Make my heart a violin / Nova-Red

Make my heart your violin - Nova-Red

Tu as du mal à te concentrer sur ton cours d’histoire de l’économie. Difficile à dire si c’est à cause des vestiges de la soirée d’intégration qui occupent toujours une place disruptive dans ton système digestif, à cause la voix monocorde de la prof qui n’a même pas elle-même l’air convaincue par son analyse de la crise de 29, à cause des deux gars qui se résument à très haute voix cette fameuse soirée d’intégration ou à cause la vue devant toi. Tu as toujours été discipliné, attentif et studieux. Après tout, les études sont le cursus honorum du patricien moderne, et tu comptes bien rendre honneur à ta gens.

Alors t’as pas l’habitude qu’une fille te déconcentre d’un cours, Jared. Ce n’est pas comme ça qu’on agit chez les Roqrouge : les gens c’est bien, le travail c’est mieux. Mais il y a bien une raison si tu es à Phoenix, à l’autre bout du continent par rapport à ta famille. C’est pour pouvoir être dans un amphi et regarder au rang de dessous comment la fille aux cheveux châtains encadre tous les titres avec une belle encre bleu azur et souligne toutes les définition d’un trait rouge écarlate. Les lignes sont droites, belles et claires. Les couleurs ne se rencontrent jamais et servent seulement leur objectif, fièrement et avec dignité.

Tu remarques que les points sur les i sont absolument ronds, sans aucun petit trait, comme aucun cheveux ne s’échappe de son strict chignon. Tu notes qu’elle laisse vierge une longue partie en bas de chacune de ses pages, sans doute pour rajouter des éléments dans les manuels qu’elle étudiera plus tard. Cette longue surface blanche t’éblouit moins que sa nuque, parfaitement dégagée par sa coupe. Les lignes de son cou te semblent aussi droites que celles de ses traits et tu ne penses plus vraiment à noter des choses dans ton cours. Et comme son stylo virevolte un petit peu à la fin de chaque phrase, dans l’attente de la suivante, ton regard se perd, le long de la clavicule et des épaules de l’inconnue du premier rang.

« Non mais lui il était com-plé-te-ment bourré hier c’était nawaaaaak » Ils parlent vraiment forts tes futurs camarades du club de natation. « La thèse défendue par l'École autrichienne d'économie (Hayek, Mises) est que la crise fut en fait causée par les interventions politiques ayant permis le développement d'une bulle spéculative qui éclata le « jeudi noir ». » Ah, oui, et il faudrait peut-être que tu te recentres sur ton cours parce que le premier DS est dans trois semaines et puis… « Et puis la blonde là, Samantha, elle était tellement booooonne ! ». étrangement, tu ne penses pas que Samantha soit une économiste autrichienne. « Au lieu de relancer la demande d'investissement public comme en Allemagne, la France s'oriente vers une politique malthusienne sur l'offre de travail, avec les congés payés et surtout les « quarante heures » OK, là t’es perdu : les courbes sur le powerpoint de la prof te semblent bien moins impressionnantes que celles de ta belle camarade. Enfin celles qu’elle dessine. Enfin tu crois.
Ouais Indépendamment Tu te Samantha de la question demandes devrait être du protectionnisme, si elle serait sur les l'explosion du intéressée pour que publicités système son bleu pour l’université monétaire international et rouge tellement défini rencontrent elle est à la conférence un gars appelé fraîche de Gênes comme le rouge.

« Pas comme Miss Quebec Nova-Blue là au premier rang, elle es tellement relou. »

Tu te retournes brusquement.

« Dites, y’en a qui veulent suivre le cours. »

Dans ton regard souffle des vents orageux et ton ton est ferme et impérieux. T’as à peine 19 ans mais tu te prends déjà pour le petit aristocrate français devenu grand. Ça à l’air de marcher en tout cas, parce que les deux jocks se recroquevillent comme si leur nounou les avait surpris en train de tester le goût du jus de raisin spécial fermenté de leur maman. Tu te replaces face au tableau, en essayant de toutes tes forces d’ignorer pour le reste du cours l’envoûtant chignon châtain. À présent, tu es l’élève le plus dédié à la fabuleuse histoire des politiques fédérales de gestion de la crise de 29. Tu ne peux qu’imaginer le long des graphiques ce qui a pu se passer dans les yeux de la fameuse Nova-Blue quand tu t’étais fièrement érigé entre la perturbation de l’éducation universitaire et ce formidable cours. Peut-être était-elle impressionné par ton courage, séduit par ton accent français, révolté par ton interruption ?

Dès la première seconde où le cours se finit, toutefois, tu sors le plus vite possible. Tu veux être devant la porte quand elle en sort. Tu aimerais cacher ton excitation, mais dès que tu la vois tu t’avances vers elle. Tu te retiens de trop sourire, tu te retiens faire un geste plus cordial qu’une main tendue. « Excuse-moi, je crois qu'on s'est pas encore croisés, je m'appelle Jared Roqrouge. » Ta prononciation française te fait toi-même sourire et tu continues donc : « Si tu veux, on peut parler français, comme ça aucun des autres nous comprendra... » Tu te penches un peu sur le côté, beaucoup trop amusé par ta propre idée, par ton propre sentiment de supériorité, pour une fois partagé. « J’ai vu que tu avais le dernier livre d’Esther Duflo sur la pauvreté, et j’adore ce qu’elle fait, est-ce que t’aurais le temps d’en parler autour d’un café ? » Intéressant, Jared : tu aurais pu l’inviter à une compétition de natation, à un bar jazz ou même simplement à former un study group pour étudier l’espagnol, mais non tu as choisi la voix la plus nerd qui soit. Tu te dis que cette étoile bleutée et ses lignes si droites peut être celle à qui montrer tes habitudes les plus rangées, les plus studieuses et les moins aventureuses. Il n’y a que ton sourire qui ne peut s’empêcher d’être un franc demi-cercle.

KoalaVolant

Âge : 31 ANS (28/08/1990)〖 grandie trop vite et sans prévenir

Make my heart your violin

Nova-Blue | Jared

Tu es arrivée en avance. Tu t’es mise à l’avant de l’amphi. Le deuxième rang, pas le premier. Le premier, c’est pour les lèche-bottes sans amis et sans ambition. Toi, tu vaux mieux que ça, tu te dis. Et peu importe si les deux sièges autour de toi demeureront vide. C’est ça, la rançon du succès. La solitude du vainqueur. Un espace tranquille se dégage autour des gens pleins de succès, car les réussites sont des repoussoirs pour le marasme des imbéciles.
La solitude du vainqueur, mais tu te dis que quelquefois t’aimerais mieux ne pas être seule.
T’as des courbatures de ton entraînement du matin, raideurs dans la nuque et les cuisses. Tu t’es pas assez étirée, sans doute. Nerveusement, tu passes une main sur tes trapèzes trop harassés.
Tes camarades arrivent doucement, remplissant l’amphi derrière toi de murmures à peine décuvés. Y avait soirée, hier soir. Et t’as pas été invitée. Ou peut-être que si. Mais t’as refusé. Tu sais plus vraiment, Nova-Blue. T’aimerais faire des efforts pour t’intégrer, mais la vérité c’est que tous leurs sujets de conversation te paraissent fades, et dans les soirées étudiantes, tu te sens à côté de la plaque. T’en as fait quelques unes, au lycée, et ces dernières semaines. Mais chaque fois c’est pareil : tout le monde termine ivre mort, et tu te retrouves comme une conne, ta lucidité sur les bras.
La solitude du vainqueur. Pas question de se laisser abattre. Tu vaux mieux, tu le feras savoir. Et tu laisses le prof arriver, débiter son long monologue sur la crise de 1929. Histoire économique. Tu as toujours vu l’économie comme quelque chose de tangible, d’immuable, de rigoureusement scientifique ; ça t’agace parfois quelque peu qu’on y adjoigne une science molle. L’histoire, et puis quoi encore, Nova-Blue ? Entendre des diatribes vieilles d’un siècle, les opinions si subjectives de gars qui connaissent le sujet. Tu aimes quand les choses sont droites, simples, carrées, figées comme un cheval d’arçon, que tu puisses prendre appui dessus. La philosophie, la sociologie, ça n’a jamais été ton truc. Tu n'aimes pas les peut-être, Blue, tu aimes ce qui est franc et pur.
Derrière toi, ça bruisse doucement. Des camarades qui se débriefent de la soirée tenue hier soir. T’entends le nom de Samantha et tu mords l’envers de tes joues. Ils pourraient pas fermer leur gueule, un peu ? Toujours à baver sur des meufs dont le QI est moins élevé que le tour de poitrine. Tu la connais un peu, Samantha, tu lui as parlé deux trois fois, t’as mangé avec elle quelques midis. Elle est sympa, ouais. Dans le genre bercée trop près du mûr, avec des neurones atrophiés qui suivent rien à l’économie.
Tu tapotes ton stylo contre le bord de la table en attendant qu’ils se taisent.
Pas comme Miss Quebec Nova-Blue là au premier rang, elle est tellement relou.
Ton stylo tombe, tu le ramasses, prête à te retourner pour fusiller du regard les importuns et leur dire que t’es pas au premier rang, t’es au deuxième. Le rang des adaptés sociaux, pas des losers trop intellos. Tu sais pas ce que ça fait de toi.
Heureusement, une voix s’élève pour dire ce que tu penses tout bas, et tu souris douloureusement. T’es pas seule, Nova-Blue, au fond. Le cours se déroule normalement, tu prends des notes assidûment. Le premier exam est dans trois semaines, la date est encadrée en mauve dans ton agenda Filofax.
Quand le prof vous libère enfin, tu ranges ta règle dans ta trousse, tes stylos un par un dans le même sens. Ton trieur bien refermé, dans la grande poche, et la trousse dans la plus petite. C’est très important, sinon tu n’as pas la place pour le reste. Ton sac à dos sur les deux épaules, tu t’aventures hors de l’amphi.

Le pied à peine posé dehors, un gars t’aborde, l’air intrigué. Tu t’apprêtes à le rembarrer quand tu reconnais que sa voix, c’est celle qui a fait taire les mecs alors qu’ils parlaient mal de toi. Alors tu souris, reconnaissante, dévoilant un visage radieux comme rarement t’en as eu ici.
Il te dit qu’il s’appelle Jared Roqrouge et l’accent français te ravit. Le gars n’est pas américain, ou en tous cas pas d’origine. Tu reprends ta langue maternelle, sans cacher l’accent québécois qui s’agite dès que tu la parles.
« Moi, c’est Nova-Blue Herondale. Mais tu peux m’appeler juste Nova. Ou juste Blue. »
Le gars a un côté un peu charmant, il a l’air sincèrement ravi de pouvoir te parler comme ça. C’est peut-être ça qui te fait hésiter, lorsqu’il te propose un café. Ou bien c’est simplement le fait que l’on te propose un café ; tu peux aisément résumer le nombre de fois où c’est arrivé.
Tu souris de plus belle, alors. T’aimes qu’on remarque que t’es cultivée, et t’aimes e paraître encore plus que tu ne l’es réellement. Alors tu ne lui diras pas que ce bouquin d’Ester Duflo, tu viens à peine de l’emprunter et t’as pas eu le temps de le lire, tu te contentes de renchérir avec des scintillements aux yeux :
« Oui, j’adore ce qu’elle fait aussi ! » Tu ris un peu, comme une idiote. « Va pour le café, je crois que j’ai management qu’à 11h. On va à la cafète ? Ou tu préfères qu’on se pose dehors ? »
Tu réfléchis à quel endroit te permettra d’être le plus vue avec un gars de son style. Sur la palette des inconnus, il est rouge comme un coquelicot, et t’as toujours aimé l’odeur des fleurs sauvages après l’été.

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Ni Chicago, ni même la côte d’azur ne t’avaient préparé au soleil d’Arizona. Si proche du tropique du Cancer, il est puissant et brûlant, encore en ce mois de septembre. Il brouille les sens, invoque les mirages et efface la raison. Face à lui tu rougis, tu sens tout ton corps à la fois au bon endroit et à la mauvaise place, tu te passes la main dans les cheveux de gêne plaisante. Il sourit, ce soleil, si fort et toujours plus fort, et tu ne peux que faire de même, comme enchaîné toi-même avec joie. On t’a dit de ne pas le regarder dans les yeux mais ils sont si brillants, et tu adores te voir dedans. Oui, tu pourrais perdre la vue sur chaque élément du soleil de Phoenix, depuis sa blancheur éclatante jusqu’à ses mèches châtains et la forme adorable de son nez.

« Nova. Ravi de te rencontrer. »

Ton sourire déforme presque ta diction, les voyelles ouvertes et la langue passant sur les dents sur les consonnes. On t’a élevé à coup de contes de fées, Jared. Le prince Roqrouge est à la recherche de sa Blanche-Neige, de sa Sisi l’impératrice. Un modèle de grâce, de bonté et d’intelligence qui brille à ses côtés. Un visage qui le fasse sourire quand il le voit dans le cadre sur son bureau. En plus, Nova porter pourra bleu du la sur de robe et mariage rendra ça bien super ta avec rouge cravate en et plus Blue Sébastien et Caroline enfants vos appeler et Europe en retourner peut-être pourrez vous alors francophone est.

Jared. Jared tu as échangé six phrases avec cette gonzesse et tu la vois déjà en robe blanche, tu la compares déjà au soleil, tu perds déjà la boule. C'est pas la première fois que tu fais ça, mec. Tu devrais peut-être attendre d’avoir au moins bu un café avec elle ? De connaître son tome préféré du Seigneur des Anneaux ? De voir si elle supporte tes obsessions incessantes ? De savoir si elle accepte ta nature de dragon ? Tu tentes de revenir à la raison quand elle rigole et ton cerveau retrouve une consistance proche de la guimauve.

« (…) la cafète ? Ou tu préfères qu’on se pose dehors ? »

Oups. Tu t’es tellement perdu en toi-même que tu as oublié de l’écouter. T’espère que c’était rien d’important. Tu te demandes où aller, où les yeux des autres te placeront sous la meilleur lumière. Parce que tu sais que, dans la séduction comme dans la fac, tout n’est qu’apparence. Si tu veux avoir une chance auprès de la princesse de l’étoile bleue, tu dois sortir ton meilleur jeu.

« Y’a un Starbucks en face du bâtiment C si tu veux ! »

T’y es déjà allé une fois : la vendeuse était étrangement renfrognée alors que, bon, il suffirait qu’elle cherche un autre boulot si celui-ci lui plaît vraiment pas. Toi-même, tu connais bien le monde du travail. Certes, tes parents payent tes études, mais tu fais partie du club du journal de ta fac, alors tu sais bien ce que c’est d’avoir des responsabilités, des collègues pas toujours futés et des deadlines très difficiles. Dans la queue, tu lui demandes :

« Alors, t’es venue du Québec pour tes études ? » Tu souris, et sans trop attendre enchaîne. « Tu prendras quoi ? Je paye, t’inquiète. » Incapable de t’arrêter de sourire, toujours une main dans la poche et l’autre dans les cheveux. Les tiens, pour l’instant.

KoalaVolant

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Nova-Blue | Jared

Il est grand. Plus grand que toi, mais ça c’est pas bien difficile. Surtout, Jared a cette grandeur que seule sa stature manifeste, une sorte de posture altière qui te donne l’impression d’être minuscule face à l’immensité de lui. Tu te dis que cette immensité, tu la gravirais volontiers avec tes piolets d’insouciance, dans une cordée d’amitié grave et d’opinions bien partagées.
Il est beau. Avec son visage taillé à la serpe, ces cheveux dans lesquels il passe sans cesse ses mains, et ce sourire qu’il vient te lancer comme une offrande à vos futurs. Dans ses yeux, tu sais pas vraiment ce que tu lis. Un intérêt sincère, réel. Mais autre chose, aussi. Une sorte de curiosité, de profondeur derrière son âme, et tu lui souris pensivement sans réaliser que tu te sens conne.
Il est là. Il est là, surtout. Debout devant toi. Magnanime. Prêt à passer un temps certain en ta modeste compagnie. Il est là et il te regarde comme s’il voyait derrière tes côtes un truc que toi-même tu sens pas. Une perception presque invisible, un champ de nébuleuses dorées qu’il cueillera pour te les offrir. Il est là, et c’est quand il parle que tu réalises d’un seul coup que t’étais fixée sur ses lèvres pendant qu’elles bougeaient en silence.
« Euh … euh, oui, parfait. »
Bien. Excellent, ça, Nova-Blue. Bafouiller comme une petite sotte face à le seul de toute cette fac qui semble s’intéresser à toi pour autre chose que les réponses au prochain devoir de socio. Va falloir faire un petit peu mieux, si tu veux pas te ridiculiser plus que tu ne le fais déjà.
Vous marchez jusqu’au Starbucks, la devanture verte écaillée vous renvoie l’image mordorée du capitalisme à foison. Mais si t’aimais pas consommer, tu serais sans doute pas en commerce ; et lui non plus, d’ailleurs. C’est peut-être un a priori, mais de ce que t’as vu c’est vrai. Les gens de ta promotion sont pas les plus consciencieux, certainement pas les plus engagés pour la justice sociale. Leurs préoccupations, du haut de leurs hautes tours d’ivoires de fils à papa et maman, relèvent plutôt du divertissement, et de comment passer un maximum de temps ivres sans jamais que les profs l’apprennent. Pathétique.
Enfin. Tu passes nerveusement tes cheveux derrière tes oreilles en espérant que Jared, là, il sera un peu différent, parce que s’il t’invite à boire un café juste pour te proposer une soirée, la discussion va être vite vue. Tu te mords la lèvre, doucement, en fixant le dos de la personne devant toi pour pas le dévorer des yeux, lui. Tu crèves d’envie de lui demander pourquoi toi et pourquoi maintenant, mais c’est le genre d’inquisitions qui risque juste de le faire fuir, alors t’attends tranquillement que Jared reprenne la parole.

Tu ris un peu, pour dissimuler l’inadéquation quasi-totale que tu ressens dans cette situation. T’as pas l’habitude, Nova-Blue, d’accepter ces propositions. C’est quelque chose dans son regard, dans sa beauté, dans sa présence, qui t’a fait accepter cette fois.
« Je vais prendre un latte macchiato, je pense. Mais je peux payer ma part, tu sais. »
Au fond, t’es pas vraiment certaine d’avoir envie de la payer, ta part. T’as un peu l’impression de te retrouver face à un chevalier galant, qui respecte bien les critères que tu t’es toujours imposée. T’aurais presque l’impression que c’est trop beau pour être vrai, mais tandis qu’il commande pour toi, t’as pas l’impression de rêver. Alors tu le laisses faire. Pour cette fois. Et puis tu lui souris.
« Merci. »
Vous vous installez sur une minuscule table ronde, à peine entourée par deux chaises dont le confort est relatif. L’endroit est bruyant, rempli d’étudiants qui ont eu la même idée que vous. Tu te sens à la fois à l’aise et comme dans un nouvel élément. La lumière du soleil vient se déposer sur votre table, sur ses cheveux, sur son sourire. Tu attrapes le rouge de son nom sur ses joues et dans son regard, tandis que le bleuté du tien vient vous enrober tout entier.
Les mains en coupe autour de ta tasse, tu prends une grande inspiration avant de répondre à sa question.
« Non, on a emménagé à Phoenix quand j’avais … 6 ans, je crois. Avec mes parents. Et puis, après, j’ai pas trop bougé. » C’est ma famille qui a bougé, endeuillée et recomposée, au rythme d’un allegretto. « Mais j’ai gardé mon accent québécois, tabarnak. »
Tu rajoutes en français, pour le faire rire, comme indécise. Tu as mis du temps à jongler entre le français et l’anglais, tu te rappelles de mille questions que tu posais à tes parents quand tu déchiffrais du bout des yeux de nouveaux mots dans d’autres langues. T’as aimé cette période de ta vie, de toutes tes forces, de toute ton âme d’enfant. Dommage qu’elle ait filé si vite.
Une gorgée de latte plus tard, tu lui retournes la question.
« Et toi, alors ? Tu es français ? Tu es en semestre d’échange, ou quelque chose comme ça ? »
Parce qu’avant de t’imaginer passer tes mains dans ses cheveux effleurer le dos de sa main rire avec lui à grands éclats passer tes mains dans ses cheveux visiter son appartement te promener avec lui partout l’inviter à toutes tes compètes passer tes mains dans ses cheveux te pendre gaiement à son bras parler des heures d’économie passer tes. mains. dans. ses. cheveux. faut bien que tu saches, Nova-Blue, si vous êtes partis pour rester.

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Tu manques d’insouciance, Jared. Même dans tes actions les plus spontanées, même lorsque tu prends des risques et que tu sautes dans le vide, tout est calculé et réfléchi. T’es pas sincère. Tu n’as jamais ressenti quelque chose qu’on ne t’ai pas dit que tu devais ressentir. Tu ris comme tes potes ris, tu écoutes ce que MTV dit qu’il faut écouter et tu choisis le café que les acteurs boivent dans les films. Tu passes tes journées à te regarder imiter autrui, espérant devenir ainsi aussi grand que tu veux l’être. Puis, Nova bafouille et tu souris. Peut-être que ce sera pas comme ça avec elle ? T’as pas envie de perdre ton temps à réfléchir à ce que veulent les autres, ce que pensent la majorité, quand tu vois les lèvres rouges de Blue. Tu sais seulement ce que tu souhaites.

Tu secoues imperceptiblement la tête face à la devanture du Starbucks. Calme-toi, Jared, encore une fois. Vous allez juste boire un café, tu vas pas la demander en mariage, si ça se trouve elle veut juste partager les révisions d’histoire d’économie et ce serait tout à fait OK. Mais bon… Tu vas quand même essayer que ce soit pas le cas. Tu te regardes rapidement dans la glace et tu replaces ton sourire. Fils caché d’Alain Delon et de JFK, tu te retournes vers la brune avec ce que tu penses être le summum de tes capacités de séduction. Parce qu’on a jamais appris à un Roqrouge à faire les choses à moitié.

Mais voilà. Dans la queue elle garde le dos tourné. Quand tu proposes de payer elle rit, et tu as l’impression que c’est ce rire que les filles utilisent comme protection (c’est Marguerite qui t’a expliqué ça, t’aurais pas compris tout seul). Elle rechigne à te laisser payer et tu te mets à douter. C’est pas ton genre, Jared, de douter de toi. Mais tu commences à te demander pourquoi elle a accepté d’être là. Qu’est-ce qui pourrait la pousser à vouloir passer du temps avec toi, qu’est-ce qui pourrait intéresser quiconque chez toi, qu’est-ce…. Non. Tu vas pas laisser les rayures te ruiner la vie. Tu remets le disque que tu connais bien. Tu es génial, Jared, tu es promis à un super futur et tout le monde serait chanceux de passer du temps avec toi. Ça c’est une mélodie qui te plaît, qui te rassure. Tu commences juste à te dire que c’est toi qui serait le plus chanceux des deux si vous passiez plus de temps ensemble avec Blue.

Le Starbucks est pile assez bruyant. Il y a assez de bruit pour que vus ayez une sensation d’anonymat et de communauté sans que tout soit assourdissant et que vous ne vous entendiez pas. La table est minuscule mais vous n’en êtes que plus proches : tu ne vas pas te plaindre. « Ah oui, tu es une autochtone en fait ! » Tu rigoles en sirotant mon cappuccino. Ton sourire grandit devant l’accent québécois : c’est pas ta faute, c’est la règle. Pourtant, tes voyelles allongées sentent aussi bien fort le soleil du Sud-Ouest alors tu ne fais aucun commentaire. « Moi ? Non. Enfin, si, je suis Français d’origine mais j’ai déménagé à Chicago y’a quelques années et pris la nationalité américaine. Et là je suis parti pour cinq ans ici, à Phoenix, j’aime pas trop bouger tous les semestres. » Tu lui souris toujours, tentant de mettre le plus de stabilité et de calme en toi. Tu n’as jamais aimé les histoires d’étudiants qui font n’importe quoi de leurs années bénies, qui les passent entre soirées d’ivrognes, relation toxiques et réorientation abusive. Tu sais où tu veux aller, toi, et si tu as clairement prévu de t’amuser sur le chemin, tu n’es pas prêt à rebrousser chemin.

Mais tu regardes avec anxiété ta montre. 11H s’approche, et tu ne te sens pas assez prêt de ton objectif. Il faut que tu trouves quelque chose à dire, quelque chose à faire… Parler d’Albi ? Pas très sexy. De natation ? Ça fait un peu beauf. De ses yeux ? C’est un peut tôt, tu penses pas ? « Euh, tu… Tu connais des endroits sympas dans le coin alors ? Enfin, pour euh, visiter et passer de bons moments genre hors des cours, enfin les cours c’est génial aussi mais euh... » Wow. Jared, c’est pas vraiment ce qui était prévu pour laisser une belle marque dans l’esprit de la brune québecoise.

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Nova-Blue | Jared

Oui, tu connais des coins, Nova.
Et au cours des dernières semaines, tu l’as emmené les visiter. Les parcs en lisière de la ville, où l’herbe cramée au soleil s’entrecoupe de fleurs colorées qui leur donnent des airs d’aquarelle. Le restaurant où les lustres dorés vous donnent un air d’un autre temps. Les places usées du cinéma où tu choisis toujours les mêmes. Cet endroit à l’arrière de la fac où personne ne se rend jamais, même pas pour y fumer des joints.
Oui, tu connais des coins, Nova-Blue ; t’aimerais que ça devienne vos coins.
T’as appris à connaître Jared, au-delà de son accent du Sud et de sa chevelure parfaite. T’as fini par lui avouer que t’avais pas lu Esther Duflo, et vous avez ri tous les deux. Et doucement, tu t’es mise à attendre avec joie les moments en sa compagnie, à en proposer de nouveaux pour combler tes journées d’ennui. Lentement, doucement, timidement, tes doigts se sont frayé un chemin jusqu’aux espaces entre les siens. T’as dessiné des nébuleuses dans le vide entre ses phalanges, tapissé ton visage timide d’éphélides vaguement émues.
On dirait bien que t’es amoureuse. Tu t’es jamais sentie comme ça, et à vrai dire ça fait bizarre. Une sorte de boule dans l’abdomen, une tachycardie anarchique même en sortant des entraînements. Souvent, le dernier truc que tu fais le soir c’est de lui parler par texto ; vous êtes bloqués dans cette débilité constante d’être le dernier à écrire, attendant que l’autre capitule ou bien que l’un de vous s’endorme. T’en as brièvement parlé à Scarlett, au téléphone. Elle a eu l’air heureuse pour toi.
Mais toi, est-ce-que tu es heureuse ?
Tu saurais pas vraiment le dire. T’as l’impression de t’aventurer sur des territoires inconnus, de marcher sur un fil tendu à des kilomètres du sol ; à tout moment, tu basculeras et t’écrouleras dans le néant. Ta nuque sera brisée sur le sol et tu seras tétraplégique –ce sera nettement moins facile pour tes entraînements de gym.

Il fait pas vraiment chaud, ce soir. Prévoyante, t’avais pris une veste en jean, mais les bourrasques de vent frais de l’automne qui débute te tirent par moments des frissons. T’es pendue au bras de Jared, et tu comptes les couches de tissu qui séparent vos deux épidermes. Ton chemisier, ta veste, sa chemise. Trois épaisseurs. Ça semble énorme, et pourtant peu.
La proximité de la Salty River vous renvoie des embruns étranges, et aucun de vous n’ose parler. C’est comme un instant suspendu où toute la canopée stellaire semble aussi proche qu’un plafond de verre. Le nez en l’air, tu t’acharnes à vouloir calmer les battements ivres de ton cœur, évitant les yeux de Jared ; trop effrayée de t’y noyer.
On dirait bien que t’es amoureuse, Nova, avec ton corps qui réagit étrangement à tous ces contacts, avec ces envies de romcom quand vous marchez tout près de l’eau. Tu te prends à faire des scénarios d’histoires d’amour qui finissent bien, avec pavillon en banlieue, labrador et cabriolet. Tu vois Jared père de famille, le ventre un peu enveloppé avec des jumeaux sur les bras. Ils s’appelleraient Mercury et Blake, auraient des frimousses adorables par génétique favorisée, et …
Arrête ton char, Nova. Vous vous tenez juste la main.
Soudain, une lumière plus vivace accroche le coin de ta cornée, et tu sursautes contre Jared.
« Regarde ! Une étoile filante ! »
Sans même y prêter attention, tu t’es serrée plus près de lui. Quand tu lèves un regard d’enfant vers les adultes que vous êtes, son visage est un peu trop proche ; tu remercies Phoenix entière pour le manque d’éclairages publics qui dévoileraient ton rouge aux joues.
D’un mouvement de tête, tu te recentres et lui lance un sourire contrit.
« T’as fait un voeu ? »

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CW : masculinité toxique

T’as appris à la connaître, Nova.

Comme elle préfère marcher dans les parcs que s’y arrêter, comme elle aime la façon qu’ont les lustres de faire briller sa peau et tes yeux, comme les places de cinéma lui vont, même usées, à condition que ça soit les votres, comme la solitude lui est douce, si tu es avec elle. Certes, elle a pas lu Esther Duflo, mais elle connaît tant de choses, que pour une fois tu te mets à plus écouter que parler face à une fille. Certes, elle est très occupée, mais elle trouve toujours un temps pour vous deux, pour votre duo de couleurs dans le désert gris de la fac. Tu te souviens plus trop quel jour ni comment, mais vous êtes sorti de la BU main dans la main. Et depuis tu ne l’imagines plus ailleurs. Tu penses qu’il faut être astronome pour compter les étoiles dans tes yeux et volcanologue pour comprendre comme ton visage rougit quand parfois son corps t’effleure toujours plus proche.

Tu trouves que ton cœur aurait bien besoin d’une mise à jour, tant il bug ces derniers temps. La dernière chose que tu fais, chaque soir, c’est regarder des photos de vous deux : des selfies que vous vous envoyez quand vous êtes pas en amphi ensemble, des photos prises par Samantha à la fête foraine ou par toi lors de ses compètes de gym… Les lumières te semblent toujours plus fades quand vous devez vous séparer, ta respiration plus rapide quand elle est sur le point d’arriver, tes mains un peu moites quand elle porte du blanc. T’en as brièvement parlé à Maggy, au téléphone. Elle a souhaité bon courage à Nova. Quelle conne.

Mais tout te semble aller si vite. C’est peut-être parce que c’est les États-Unis mais t’a l’impression que le tempo est plus celui d’un beat de Rihanna que d’une balade de Barbara. Il y a quelques heures, dans les vestiaires de la piscine, un type appelé Tyler t’a demandé quand Blue deviendrait ta lampe de chevet.

« Quoi ? » Tu espérais que c’était une erreur de traduction, ou un truc culturel typique de l’Arizona.

« Bah pour que tu puisses l’allumer tous les soirs ! »

Tu lui a envoyé une beigne si forte qu’il a failli retourner direct dans le bassin et t’as du résister pour pas utiliser tes pouvoirs. T’as déjà l’impression de perdre pied, de te retrouver au milieu d’un lac en ayant oublié comment nager, à force de la suivre à l’aveuglette. Peut-être est-elle la demoiselle du Lac, peut-être t’emmène-t-elle sur une île secrète au milieu de la brume, un endroit où l’amour est possible. Mais, bon Arthur châtelain, tu as du mal à quitter Camelot, ta forteresse de solitude hautaine.

Ce soir, elle est clairement une american queen, avec sa veste en jean comme armure, les étoiles dans le ciel comme couronne mariale et la nuit un peu fraîche comme adversaire, puisqu’elle semble beaucoup frissonner, la pauvre. Tu lui prêterai bien ta veste, mais tu n’as pris que ton habituelle chemise. Tu te rends compte qu’elle ne t’a jamais vu porter autre chose d’ailleurs. Bref.

Le silence est agréable, celui de deux amis qui se connaissent bien, étonnamment bien après si peu de temps. Celui surtout d’amis qui ne sont pas sûrs de vouloir le rester, dont les yeux se brûlent un peu quand ils rencontrent un désir semblable aux siens, quand des étoiles…

« Regarde ! Une étoile filante ! »

Non, tu ne l’as pas vue. Le corps de Nova s’est plaquée contre le tien et tous tes sens sont comme surchargés. Tout ton odorat a quitté cette rivière étrange pour inhaler au maximum le parfum de ses cheveux. Tout ton toucher ne se concentre plus que sur sa poitrine posée sur la tienne. Toute ta vue a oubliée les étoiles pour ne plus voir que Nova.

« T’as fait un voeu ? »

Ton bras droit est déjà passé, du sien, à autour de sa taille. Le gauche glisse, au dessus de sa nuque, juste sous son chignon, caressant les cheveux qui glissent en dehors, comme enhardi par la nuit. Tu réponds juste :

« Oui. »

Et tes lèvres plongent sur les siennes. Le rouge attire le rouge, comme un destin dans lequel tu voudrais croire pour justifier tes actions. Tes yeux sont enfin fermés, remplis d’étoiles et de feux d’artifices bicolores, et la salty river pourrait tout aussi bien être le bassin d’Apollon, Nova-Blue une marquise versaillaise, et toi le roi Soleil. Lui poser la question avant d’agir ne t’effleure même pas l’esprit : il est plus simple de demander pardon qu’une permission.

Quand le baiser s’achève, tu gardes tes yeux dans les siens, ton nez presque posé contre celui de Nova. Tu n’as plus aucun doute, aucune question, aucun bégaiement. Tu es sûr d’avoir fait le bon choix : elle et toi c’est quand même une évidence. Tu murmures.

« Merci, merci de m’avoir montré qu’une fleur aussi rayonnante que toi pouvait fleurir entre le désert et la salty river. »

Insupportable beau parleur, sourire en coin de tête à claques, t’as déjà faim de plus de baisers alors que tes doigts glissent déjà contre son corps.

« Tu veux qu’on rentre chez moi ? Il fait sombre ici. »

Le noir ne te dérange pas, en vérité, mais les comédies romantiques sont souvent plus belles à la lumière. Et puisqu’il est peut-être trop tôt pour lui proposer un avion pour Paris, ton appartement te semble la deuxième meilleure option.

KoalaVolant

Âge : 31 ANS (28/08/1990)〖 grandie trop vite et sans prévenir

Make my heart your violin

Nova-Blue | Jared

TW : déréalisation
Toi, si tu devais faire un vœu, Nova-Blue, ce serait d’être heureuse, finalement. De quitter ce sentiment étrange d’être toujours à côté de la plaque, d’avoir manqué, malgré ton assiduité en cours, la plus importante des leçons : celle qui mène à la joie suprême de sentir bien, accomplie. Toi, si tu devais faire un vœu, Nova-Blue, ce serait que tout ton destin se dessine comme à l’aquarelle dans le fusain de tes croquis, que se réalise assez vite ton rêve parfait de petite fille qui a voulu être une princesse et qui n’a jamais renoncé. Toi, si tu devais faire un vœu, Nova-Blue, ce serait que Jared le sache, ce serait que Jared le sente, et que vos doigts restent noués jusqu’à ce que, votre œuvre achevée, vous contempliez le paysage de vos prunelles de fins esthètes et que vous vous disiez, vraiment, que votre vie a été belle.
Mais tu n’as pas le temps, pour un vœu.
Rapidement les lèvres de Jared se retrouvent à hauteur de tes yeux, son souffle tiède contre tes cils a des allures de lourds mistrals pour chasser le voile de ces larmes que tu as gardées en réserve. Puis, distraite, la bouche du jeune homme entame comme un désescalade, à la hauteur de ton nez, de tes lèvres, de tes lèvres.
Un sursaut d’une demi-seconde, t’as les yeux plus ouverts que jamais quand ceux de Jared sont fermés. C’est arrivé trop vite, trop fort, t’aurais aimé te sentir prête et même si tu croyais que tu l’étais, tu réalises que c’était pas le cas. La surprise te laisse comme muette ; ça tombe bien, pas besoin de parler. Tu finis par fermer les yeux, renverser la nuque en arrière et laisser des myriades d’étoiles cascader sur vos bouches liées.
Tu sais pas ce dont tu rêvais comme décor pour premier baiser, mais tous tes questionnements laissent place à une certitude profonde : tu es là où tu devais être, tu joues le rôle qu’on t’a donné dans le décor qu’on t’a planté, et des étoiles filantes t’assaillent tandis que tu retiens ton souffle.
C’est fini avant même que t’aies compris comment, et tu ne bouges pas d’une semelle. Les yeux de Jared sont tout proches, pourtant tu ne les reconnais pas. T’as été propulsée trop loin, à des millions d’années-lumière, dans une galaxie délunaire qui semble n’exister que par toi. T’as la tête sous l’eau, Nova-Blue, et les sons te reviennent tordus.
T’as déjà oublié ton vœu quand sa voix te parvient de loin.

« J-je … »
Retour à la réalité : il est Jared, t’es Nova-Blue. Il est le prince et toi l’étoile, lui le rouge et toi le bleu nuit. Tu te mords doucement la lèvre quand sa couleur te monte aux joues, tandis que la tienne dans ses yeux scintille dans l’obscurité brune.
Il te remercie et tu souris, la tête baissée vers ces deux mains qui se tordent contre ton ventre. T’as bien envie de recommencer, de cueillir à nouveau ses lèvres comme un vaste bouquet de silènes qui fleuriront dans ta poitrine. Mais t’es perdue, désemparée, tu cherchent la couronne d’azalées qui confirmera dans tes cheveux que t’es la reine du bon endroit. Des vertiges t’assaillent et t’accablent, tu cherches la main de Jared pour pas sombrer dans les lilas.
Tu hoches tout doucement la tête.
« Euh … oui, d’accord. Je … »
Il y a ses mains contre tes reins qui te ramènent les pieds au sol ; l’impression de sortir d’un rêve qui n’a duré que vingt secondes, et pourtant toute l’éternité. Vous recommencez à marcher, silencieusement, religieusement, et t’as chaud tout d’un coup Nova, comme une explosion nucléaire figée y a des millions d’années.
« Jared ? »
Faut que tu lui dises, même s’il le sait, avec tout ce que vous vous parlez. Faut que tu répètes cette info, parce que t’as les jambes qui vacillent, le cœur qui joue au diabolo et les tempes qui s’enflamment si fort que tu dois passer pour une folle. Il s’arrête, et tu passes tes bras autour de lui pour l’enlacer.
Les câlins, c’est le meilleur moyen pour dissimuler ton visage dans le coton de sa chemise.
« Je, enfin … c’était mon premier baiser. »

code by underratedboogeyman

Mer 21 Sep 2022 - 17:20

Make my heart your violin - Nova-Red

Tu crois vraiment que c’est ça qui va te rendre heureux ? Les vœux, c’est pour les enfants. L’amour, c’est pour les rêveurs. Marcher la nuit près d’une rivière avec une nana, c’est pour les poètes ratés. Tout ce qui est réel, c’est la faim qui te serre le ventre parce que y’a pas de restos dans ce coin éclaté, c’est le devoir de macro-économie que t’es pas en train de faire et sur lequel t’as aucune idée pour ta partie II. Mais ce qui est aussi réel, c’est le corps de Nova-Blue, contre le tien. C’est la chaleur de sa main dans la tienne, c’est le parfum de ses lèvres qui persiste dans tes narines, c’est ses yeux que tu peux même plus décrire. Alors, pour une fois, t’acceptes un peu d’être un enfant, un rêveur, un poète raté qui pense autrement qu’avec son estomac et son bulletin de notes. T’essayes d’être heureux.

Ton bonheur d’enfant-roi, Jared. Papa-Maman t’ont dit que t’étais l’aîné, le grand, le beau. Tes profs t’ont adoré dès la maternelle, tes potes depuis le primaire, les filles depuis le collège. Tu saisis plus la différence entre le bonheur de tous et ton bonheur personnel, parce que tout est pareil pour toi. Tu vois même pas chez Nova le trouble, le choc, l’oubli de soi, toutes ces émotions qu’elle devrait pas avoir à ressentir, que t’as même pas l’impression de provoquer. Vous êtes Jared et Nova-Blue, vous êtes heureux.

Et puis, elle parle. Et si tu peux bien ignorer tous les indices du mal-être, tu restes doué d’audition. Et tu entends sa voix qui tremblote, tu comprends ce visage qui se cache dans toi. Et même si tu pourrais rester dans ce câlin pour toujours, parce qu’il n’y a rien de plus confortable que les bras de ton étoile, tu sais qu’il y a quelque chose qui la dérange. Et tu t’apprêtes à dire qu’on est pas obliger de rentrer chez l’un de vous deux, que vous pouvez juste boire un café du soir dans une bibliothèque de nuit, à vous regarder dans le blanc des yeux pendant des heures, en murmurant seulement des mots doux de temps en temps pour pas alerter la dame du CDI. Mais ce n’est pas ce qu’elle te dit.

C’est son premier baiser. Et c’était devant la salty river. À Phoenix. Dans le noir. Par surprise. Tu te sens pas ouf. Tu te sens pas digne. Tu te sens à côté de la plaque, pathétique, pas au niveau. Tu te demandes si c’est toi qui peux la rendre heureuse. Tu fermes les yeux une seconde. Deux. Trois. Tu les rouvres. Plus de doutes, seulement le même sourire aux lèvres. La même mèche au vent. La même tête vide. Tu poses ton front contre le sien et tu dis :

« Oh. Alors… Tu veux choisir l’endroit pour le deuxième ? Perso, je suis un partisan du hic et nunc, mais me laisse pas te latiniser. »

Tes mains posées sur ses hanches s’élèvent en caresses jusqu’à sa clavicule. Tu t’imagines bien cueillir le jour chaque matin au creux de cette nuque.

« Après, je pense pas qu’un poète antique puisse capter genre à quelle point t’es… T’es… Merveilleuse. Donc : je t’écoute toi. »

T’es heureux. Et t’arrive pas à débrancher la voix qui doute que ce soit le cas pour elle.

KoalaVolant

Dim 9 Oct 2022 - 16:11

Make my heart your violin

Nova-Blue | Jared

Tu prends de grandes inspirations, humes à plein poumons les effluves de son parfum cent fois rêvé, le nez contre le tissu clair de sa chemise d’enfant trop sage. Y a eu plein d’occasions, Nova, un florilège de premières fois qui sont arrivées un peu tôt ; avec cette sensation bizarre que t’avais des bleus dans le crâne tandis que ton cœur s’y cognait. Comme des poussées de croissance de l’âme, la douleur d’une enfant qui crève le plafond de sa propre vie. Y en a eu plein, des jours comme ça.
La première fois que Silver t’a oubliée à l’école. La première fois que t’as fait à manger pour lui. La première fois que t’es tombée du cheval d’arçon et que tu t’es pris une rincée. La première fois que t’as eu tes règles. La première fois que t’as remporté une compétition. La première fois qu’on t’a sifflée dans la rue. La première fois qu’on t’a draguée. La première fois qu’on t’a embrassée.
Les premières fois, avec le temps, ça devient plus rare mais certainement pas moins précieux. Si tu t’étais levée ce matin en sachant que tu vivrais ça, t’aurais sans doute saisi plus fort les dernières miettes de ton enfance, les aurait serrées dans ta main avant de les laisser partir, comme des cerfs-volants passagers, dans les amers vents du changement.
Jared redresse doucement ta tête et pose son front contre le tien. Vous faisiez ça, avec Scarlett, quand vous partagiez la même chambre. Vous pouviez passer plusieurs heures, vos deux crânes juste l’un contre , à pas échanger un seul mot. L’une de vous finissait par s’endormir, et l’autre à veiller dans le noir, les yeux grandement écarquillés sur l’absence de vos deux couleurs pour raviver les cauchemars ternes. Avec lui, c’est différent.
Lui, il porte sa couleur à elle, mais il est plus grand et plus pâle. Il mériterait d’être azur, avec ce que tu sais de lui. Mais peut-être bien que tu sais pas grand-chose, Blue.
Il parle de te latiniser, et tu souris. Il glisse ses mains contre ton dos, et tu frémis. Il te complimente dans la nuit, et tout doucement tu gémis.
« Je … »

Comment tu peux douter, Nova ?
Comment tu peux ne pas y croire, à cette histoire de prince charmant que l’on te sert sur un plateau ? Comment tu peux te poser des questions, quand y a ce scintillement majeur dans ses yeux sûrs et affirmés ? Comment tu peux douter, de lui, de vous, de ces palpitations qui t’assaillent entre les poumons ? T’as tellement idéalisé les relations amoureuses que maintenant que t’y es … t’as peur ? T’es idiote, ma pauvre Nova.
T’aimerais rattraper tes hormones qui sont en roue libre dans ton ventre, prendre le fil de tes pensées à pleines mains pour qu’il ralentisse, mais tu restes plantée là, bêtement, avec toutes tes incertitudes qui n’ont pas vraiment de raison. Et tu décides que si elles sont absurdes, tu ne leur accorderas pas le moindre crédit, simplement. Tes doutes, tu leur tordras le cou ; ils ont rien à faire près de toi.
« Je t’aime, Jared. »
Il te semble que c’est la chose à dire. La seule chose qui importe vraiment.
Alors t’ignores tous les signaux et tu plonges dans cette relation, dans l’inconnu et dans ses lèvres que tu recueilles comme des promesses. Il est là, le deuxième baiser, et y en aura des dizaines d’autres. Puisque tu choisis d’être à lui, et tu choisis qu’il soit à toi. Tu choisis d’être deux, ensemble, et tu feras taire tout le reste à grands coups de tes certitudes.
Tu passes une main derrière sa nuque pour fondre en lui un peu plus fort, et sous l’assaut des phéromones l’air de Phoenix en plein hiver semble soudain bien moins frileux. En tandis que tu clos les yeux à t’en faire fendre les paupières, tu souris tout contre sa bouche ; vous n’avez pas à trouver mieux.

C'est la première fois que tu dis ça à quelqu'un qui est ton amoureux.

code by underratedboogeyman

Ven 28 Oct 2022 - 16:38

Make my heart your violin

TW : sexisme et sexe

C’était le deuxième baiser.

La passion était latine, les lèvres rouges, les rêves bleus et les mots des évidences. Tous deux tenus par l’autre, soutenu, retenu, contenu ; la fusion est violette, sanguinolente et aquatique, étoile furieuse au milieu de la noir banlieue. Elle sourit, tu souris, vos visages sont finalement dans une sorte d’harmonie. T’as l’impression que vous êtes plus qu’un. Toutefois, même si t’es pas chimiste, tu sais que rien ne se perd. Mais si vous êtes un et que tu es encore un « je », où est-elle passée ? La question ne reste pas plus d'un instant dans ta tête.

Onze baisers plus tard.

Tu ne lui a pas rendu son « je t’aime. » Tu as simplement dit « moi aussi. », les yeux pleins d’astres et d’envie. En fait, tu savais pas trop. Parce que les évidences font peur, parce que les parallèles semblent irréconciliables, parce que les rêves ressemblent à des mirages. Et la résolution finale, elle te vint plus tard. Dans un endroit inattendu. Pas dans les yeux de la belle, ni dans son lit, mais bien dans le cours de méthodologie de la recherche de Dr. Barrière. Il vous expliquait, à vous jeunes gens bien éduqués, comment faire un beau mémoire agréable à lire.

« Il vous faut un beau contenu, certes, mais aussi un contenant agréable. Un peu comme… Un peu comme une belle étudiante vous voyez ! Et si vous vous demandez de quoi je parle, demandez à votre camarade Jared, il sait de quoi je parle. »

Pendant quelques minutes, t’avais juste gardé un sourire gêné. Celui qu’on t’avait appris à utiliser en cas de crise. Car clairement ton cerveau était passé en veille. Une illumination le rallume enfin : Nova a des tutorats avec ce type et le trouve brillant, elle te l’a déjà dit plusieurs fois. Tu sors de la salle sans rien dire et marche un peu dans Phoenix vers son appartement. Tu vois toutes les publicités présentant des femmes en lingerie avec un regard nouveau. Ton propre désir t’effraie, tu penses à elles, à leurs gars, à leurs rêves. Qu’est-ce que tu dois faire dans un monde de loups affamés ? Qu’est-ce que tu peux être, avec des dents acérés ?

Quand Nova t’ouvre, tu la trouve plus belle que jamais (mais tu commences à le savoir, c’est chaque jour et tu t’en lasses pas). Tu dis rien d’autre que « Je t’aime. » avant de l’embrasser plus fort que jamais. Protecteur, possessif, vigilant, jaloux, amoureux… Tu ne sais pas ce que tu feras lorsque les loups hurleront la prochaine fois.

Soixante-sept baisers plus tard

Vous avez longtemps hésité à éteindre la lumière ou pas. Vous en aviez pas mal parlé. Vous aviez eu aussi eu beaucoup de silence. Vous étiez hésitants mais désireux. Vous étiez sur des rails aussi, vers une gare qui vous semblez la destination obligée. Vous avez fait le voyage ensemble, main dans la main.

Vous.

Toi, c’était pas ta première fois. Toi, c’était surtout la joie de la voir pour la première fois comme ça. Toi, c’était le bonheur de graver à jamais dans ton esprit ces souvenirs. Toi, tu te sentais enfin adulte quand tu étais avec elle comme ça. Toi, tu te dis pas conquérant ou quoi, mais tu te sens toujours plus homme, plus sûr de toi, après avoir été sur Nova.

Toi.

Toi, toi, toi, tu regardes le plafond de sa chambre, un sourire au lèvre, pas un mot, pas une pensée pour elle.

Cent-treize baisers plus tard.

C’est les vacances, vous êtes à Atlanta, pour visiter le High Museum of Art. Ça te rappelle un peu l’Europe, c’est pas les Augustins ou le Louvre, mais c’est déjà ça. Tu montres à ton étoile tous tes impressionnistes préférés. Tu lui montres du Henner tout en lui rappelant que faut pas aimer ça. Tu te trouves face à un portrait de Lady MacBeth et tu te souviens de Guillemette, avec qui tu avais joué cette pièce en terminale, avant de l’embrasser dans les loges. Tu souris à Nova, parce qu’elle est quand même beaucoup mieux. « On va voir les antiquités étrusques ? Les tombeaux de couples sont adorables ! »

Dim 30 Oct 2022 - 0:07

Make my heart your violin

Nova-Blue | Jared

TW : relation toxique, sexualité, baiser forcé

Il y a eu un deuxième baiser, puis un troisième, puis un huitième. Et le goût des lèvres de Jared est devenu une habitude. De celles qu’on pensait pas qu’on prendrait parce qu’on voulait pas se lasser, mais pourtant dès que tu te mets sur la pointe des pieds pour atteindre ses commissures tu sens bien que c’est différent. Y a pas les mêmes choses que la première fois, pas les mêmes sentiments brouillons. C’est ton copain, maintenant, Nova. L’usage du pronom possessif te donne des envies de constellations, d’ancrages sous-marins à jamais, dans le bleu lagon d’océans que vous visiterez ensemble.
C’est ton mec, tes baisers et ta vie.

Onzième baiser
Tu t’es froissé un muscle, hier. T’étais trop déconcentrée, trop ailleurs, tu t’es mal réceptionnée et maintenant t’as la cheville leste. Tu te maudis silencieusement, pendant que tes horaires aménagés de fac deviennent des heures à tuer chez toi.
Quand la porte pivote sur ses gonds et que Jared se tient derrière, tu sens ton cœur dans ta poitrine faire un curieux virevoltement. Il t’avait pas dit qu’il passerait, il t’avait pas dit qu’il viendrait. T’aimes ça chez lui, pourtant, Nova, la précision millimétrique de vos emplois du temps conjoints. Tu te dis que c’est ça, une relation, finalement, c’est d’être en phase avec un autre sur toutes ces étrangetés secrètes dont on se sait le détenteur.
Là, y a quelque chose de bizarre.
« Jared ? »
Il dit qu’il t’aime et il se penche pour t’embrasser, comme si sa vie en dépendait. A en imprimer de ses crocs un acte de propriété sur le plancher de tes muqueuses. Et toi, agente immobilière, tu lui cèdes volontiers le bail. S’il est ton copain, tu seras sienne, et si c’est de la possession ça te va qu’il soit ton vampire. Le rouge de ton sang étoilé se mêlera avec son prénom, quand le tien se chevillera en suçons sous son col de chemise.

Vous vous appartenez l’un l’autre, ça pourrait pas être autrement.

Soixante-septième baiser
La douleur t’irradie les cuisses comme une preuve de maturité.
On t’avait dit que ça faisait mal, alors t’as été courageuse. T’as gardé les dents bien serrées, sa bouche plaquée contre la tienne comme un bâillon patriarcal. Il paraît que ça va mieux, après. Que ça devient moins douloureux.
Ça n’a pas l’air douloureux pour lui. Ça a l’air bien, quand il se fond en gémissements avant de s’effondrer près de toi. Et tu restes là, yeux au plafond, avec ta douleur dans les cuisses et ton désir dans le bas-ventre.

En vérité, tu te sens sale.
On t’avait parlé d’âge adulte, de destin et d’orgasme intense. Tu te sens juste moite de sueur, et ton innocence est partie avant même que tu réalises. Tu te dis que ça y est, t’es grande, tu l’as fait. Tu t’imagines déjà en parler à tes copines le lendemain, à Scarlett le week-end prochain. Tu l’as fait. T’as fait l’amour avec Jared, couché avec lui, t’as baisé.
Alors pourquoi tu te sens si sale ?

Vous vous appartenez l’un l’autre, ça pourra pas être différent.

Cent treizième baiser
T’es de mauvaise humeur, Nova. T’en as rien à foutre des peintures, des statues et des œuvres d’art ; tu rumines en silence les mots qu’il t’a lancés avant de partir. Tu te plaignais de pas t’entraîner, de perdre en souplesse et en grâce pour trois malheureux jours passés loin de ton cher tapis de gym. Bien sûr, monsieur n’a pas compris. Si t’es pas contente, t’avais qu’à pas venir avec moi.
Et puis, quoi ? Rester si longtemps séparés ? Passer des vacances toutes entières sans faire un projet tous les deux ? Non, ça cadre pas. Vous êtes un couple, un putain de couple, et les couples ça reste ensemble, ça marche sur des promenades bondées, fixant la mer main dans la main. Ça parle de tout, de rien, ça rit, ça se raconte des anecdotes jusqu’au beau milieu de la nuit.
Si vous faites pas ça, vous êtes quoi ?
Jared parle de tombeaux étrusques, et c’est votre accrochage plus tôt que t’aurais envie d’enterrer.
« J’ai pas envie. » tu dis d’une voix neutre. « Mais tu peux y aller sans moi, si tu veux. »
Ton ton ne laisse pas de hasard ; il peut y aller sans toi, c’est sûr, mais ce sera de l’eau à ton moulin et dans ton cerveau du cyanure. S’il veut, oui, mais en fait tu cherches confirmation que ce qu’il veut c’est être près de toi.

Vous vous appartenez l’un l’autre, alors c’est ce que font les gens.

Trois cent quarante-sixième baiser
« Non non, vas y, aucun souci. »
Ta voix s’est chargée de fiel. Aucun souci. Bah oui, aucun souci, qu’il sorte avec sa pote, Jared, c’est pas comme si tu lui avais dit que t’aimais pas trop qu’il la voie. Mais il en fait qu’à sa tête, bien sûr, parce qu’il est trop souvent un je pour réellement être dans le vous.
« En fait, tu sais quoi ? Je sais même pas pourquoi tu me demandes mon avis, vu que tu feras ce que tu veux dans tous les cas. »
Le ton est sans appel, cynique, il n’attend pas vraiment de réponse. Tu t’approches doucement de lui pour l’enlacer avant qu’il parte. Il garde le regard détourné, tu prends son visage dans ta main et le force à ployer vers toi. Jared essaie de résister, mais tes muscles de gymnaste l’emportent et ses lèvres atterrissent sur toi, comme à contre-cœur.
T’essaie de t’infuser sur lui, d’imprégner ton être tout entier sur le tissu de sa peau claire ; que cette conne avec qui il sort sache bien qu’y a pas moyen pour elle.

Vous vous appartenez l’un l’autre, t’en laisseras personne ignorant.

code by underratedboogeyman

Mar 1 Nov 2022 - 15:46

Make my heart your violin

TW : sexisme et sexe

Quatre-vingt-huitième baiser

Tu t'étais jamais remis d'avoir compris le regard porté sur Nova par tes comparses. Tu voulais te sentir supérieur à eux, mais étais tu meilleur, les yeux collés à sa nuque, par rapport à eux sur ses hanches ? Tu voulais te croire dragon parmi les loups, mais tu savais pas quoi faire pour la protéger, comment les punir, comment être le gardien que ta naissance promettait.

T'en venais à te sentir coupable du bonheur de la voir nue le soir, d'autant plus que t'arrivais pas à t'enlever de la tête l'idée que ça lui plaisait pas tant que ça, le sexe. Lui demander ? T'osais pas. Nova devait être heureuse : intelligente et brillante, elle ne resterait pas dans une situation où tout ne lui allait pas. Tu devais te faire des idées, et comme d'habitude tu devais les chasser.

Alors t'as suivi le vieux conseil de ton oncle. Quand tu doutes de sentiments, couvre la de vêtements. Et pour faire d'une pierre deux coups, tu as commandé de la lingerie française chez Aubade. Peut être qu'ainsi vos corps vous appartiendrez à nouveau et plus aux milles yeux extérieurs. Enfin, le seul corps important : le sien. Le tien restait un impensé.

Alors te voilà pour la Saint Valentin, dans ton appartement illuminé à la chandelle, une omelette et un velouté de poireaux que tu as cuisiné, et un ensemble rouge et or empaqueté. Quand elle l'ouvre tu souris timidement :

"Ça te plaît ?"

Cent treizième baiser

Elle veut pas. Ça la saoule. Elle voit pas la beauté dans l'art, Blue, elle voit que la faiblesse qu'elle imagine quand elle s'éloigne un instant de son gymnase. Tu la regardes et tu te demandes si ta merveille se trouve elle-même belle en fait. Si au delà de sa force, sa compétence et son intelligence, elle croit dans tes compliments incessants. Tu fermes les yeux un instant. Bien sûr qu'elle sait : elle est parfaite et géniale, elle ne peut que le savoir, tu te fais des idées.

"D'accord."

Tu poses tes mains sur ses hanches, tes lèvres sur les siennes. Beaucoup trop longuement, beaucoup trop passionnément pour un musée. Les gens vous fixent, mais tu t'en fous. Y'a quelle qui importe. Y'a qu'elle qui soit parfaite, merveilleuse, magnifique et délicieuse. Tu relâche ton baiser avec un sourire, une idée derrière la tête.

"J'ai un musée qui te plaira plus."

Tu l'emmènes en taxi, une main sur les yeux, avant d'arriver devant un stade en périphérie.

"C'est ici que Kerry Strug a battu la Russie d'un point aux JO d'Atlanta en 96. Et normalement ils laissent pas les gens s'entraîner ici mais... bon j'ai trouvé un moyen. Tu sais comment est ma mère et... Le nom Roqrouge ça marche bien…"

Quelques secondes, tu restes silencieux puis tu masques ton demi-sourire pour demander :

"Ça te plaît ?"

Trois cent quarante-sixième baiser

Elle veut pas. Tu regardes le plafond, espérant y trouver un horoscope dans lequel tu crois pas. Les étoiles te mentent de toute façon. Elles disent "aucun soucis" alors qu'elles sont en rage que tu sortes avec Samantha. T'as beau lui dire, pourtant, que la blonde te désintéresse absolument sur tout autre plan qu'amical. Que Nova rayonne bien plus qu'elle, que son bleu chaud te fait fondre plus que tout le reste. Que Samantha t'apporte ce que n'ont pas les autres étudiants en commerce : une âme, une empathie, un engagement associatif, une vision politique. Au milieu des robots corporatifs, des pantins du capitalisme, elle donne de son temps pour les autres avant elle même.

Alors, ouais, tu veux l'accompagner à la soupe populaire parce que ça t'a l'air cool et enrichissant. Mais comment dire ça à Blue sans la faire passer pour une connasse ? Parce qu'elle a le plus beau des cœurs, Nova, tu le sais. Elle est brillante, géniale et intelligente. Elle sait bien qu'actuellement elle se perfectionne pour être celle qui aidera le plus après. Elle a pas ce besoin d'actualité que vous avez avec Sam, et c'est à son honneur.

Tu la sens s'énerver, tu sais que c'est de ta faute. Tu dois la réconforter. Tu fais le trois cent quarante-sixième baiser mais aussi les quarante-septième et toute la décade, comme si t'étais Tite-Live. Tu pars de son front en descendant, couvrant tout ce que tu aimes jusqu'à l'endroit qu'elle aime, jusqu'à poser tes lèvres à l'endroit qui fait se tordre les siennes.

Une fois fini, tu regardes le sol un instant pas très fier de jouer avec ses hormones comme ça. Mais c'est pour elle, c'est pour les gens que tu vas aider. C'est pas pour toi. Pas que pour toi en tout cas. Le visage retourné pour qu'elle ne voit pas ton absence de sourire, tu lui demandes :

"Ça t'a plu ?"

Mar 8 Nov 2022 - 14:57

Make my heart your violin

Nova-Blue | Jared

TW : culture du viol, misogynie intériorisée, relation toxique, bref le Nova-Red n’est pas une relation saine et vous feriez mieux de partir si c’est ce à quoi vous vous attendez

quatre-vingt huitième baiser

quatre-cent trente-trois

Il y a un âge où t’as dû arrêter de croire que si les hommes te regardaient, c’était parce que t’étais musclée. Ils s’en moquent, de tes performances en gym, pendant que tu fais ton jogging en brassière et leggin de sport dans les rues d’un Phoenix désert. T’as dû te rendre à l’évidence : on te regarde parce que t’es belle, et mieux que ça, t’es bien gaulée.
On te laissera pas le loisir de l’oublier, on te laissera pas faire comme si ce n’était pas le cas. Tu te rappelles même plus de l’âge où on t’a abordée dans la rue la première fois, tu te rappelles plus de ta tenue. Tu te rappelles juste ce vague sentiment de nausée, cette envie de courir plus vite pour échapper à leurs regards, et cette violente consternation, que c’était juste la première fois d’une longue série qui se terminerait qu’à ta mort. Ou bien, avant, à ta vieillesse, quand tu seras flasque et ridée au point de plus leur convenir. Alors, tu seras oubliée ; indésirable, à la poubelle.
Ça t’obsède, parfois, Nova-Blue.
Pourtant t’essaie d’oublier ça, d’évacuer ta frustration par des cris muets sous la douche, quand tu laves ta peau avec violence comme si ça pouvait évacuer la trace sale que leurs yeux te font, quand tu y restes trop longtemps, à en ressortir le corps rouge et, comme cramées à la vapeur, les imperfections de ces types.

Tu te dis qu’avec Jared c’est différent, que lui il voit au-delà de ça. Il se contente pas de l’enveloppe, il lit avec délectation les arabesques de la lettre qu’est ton cœur adressé au monde. T’as le cœur battant quand tu le vois, et c’est pas la peur qu’il t’attrape et qu’il te laboure de ses griffes. Quand tu te douches après l’amour, c’est pas pour effacer ses mains, juste pour les infuser sur toi à mesure que l’eau rejoint le siphon.
C’est la Saint Valentin, et quand tu déballes ton cadeau c’est comme un coup de poing dans le ventre. Bien sûr. Il allait pas t’offrir un traité de théologie, ou un bijou, ou quoi que ce soit. C’est de la lingerie, pour toi, dans cette couleur que tu détestes.
Alors tu ravales ta rancœur et le dernier pan d’innocence que t’avais conservé se brise.
« O-oui, c’est parfait. T’es parfait. »
T’as pas le droit d’être plus qu’un corps, et c’est pas toi qui choisiras.

cent-treizième baiser

quatre-cent huit

Tu pourrais délaisser ton âme dans ce baiser au cœur des foules, mais tout ce que t’as derrière la tête c’est à quel point tous les passants doivent penser des horreurs de vous. T’es gênée, et t’aimerais bien te dégager si t’avais pas la certitude que c’est pas ce qu’on attend de toi. Alors tu te laisses faire, un peu. Tu te laisses faire quand il t’embrasse, tu te laisses faire quand il t’emmène, l’anxiété nouée dans la gorge avec ton malaise sous-jacent.
Et puis …
Et puis il te parle des JO d’Atlanta, et les nuages sombres de tes sourcils semblent s’éclaircir pour le toucher. Pourquoi tu lui en voulais, déjà ? T’as oublié, complètement zappé, comme si ça n’existait même pas.
Vous êtes heureux, tous les deux, non ?
Oui, vous êtes heureux, et tu te raccroches à cet instant comme à une bouée dans la houle. Ton sourire éclot sans le vouloir, vient crevasser ton visage fin en même temps que ces instants gris qui semblaient vous décolorer.
« T’es vraiment parfait, Jared. Je t’aime. »

trois cent quarante-sixième baiser

cent soixante-quinze

Le baiser s’enfonce dans ta gorge et descend le long de ton corps. Il ignore les imperfections, les muscles noués, la routine, qui crèvent ton corps à petit feu. Il ignore ta colère qui gronde, un volcan menaçant de vomir ; le seul relief qui l’intéresse et celui de ton mont de Vénus.
Tu mets une fraction de seconde à te demander pourquoi donc ses lèvres qui étaient sur les tiennes se retrouvent soudainement sur d’autres, avant que la marée t’assaille, que tes mains se noient dans ses cheveux pour y faire des nœuds tous entiers des disputes que vous n’aurez pas. Les mots sont partis à la benne et laissent la place à ce tango que vous avez déjà mené contre tous les meubles du monde, inséparables des fureurs qui vous jettent dans les bras de l’autre.

Tu sais plus comment tu te sens, tes sensations sont verrouillées et tes émotions interdites. T’as l’impression d’être un cadenas qu’il ouvre sans avoir la clé.
Essoufflée et perdue, tu glisses.
« Je … Ouais. C’était parfait. »
Même si tu te demandes pourquoi y a que comme ça que vous vous parlez.

cinq cent quatrième baiser

dix-sept

Deuxième. Putain, t’es arrivée deuxième. On te demande de monter sur le podium, mais pas pour prendre la première place. On te demande de ravaler ton venin et de prendre la médaille d’argent, d’avoir un sourire de façade pour congratuler Beatriz. On te demande de rester droite, de pas souiller ton justaucorps avec l’amertume sur ta langue.
Deuxième, t’es arrivée deuxième et Jared était au premier rang. La seule fois où il se libère pour venir te voir depuis des semaines, c’est celle où tu arrives deuxième. Est-ce qu’il choisit bien son moment ou bien est-ce-que c’est toi, Nova, est-ce-que c’est toi qui te sabotes pour qu’il puisse mieux te consoler ?
Deuxième, et t’as perdu le contrôle. De ton corps, de ta vie, de tout.

Quand tu le rejoins en coulisses, il a cet air admiratif que tu lui reconnais parfois, et tu l’embrasses du bout des lèvres sans même le loisir d’y penser. Il te parle, mais t’écoutes même plus, tu penses juste à cette dindonne sur la première marche du podium et tu te demandes pourquoi elle, pourquoi pas toi, pourquoi pas toi.
Jared va pour passer un bras autour de tes épaules, tu dévies sans même réfléchir.
« Pardon. Mais … me touche pas. Faut que je redescende en pression. »
La vérité c’est que quand il te touche t’as cette furieuse envie de fuir, comme si quelque chose n’allait pas sans que tu puisses vraiment dire quoi. T’as envie de serrer les cuisses, serrer les lèvres, serrer les mains, mais tu continues à rien dire parce qu’il y a pas grand-chose à dire.
Qu’est-ce qui cloche, chez toi, Nova ? Pourquoi tu supportes pas ça ? C’est ton copain, bordel de merde, celui à qui tu dois tellement, et qui te doit tellement aussi. Pourquoi ça t’écœure, ses gémissements au milieu de la nuit, pourquoi t’as envie de hurler quand tu sens sa sueur sur toi ? Tu refuses ce que ça dit de toi, alors tu continues à accepter, à te laisser faire, à faire aussi, à feindre le désir quelquefois et la jouissance bien trop souvent.
C’est autant de coups de gomme sur toi, et tu te dis que ta couleur, elle partira pas au lavage. Mais si tu continues à frotter, si tu y mets ton énergie, peut-être qu’à un moment, Nova, tu cesseras d’être imparfaite.

dix-sept avant la fin

code by underratedboogeyman

Ven 25 Nov 2022 - 18:32

Make my heart your violin

TW et note d’intention : ceci est un petit peu de mims dans une relation toxique, ça n’annule pas la toxicité ou les TW précédents

Cinq

« Non, désolé, je viens pas ce soir ! (…) Bah écoute, « connard » toi-même en fait, moi je reste là. (…) Oh non, trop triste, je vais louper une soirée avec de la bière, c’est vraiment que c’est si rare la bière. Tu sais ce qui est rare, c’est… Euh, je te laisse. »

Nova-Blue vient de rentrer et tu ne veux pas qu’elle sache que c’est pour elle que tu restes ici. Tu sais que sa dernière compétition l’a pas mal chamboulée alors tu veux t’occuper d’elle. Lui faire penser à autre chose, autant que possible. Et, clairement, Nova ne s’amuserait pas beaucoup à une soirée étudiante, alors autant se poser sur le canapé avec la personne qu’ils aiment le plus. Certains râleraient de « castration », d’ « emprisonnement » ou quoi. Pas toi. Jared et Blue, ensemble sur un canapé, c’est ton idée du bonheur. Alors tu l’embrasses pendant de longues secondes, pour rattraper le temps séparé.

« Ça allait ta journée mon étoile ? »

Quatre

Après le sport et les études, un chili végétarien est le meilleur plat pour reprendre des forces. Tu calcules les bonnes proportions de vitamines et de protéines nécessaires pour ta belle, avant d’asperger le tout d’épices. Pendant que ça cuit, tu lui verses un thé glacé que tu as préparé pendant l’après-midi (noir fruité, avec un peu de sucre mais pas trop et un zeste de citron) et tu poses à nouveau tes lèvres sur les siennes, comme par habitude. Ça t’empêche de les ouvrir pour dire des choses qui l’agaceraient ou la fatigueraient. Après des journées comme celle là, il vaut mieux être silencieux.

Trois

Le repas mis dans des bols, vous vous placez devant la télé, couchés l’un sur l’autre. Sa tête sur ta poitrine, ta main sur sa hanche, ses cheveux dans ton horizon, le bleu contre le rouge et le violet n’a jamais semblé aussi beau. Avec un baiser de plus, tu demandes : « Tu veux regarder quoi ce soir ? Une sitcom ça te va ? »

Deux

Alors que le générique se lance, tu masses Blue. Elle t’en as appris des muscles où elles a des douleurs et que tu peux guérir. Toi, c’est les zygomatiques qui ne se relâchent jamais tant elle te rend heureuse. La plupart du temps. Avant de vous coucher, vous faites un dernier baiser.

Un.

Une dernière chance.

Make my heart a violin / Nova-Red