Rock you like a hurricane ◬ Aurore & Serena

Sam 3 Sep 2022 - 17:16

Rock you like a hurricane

Aurore & Serena

Une longue inspiration suffit à remplir les poumons d’Aurore.
Les nuages tracent dans le ciel de longues stries mauves, violettes, oranges ; les nues de Seattle ressemblent à un camaïeu cotonneux de rayures désassorties. Debout sur le toit d’un immeuble, la petite blonde fixe l’horizon, cherchant par quel côté viendra l’invitée qu’elle attend ce soir.
Elle déteste les portails, alors elle lui a fait comprendre que c’est elle qui ferait les trajets. Pas que ça à foutre d’avoir le mal de mer à chaque fois qu’elle doit traverser le pays pour voir son amie. Et de toute façon, elle, ça la dérange pas. Ça la dérange pas de prendre des portails pour rejoindre Aurore, ça la dérange pas d’utiliser ses pouvoirs, non plus. En fait, peu de choses la dérangent. Pas même l’idée que son nom de famille, lancée en pâture à tout le monde, soit souillé parce qu’elles font ensemble, dans les rues mornes, la nuit tombée, quand les regards se sont éteints.

T ou ?

Elle pianote une seconde sur son telephone, avant de se reconcentrer sur la soirée qui se profile. La capuche de son sweatshirt noir lui recouvre entièrement le front, allant jusqu’à effleurer ses cils lorsqu’Aurore regarde vers le haut. Dans son sac, elle a rangé des bombes de toutes les couleurs pour écrire ses maux sur les murs à coup de secouages intenses. Les petites billes de métal font du bruit à chaque fois qu’elle remue un peu, mais c’est pas grave ; pas réellement.
Lorsque Serena arrivera, elles parcourront la ville à deux en courant comme des imbéciles. Elles peindront sur les murs leur rage face un monde exaspérant qui a décidé d’être injuste. Elles déclencheront toutes les alarmes des voitures qu’elles pourront croiser, courront jusqu’à plus en pouvoir dans les rues de la ville nocturne, elles riront à s’en fendre les côtes de leurs conneries et leur jeunesse.

Parce que, toutes les deux, elles sont libres.

Elles ont pour elles l’âge de raison qui n’est pas si loin dans leurs dos, les francs sourires d’adolescentes qu’on n’oserait pas leur refuser. Elles ont le monde sous leurs bottines, leurs sneakers et leur volonté. Elles ont faim, une faim de louve, de moments passés à lutter, à faire sortir toute cette colère du médaillon de leur poitrine. Alors elles vont faire mal, ce soir. Elles vont frapper, elles vont lutter ; hors de question que l’univers les crève sans qu’elles aient tout tenté. Et lorsqu’elle auront assez joué dans la ville comme un terrain vague pour exprimer leurs insouciances, elles reviendront sur ce même toit, des cigarettes entre les lèvres, pour voir le soleil se lever avec des crépitements oranges.
Un bruit retentit derrière Aurore. Immédiatement, une volte-face suivie d’un lancer du bâton que la frenchie tenait en main. Serena se tient là-debout, dans la trajectoire de l’objet. Aurore lui jette un regard clair, de ces regards qui veulent sourire.
« Putain, j’ai failli attendre. »
Toujours bourrue, jamais sincère, parce que ça lui fait un peu peur de se dire qu’un jour tout changera, que Serena prendra ses bombes pour aller taguer d’autres murs, que leur amitié se perdra dans les méandres du quotidien. Ça lui fait un peu peur de songer que si un jour elle ouvre son cœur, l’endroit fera pas exception ; comme tous les autres endroits du monde, la dragonne le vandalisera. Alors il reste, là, dans ses côtes, bien enfermé à double tour. Savourant l’air si parfumé d’une ville qui n’attend que leurs jeux.

Parce que, toutes les deux, elles sont libres.

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Mar 8 Nov 2022 - 23:43

Rock you like a hurricane

Serena prit une grande inspiration et sauta à cœur joie dans le portail doré qui crépitait devant les grilles du Sanctuaire Riverwood. Il était tard, la nuit était sombre, et la dragonne était comme un chat qui se faufilait entre les ombres.

En regardant le manoir, elle se dit qu’elle était bien contente d’avoir trouvé un endroit où elle voulait véritablement revenir après ses escapades nocturnes. Mais la jeune dragonne restait un animal sauvage jamais vraiment apprivoisé et elle avait besoin d’aventures secrètes hors de son cocon familial.

Et sa compagne lors de ces nuits était Aurore. Malgré son prénom poétique, c’était elle aussi une créature de la nuit. Une rencontre fortuite, et depuis Serena était devenue dépendante de son énergie pleine de rage.

Avec elle, elle se sentait libre.

A peine eut-elle posé le pied par terre qu’elle dégaina son téléphone pour avertir son amie qu’elle était arrivée. Minuit pile, elle était en avance, dans le sens où elle était pile à l’heure. Mais apparemment, Aurore était encore plus en avance puisqu’elle l’avait devancée en envoyant un sobre « T ou ? », ce qui arracha un des rires francs de la dragonne.

Elle releva la tête juste à temps pour attraper le bâton lancé par la blonde. Heureusement que depuis qu’elle s’était transformée en dragonne, ses réflexes s’étaient améliorés, sinon elle aurait probablement perdu un œil. Ç’aurait été dommage, surtout vu l’activité qu’elles avaient prévue pour cette nuit. Serena était venue avec ses bombes de peinture. Elle ne savait pas exactement lequel de ces immeubles ou bâtiments moroses elles allaient améliorer, mais elle était prête à y passer la nuit, à suivre les pas de son amie jusqu’à l’aurore, à tenir la plume qui écrirait leur histoire.

Et t’as failli crever mon œil, aussi, fit Serena sur le même ton qu’Aurore en secouant le bout de bois devant son visage à peine éclairé par le lampadaire de la rue.

Malgré la lumière faiblarde, la dragonne vit le beau sourire malicieux de la jeune femme qui la contamina rapidement. Elle était heureuse d’être là, avec elle.

Il lui semblait que les ruelles inquiétantes leur appartenaient, et qu’elles pourraient prendre toute la ville avec leurs bombes multicolores et leur énergie de jeunes femmes qui voulaient prendre leur revanche sur la vie.

Je suis prête, lança-t-elle, en levant les bras comme si elle tenait deux épées et en faisant tournoyer les contenants métalliques entre ses mains.

Elle les accrocha ensuite à sa bandoulière et se sentit forte de tous ses accessoires. Cela lui permit aussi de libérer ses mains pour prendre celle d’Aurore dans la sienne et l’entraîner loin du portail et plus profondément dans la nuit.

On commence par quoi ?

Toute la ville est à elles, elles n’ont qu’à choisir, toute leur vie est devant elles, elles n’ont qu’à se prendre par la main et plonger la tête la première. Parce que toutes les deux, elles sont libres.

@Aurore Lecomte

Lun 21 Nov 2022 - 15:21

Rock you like a hurricane

Aurore & Serena

La nuit, tous les chats ne sont pas gris ; tous les humanoïdes non plus.
Serena est une déflagration de couleurs. Même s’il fait nuit, même s’il fait noir, même si la ville toute entière est nimbée de cette aura presque inquiétante du soleil qui s’en est allé, elle projette dans la vie d’Aurore des aquarelles multicolores. Rien qu’à ce sourire franc qu’elle a en évitant son projectile, rien qu’à cette manière ridicule de secouer les bombes de peinture dans ses mains. Comme si elles étaient de super-héroïnes prêtes à sauver la ville en faisant voler leurs cheveux blonds comme des capes derrière elles, attendant le matin.
Elles ne sont pas des héroïnes. Elles sont solitaires, à elles deux, étendant leurs ailes de papier pour vaincre la grisaille ambiante.
Aurore balance son sac sur son épaule et tend une main à Serena.
« Viens. » qu’elle lui lance, toujours l’air fermé.

Pourtant, qui la connaît vraiment saurait déceler dans l’œil d’Aurore ce scintillement caractéristique. Celle du jeune animal qui joue, du chaton qui vient coller sa truffe humide contre la joue de son adelphe.
Et un peu plus que ça, peut-être. Parce qu’elle a le cœur qui bat vite, et ce n’est pas seulement la nuit. Parce qu’elle a les mains qui sont moites, et c’est pas seulement les bombes froides. Parce qu’elle a les joues qui rosissent, et c’est pas à cause de leurs tags. Elle fait comme si elle ignorait les signes, mais y a une partie d’elle qui sait.
Quand la main de la dragonne se glisse, paume contre paume, entre ses doigts, Aurore commence à courir presque dans les ruelles mal éclairées. Direction la ruine qu’elle a vue en venant, avec ses murs en pierre taillées à moitié détruits et déjà recouverts de peinture. L’endroit est suffisamment éloigné du centre pour que la lumière dégueu des lampadaires les atteigne pas. Aurore sort de son sac une lampe frontale qu’elle cale sur son front adolescent, l’allume et regarde Serena.
Elle doit carrément l’éblouir, à lui foutre ça dans la gueule ; on dirait que ça la gêne pas.

Dans le blanc cru de la petite diode, la dragonne rutile d’idées folles ; Aurore peut pas trop s’empêcher de laisser un sourire glisser contre les commissures de ses lèvres. L’endroit est beau, ancien, cassé ; tout ce qu’elles aiment, tout ce qu’elles décorent avec leurs bombes qui n’explosent pas. Joueuse, Aurore sort du bleu azur et commence à la secouer.
« Une sirène ? T’en dis quoi ? »
Le pschiiiiit caractéristique de la peinture succède à son questionnement. Elle n’attend pas vraiment d’avis, Aurore, et se retourne vers le mur pour le recouvrir de bleuté. Elles commenceront par le fond avant de peindre chaque écaille.
La blonde n’ose pas vraiment se dire que si elle propose ce dessin, c’est un hommage à son prénom. Parce que c’est plus facile de se taire que de parler, quand elles sont deux.

Et puis, elle a le cœur qui bat trop vite, et ce n’est pas vraiment la nuit.

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Dim 29 Jan 2023 - 14:32

Rock you like a hurricane

Toutes les appréhensions de Serena liées à la nuit s’envolaient petit à petit, comme des oiseaux effrayés à la vue d’un chat. Ce soir, c’étaient elles les prédatrices de la nuit, armées de leurs bombes multicolores. La ville ne résisterait pas, tout comme la dragonne ne résista pas à l’envie d’attraper la main d’Aurore et ne la lâcha que quand il fallut, et pas une seconde plus tôt.

Car son cœur battait très vite. Elle pouvait se dire que c’était la course, l’adrénaline, les relents du passage de portail, peut-être. Mais elle se connaissait aussi, et elle savait que ce n’était pas que ça.
Les deux femmes coururent en silence, pour ne pas se faire repérer, et peut-être pour profiter un peu plus de ce moment suspendu. Avec Aurore, Serena se sentait comme si elle venait de mettre le pied dans un univers parallèle, comme si elle n’était plus une dragonne au lourd passé, une gardienne aux lourdes responsabilités. Comme si tout ce qui comptait, c’était maintenant, l’œuvre qu’elles allaient laisser découvrir aux habitants de la ville le matin venu.

La dragonne n’avait même pas envie de jeter un coup d’œil aux ruines où son amie l’a emmenée. Elle voulait seulement regarder Aurore, même aveuglée par une lampe frontale beaucoup trop grande pour elle.

Elle se mit à rire pourtant, en mettant elle aussi une gigantesque lampe frontale qu’elle avait volé aux hommes du chantier près du Sanctuaire Riverwood. Il était bien trop grand pour son front et l’aveuglait presque. Mais qu’importe.

Une sirène ? Je pensais que t’aimais pas ça. Tu trouves pas que y a pas assez d’histoires qui parlent des sirènes ? Y a tellement de choses à dire sur elles pourtant… Bon allez, une sirène avec des écailles bleues, ça me paraît parfait.

Serena ne jette pas un regard vers Aurore pour ne pas se laisser déconcentrer par ses grands yeux. Elle s’accroupit face au mur le plus lisse de la ruine, et commence à appliquer minutieusement la peinture.

Bon, désolée, ça va être un peu moche au début.

D’un naturel impatient, la jeune femme détestait cette étape de la création où le début est informe et ne ressemble à rien. Et surtout devant Aurore, qu’elle voulait impressionner. Petit à petit pourtant, la queue de la sirène prit forme, et quand Serena releva la tête, elle vit que sa compagne de bêtises s’était attaquée à la tête.

Ils ont pas intérêt à effacer ça, demain. Ça va être une œuvre d’art.

Effectivement, le visage dessiné par Aurore était très fin pour une œuvre à la bombe de peinture presque vide. La dragonne ne put s’empêcher de siffler d’admiration, suivi d’un rire pour se faire pardonner son indiscrétion.

C’est vraiment super beau, Aurore.

Comme tout ce que tu fais, tout ce que tu touches, pensa Serena sans oser le formuler. Elle n’avait pourtant aucun mal à complimenter ses amies d’habitude, ou à draguer les belles femmes en boîte. Mais Aurore était un oiseau de nuit qu’elle doutait pouvoir attraper, tellement elle ne voulait pas la perdre.

@Aurore Lecomte

Âge : 20 ANS (26/06/2001) ◬ trop jeune pour tout comprendre

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Aurore & Serena

Elle ne lui dit pas, que si elle dessine une sirène c’est en hommage à son prénom. Serena, ça ressemble un peu à sirène, selon comment on le prononce. Peut-être qu’elle le prononce pas de la bonne façon, alors. Elle se mord les lèvres pour se taire lorsque, soulagée, elle voit la dragonne se saisir d’une bombe de peinture bleue pour commencer à dessiner.
Leur mécanique est bien rôdée : Serena pour les grandes surfaces, Aurore pour les détails plus fins. Elles s’allient à la perfection, un mélange de rigueur et de créativité.
Pendant un long moment, aucune d’elles ne parle ; elles se contentent de quelques regards échangés entre deux traits de peinture en bombe. Aurore a lu quelque part que la différence entre une bonne peinture et une très bonne peinture se résume à cinq traits. Dès lors, est-ce qu’il faut se contenter d’une bonne peinture en ayant la certitude qu’elle est bonne, ou faut-il prendre le risque de tout gâcher, mais de tout sublimer aussi ?
En dessinant le visage de la sirène, Aurore pense à cette histoire de traits. Sa relation avec Serena est bonne, mais elle a trop peur de prendre des risques en ajoutant cinq traits de plus, cinq traits qui formeraient trois lettres ILY. Alors elle ne fait rien, elle se contente de ces instants grappillés, de cette jeunesse cambriolée qu’elles arrachent à leurs quotidiens. Elle se contente de l’adrénaline tandis qu’elles courent au cœur des rues à s’en éclater les poumons, de l’odeur abrasive de la peinture qui se loge sur les murs de pierre.
Elle préfère se contenter de ça plutôt que de risquer de tout perdre.

La blonde fait un pas en arrière pour contempler son œuvre, juste à temps pour que la remarque de la dragonne lui arrive au milieu du cœur. Instantanément, pour ne pas rougir, elle dévie le compliment.
« Bah, j’étais pas toute seule à graph. On a fait ça à deux, Nana. »
Alors qu’elles échange un sourire complice, une nouvelle sirène se profile ; c’est celle d’une voiture de police qui vient arriver derrière elle, projetant des flashs bleus et rouges sur leur œuvre à peine achevée.

« Merde ! » glapit Aurore, comme un renard dans un collet. « Viens, faut qu’on parte ! Maintenant ! »
Sans réfléchir, elle glisse ses doigts dans ceux de Serena et l’attire à sa suite. Elles courent, toutes les deux, pour sortir des vieilles ruines taguées. Elles courent dans les ruelles grises qu’elles ont déjà croisées plus tôt, elles courent jusqu’à ce terrain vague dont elles ont fait leur forteresse.
« Viens ! »
La joueuse de rugby commence à grimper dans l’un des arbres les plus imposants de l’endroit, prenant parfois un peu de temps pour aider Serena derrière elle. A l’abri des épais feuillages, elles seront cachées des regards. Elles ne montent pas très haut avant qu’Aurore ne sélectionne une fourche particulièrement large et ne s’asseye, dos au tronc, les jambes de part et d’autre d’une branche, les pieds balançant dans le vide.
Lorsque Serena la rejoint, elle éclate d’un rire sonore face à leurs aventures du soir. Un genre de rire irrépressible qui rend le monde un peu moins fade, les rues un peu moins grises et les portails moins menaçants. Elle rit durant de longues minutes, sans parvenir à se calmer, avant d’enfin reprendre souffle et de dévisager son amie.
« Tout va bien ? »

code by underratedboogeyman

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Serena ne savait pas pourquoi Aurore avait choisi de représenter une sirène, sur leur fresque. Elle ne lui avait pas parlé plus que ça de son obsession pour ces créatures, ennemies de sa race. Elle avait l’impression que son amie était passablement gênée quand elle mentionnait les races surnaturelles, et finalement, ça lui allait bien comme ça.

Avec Aurore, elle se sentait normale, elle pouvait laisser derrière elle les conflits, les soucis de famille, d’argent, de statut. Avec Aurore, la vie avait l’air d’être une aventure sans fin où l’on a jamais à grandir. Avec Aurore, elle se sentait bien.

Elles se faisaient peu de compliments, toutes les deux. Leurs regards étaient souvent assez éloquents. Mais il était impensable pour Serena de ne pas exprimer son admiration. Cependant, en croisant son regard brillant dans la pénombre, la dragonne commençait à se demander s’il n’y avait pas d’intention cachée derrière ce compliment. Est-ce qu’on a autant envie de passer du temps avec une amie ? Est-ce qu’on a autant envie de plaire à son amie ? Est-ce qu’on a autant envie de lui prendre la main et de ne jamais la lâcher ?

C’est en tout cas la seule chose à laquelle elle pense, alors qu’elles sont toutes les deux pourchassées par une voiture de police. L’excitation de cette poursuite ne fait qu’ajouter à son trouble ; et elle s’imagine un peu qu’elles sont Bonnie et Clyde, deux bandites qui vivent leur vie en dépit des autres et des lois.

Quand elles arrivèrent à l’arbre, Serena grogna un peu. Elle détestait l’effort physique, et surtout grimper. Mais la main tendue d’Aurore ne se refusait pas, tout comme la promesse de se retrouver en hauteur, à toiser le monde d’en bas avec son acolyte.

Elles furent prises d’un fou rire en même temps, électrisées par le sentiment de toute puissance d’avoir pu échapper au monde, perchées dans leur sanctuaire, même si Serena n’avait pas complètement repris son souffle. Sa Bonnie à elle sembla le remarquer.

Je fais rarement autant de sport, tu sais. Franchement, je pense que pour personne d’autre j’aurais couru autant.

La dragonne laissa quelques minutes de silence passer, pour qu’elles s’installent dans cette réalité qu’elle venait d’installer. Oui, elle tenait à elle. Oui, elle avait envie d’être avec elle, et les lumières de la ville semblaient plus scintiller à mesure qu’elles se rapprochaient.

Dis, Aurore… Est-ce que tu penses que ce serait la pire chose du monde si… on s’embrassait ?

@Aurore Lecomte

Âge : 20 ANS (26/06/2001) ◬ trop jeune pour tout comprendre

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Aurore & Serena

Est-ce-que tu penses que ce serait la pire chose du monde si on s’embrassait ?
L’uppercut dans le bide, les organes qui jouent au yoyo pour faire des claquettes dans son corps. Le souffle coupé sans raison, la violence des révélations qui taillade et tranche dans le vif. Aurore aimerait bien se dire que si elle est essoufflée, c’est parce qu’elles ont couru trop vite ; que si ses joues sont empourprées, c’est à cause de l’effort physique. Pas envie de songer à ce que, peut-être, y a des raisons plus compliquées.
La blonde essaie de retrouver un rythme cardiaque familier, mais c’est un troupeau de pégases qui tambourinent contre ses côtes. Elle se dit que c’est encore une blague, un défi qu’elles se lancent à deux parce qu’elles ne peuvent pas reculer quand elles jouent à qui tape plus fort. C’est comme ça qu’elles se retrouvent à grimper sur des trucs trop haut, à courir derrière des voitures, à faire du skate dans des ruelles où le bitume est cabossé.
Elles sont des gamines. Que des gamines qui jouent à chat parce que ça fait moins peur qu’à loup. Des gamines qui lancent leurs dés, changent les règles, et trichent bien plus que de raison.
Alors elle a pas le droit de faire ça, Serena.
Ce coup-là, il est déloyal. Y a pas le droit de mettre du sincère dans ce qui n’était qu’une façade. Pas le droit de mélanger son ventre avec de la gelée tremblante.
« Chais pas. » qu’elle balance, parce qu’elle a la trouille. Que ça lui fait gagner du temps pour trouver une meilleure réponse.

Est-ce-que tu penses que ce serait la pire chose du monde si on s’embrassait ?
Serena a les lèvres abimées à force de les mordiller nerveusement. Même pas besoin de vérifier, Aurore le sait, elle l’a regardée à s’en défoncer les paupières, à sursauter dès qu’elle était surprise parce que ça se fait pas de fixer les gens avec cette violence-là.
Serena a les lèvres abimées. Parfois, lorsqu’elle met du stick à lèvres, ça fait des petites peaux qui dépassent. Elle s’est demandé plus d’une fois quelle sensation ça faisait, Aurore, de passer son index dessus, sentir la texture inédite sous les papillons de son pouce. A chaque fois qu’elle y a pensé, c’est parti en marteau-piqueur sous son crâne, comme lorsqu’elle court un putain de sprint.
Serena a les lèvres abimées et la question qu’elle articule, Aurore se l’est posée mille fois. Toutes ces fois où elles se retrouvaient tapies l’une contre l’autre après s’être fait prendre en train de chiper leur dîner. Toutes ces fois où elles se regardaient en souriant, un peu trop longtemps pour que ce soit juste comme ça. Toutes ces fois, tout court, où elle a songé que, peut-être, elle aimerait les goûter, ces lèvres.
« J’crois qu’on a qu’un moyen qu’on le sache. »

Les deux paumes posées sur la branche noueuse, elle va les chercher, ces lèvres abimées. Penchée en avant, à deux doigts de perdre l’équilibre, elle se terrorise en elle-même de se dire qu’elle va peut-être tomber.
Peut-être qu’elle a mal compris, peut-être que c’était pas ce que la dragonne voulait dire ; ce serait pas la première fois.
A l’instant où leurs bouches se téléscopent, elle sait pourtant qu’elle a raison.

Embrasser Serena, c’est comme avaler une flammèche. Ça la consume de l’intérieur, lui fait monter de mille degrés tellement qu’elle sait pas se contrôler. Ça dévaste tout, ça brûle, ça ose.
Embrasser Serena, c’est comme des décharges électriques qui la font trembler de l’intérieur. Elle croise les doigts pour pas que ça se sente, à quel point elle est terrifiée ; sans doute que l’autre se moquerait d’elle si elle l’entendait frissonner.
Embrasser Serena, c’est comme admettre finalement la place qu’elle voulait bien tenir. Et elle sourit contre ses lèvres, muette d’avoir trop attendu.

Lorsqu’Aurore se recule, elle a des roses sur le visage et des ronces autour de son crâne. Flegmatique, elle hausse les épaules.
« Moi, j’ai bien aimé. »

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