Le Cercle était une entité. Il se faufilait dans des failles, s’engouffrait, grouillait sous les sols. Il avait secrètement empreint mes CV, mes recherches d’emplois, mes capacités de botaniste, de biologiste, de scientifique. Je n’avais pas eu à débaucher des tas de mails, d’entretiens à vendre des capacités auxquelles je croyais mais d’autres non.
J’avais foi en mes capacités, et eux aussi.
Le Cercle était un soutien. Il était constamment présent, à poser des poids sur des épaules fragiles, à alléger des poitrines auxquelles il accrochait des haltères. Quand j’étais venu parler de ma situation professionnelle mi-juin, on m’avait parlé d’un poste à Phoenix. Elisheva avait besoin de quelqu’un.
Quelqu’un, comprendre quelqu’un comme nous. J’avais eu quelques échos et des correspondances par mail. Son ton était efficace. Je pourrais le qualifier de froid, mais je la pensais sincèrement de celles qui avaient besoin de ce pragmatisme jusqu’aux écrits. Il n’y avait pas de formalité inutile. Elle maîtrisait pourtant les formules de politesse. Elles étaient parfaitement écrites, indiquées au bon endroit, mais avaient pourtant cette capacité de sonner sincères et effrayantes.
Elle était de ma famille, désormais.
Phoenix était devenue la ville de la Renaissance.
Il y avait
Pourtant, j’étais incapable d’éprouver le moindre regret. J’aimais pas ce travail. L’homéopathie avait le goût de sucre. Je me voyais plus comme un chien sans laisse, à changer de ville pour traquer, à renouveler ma vie sur des envies de vengeance. Je me sentais apaisé, calme.
J’avais un nouveau travail, et pendant que j’arpente le désert au volant de ma voiture, je me dis que c’était là, qu’on la verrait, mon utilité.
La messagerie cryptée envoie quelques messages. Je tourne depuis de longues minutes et les indications sont peu claires. On m’avait parlé d’un laboratoire, mais je vois que dalle, que des stations services à perte de vue et des cactus qui ont l’air prêts à se battre, avec leurs bras arqués. J’obtiens plus d’informations et je me gare quelque part, dans ce vaste nulle part trop chaud pour un mois d’août.
J’aurai pu continuer à tourner en rond jusqu’à user, crever et dégommer les pneus de ma voiture ; le laboratoire ne se dresse pas en plein désert, mais s’y enfouit. J’oubliais que les Chasseurs se faufilait dans des failles, et j’ai été idiot de penser que la nature faisait exception.
Je suis en retard, et c’est mal. J’ai passé trop de temps à me perdre. J’enfile rapidement une blouse. Je dois avoir l’air le plus professionnel possible. Le McDo devait rester un vague souvenir honteux, d’humiliation pour mes études, … Ici, je pouvais prétendre à ce poste. Si j’en avais les capacités, je l’aurai.
Je me répète cette phrase dans les couloirs, tandis que mon coeur s’emballe. Je vais me faire buter. Elle va me détester. Mon retard fera le tour des Chasseurs. A peine racheté, je serais rejeté par les miens, et j’aurai même pas le loisir de pouvoir pleurer devant Nova-Blue parce que ce serait trop de choses à expliquer.
J’ouvre la porte et il fait horriblement froid. C’est sûrement qu’il fait plus frais sous terre. Je m’en convaincs.
« … Je ... » Je déglutis. « … Je suis Ambrose Atkins, le nouveau ... » J’ignore mon poste, et gamin trop grand plein d’espoir n'en était pas un. « … Le nouveau. Désolé du retard. »
Le nouveau, c’était parfait. J’étais nouveau sans titre, avec l’envie d’en gagner un. Ici, ça s’achetait pas. Je serre les dents, parce que je sais plus comment ça marche, cette étrange économie. Si le mérite existait, j’irai gratter la terre jusqu’à y trouver des mines et en amasser à foison. Je déglutis une nouvelle fois, parce que mon organisme semble de glace face au lieu.
C’était une première journée, et il était grand temps de faire mes preuves, de valoir un truc pour les autres.