Je lève les yeux au ciel, mais celui-ci est bouché par le toit de la voiture de police. Elles sont propres, les caisses de la maréchaussée de l’état de Washington, par rapport au sable qui recouvrait souvent celles de l’Arizona. Les hommes en bleus, eux, sont les mêmes, et me ferait regretter la couleur de mes cheveux. Les regards toujours aussi froids que les menottes et j’ai l’impression de me retrouver face à une meute de brutes du collège. Une meute à qui on aurait donné des armes, un droit de tuer et une idéologie désignant une cible unique : les personnes qui me ressemblent.

C’est toujours le même scénario, comme dans une mauvaise série CW. L’exposition : une jeune femme noire (moi, si vous suivez pas) rejoint un cercle de combat clandestin pour maintenir ses compétences sportives tout en défoulant les émotions négatives entretenues par une vie de misère et de déceptions. L’organisation est illégale mais repose sur des codes, un honneur et une légitimité interne. Tout se passe bien. Mais vient l’élément perturbateur : une balance. Souvent un type déçu, un frustré qui s’est pris une raclée. Il appelle la police qui vient pour tout fermer.

Et là, les personnages jouent toujours les mêmes rôles. Les mecs repartent avec une petite tape dans le dos. Il faut bien que jeunesse se fasse, et que les hormones masculines se défoulent, pas vrai ? Et puis, souvent, les amateurs de violence sont souvent bien présents chez les forces de l’ordre. Les femmes, c’est plus compliqué. C’est louche une nana qui veut se battre, alors on pose plus de questions. Et quand la femme est d’une couleur qui leur plaît pas, a un accent qui leur plaît pas et vit dans un quartier qui leur plaît pas, les menottes arrivent : direction le poste.

Et je me retrouve sur la banquette arrière d’une voiture de police, à regarder les types qui se battent aux poings américains et à la batte de baseball cloutés partir tranquille, alors que moi qui voulait seulement faire de la MMA sans payer l’abonnement à un club n’est pour compagne que des muettes menottes. Mes menottes et un policier, à l’avant. Il m’a pas encore parlé mais je ne peux que supposer qu’il est du même tissu que le reste. Plus par dépit que réel défi, je lui lance :

« Et alors, madero, t’es pas sensé me lire mes droits ? Ou tu fais ça qu’à la carte, selon les quartiers où vous arrêtez des gens au pif ? »

Je passe sur l’illégalité de mes actions, l’injustice ne fait que ressortir de toutes mes pores la colère et la déception que j’espérais écouler dans un sport de combat. Pas un seul instant je ne pense que cet homme peut faire partie des bons.