Le soleil me tapait sur la gueule, comme c’était le cas depuis une semaine. Il tentait de s’infiltrer par tous les pores de ma peau, par mes yeux, par les fibres capillaires, par tous les moyens. Mes poches sous les yeux sont violettes, et j’aimerai pouvoir fièrement dire que c’est de la fatigue des grands travailleurs de ce monde. Je pourrai travailler pendant des heures, faire des semaines de 50h, voir peu de monde mais me rouler dans le mérite.
J’ai des colliers de perle sans creuser les sillons, des matelas financiers sans la sueur, et je constate qu’à bientôt trente ans, je peine à savoir ce que je vais réaliser, dans ma vie.
I cry at the start of every movie
I guess 'cause I wish I was making things too
But I'm working for the knife
I guess 'cause I wish I was making things too
But I'm working for the knife
La Nouvelle-Orléans me tape sur la gueule, à coup de lendemains de soirées confus, de regrets murmurés derrière des comptoirs et de perdition professionnelle. J’ai toujours l’amertume des bons scotchs sous la langue, et l’adhésif de mes erreurs dans le dos. Je regarde les remous de la mer, et elle est plus agréable que celle de Seattle. Il fait moins froid, mais j’ai pas de phare à suivre des yeux, pas de chemin ni de jetée dans lesquels me jeter. Au loin, j’espère qu’elle viendra poser sa serviette, ma happy ending, qu’elle ait des enfants ou non. Je lui dirai à mi-mots que c’est pas réellement celle que j’attendais, ni même celle que je voulais. Ça serait celle dont j’avais besoin pour dix jours, comme toujours. Je constaterai que l’utilité amoureuse, c’était vite remplaçable avec quelques scénarios imaginaires, et j’irai de nouveau lever les yeux au ciel avec des sourires rêveurs.
I used to think I would tell stories
But nobody cared for the stories I had about
No good guys
But nobody cared for the stories I had about
No good guys
Je dois aller à un mariage demain. Il est à Los Angeles. J’avais hâte.
Je mentais.
J’y allais sans réelle raison. C’était une nouvelle ville dans laquelle me perdre, puisqu’aucun endroit me semblait adapté. J’étais dans aucune boîte de puzzle, et la Nouvelle-Orléans me l’avait fait douloureusement constaté. J’ignore dans quels caniveaux je n’ai pas chanté, et j’ai la mémoire courte de mes réveils. Des horloges dans le crâne, les aiguilles percent mes joues et m’indiquent que c’est le moment de changer.
J’y allais sans réelle raison, ou peut-être celle de trouver des désespérées, aussi. Il allait y avoir beaucoup de monde. On me cracherait des bonheurs à la gueule, accompagnés de ça va polis. Je hocherai la tête. Si je fermais les yeux, je pourrai presque m’imaginer que c’était mon mariage, que j’étais à ma place, dans ma boîte, et que j’invitais dix milles autres pièces à venir se greffer à mon beau paysage.
La mer chante et revient en arrière, et elle n’est pas très inspirante à revenir toujours dans son écume.
I always knew the world moves on
I just didn't know it would go without me
I start the day high and it ends so low
'Cause I'm working for the knife
I just didn't know it would go without me
I start the day high and it ends so low
'Cause I'm working for the knife
Certainement qu’ils avaient de jolis projets de maisons de campagne. Ils s’étaleront sur une soirée douloureuse, et j’aurai la tête pleine de leurs histoires pour créer les miennes. J’étais un conteur étrange, l’imagination trop débordante, les yeux qui me trahissaient constamment.
Je dirai que j’ai défendu la veuve et l’orphelin, quand on me demanderait pour mes coquards. Je tairai que la veuve chialait encore son mari mort et que l’orphelin était trop vieux pour avoir un père. Je comprenais les deux, et me dirait que les mains dans les poches, c’était plus pratique en été parce qu’on en avait pas d’autres à tenir pour nous les chauffer. J’aurai fais une entrée peu remarquée, et finalement, tout le monde retournerait dans leurs villas familiales, et j’irai me noyer dans des cocons de monarque en attendant de fonder mon royaume.
I used to think I'd be done by twenty
Now at twenty-nine, the road ahead appears the same
Though maybe at thirty, I'll see a way to change
That I'm living for the knife
Now at twenty-nine, the road ahead appears the same
Though maybe at thirty, I'll see a way to change
That I'm living for the knife
J’ignorai quel changement faire. Je traînais mes haillons dans les sillons sablés. Il y avait ce temple dans le vieux quartier. J’avais oublié le Seigneur durant ces derniers jours, et je m’étais surpris à comprendre certains hérétiques. Si l’Apocalypse revenait, je l’accueillerai les mains ouvertes. Après tout, ça serait toujours un évènement pour fêter mes presque trente ans, et j’aurai désespéramment quelque chose à raconter. Sûrement que j’espérais la provoquer, secrètement.
J’aurai accompli quelque chose. J’aurai fais trembler les mœurs, la Terre entière, peut-être.
Peut-être que si le Jugement Dernier se la ramenait demain, ça m’arrangeait, au fond. J’aurai pas à aller à Los Angeles, fréquenter l’enfer. Témoigner de leur réussite était une profonde défaite, et ma poitrine battait dans le vide à cette pensée.
« Seigneur. » Son nom coule le long de mon menton dans un liquide poisseux. « Je viens à Toi fatigué. »
J’énonce des grandes liturgies, des formules toutes faites. Ainsi, sûrement que j’y verrai aucune lamentation personnelle, rien de réellement dramatique.
Tout allait bien.
J’étais chargé d’une énergie nouvelle, avec mes cernes violettes, mes bleus jaunis et mes rouages rouillés.
Mon regard compte le nombre de pavés au sol, et je me demande elle est où, ma relation privilégiée avec Lui. S’Il était là, présent pour ses fils, pourquoi j’étais déviant depuis des jours, à voguer sur des vagues trop puissantes, à bouffer de l’eau salée et à m’étouffer avec des coraux. Si les autres m’abandonnaient, j’étais persuadé que Lui, Il serait omniscient, toujours là pour veiller sur moi.
Lentement, je remarque que mes genoux sont sous mon menton, et que c’est une position inconfortable, en plus d’être inadapté au lieu. J’étais dans sa Maison, et j’espérais qu’Il me voit, recroquevillé.
« Aide moi. »
L’autel est blanc, et je me demande qui de nous est le plus translucide à ce moment précis. Mon sourire se noie aussi et mes poignets sortent de l’eau pour tenter d’attraper des mains. Sûrement qu’en tant qu’Apocalypse, on viendrait aider des pauvres âmes, puisqu’on devait prendre soin de tous les blessés.
J’ai honte de mes pensées, qui s’entendent au-delà de mon crâne dans ce temple trop grand et vide pour moi. Je me crois dernier croyant de la Nouvelle-Orléans, et mes prières ont des teintes trop rouges à mon goût. J’étais sensé être un putain d’orange niais, et je deviens un putain d’incendie prêt à tout pour briller trop fort, brûler trop fort, cramer trop fort, chopper le bleu des hautes températures et me confondre avec des mariages imaginaires.
« Je doute. Je sais pas quoi faire. Je m’en remets à Toi. Aide moi. Aide moi. Aide moi. Pitié. »
Le soleil me tapait sur la gueule depuis des semaines, et j’espérais que ce soit l’unique raison de mes écarts. Je regarde l'autel, et je murmure du bout des lèvres.
Dis moi, elle est où, ma putain de happy ending ?
I always thought the choice was mine
And I was right, but I just chose wrong
I start the day lying and end with the truth
That I'm dying for the knife
And I was right, but I just chose wrong
I start the day lying and end with the truth
That I'm dying for the knife