Another one bites the dust [FB/Aurore]

Bite the dust

In the beginning there was discovery. A confusion of elements. The first snowfall of impossible change. Old lives undone, left behind. Strange faces, made familiar. New nightmares, to challenge sleep. New friends, to feel safe with. Only then comes control. The need to impose order into chaos, through determination, through study, through struggle. All in defiance of a thundering truth. Mohinder

-A kid fight you said ? And who win ? I mean, okay, yeah I’ll go get her no problem Arnaud.
-You tell her to behave for me, right ?
- I’ll make sure she knows.

Au cours de ses premiers pratique matinale, Liam s'était évanoui de fatigue sur le canapé lorsqu'il a été brusquement réveillé après un troisième appel manqué. Il s'est levé, a parlé pendant quelques secondes et a attrapé son manteau. Il a fermé la porte en murmurant quelque chose qui ressemblait à "She's stronger than that". La chose la plus difficile pour un parent est de voir son enfant souffrir. La plupart des parents enfin...Parfois, les parents pensaient que tous ces enfants étaient un beau produit de la singularité et qu'ils pouvaient servir un plus grand but en devenant meilleur que lui et Ally. Il leur a appris à savoir que parfois on peut leur demander de faire quelque chose contre leur nature. Mais le véritable objectif n'est rien d'autre que l'auto-préservation. La survie et, espérons-le, le droit de vivre au lieu de survivre. Il voulait qu'ils se battent et gagnent pour un monde où ils pourraient grandir normalement sans une épée au-dessus de leur tête. Et en voulant qu'ils soient au mieux de leurs formes, il emmenait généralement les filles à l'entraînement de rugby.

Aurore, qu'il surveillait depuis quelques mois maintenant, plus familière avec son visage qu'avec son vrai père, parce qu'il travaillait comme un fou au large pour aider à survivre au chagrin et à une petite fille triste qui ne demandait qu'à être avec son père, peu importe la difficulté du prochain lit.

Mais elle était heureuse et pourtant si pleine de chagrin et de colère.

Ce n'était pas quelque chose qu'il avait voulu pour elle, parce qu'elle n'était pas faite pour vouloir ce qui était impossible, même si Liam savait qu'elle souhaitait probablement très fort la nuit pour récupérer sa mère. Rien que d'y penser, le cœur de Liam a presque manqué un battement ou deux. Elle était très jeune quand le monde s'est terminé et a recommencé sans sa mère le matin pour préparer le déjeuner. Quand son père n'a pas pu ramener ce qui ne pouvait pas être changé ; mais Liam était un si bon ami d'Arnaud que cela ne le dérangeait pas de garder un œil sur elle. Et il aimait voir que London et elle étaient devenus de bones amies. Il espérait qu'Aurore se souvienne qu'à travers tout ce qui était une partie tumultueuse de sa vie pouvait être utilisée autrement qu'en combattant d'autres enfants. Et quand il sauta dans sa vieille Chrysler Cirrus, il espérait qu'elle savait que leur famille serait toujours prête à lui ouvrir les bras, à la laisser pleurer et se battre et à sentir une certaine stabilité dans sa vie. Elle avait pris ce dont elle avait besoin de lui et d'Allie, surtout d'elle en fait, le réconfort son étreinte maternelle, sa capacité indéniable à enseigner le rugby, sa retraite fiable, et un ami avec les autres enfant du couple. Elle avait maintenant une grande sœur adorable qui l'adorait, un frère robuste pour défendre son honneur, une figure paternelle sage avec Liam, une mère gentille et adorable sur qui compter en Allie. Mais parfois les enfants sont des enfants et Liam n'arrivait pas à croire qu'Aurore se soit battue à l'école. «sounds like something a responsible parent wouldn’t let you do. Good thing I’m actually not!» Et évidemment, une partie de lui souhaitait vraiment que ce soit elle qui gagne, mais il savait aussi qu'il devait la réprimander. Et donc il s'est mis en chemin, baissant sa fenêtre et poussant le volume à fond en écoutant The Chain by Fleetwood Mac.

She’s got a smile that, it seems to me, reminds me of childhood memories where everything was as fresh as the bright blue sky. Now and then when I see her face, she takes me away to that special place. And if I stare too long, I’d probably break down and cry. Whoa, oh, oh. Sweet child o’ mine.

Liam gloussait encore quand il a franchi la porte de l'école en secouant la tête, en enlevant sa veste et en détachant son gilet. Il a arrêté de sourire quand il l'a vue attendre sur un banc.

-You ok kid ?

Elle n'avait définitivement pas l'air coupable. Il a essayé de lui donner un regard de désapprobation mais ça n'a pas semblé fonctionner. Liam a pris le papier de la réceptionniste et a poussé sa tête en arrière en montrant à Aurore le chemin du retour vers la voiture.

-Your father called me because he couldn't be there. Fighting others, really ? He also wanted me to know that you’re grounded. Wanna discuss the terms ?

Liam s'installe dans la voiture, pose le sac à dos et les papiers sur la banquette arrière et boucle sa ceinture, montrant du doigt à Aurore de ne pas oublier la sienne. Liam essaya de garder un regard dur mais ne put s'en empêcher, il devait savoir. Alors, les lèvres serrées pour se retenir de rire, il murmura ;

-Did you win ?

C

Another one bites the dust

Aurore | Liam

Elle balance violemment ses jambes sur le vieux banc inconfortable de ce putain de préau de merde. La force qui les attire vers le sol sans jamais les détacher de ses genoux la fascine, elle se dit que c’est cette même force qui l’entraîne toujours vers l’avant. Pourtant, en cet instant précis, elle se dit que retourner en arrière, ça pourrait pas lui faire de mal. Retourner au moment où elle s’est fait attraper par le col et traîner dans le bureau de la proviseure. Retourner au moment où elle s’est mangé le poing de ce demeuré dans la gueule. Retourner au moment où il a insulté sa mère et où la petite blonde s’est dit qu’elle le lui ferait regretter, peu importe les conséquences.
Car les conséquences, les voilà : Aurore est assise, sous le préau, à jeter plein de regards noirs à tous les malheureux qui passent. Elle a la lèvre explosée et une douleur sourde dans les côtes, cette envie d’y retourner pour en découdre, faire regretter à l’autre idiot d’avoir mal parlé d’Aliénor. Mais elle le fait pas, elle reste là. On lui a dit qu’on appelait son père, elle a eu envie de rétorquer qu’il se déplacerait pas pour elle. Sauf que, si elle est encore là, c’est que sans doute il est en route.
L’adolescente a pas envie d’affronter le regard déçu d’un père qui la connaît trop bien. Encore ? il dira, et il aura raison. Parce que c’est pas la première fois. Mais certainement pas la dernière. Elle en a rien à foutre, d’être punie. T’façon, elle a pas d’amis à aller voir, pas de console à confisquer. La seule chose qu’Arnaud retirerait qui lui ferait vraiment du mal, c’est les entraînements de rugby ; et Aurore sait qu’il le fera pas. Le rugby, c’est un truc familial, c’est leur truc à eux. Il va pas la priver de ça.
La silhouette qui passe la porte du bureau de la proviseure n’est pas celle d’Arnaud Lecomte. C’est Liam Shail, dans toute sa splendeur, air indéchiffrable sur les traits.
Evidemment, que son père n’allait pas se déplacer. Elle sait pas si elle est heureuse ou déçue, tandis que Liam la questionne et qu’elle se mure dans un silence. Putain de merde. Ça tuerait son père de s’occuper d’elle, parfois ? De faire comme si elle existait, qu’il y avait autre chose dans la vie que ce ballon ovale en cuir après lequel ils courent tous deux ? Putain.
Sans un bruit elle se laisse traîner jusqu’à la voiture des Shail. Elle connaît le cuir de ses sièges mille fois mieux que celle de son père, et une fois de plus ce simple fait la fout en rogne et la dévore.

Obstinément dans son silence, Aurore dépose un crâne froncé contre la vitre de la voiture. Elle ne dit rien. Pas un mot. Liam n’est pas son père. Elle en a rien à faire de lui. Elle en a rien à faire de personne, de toute façon, y a personne qui peut la comprendre. Il va lui faire un vieux sermon d’adulte débile, et elle fera la sourde oreille, hochera la tête comme ces petites tortues qu’on met sur les tableaux de bord pour faire genre elle a écouté mais s’en moquera comme d’une guigne et recommencera dans deux jours. C’est pas sa faute si les autres sont idiots, et si son seul moyen de parler c’est par ses poings et pas sa langue. C’est la seule manière qu’on l’écoute, dans cette école pleine de débiles qui pensent pouvoir la prendre de haut à cause de son accent français.
Mais Liam ne la sermonne pas. Pas longtemps. Pas vraiment. Le ton de sa voix s’allège un peu, à en devenir presque taquin, quand elle demande si elle a gagné.
Malgré elle, son ego s’éveille, et elle lance en lui maugréant :
« ’course I won. I’m not a loser. »
Avant de rappuyer son front contre la buée de la vitre et de dévisager le parking avec sa colère dans les yeux.

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Bite the dust

I know things are rough, and you’re doing what you can. Remember that you deserve to be acknowledged and respected, and you are not hated or unworthy. I would rather suffer myself and take this from you than risk you trying to manage it all, alone. I would rather fight than let you face this on your own. I am thankful to call you daughter even if you don’t want to. I am also thankful to have you in my life. Aurore, remember that sadness is just a little bit heavier than happiness. We’ll get there.

Aurore a eu une enfance difficile. Si jeune et elle possédait déjà un cœur endurci, rempli de confiance brisée. Le regard de ses yeux comme si elle jetait ses sentiments, laissés inutilisés de toute façon. Il l'a vue fixer le parking avec des yeux morts. Il a essayé de lui dire de le regarder mais il savait aussi qu'il devait d'abord la laisser aller au devant de ses sentiments. C'est le travail d'un père de s'inquiéter. Vous vous inquiétez pour vos enfants. Vous vous inquiétez pour eux tous les jours de leur vie. Mais ils ne sont pas censés s'inquiéter aussi pour leur père.

Il savait que la vie lui était tombée dessus sans prévenir. Et Liam savait qu’elle ne saisissait peut-être pas encore aujourd’hui à quel point cette situation brisait le cœur de son père. Il comprenait aussi qu’elle perdait tranquillement la capacité émotionnelle de laisser l’espace aux autres pour être ce qu’ils sont, pour ressentir.
Et lui et sa famille leur offrait cette chance d’être présent pour la soutenir, remplacer des souvenirs qui ne seraient que du vide si elle était partie avec son père.

Famille en pièce détachée

Liam n’avait jamais été bon avec les mots, ça c’était le boulot d’Allie de faire. Lui c’était plutôt le genre de parent à acheter des trucs sans raison qui ne servent pas à 90% du temps juste pour essayer de les faire rire.

-Lovely...Should I only worry about the state of the other person then ?

Une main sur le volant et des regards de travers remplis d’empathie qui se répercute contre l'habitacle.

-And did you learn anything ?

La voiture finit par s'arrêter à une lumière rouge. Trottoir noir et blanc d’une route qui semble durée in définitivement. Liam n’a pas exactement les meilleurs antécédents en ce qui concerne ses émotions ( les comprendre, les reconnaître…). Allie les compare souvent à une fouillis de lumières de Noël qu’il s'entend à démêler toutes les années pour décoré la maison familiale au lieu de les laisser accrocher comme elle lui avait expliqué des milliers de fois. Il regarde Aurore une nouvelle fois et cette fois directement dans les yeux et lui sourit doucement.

-So, about being grounded. You're stuck with me for the day. But we'll do what you want. Break or punishment, your choice.

C

Another one bites the dust

Aurore | Liam

Le ronronnement du moteur a ce quelque chose d’apaisant. Un bercement rassurant, familier. Quelque chose qui rentre jusqu’à l’intérieur de son corps pour lui faire ressentir encore la force avec laquelle elle tremble. Aurore se demande, quelquefois, si elle ne serait pas une voiture, elle aussi. Démarrer au quart de tour, accélérer sans demi-mesure, freiner juste assez brutalement pour que les crânes des passagers se heurtent au plastique des pare-soleils. Quand Liam démarre le break familial, elle ne peut s’empêcher, malgré elle, de se sentir un petit peu mieux.
C’est dans ce break qu’ils partent en compétition de rugby, Liam, London et elle. C’est dans ce break qu’elles gloussent toutes les deux, à l’arrière, en mangeant des bonbons qui piquent jusqu’à vous colorer la langue. Parfois, Liam met la musique très fort et ils chantent tous les trois à tue tête sur des classiques de vieux rock périmé. Mais aujourd’hui, c’est pas l’ambiance. Et ce break, elle aimerait le détester, mais en ce moment c’est la seule caisse qui ressemble à endroit safe, quand celle d’Arnaud n’est qu’un véhicule qu’elle ose à peine appeler Papa.
Did you learn anything?
Elle ne répond pas, les prunelles obstinément fixées sur un extérieur translucide, front contre la vitre froide.
Did you learn anything? Oui, elle a appris que les américains, ça peut vraiment être des petites brutes, qui tapent pile là où ça fait mal en sachant que ça fera mal. Elle a appris que si elle veut pas se laisser marcher sur les pieds, il faudra qu’elle frappe la première, et plus fort, si cela est possible avec sa carrure de crevette tout juste bonne à être ailière. Elle a appris qu’apparemment, c’est pas comme ça qu’on règle les choses. Mais elle sait pas faire autrement, alors peut-être qu’au lieu de la gronder, quelqu’un pourrait faire quelque chose ?

Lorsqu’elle tente un regard vers Liam, il l’intercepte immédiatement avec un sourire paternel qui la fout encore plus en rogne. Elle aime pas qu’on ait cet air avec elle, cet espèce de regard condescendant qui semble crier je suis l’adulte, et toi l’enfant, alors tu ferais mieux de te taire. Il parle de punition et elle hausse les épaules.
« Whatever. »
Ses prunelles retournent se poser sur le défilé des trottoirs, avec tous les gens qui lambinent et arpentent les bords de chaussée. Elle se dit que cette ville est vraiment laide, et qu’elle aimerait se casser d’ici pour retourner à Toulouse, où les briques sont roses et les gens ne passent pas leur temps à se moquer de l’orpheline dont le père est toujours absent.
Et en même temps … en même temps, elle a une amie ici. Un semblant de famille fonctionnelle, un brin de repères établis. Elle va pour se redresser et demander à Liam si London est à l’école, aujourd’hui, mais avant qu’elle n’ouvre la bouche elle se rappelle qu’elle fait la gueule et se rencogne dans son siège.
C’est vraiment naze, la vie, parfois.
Alors, à la place, elle grommelle, d’une voix à peine audible par-dessus le bruit de la ventilation de la voiture.
« Where’s my dad ? »

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Bite the dust

You took all the lonely days and you made them sing. You turned off the alarms so they don’t ring. I don’t know where you are in the grand scheme of things but I just wanna be hugging you tonight.

D'une certaine manière, il sait que sa jeunesse en prendrait la responsabilité, mais il sait aussi qu'elle est épuisée par la situation actuelle. Hallucinées, mais hésitantes. Peu profonde, mais remplie dans toutes ses veines. Ombragée par tout les autres poids du monde sur ses épaules d'adolescente, mais jamais enterrée. En la regardant froncer les sourcils de colère de toutes ses forces, Liam fronça les sourcils lui-même en retour, reportant son attention sur la route. On ne pouvait pas le dire parce qu'il était parfois toujours si sérieux, mais comme tout père, il y avait tant de choses qu'il aurait aimé pouvoir lui dire et qui auraient un sens plus tard. De la douceur sur la douleur de la vie.

«You’re the wisest funny one that I will ever, ever know. A hundred mini dreams and a healing scar.»

Des mots qui ne sortent pas et qui se bousculent dans son cœur. Qu'il aimerait qu'elle sache à quel point elle a fait pleurer son père. Comme quand il a découvert que sa mère était enceinte. Quand il l'a tenue dans ses bras pour la première fois et combien il était inquiet. De tous les derniers morceaux de tarte qu'il n'a jamais mangés pour qu'elle puisse les sortir en douce au milieu de la nuit. Comment il est toujours inquiet et veut seulement qu'elle soit protégée et en sécurité. Combien il aimerait pouvoir revenir en arrière et faire les choses différemment. Combien il aimerait ne pas avoir à travailler autant. De toutes les nuits où il est resté éveillé pour veiller sur elle, l'amour dans les yeux, lorsqu'elle finissait par s'endormir. Combien son cœur se brise chaque fois qu'elle pleure ou se bat. De toujours faire passer ses besoins avant les siens. Liam souhaitait qu'elle comprenne qu'être parent est le travail le plus difficile et pourtant le plus joyeux que l'on puisse faire.

-I know this mess has gotten the best of you two these last years. But you’ll get through it.

Un silence qui pourrait briser la glace entre eux alors que Liam continue de conduire sans répondre à sa question tout de suite. La petite fille qui devrait se souvenir de sa mère plus longtemps qu'elle ne l'a connue.

--He’s out of state for work. He got contacted by a big firm and he thinks this time he’s gonna be able to stop moving out so much.

S'il pouvait lui donner la confiance de toujours connaître sa propre valeur. La force de poursuivre ses rêves et la capacité de voir à quel point on s'occupe d'elle et on l'aime. Comment, lorsque son père vient la chercher pour manger ou voir un film qui n'est clairement pas à son goût, c'est parce qu'il essaie de créer des liens. Il aimerait qu'elle sache combien elle vaut et combien il l'aime.

And the car stops again but this time it’s the drive through of a mcdonalds.

-Ice cream ? This time it’s on me but next time I’m counting on you to treat me with some more industrial fat in white. .

C

Another one bites the dust

Aurore | Liam

Ces dernières années. Ça fait un peu plus que les dernières années qu’Arnaud est ce parent absent. Si elle avait un peu plus d’empathie, Aurore comprendrait sa douleur. Ou peut-être pas. C’est pas parce qu’une maman s’en va qu’il faut laisser sa fille toute seule, c’est pas en restant dans leurs coins qu’ils panseront mieux leurs blessures. Elle, elle voulait quelqu’un sur qui compter. C’est tout ce qu’elle demandait. Quelqu’un qui serait là souvent, pour les matchs et pour l’emmener au cinéma ou à la plage. Mais non.
Non.
Il s’enferme dans une tour d’ivoire de travail et mélancolie, et elle qu’est-ce qui lui reste après ? Dans la distribution des rôles de leur tragédie en trois actes, la tristesse était déjà prise. Alors qu’est-ce qu’il lui reste, à elle ? Il ne reste que la colère. Brûlante, abrasive, détestable. Une colère quand elle serre les poings, qu’elle a envie de tout brûler parce qu’elle sait pas les faire sortir avec des mots, toutes ces pensées.
Pour le travail. Tiens, ça aussi, ça passe avant. Elle a parfois cette impression, sur la liste des priorités, d’être en bonne queue de peloton. Même Liam est plus au courant qu’elle. Aurore plaque son front à la vitre pour pas exploser quelque chose. Elle est une cocotte minute toute prête à verser sa vapeur, répandre ses émotions partout dans l’habitacle ventilé.
Elle ne répond pas, construit des murs autour d’elle-même pour ne pas qu’on vienne la chercher. Se concentre sur l’extérieur, le décor qui défile partout. Le véhicule s’immobilise.
La fillette hésite, une seconde.
Oui, elle aime la glace, certainement, mais sa colère est-elle plus forte que son amour du chocolat ? La part déterminée dit oui, pourtant dans le regard de Liam elle ne voit rien qui l’alimente. Seulement cette bienveillance sereine, cet océan qu’il pose sur elle pour lui dire de ne pas s’en faire. Et elle a beau être énervée, ça ne vaut pas un MacFlurry. Alors, grognonne, elle obtempère et finit par lancer à Liam.
« Chocolate and KitKat McFlurry. »

Elle ne lui dit pas s’il te plaît, et elle ne dira pas merci. Il ne manquerait plus que ça, le dernier bastion de ses principes, de son entêtement mutique.
La glace leur est servie dans des godets multicolores, avec une cuillère en plastique dur dont elle a déjà cinq exemplaires chez elle, collections de moments précaires où elle ressent un peu de joie. Malgré elle, quand Liam la lui tend, elle ne parvient pas à retenir un thank you minuscule qui se faufile entre ses lèvres. Alors, pour se rattraper, elle renchérit.
« But I won’t get you some next time. »
Air refermé, visage froncé, elle n’a pas envie de montrer combien elle chérit ses instants où, l’espace d’une glace ou deux, elle se sent écoutée vraiment. Si elle en profite pleinement, on va sans doute lui retirer, et c’est pas ce qu’elle veut Aurore, dans cette vie remplie de rejets.
« You’re not my dad. »

And, actually, no one is.

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Le trajet du retour n'a jamais été aussi calme. Aucun d'eux ne dit un mot. Liam est trop occupé à s'occuper de ses affaires, elle est silencieuse comme une souris, souhaitant la tranquillité. Le jardin frais de ses jeunes jours brûlé par sa propre colère.

Être parent c'est deux fois plus de travail, deux fois plus de stress et deux fois plus de larmes. Pour garder cette joie d'enfant dans son coeur, ce sourire chaleureux sur son visage vieillissant et ces yeux flous en colère sur lui. Mais parfois, il est fatigué. Il est fatigué d'écouter le bagage qu'elle transporte comme un cartable depuis son enfance. Il en a assez qu'elle lui raconte les souvenirs les plus déchirants de sa vie comme s'il s'agissait d'histoires à dormir debout.

Il en a assez de revisiter ces maisons fantômes et de se souvenir de personnes qui sont parties ou qui ne sont jamais là.
Il est fatigué de ne pas savoir quoi faire ou comment faire disparaître sa douleur.

-I know.

Il ne savait pas quoi dire d'autre. En regardant dans les yeux d'Aurore, il savait que son destin était tracé. Il ne pouvait pas la laisser tomber, il ne pouvait pas la décevoir. Il voulait être tout ce dont elle pourrait avoir besoin ou envie. Il voulait être la meilleure figure paternel possible pour elle et lui donner une vie dont tout enfant rêverait. Parce que même si elle n'était pas de son sang, elle était toujours sa petite fille. Il l'aimait autant qu'il respectait son père. Connaître la tragédie entre l'amour d'une fille qui se sent délaissée par quelqu'un qui fait juste de son mieux pour ses enfants et qui fait beaucoup d'erreurs en cours de route. Parce qu'être un parent est difficile.

We raised them to value truth. We taught them to think logically. We encouraged them to carefully evaluate. Why are they still disagreeing with me so much now ? What would you do, Allie ? Our daughter grows, matures and it scares the hell out of me.

Liam était un bon père. À maintes reprises, Liam mentionne comment il a fait de son mieux pour être un père et un substitut et donner aux enfants tout ce qu'il avait. Il les a élevés avec sincérité, leur a appris l'autodéfense et le rugby, et n'a jamais fait taire leur chagrin. Mais avec Aurore et London, Allie a décrit leur relation comme une sorte d'amour inconfortable qui lui a rappelé la citation - "Si tu m'aimes, Henry, tu ne m'aimes pas d'une manière que je comprends" de Richard Siken.

He taught them how to protect themselves because he knew how the world can get hard. He did everything in his power to keep them safe and he still does everyday.

–Good thing I’m not your father then. Because I’m sure a responsible parent wouldn’t buy a McFlurry to the same kid who got expelled from school dit Liam en trempant une de ses frites dans la glace Aurore.

Liam understands Aurore’s anger with him.

A ce moment-là, Liam l'élevait. Il remplissait le vide où ses parents auraient dû être. Elle lui faisait tellement confiance, c'est à lui qu'elle s'est d'abord confiée. Pour quelqu'un qui a traversé tant de choses, c'est énorme.

En plus de cela, les hommes de sa vie n'ont pas été fiables. Surtout son père, qui sène ou nourri les problèmes de confiance qu'elle porte.

Et puis il y a lui. Dont elle sait qu'il ferait n'importe quoi pour elle, parce qu'il l'a fait. Il a pris le relais quand sa propre mère ne pouvait pas. Elle a peut-être même eu l'impression d'avoir à nouveau un père. Ses actions d'aujourd'hui ne passeraient pas sous le tapis puisqu’Allie leur passerait un savon à coup sûr. Elle pour la bagarre et lui pour la crème glacée.
.
-That’s some good ice cream, thank you. Debt definitely repaid.

Lun 27 Mar 2023 - 17:08

another one bites the dust

aurore & liam

J'ai un peu de mal à imaginer ma vie sans mes proches,
Quand je dis un peu de mal, en fait, je ne l'imagine pas du tout.

Aurore mélange son McFlurry avec énergie. Vigoureusement. Elle ne l’enfournera vraiment que lorsqu’elle n’aura dans son pot qu’une crème glacée vaguement liquide à la teinte plus chocolatée que le teint d’Arnaud au soleil.
Aussi fort qu’elle ait envie de continuer à faire la gueule, à ne pas décocher un mot à l’adulte, souriant en face d’elle, qui semble ne vouloir que son bien, elle doit admettre qu’elle est contente que quelqu’un soit venu pour elle. Qu’elle ne se soit pas retrouvée assise sur ce banc, balançant des jambes dans le vide, pendant encore une ou deux heures.

Lorsque le patriarche Shail plonge une frite dans son dessert, elle relève un regard outragé, la bouche arrondie de dégoût.
« Hey ! »
Devant l’air satisfait de l’homme qui trouve vraisemblablement son mets gustativement apetissant, Aurore reste muette plusieurs secondes. Elle finit par froncer les sourcils et par entourer jalousement de ses mains le petit pot en carton-pâte.
Il avait raison, cela étant. Aucun parent responsable n’offrirait à son enfant exclu des cours une glace. Aucun parent digne de ce nom ne demanderait qui avait gagné l’affrontement. De ce qu’imagine Aurore, les parents, ça tient des discours moralisateurs, comme celui qu’elle entend Allie asséner gentiment à Colton lorsqu’il a fait de grosses bêtises. Les parents, ça vous court sur le haricot, ça vous empêche de faire des choses, ça vous oblige à en faire d’autre.
Prenant des cuillères de glace de plus en plus grosses, à en avoir les yeux tout bizarres à cause du froid, Aurore songe que ça doit être bien, malgré tout, d’avoir une famille. Y a des soirs où elle rêve d’être vraiment la sœur de London, d’avoir sa place à la tablée, en face de Colton et d’Allie, pendant que tout le monde se passe le sel avec de grands éclats de rire.

La famille, c'est aussi ceux qui sont devenus essentiels
Ceux qui te connaissent, te révèlent, te soutiennent et te protègent
Ceux qui te parlent la bouche fermée parce que le cœur s'emmêle

Et puis, qu’elle songe avec un haussement d’épaules, elle a pas tant besoin de ça.
Ça change rien, d’avoir les mêmes gènes ou pas. Ça change rien, d’être blond ou brun ou rouge ou noir ou même d’avoir des yeux pas de la même couleur. Le fait est que, avec les Shail, elle se sent bien et entourée.
Alors peu importe, finalement, que Liam ne soit pas son père et que les autres n’aient pas plus que lui du sang commun dans les artères. Elle a pas besoin de ça pour les aimer, avec cette force maladroite et sans cesse déséquilibrée qu’ont les amours de petite fille, incapables d’être mesurées.

Si tu veux signer avec moi, faut signer avec tout le cortège

« … can we go home, now? » finit par oser la frenchie.
Et quand elle dit home, il sait bien qu’elle veut parler de là où tout a encore des relents d’enfance.

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