But I won't ever be like others // Framboise mini AU

tw : harcèlement scolaire

J’aimais bien l’école.
On devait s’y faire des tas d’amis, avoir de bonnes notes. Maman disait que c’était important pour le futur. Quand je serai grand, je serai une grande personne. J’aurai une gentille femme, des enfants et j’aurai une grande maison avec plein d’animaux. Maman dit que pour ça, il faut être bon à l’école. Je me demande comment ça fonctionne. Est-ce que y a un magasin particulier ? Je me pose des questions sur la vie adulte. Je comprends pas pourquoi elle parle d’avoir de l’argent alors qu’elle en a à l’infini quand on va au distributeur.

J’aimais bien l’école.
J’avais des amis un peu étranges. Ils se donnaient des colliers d’amitié entre eux, et moi ils me donnaient des coups de pieds. C’était sûrement un rite de passage étrange. Au début, j’avais grogné. Maintenant, j’attendais juste que ça passe, et je rigolais un peu avec eux. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, je me disais que j’étais une jolie façon qu’ils passent une bonne journée. Ils allaient crier, frapper, et je serais une gentille anecdote sur laquelle on rigolera. Je rigolerai aussi, et je serai content parce que mes dents de lait tombent vite et que la fée des dents me donnera de l’argent ce soir.

Aujourd’hui, quelqu’un est venu m’aider. Je sais pas qui c’est. On dirait un garçon, mais pas tout à fait. Il a des attitudes de fille garçon, alors je me dis que ça sera un garçon fille et tout ira bien.

« Oh ! Don’t worry, it’s ok ! They doing this everyday from now, but they are my frends, so … They just weird cause they love me so they do weird stuff ! »

Je souris et je reste un peu recroquevillé sur moi. On sait jamais. Dans les dessins animés, tous les méchants ont des dents, et les gentils aussi, alors tout peut arriver.

« You new, no ? »

J’ai pas encore tout compris de la grammaire, ou alors c’est un peu l’excitation de rencontrer un ami qui me donne des colliers d’amitié qui me fait perdre mon anglais.

 

Je ris sur mes canines disparues dans les bras de la petite souris. L’autre est nouveau, et je trouve ça normal parce que je l’ai jamais vu et qu’on connaît tout le monde dans cette école. Je me demande s’il est dans ma classe, si c’est un petit ou un grand, ou si on fera des additions ensemble. Parait-il qu’au collège il y a plusieurs classes de même niveau, et ça me fait un peu peur parce que c’est plus grand et ça permet de ne pas trop voir les autres. C’était chouette pourtant, de tous les connaître.

Bientôt, je pourrais faire un merveilleux anniversaire, gigantesque, avec toutes les classes de tout niveau, et j’espérais devenir l’ami de tout le monde. J’étais déjà au centre de leurs rires, et c’était toujours ça de gagné.

« You’re fun haha but they don’t hurt they love differently and my mom tell me it’s always nice to be unique. » je dis, sincèrement heureux.

Je décide enfin de me lever, haut comme trois pommes, ma puberté ayant pas encore provoqué ma croissance. J’ai encore le visage poupin et j’espérais que l’adolescence vienne creuser quelques traits plus fins entre mes joues de gosse caranougat.

« I’m Ambrose, but you can call me i don’t know how. Frends don’t give surnames here. You speak funny, what’s your name ? »

 

« Yeah, my mommy is the BEST MOM EVER i love her she’s nice and beautiful and she saves people and ... »

Je me dis que c’était bon pour les petits de parler de sa maman comme ça. A l’école primaire, c’était déjà source de moquerie. Les grands avaient des gueules désillusionnées quand ils parlaient de leurs parents, et c’est certainement pour ça que Faolan parle de la sienne en disant qu’elle est pas si cool. Alors, je me tais un moment et constate ma bêtise. Je me sentais terriblement en retard quelque part, alors je perd un peu mon sourire et module mon visage dans quelque chose pour les grands.

« … But she can be sooooo boring and she doesn’t want me to play the Gameboy everynight ………. »

Le premier reproche était faux, le deuxième réel. Elle faisait ça pour mes yeux, et je prenais l’interdiction pour quelque chose d’injuste alors que je devais absolument monter le niveau de mon Germignon pour aller capturer Lugia.

« ENGLAND ???? WOW that’s so faaar you travel a lot and that’s so COOL ! You eat pudding ??? » je dis en m’étranglant, tandis que ma voix se perd dans ma puberté entre le grave et l’aigu.

C’était ce que je voyais dans les dessins animés. L’Angleterre était colorée et les gens mangeaient de la gelée bizarre au matin. Je préférais les céréales transformées trop sucrées. Il y avait des pubs avec des abeilles qui dansent, c’était forcément bon pour ma santé. Si c’était les abeilles qui les faisaient, c’était que c’était plus naturel que ce que disait les grands, après tout.

« I’m in 7th grade. I can’t wait to go to high-school ! Every movie seems so cool, and I hope i’ll be cool ... »

Je sors de mon sac un paquet de bonbons. Ils sont écrasés, mais c’est tant pis. J’espérais que l’offrande soit suffisante pour un nouveau ami.

« Take one, Faolan ! They’re ugly but I bet they taste nice ……. »

 

Je me demande si j’ai pas une deuxième Gameboy, cachée chez moi. Je me dis que je pourrai la ramener au collège. Je pourrai devenir populaire si je montrais que j’avais une deuxième cartouche de Pokémon, et je pourrai les échanger pour faire une équipe avec uniquement des starters, et je serai super fort. Je souris en imaginant la scène et je continue à rêvasser pendant que Faolan explique qu’il n’a pas le droit de jouer.
C’est décidé. Je servirai mes meilleures larmes à maman jusqu’à en avoir une seconde.

« OH ! I love this aaaaaddddddd ! I always sing it with mommy when it pass at tv ! »

Je me lève et rejoins mon camarade dans sa chorégraphie d’abeille. Je ris et me dit que les papillons, ça reste mieux que les abeilles parce que l’état larvaire des abeilles est un peu trop discret et inactif. Je me mords les lèvres pour éviter de lui parler de mes insectes. La dernière fois que j’ai fais, j’ai recueilli des rires au lieu d’un intérêt profond.

« Oh ! It will be perfect ! But yes, you got the special pin, i didn’t see it cause i’m dumb i’m think. »

On a un petit pin sur notre veste en laine. Je réajuste ma petite cravate d’enfant. Si quelqu’un me voit avec un uniforme sale, je me dis que je vais me faire gronder. Ils écriront peut-être un mot méchant sur mon carnet, et maman sera triste.
Ca serait super nul.

« Oh, look, Faolan ! Come on, i got a special secret super place to show you ! » je dis avec ma voix aiguë de gosse trop enthousiaste.

Et tant pis pour l’amitié s’il trouvait ça nul.

 

Dans la cour, il y a un petit coin d’herbe. J’avais pris l’idée absurde de foutre des cailloux autour pour délimiter un terrain, mon terrain. Avoir ses propres affaires, c’était important, et j’osais espérer que les 8eme années ne viennent pas me voler un bout de terre.
Je l’avais choisi parce que y avait une fourmilière et que c’était super chouette. A côté, y avait un buisson, et chaque récréation, je venais vérifier que les chrysalides de vanesses du peuplier.

« It’s nymphalis vaualbum’s cocoons. »

J’essaie de bien tout prononcer mais c’est des mots un peu compliqués pour moi. Je sais juste que ça s’appelle comme ça, parce que les chenilles étaient striées de plein de niveaux différentes et étaient légèrement brunes. Y avait une marge d’erreur, et je le saurai quand le papillon sortira de son cocon. J’espère juste avoir un peu de récréation ce jour-là.

« But you can say compton tortoiseshell ! It’s going to be some beautiful butterflies with black spots and white dots on their wings !! »

J’ai sûrement l’air bizarre à m’extasier sur des tas de toiles pour le moment, mais j’espère que tout le monde est sensible au fait que les papillons passent par un stade immobile, moche et où ils peuvent se faire manger à tout moment. Je me dis que y a un peu de divin là-dedans, qu’ils doivent forcément être protégé par quelque chose de grand, et que si je devais croire en des martyrs, je voulais les prier aussi au temple.

« I LOVE butterflies ! Really ! I got more in my room. Mom doesn’t want them to fly across the house but I feel like they will be happier with more space … I want to grow up and let them live free in my kitchen and everywhere ! » Je ris un peu parce que la vie des grands, ça a l’air libre et doux.

 

« Oh ! Drawing ?? »

J’ai toujours le regard fixé sur des chenilles pendant que j’imagine à quoi ça pourrait ressembler, un dessin d’un papillon qu’on a pas vu. Hyperfixé depuis l’enfance, je me demande quelle est l’espèce à laquelle pensera immédiatement Faolan. Est-ce qu’il sera orange ? Bleu ? Vert ? Rouge ? Je m’interroge pendant que je m’extasie sur le fait d’avoir un ami capable de faire des choses plus intéressantes que jouer au foot.

« I can’t draw, I’m pretty bad and got bad grades at the art class, but I’d love to see it ! And I think that no secret is bad ! Everyone keep the cool things secrets, that sucks. »

J’essaie d’avoir l’air cool en utilisant les mots des grands. Je savais pas réellement ce que ça voulait dire, à part que c’était une ponctuation pour de la frustration. Je replace soigneusement une limace sur une feuille de laitue, persuadé qu’elle était perdue et qu’il fallait absolument qu’elle mange. Je gardais de la nourriture des fois dans mes poches, quitte à les salir, tant qu’elle pouvait servir à la ménagerie improvisée qui régnait dans mon cercle de pierres. J’imagine que mon camarade trouvera sale que je trouve des insectes avec mes mains, mais tant pis. Je pensais que y avait un charme étrange dans les insectes, qu’ils étaient tous laids, avec une maladresse un peu touchante.

« She always try to run away. I don’t know why, because I really thinkkkk that i’m a cool bug daddy ! » Je ris un peu. « So, let’s see your cool stuff now ! »



 

Je me sens un peu triste pour la limace. Faolan a peut-être raison, et elle a peur de l’immensité de la cour de récréation. Je lui dispose un petit tas d’herbe et je regrette de ne pas avoir pris des feutres pour écrire un prénom imaginaire sur un petit bout de bois que je planterai. J’espérais qu’elle reconnaîtrait son nom. Mon nouvel ami me tend un mouchoir et je souris. Je m’essuie les mains parce que oui, j’aime les limaces mais ça reste collant comme bestiole. C’est sûrement pour ça que je les aimais bien.

« but whyyyyyy school is not ONLY breaks it’s unfair brrrrRRRRRRR. »

Je me sens triste parce que je laisse les insectes seuls, et j’espère maintenant que la limace ne partira pas trop loin. Je me dis qu’on se revoit dans deux heures, et que je doute qu’elle ait le temps de sortir du collège d’ici là. Faolan prend ma main et j’espère qu’elle soit sèche et propre, sinon ça lui salirait les doigts et c’est pas très gentil de ma part.
J’espère qu’on sera dans la même classe et qu’on pourra s’aider. Je lui montrerai que le théorème de Thalès, c’est plus simple qu’il n’y paraît, et il m’apprendra à faire des traits droits.

« Oh ! We’re in the same class ! We’re not going to spend the whole year alone that’s so great ! But now I think teachers still choosing places. Adults sucks. »

Je continuais à jouer les durs avec mes mains dans les poches. Si on était pas à côté, je me dis qu’on aurait peut-être plus à se dire à la fin du cours.
Alors, je sais pas réellement ce que j’espère de notre professeur quand on entre dans la salle.
 

L’heure passe et les signes se mélangent. Fixé sur ma feuille, je vois tout le monde compter sur leurs doigts tandis que je préfère compter sur mes phalanges. Il y en a plus et c’est plus pratique pour faire des additions et des multiplications. Alors, tandis que mon pouce tâte mon auriculaire et mon annulaire pour compter, je lève les yeux vers Faolan.

Son nom c’est Faolan. Il l’avait dit fièrement devant notre professeur, si bien que j’avais cru oublié mon propre prénom quand il a retentit à l’appel. C’aurait été dommage, maman aurait pensé que j’avais fais l’école buissonnière et peut être qu’elle aurait été déçue.
Faolan, pendant que je me demande comment ça peut s’écrire. Je me demande si y a des E quelque part, à la fin, d’où ça peut bien venir. Si j’avais pu choisir un autre prénom, est-ce que j’aurai été quelqu’un d’autre ?

La prof m’appelle. Je dois répondre à une multiplication.
Elle brille au tableau pendant que je m’active pour faire le calcul le plus vite possible. Ne pas montrer de signes de confusion, tandis que des e se promènent de partout sur le tableau.

« … 136 ? »

Elle me laissera tranquille pour le reste du cours, tandis que mon coeur s’arrête de s’agiter à l’idée de dire une bêtise. Mes neurones se calment à nouveau et Faolan me regarde de temps en temps.
Si je le sais, c’est que ça doit être réciproque, alors je me contente de faire un léger geste du bout de mon stylo de temps en temps.

Well well well

Littérature. J’étais pas mauvais dans cette matière, mais c’était pas celle qui m’attirait le plus. De temps en temps, il avait de jolis poèmes, mais les sens que je trouvais étaient toujours à côté de la plaque. J’avais déduis que j’étais assez mauvais en poésie mais c’était tant pis. J’aimais surtout les livres où ça finissait bien, et je commençais à chaque fois par la fin pour en être sûr.

« … Hi ! » je réponds quand je finis de fixer le bureau en face de moi. « … Hi again, haha ! »

You look stupid, je me dis en moi-même quand je m’assois. Pour occuper mon esprit, je m’amuse à faire des airflips avec mon stylo. Peut-être que Faolan sera très impressionné.
Je me ferai peut-être gronder et je passerai pour un cool kid, avec mon sourire gêné des enfants modèles qui veulent être bien vus par les autres.

« … The maths. That was ok ? »

C’était une activité de groupe donc on devait se présenter dans un rapide portrait à lire à l’autre ensuite. Je vois pas trop quoi dire, à part que j’aimais bien les papillons, ma maman et la batterie. Alors, je commence à écrire sur ma feuille, mes yeux glissant de temps en temps vers celle de Faolan.
You’re stupid, Ambrose, dans mon impatience.