raison pour laquelle elle venait, la réelle raison, pour le sorcier.
La soirée serait belle ce soir. Elle serait chaude, et tendre, et belle. Tandis qu’elle frappait à sa porte, c’était tout ce qu’elle espérait.
Qu’il puisse y faire un peu moins froid.
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Dim 8 Mai 2022 - 0:14
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Hand on my forehead, kiss my neck


Je me rends compte qu’il fait froid, dans cet appartement. Malgré mes travaux pour isoler l’immeuble, le froid de janvier parvient toujours à rentrer. Mais ce froid ne saurait me refroidir, ce soir, alors que j’allume une énième bougie sur ma table à manger.

Car ce soir, Odalie vient me voir.

J’ai pris mon courage à deux mains et les ai utilisées pour taper en vitesse un SMS, avant que mon cerveau ne rattrape mon courage. Je lui ai demandé qu’elle vienne, ce soir, chez moi. Qu’on ne se retrouve pas encore une fois dans un bar sordide, pour que l’on finisse chez moi, elle grisée par l’alcool et moi par l’excitation de faire quelque chose qui sorte de l’ordinaire, et d’avoir trouvé quelqu’un avec qui le faire.

J’ai rencontré la belle sirène il y a quelques mois, dans un bar près de l’hôpital. Un bar où j’ai été traîné par mes collègues urgentistes, qui avaient besoin de décompresser après quelques heures sous pression, à sortir une famille des débris d’une voiture. J’avais aussi besoin de décompresser, mais je suis rapidement rendu compte que ce n’était pas en regardant mes collègues chanter faux et vomir qui allait me détendre. Au contraire, mon instinct paternel reprenait le dessus et je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour eux.

J’ai décidé de m’accouder au comptoir du bar en me retournant de temps en temps en souriant pour faire croire à tout le monde que je passais du bon temps. C’est un de ces sourires machinaux que j’avais lancé à Odalie quand elle est passé derrière moi. Mais ce sourire faux s’est rapidement transformé. J’étais presque bouche bée quand j’ai vu Odalie planter son regard azur dans le mien. La sirène avait un charme naturel, un charisme magnétique. Elle débordait de vie, un peu comme ce qui m’avait attiré chez Dakota il y a longtemps.

Ce soir-là quand on était rentrés chez moi, elle m’avait fait comprendre que je n’avais pas intérêt à tomber amoureux d’elle. Que c’était la dernière chose qu’elle voulait. J’avais acquiescé. C’était son choix, et je ne voulais ni négocier ni la perdre. Pour moi, l’inconstance d’une relation sans amour déclaré  me terrifie, bien plus que de me mettre en couple, même si ça finit toujours mal . Car j’ai cru comprendre, tout au long de ma vie, que malgré toutes les étiquettes que je voulais m’imposer ou que l’on m’imposait, mes sentiments semblaient se rebeller. J’aime celleux que je ne veux pas fréquenter et je n’aime pas celleux qu’il faudrait que j’aime.

Mais j’avais accepté la décision d’Odalie. Jusqu’à ce qu’elle échoue chez moi il y a de cela trois jours, après cette manifestation. Je venais de rentrer de l’hôpital, quand je l’avais trouvée, sous le choc et blessée à la jambe. Désolé pour elle mais content de pouvoir l’aider, je l’ai soignée. Elle a disparu le matin venu, mais j’ai de l’espoir. J’ai vu suffisamment de gens blessés pour savoir que quand on l'est, on préfère aller chez les gens en qui l’on a confiance. C’est une grande partie de mon métier : faire en sorte que mes patient.es aient confiance en moi. Peut-être que je me fourvoie, mais je pense savoir lire les autres êtres humains. Enfin, mieux qu’avant.

J’ai préparé le repas pour la première fois depuis longtemps. J’ai fait le ménage. J’ai emprunté une jolie nappe à Morgan, qui me l’a donnée, l’air légèrement surpris.e. Iel sait que je reçois très rarement.

J’ai acheté des longues bougies romantiques, des chocolats pour le dessert, j’ai sorti mes beaux couverts et je me suis même mis une chemise, bien trop petite pour moi, maintenant que je ne mettais que des débardeurs ou autres T-shirts de sport. J'ai sorti mon plus grand romantisme, en espérant que tout ça fasse vibrer son coeur autant que le mien vibre quand je la vois.

Je finis d’allumer la dernière bougie quand j’entends sonner à la porte, et je me sens comme un adolescent qui reçoit sa copine chez lui pour la première fois. Je me précipite à la porte et l’ouvre. Je ne vois pas son air fatigué et passablement surpris, je ne vois que la femme dont je suis en train de tomber amoureux.

Odalie.

J’ai les yeux qui pétillent et le sourire béat. Mais je n’en ai pas honte. C’est de la vie, des réactions de vie. Je me sens vivant, et j’en oublie même la mort, omniprésente à Washington.

Entre, je t’en prie !

Je m’efface pour la laisser entrer, heureux de voir où la soirée va nous mener.

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Jeu 2 Juin 2022 - 11:54

Hand on my forehead, kiss my neck
Odalie | Gabriel


Sa main suspendue dans les airs, Odalie révisa un peu l’état dans lequel elle était. Elle venait voir un camarade, un complice, un homme près duquel elle pouvait, un instant, n’être qu’une femme. Pas de sirènes d’alarme, pas de sortilèges accablants, juste une simplicité fragile du temps qu’ils consommaient ensemble.
C’était, à vrai dire, tout ce dont elle avait besoin. Pouvoir se sentir exister. La brune se sentait translucide, inexistante sans un regard qui se poserait sur son corps tandis qu’elle dansait dans le noir. Transparente, à peine vivante tandis qu’on passait auprès d’elle sans même la dévorer des yeux. Parfois, en marchant dans la rue, elle avait envie de hurler simplement pour qu’on la regarde, pour que la beauté de ses courbes puisse attiser un feu ancien, une volonté trop vite éteinte.
Elle avait besoin qu’on la voie, elle avait besoin qu’on la touche, elle avait besoin d’être belle, enivrante et déconcertante. Boulimique de mille expériences, Odalie n’avait pas passé une seule seconde complètement seule depuis la manifestation. Dès que d’autres quittaient sa chambre, elle entendait le ricanement du djinn sonnant à ses oreilles, la défiant d’exister encore si personne ne la contemplait.
Ce soir, on la contemplerait. Ce soir, Gabriel serait là.
Le battant pivota sur ses gonds, dévoilant le visage connu que la sirène venait trouver. Le sorcier se tenait debout, un sourire étrange sur les lèvres, à peine séparé de la brune par la fine ligne de son seuil.
Les lèvres d’Odalie s’étirèrent dans un sourire faible qui se voulait pourtant sincère.
« Salut. »
Il y avait quelque chose d’étrangement formel dans cette situation, d’arriver dans cet appartement sans la douce ivresse d’une soirée déjà dépensée tous les deux. La brune se sentait vaguement prise au piège, sans avoir de raison réelle.

A peine un pas dans l’appartement et elle saisit ce qui clochait. Gabriel avait mis une chemise. Sous ses yeux, dans le petit salon, s’étendait l’attirail complet du grand rendez-vous romantique. La nappe, les bougies, la table déjà mise. Une sorte de mise en scène grandiose comme elle ne les appréciait guère.
En tentant de faire bonne figure, elle sortit de son sac la bouteille de rhum arrangé qu’elle avait apporté pour la soirée, clairement détonnant dans la scène maintenant qu’elle en voyait l’ensemble.
« Tiens, j’ai apporté … ça. »
Puis, elle retira son manteau en le posant sur son bras, telle une invitée mal à l’aise dans une réception bien trop vaste. L’ambiance était définitivement étrange, la vibration qu’elle percevait dans le regard de Gabriel augurait une soirée bizarre. Elle lui avait dit, pourtant. De ne pas s’attacher, qu’elle-même ne s’attacherait pas.
Odalie n’en était tout simplement pas capable. Pas quand elle se sentait si seule, qu’elle avait tant besoin des autres. Une seule personne ne suffisait pas, ne pourrait jamais suffire. Plus elle le laissait s’approcher, plus elle prenait de trop grands risques qu’il la blesse ou bien qu’elle se blesse. La dernière fois qu’elle avait eu foi dans une relation amoureuse, tout s’était effondré sur elle comme une tonne d’échafaudages, empêchant la brune de saisir l’ampleur de ce qui lui manquerait. Et depuis … depuis, rien.
D’une main, elle désigna la pièce, le décor tamisé et rose dans lequel ils évoluaient.
« Tu peux m’expliquer la déco, ou … ? »
Elle laissa sa phrase en suspens, laissant au sorcier l’occasion de trouver une excuse au vol. Impassible, le cœur sur les lèvres, elle attendait qu’il lui dise non.
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Lun 29 Aoû 2022 - 19:03
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Hand on my forehead, kiss my neck


Je reste quelques secondes béat devant la sirène. J’ai encore du mal à croire qu’elle soit venue, qu’elle soit là devant moi, chez moi.
Odalie est une figure insaisissable, et j’ai l’impression de pouvoir toucher du doigt son mystère. Sa peau hâlée semble jouer le contraire de ma pâleur, elle est comme une invitation à changer de vie, à vivre.

Peut-être que je suis resté trop longtemps planté devant elle, car je la sens gigoter un peu de gêne et je me dépêche de m’effacer.

Passablement nerveux moi aussi, je remets la nappe en place d’un geste de la main et l’invite à se rapprocher de l’autre. Je souris quand elle me tend sa bouteille. Elle a apporté quelque chose : une preuve pour moi qu’elle veut elle aussi apporter sa pierre à l’édifice de cette relation que je veux construire avec elle.

Oh c’est super, merci beaucoup ! On va l’ouvrir tout de suite.

Le mélange a l’air un peu artisanal et la bouteille déjà utilisée, je n’ai aucun mal à l’ouvrir, et je me sens confiant. Tout se passe bien, l’odeur du rhum envahit déjà mes narines et je verse une goutte dans mon verre, tandis que je la serre plus généreusement. Je sais qu’elle aime boire et je ne veux pas la vexer en ne l’accompagnant pas, mais je n’ai pas envie de briser ma règle de sobriété avec elle : je veux profiter de chaque instant la tête claire, et que cette soirée soit la première de nombreuses que l’on passera ensemble.

Tandis que je verse le breuvage parfumé, elle reprend la parole. Je ris doucement. J’aime son sens de l’humour, le léger jugement dans son regard ne me dérange pas.

Ce n’est pas une déco habituelle, c’est vrai, j’avais envie de changer un peu, dis-je en riant.

Je lui sers son verre et fronce un peu les sourcils en voyant qu’elle n’a pas l’air de beaucoup s’amuser. Je suis son regard qui papillonne dans la pièce, et commence à me dire que j’en ai peut-être trop fait, ou pas assez. Peut-être que cette décoration romantique clashe avec le reste de mon appartement trop morne. Peut-être qu’elle n’aime pas mon appartement.

Je me reconcentre et me perds dans son regard. Peu importe. Elle est là. Je tends mon verre vers le sien pour qu’ils se rencontrent, en murmurant :

Santé !

un peu moins sûr de moi, je dois l’avouer.

J’ai voulu faire une déco romantique, pour changer un peu.


Je me répète, je le sais et je déglutis.

J’espère que ça te plaît. J’ai voulu faire… un effort. Pour toi.

Je me dandine un peu, et j'ai l'impression de ressentir toute ma haute stature, mal habile. Je ne veux pas la perdre, comme j’ai perdu Dakota, qui me reprochait sans cesse de ne pas faire assez d’efforts pour elle. J’ai l’impression d’avoir réussi à attraper Odalie au vol, et je suis prêt à tout pour ne pas qu’elle me glisse entre les doigts, comme à chaque fois.

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Sam 24 Sep 2022 - 22:10

Hand on my forehead, kiss my neck
Odalie | Elisheva


Envie de changer.
Son verre de mélange à la main, Odalie plissa imperceptiblement les yeux.
Envie de changer : mais de changer quoi, Gabriel ? Pourquoi fallait-il toujours que les gens veuillent à tout prix changer les choses ? Le monde changeait suffisamment pour qu’on n’en rajoute pas une couche. La sirène ne croyait pas en ces simagrées d’évolution, que ce soit à l’échelle du développement personnel ou de la révolution populaire. Pour une jeune française, il semblait que la jeune femme ne dispose point du génôme de l’indignation caractérisant son pays. Si quelque chose ne lui convenait pas, elle ne le faisait pas ; c’était là tout.
Alors, que Gabriel avait-il envie de changer ?
Leur relation était basée sur des enlacements dans la nuit, des courbes tracées par leurs deux ombres jointes dans un désir reconnu, des draps froissés qui les voyaient s’endormir essoufflés, grisés du moment qu’ils venaient de vivre. Elle lui avait dit, plusieurs fois, qu’elle n’en attendait rien de plus. Qu’elle n’était pas intéressée par une relation avec lui, ou du moins pas dans les termes communs de ce qu’on attend d’une relation. Il était gentil, Gabriel, avec cette assurance tranquille de celui qui fait les bonnes choses. Il était gentil, Gabriel, sans doute un peu trop différent des hommes qu’elle connaissait souvent, ceux-là qui parlaient mal des filles et ne s’intéressaient à elle que le temps de la posséder. Mais il y avait cette force en lui qui la poussait à revenir, un semblant de sécurité quand elle s’endormait contre lui ; il aurait été malheureux de s’en passer complètement tant que tout entre eux était clair.
Alors que Gabriel avait-il envie de changer ?
Tout était-il réellement clair, au regard des pétales de roses et des bougies là sur la table ? Vraisemblablement pas. Et si la brune était sonnée, elle ne l’était pas suffisamment pour réaliser autour d’elle la trame qui venait se tisser.

Dans un sourire nonchalant, presque contrit, presque faux-cul, Odalie passa ses bras fins autour du cou de Gabriel. Elle plongea son regard soupçonneux dans celui, bleu, de son amant -il avait vraiment des yeux de ouf.
« Oui, enfin … c’est peut-être un peu too much, non ? »
La question était rhétorique : c’était trop, et dans son crâne sourd s’élevaient des dizaines d’alarmes avec ses refus d’engagement. Elle avait trop de fois été confrontée à ceux qui l’idéalisaient pour ne pas reconnaître les signes : c’était un dîner aux chandelles, et avant un battement de cils, ça devenait imaginer les prénoms de futurs enfants, ou une demande en mariage sur un pont huppé de Paris, dans un bouquet immense de fleurs face à des passants peu alertes. Colton, pour sa plus belle histoire, était aussi son pire fiasco.
D’un ton mielleux, elle poursuivit.
« Je veux dire … c’est pas comme si c’était un rencard. »
Dis moi que c’est pas un rencard Gabriel, dis moi que t’as pas fait la même sottise que tous les autres et que je vais pas devoir partir ; j’ai pas envie de dormir seule, pas ce soir, pas après tout ça.
« … si ? »
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Mar 29 Nov 2022 - 13:20
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Hand on my forehead, kiss my neck


Je vois bien son regard dubitatif quand je lui parle de mon envie de changer un peu mon appartement. Je vois bien qu'elle n'a pas l'air heureux que les gens qui trinquent avec leur personne préférée ont habituellement. Je vois bien qu'elle est un peu sonnée de tout ce que je lui dis.

Mais je me perds dans ses yeux quand elle m'enlace et je ne saisis pas tout de suite ce qu'elle me dit. Je dépose un baiser sur ses lèvres, ne me fiant qu'à son langage corporel, mes oreilles bourdonnant un peu de la joie de l'avoir contre moi.

Alors que mes lèvres descendent le long de son cou, je finis par entendre ce qu'elle veut me dire. Même si elle a le même ton mielleux que je lui connais, la phrase paraît cinglante à mes oreilles.

Je m'arrête et me détache doucement d'elle. Je garde le silence en me déplaçant vers ma kitchenette pour apporter les plats sur la table. Je ne comprends pas ce qu'il se passe et tous mes gestes me paraissent gauches et mal aisés. Ai-je imaginé tout ce que nous avons vécu ? Même si la plupart de nos rendez-vous nocturnes étaient improvisés, pour moi, cela restaient des "rencards", comme elle dit. Comment les voyaient-elles, elle ? Des sorties entre ami.es ? Mais que je sache, on ne connaîtrait pas le goût de la peau de l'un et de l'autre si nous n'étions qu'ami.es.

Ce n'est pas notre premier rencard, Odalie, je dis d'une voix que j'essaie de garder légère, mais le rire gêné se perd dans ma gorge.

Je sors de mon petit four le poulet rôti que j'ai préparé. Je crois que c'est peut-être la première fois que j'ai utilisé le four de mon appartement, pour préparer des plats pour quelqu'un d'autre que mes protégé.es. J'en suis très fier, mais mon sourire de satisfaction se dissout alors que je le pose sur la table et que je croise le regard d'Odalie.

Je lui prends la main et la lui caresse doucement, comme pour lui rappeler la sensation que ça fait quand nos peaux se touchent. Je refuse de me dire que je suis le seul à ressentir cela, ce type d'alchimie, c'est forcément ressenti à deux... Non ?

Tu te souviens pas de toutes les fois où on s'est retrouvé.es ici ou ailleurs, à deux ?

Ne me dis pas que ce n'est pas la première fois que tout ça est dans ma tête, Odalie. Je suis quelqu'un de terre à terre. Je ne fais pas de plan sur la comète. Je vis au jour le jour, conscient de mes devoirs, de ce que j'ai à faire. Et un futur à deux ne me paraît pas incohérent, incongru.

Ca ne te plaît pas ?

Je la regarde droit dans les yeux. Je ne veux pas la perdre, mais je vois bien que quelque chose ne va pas. Que ce je lui offre, la déco, le poulet, les boissons, ce n'est pas ce qu'elle voulait. Mais que voulait-elle, au juste ?

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Mer 7 Déc 2022 - 19:47


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Odalie & Gabriel ♦ Before you came around, I was doin' just fine. Usually, I don't pay no mind and when it came down, I was lookin' in your eyes. Suddenly, I can feel it inside.


Les lèvres de Gabriel, dans son cou, traçaient des chemins sinueux. La sirène ne put s’empêcher de frissonner à leur contact, sentant la chair de poule s’étendre à ses bras bien trop découvert. Elle avait la furieuse impression de violer son intimité, d’avoir accès à une partie de lui dont elle n’avait jamais voulu. Elle, ce qu’elle avait toujours voulu, c’était nager à la surface. Les fonds humains faisaient plus peur que la dernière des fosses marines ; ça ne l’intéressait pas temps de s’attacher aux choses, aux gens, quand elle-même ne désirait pas que quiconque s’attacha à elle.
Son sang se glaça au rire contrit de Gabriel, mots insinués dans son oreille comme un poison insupportable. Elle avait baissé sa garde, une fois de plus ; une fois de trop. Odalie s’était laissée berner, endormir par l’apparence réconfortante d’une compréhension mutuelle. Mais au fond, elle avait coulé, s’était enfoncée trop profond sans même le vouloir. Désormais, elle se retrouvait nageant dans les eaux troubles de mots qu’elle ne voulait pas prononcer, battant éperdument des pieds pour mieux retrouver la surface.
« Gabi … »

Si la belle prit place à la table, regardant le beau médecin sortir du four un poulet rôti, le poser sur la table, souriant, prendre sa main, agir comme si … comme s’ils étaient un petit couple bien rangé, avec ses habitudes, et qu’ils connaissaient tout de l’autre, prêts à se donner la becquée de souvenirs qu’ils construiraient.
Elle retira vivement ses doigts, comme si le blond l’avait brûlée.
Ça ne te plaît pas ?
« Non, non, bien sûr que non. » Elle se leva sans crier gare, noyée dans le tout petit verre d’eau de ses attentes de relation. « Qu’est-ce-que … »
La brune prit une grande inspiration, passa une main dans ses cheveux, balayant d’un regard perdu la table et le dîner servi. Gabriel, en face d’elle, avait l’air honteusement blessé ; incapable de soutenir ses yeux, Oda fit un pas en arrière.
Ça ne te plaît pas ?

Non, Gabriel, ça ne me plaît pas. Je voulais pas me prendre la tête, car j’ai peur de me prendre le cœur. Tu m’engloutis sous ton raz-de-marée romantique, et moi j’ai la grave impression de ne plus trop savoir nager. Alors, excuse moi, Gabriel, mais je crois qu’on va s’en tenir là.
Elle éclata d’un rire cynique qui remonta dans ses narines.
« Je t’ai dit que je voulais pas … enfin, tu sais que c’est pas ce que je cherche. J’ai pas envie de me prendre la tête avec des attentes, avec des compromis, avec des … » Relations amoureuses. « J’ai pas changé d’avis. Je comprends pas ce que j’ai pu faire qui t’a laissé penser que c’était le cas. »
Alors qu’elle tentait de rester calme, sa voix partait dans les aigus, traduisant la panique latente qui remplaçait sa poitrine creuse, déjà éprouvée par les dernières semaines. Ses yeux retombèrent sur le sol, dévisageant les lattes usées plutôt que les yeux de Gabriel.

Ça ne te plaît pas ?
Ça ne lui avait pas plu, non. Elle tout ce qu’elle aurait voulu, c’était de ne pas se noyer.

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Dim 30 Avr 2023 - 23:10
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Hand on my forehead, kiss my neck

J’adore l’entendre prononcer mon surnom avec son doux accent français. Personne d’autre ne le prononce comme ça, et à chaque fois que je l’entends, je voudrais presque que ce soit la seule qui le prononce, encore et encore, au creux de mon oreille alors que l’on se regarde dans les yeux en silence sur notre oreiller.

Je veux ignorer son ton agacé. Je veux ignorer le son « i » qui glisse un peu trop longtemps en dehors de sa bouche. Je veux ignorer son souffle un peu trop long. Alors je sors mon poulet d’un air pataud, mais dès que je pose la question, je le regrette instantanément. Je sais déjà la réponse, au fond de moi.

Et elle ne me plaît pas.

Car tout son langage corporel me le crie, si fort que je ne peux l’ignorer, malgré ma capacité à écouter mon déni. Je suis décontenancé. Bien sûr, j’avais des doutes en préparant ce rendez-vous : allais-je réussir à ne pas faire brûler le poulet et l’appartement avec, allait-elle avoir un empêchement… Je m’attendais même à ce qu’elle ait des doutes, peut-être, mais que je pourrais balayer d’un baiser ou deux. Mais je ne m’attendais pas à cette telle réaction de rejet.

Son « non » me frappe tel un poignard. Elle nous refuse, moi, mon poulet et la place que je voulais lui donner dans ma vie. Elle ne veut rien de ce que j’ai à lui offrir, et son « non » me renvoie à tous les autres « non » que j’ai subis dans ma vie, les refus, les portes fermées qui me donnaient envie de crier, même à moi, l’enfant toujours sage, parce qu’il n’y a rien que l’on puisse faire face à un non.

Elle ne veut pas que je vienne vers elle, elle érige un mur entre elle et moi, si solide que je ne peux le démolir. Et en vérité, je ne veux pas le démolir, je n’en ai pas la force.

Atterré, je m’assois à ma table et me prends la tête dans les mains. Je ne pensais pas essuyer un nouvel échec ce soir. Je ne voulais pas essuyer de nouvel échec en amour. Je suis prêt à un happy ever after, et je réalise que ce ne sera pas avec elle.

Je relève la tête quand elle commence à expliquer son refus. Je ne veux pas non plus de prises de tête, Odalie. Je veux être heureux. Je veux que l’on m’enlace sans me traiter comme un jouet Superman que l’on jette ensuite sous le lit. Je veux être la personne préférée de quelqu’un, que l’on me pardonne mes erreurs. Que l’on partage un repas en amoureux avec moi. Mais rien de tout ça, je ne suis capable de l’exprimer.

J’imagine que je me suis fourvoyé, j’arrive à articuler.

J’ai commis une erreur, en essayant d’ouvrir mon coeur. On ne m’y reprendra pas.

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Odalie Maelström
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Jeu 18 Mai 2023 - 21:15


Hand on my forehead, kiss my neck
Odalie & Gabriel ♦ Before you came around, I was doin' just fine. Usually, I don't pay no mind and when it came down, I was lookin' in your eyes. Suddenly, I can feel it inside.


Il y avait des crissements contre le verre rond de ses tempes, des raclements de métal sourd qui lui arrachaient les paupières. Pourquoi ? Pourquoi la même situation se répétait-elle en boucle, toujours identique ? Pourquoi aux yeux de Gabriel venaient se superposer ceux, pleins d’espoir, de l’ardent triton qui l’avait quérie en mariage ? Pourquoi est-ce que personne ne comprenait, personne ne respectait ? Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas le droit, elle, à l’insouciance, alors que tous les hommes du monde partaient le lendemain matin sans même prendre temps d’un baiser ?
Fugacement, l’esprit d’Odalie s’aventura vers Alaric, et tout son corps pétri d’alertes lui intima seulement de fuir. Fuir, le plus rapidement possible, jusqu’à l’extrémité du globe où l’attendait le seul ami qui ne lui ferait pas faux bond.
Gabriel se laissa tomber sur la chaise, tête dans les mains, tandis qu’elle-même se reculait en étant déjà dos au mur.
Fourvoyé. Le mot était faible, et elle eut envie de cracher dans un rire cynique sa colère. Il s’était fourvoyé, oui, vraisemblablement, à lire des signes d’affection là où elle cherchait simplement des bras dans lesquels se draper pour faire passer les mauvais rêves. Il s’était fourvoyé, à l’imaginer pendue à son bras quand seules ses lèvres l’arrimaient. Il s’était fourvoyé, Gabriel, et malgré sa froide imposture la sirène eut un temps d’arrêt face à ce désarroi non-feint.

Une autre fois, elle aurait ricané, serait partie en claquant la porte dans un tourbillon de parfums. Une fois rentrée chez elle, elle aurait envoyé un sms à Bach, ou à Scylla, ou à River, ou à n’importe qui pourvu qu’il comble sa soirée. Elle n’aurait repensé à l’incident qu’une fois blottie dans son lit, ivre de sa béatitude et de quelques cocktails dosés, se serait dit qu’elle était sotte et endormie en souriant.
Pas cette fois.
Là, deux pieds plantés dans le sol, elle regardait les mains de Gabriel. Ces mains qui l’avaient caressée, ces mains qui l’avaient effleurée, désormais seules à exprimer la détresse du médecin. Un élan, tout contre ses côtes, lui murmurait d’avancer, d’y retourner, de poser une main sur son épaule et de lui dire que ce n’était pas si grave -qu’elle le mangerait, son poulet.
Si la brune avait eu un peu moins de déjà-vu, un peu moins de noirceur en elle, un peu plus d’empathie sans doute, c’est sans doute ce qu’elle aurait fait.
Mais là, tandis que la pièce tournoyait aux mille échos de leur incompréhension, elle ne put rien lui dire du tout. Rien de toutes les complaintes muettes, rien de ces expériences passées, rien du ricanement du djinn qui meublait toujours ses paupières. Rien. Elle ne pouvait pas s’excuser, pas se justifier, rien faire.
« Bonne soirée. » murmura-t-elle si bas qu’elle n’était même pas sûre qu’il l’entende.
Et, reprenant le même chemin que celui par lequel elle était venue, elle s’éclipsa dans l’escalier qu’elle dévala à quatre à quatre. Giflée par la fraîcheur du soir, elle hésita un court instant sur la direction à garder.

Plus tard, dans la boîte de nuit, le cœur explosant dans son ventre comme une nuée de confettis, Odalie penserait à cet homme de plus qu’elle avait tant déçu. Plutôt que de s’appesantir sur l’étrange angoisse dans sa nuque, elle danserait jusqu’au bout du temps pour calmer le bruit de ses pensées.
C’était plus facile de prétendre que ça ne la touchait en rien.

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