Recrutement Pacte de l'Ombre ー Chiara Flowers

The Devil, elle sera.  

Ironique, c’est peu ou prou ce que sa mère lui a toujours dit qu’elle était. Cette partie d’elle-même qu’il fallait toujours combattre, c’est celle qui sera en vitrine, bien en évidence sur sa table de nuit. Chiara doit se retenir pour ne pas courir au point de rendez-vous, le cœur battant de fierté et d’orgueil. Elle ne peut en parler à personne, ça tombe bien, elle ne saurait pas faire la fausse modeste. Elle déborde de fierté, elle déborde de rage de vaincre et de faim de récolter les lauriers après avoir fait ses preuves. Elle, simple humaine, banale, fourmi indiscernable des autres dans cette gigantesque fourmilière. Elle a été choisie. Elle a été choisie. Elle, en chemin vers son destin, pas surnaturelle mais pas inutile pour autant – l’ordinaire brandi en bannière comme un atout flottant aux quatre vents. Ne reste qu’à espérer que ce sera suffisant, que le besoin d’avoir plus et de se briser un peu plus s’arrête avec la carte, que ses instincts autodestructeurs ne sont pas dans ses gènes, juste dans sa tête.

L’actrice a pris sa mission très au sérieux, il faut dire qu’elle n’a jamais eu froid aux yeux. Ça lui a plutôt servi, lorsqu’il s’est agi de retrouver la trace d’un chasseur notable. Ça a pris un peu plus d’un mois ; Chiara n’est pas détective, elle n’est pas érudite ni particulièrement douée, mais elle sait comment arriver à ses fins. Elle a de la ressource, et elle ne craint pas la lumière des néons sur elle. C’est comme ça qu’elle s’est retrouvée dans ce club d’impro, une adresse dérobée à un de ses compagnons de théâtre, celui à qui elle ne parle jamais d’habitude. Un lieu strictement réservé aux humains, aux propriétaires très à cheval sur la validité des passeports de recensement. Elle a brandi le sien avec un sourire convaincu à l’entrée. Open-mic, ils ont dit sur la pancarte, alors elle est montée sur scène. Elle n’a jamais fait autre chose que du théâtre mais elle n’a besoin de rien de plus qu’une tirade – quelques acidités, quelques bombes déposées du bout des doigts pour attiser les regards des plus fervents anti-surnaturels. Le temps de fumer une cigarette avec un couple à la fin du spectacle, de promettre de se revoir, de la présenter à d’autres gens qui sont sympas, mais un peu plus radicaux.

Elle a papillonné de cible en cible, charmeuse, amie, oreille attentive et maître corbeau quand il l’a fallu, jusqu’à trouver la femme de celui qu’elle vise. Elle s’est appliquée à tout détruire, à faire jaillir les larmes de ses yeux en prétendant être la jeune maîtresse avec qui il a une affaire depuis près d’un an. La femme d’un homme discret et presque paranoïaque, qui a juré vengeance. C’est avec son aide à elle, grande blonde diaphane aux yeux cerclés de noir, que Chiara parvient à foutre un piston dans la montre de Ripley Sr. Le téléphone auquel il se rapporte trône fièrement dans sa poche, prêt à être remis au Pacte en gage de cadeau d’entrée.

The Devil, elle sera.  
   

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