TW : misogynie, insultes, violence verbale
15 avril 2015, à Phoenix
C’était une journée qui aurait pu être absolument habituelle. Je m’étais levé ce matin, avait pris mes cornflakes, avait regardé dix minutes le puzzle derrière la boîte, l’avait fait cinquante fois, avant de remarquer que je l’avais fais cinquante fois et que mes yeux ne regardaient plus les couloirs du labyrinthe. C’était des formes agréables ; je refusais de rester ici toute la journée.
Il y avait des colloques par-ci par-là. Mes directeurs de recherche m’avait dit d’aller en voir. C’était des conneries. Ils étaient tous sur les surnaturals studies, et je me disais que c’était des sciences encore trop inexactes. Le monde entier se prenait de passion pour les nouvelles choses, alors je serai là à chérir les anciennes sciences, celles qui ont fait leurs preuves et qui sont hautement légitimes.
A défaut d’aller m’ouvrir la tête, j’ai été voir ce type sur la 8e Avenue. On avait parlé sur Internet et il avait des larves de papillon originales. Une journée absolument habituelle et carrée s’était transformée en grande aventure, et c’était dans la chaleur naissante de Phoenix que j’allais marcher pendant quarante minutes jusqu’à chez ce petit gars-là. J’ai un grand sac à dos et la tête pleine d’idées d’aménagement. C’était des espèces rares, et il ne fallait pas qu’on sache que c’était un gigantesque trafic entre passionnés. La police ne comprendrait pas, et j’aurai la gueule bien fatiguée d’essayer de leur expliquer que c’était vraiment très
Sur le chemin du retour, j’ai envisagé de prendre un taxi. J’avais le sac plein et il fallait que je rentre vite chez moi. Les larves allaient mourir si elles n’étaient pas dans leur habitat artificiel et naturel. Le coeur battant d’une petite cause, j’appelle les taxis. Les embouteillages s’accentuent ; il est 17h et l’heure de pointe vient engorger Phoenix.
Je souffle et je donne un coup de pied contre un poteau parce que c’est de la merde.
J’ai mal au pied désormais.
Il ne restait que quelques solutions. Je pourrai marcher presque une heure mais elles seront desséchées à l’arrivée. Je pourrai aller braquer une voiture comme dans GTA, jeter le gars dans un caniveau, mais l’embouteillage me rattrape rapidement. Il sera difficile d’expliquer à la police que j’avais volé une voiture et que j’avais des larves interdites à l’élevage sur moi. Je refusais de passer pour un putain de clown auprès des flics, même si ça voulait dire devenir une histoire drôle et une anecdote éternelle entre deux bureaux.
Il y avait quelque chose de plus important : les larves.
Les pistes cyclables sont libres, et au pire, j’irai zigzaguer entre les automobilistes pour les narguer de ma grande astuce d’être en vélo et pas bloqué par les embouteillages. Le trajet est de 20 minutes jusqu’à chez moi. C’est le plus optimisé. J’ai l’air d’un con sur mon vélo, avec mon sac trop grand et mes jambes trop longues. Je prends pas le temps d’ajuster le siège parce que le temps est compté. J’essaie d’aller vite mais me rappelle que c’est un moyen de merde parce que ça va pas assez vite. Je sers les dents à chaque feu rouge et décide que ça ne s’applique pas à moi puisque je suis sur une piste cyclable et pas sur une route donc c’est pas le code de la route vu qu’il y a pas de code de la piste cyclable.
Puis il y a cette grognasse.
Cette grognasse en plein milieu de la piste qui a son téléphone levé. On dirait qu’elle se filme, qu’elle se prend en photo, qu’elle regarde son reflet, ou alors les trois en même temps. Dans tous les cas, c’est pas sa place. Ici, c’était l’empire des vélos, des destriers de fer, de la vitesse moyenne mais que j’essayais d’estimer rapide pour ne pas blesser mon grand honneur.
Je pourrai utiliser la sonnette mais j’imagine qu’elle va bouger.
Je lui rentre dedans et on tombe à la renverse. J’entends des bruits de fracas dans mon sac et mon coeur s’arrête. Les tempes douloureuses contre le bitume, je prends pas le temps de retirer les petits cailloux contre ma joue et j’ouvre mon sac.
« PUTAIN DE BORDEL DE MERDE MAIS. »
Les larves n’ont plus leurs petits bocaux et errent désespérément au milieu des cinquante tickets de carte bleue du fond de mon sac.
« Ta mère t’a jamais appris à regarder où tu mettais les pieds, grosse connasse ? »
Je décide alors que c’est pas de ma faute, mais la
« C’est la piste cyclable, t’as connecté les deux neurones qui se battent en duel sous ton crâne de pétasse ? Ou alors ton fond de teint est passé par tes pores et ton cerveau fonctionne à la pisse maintenant ? On t’a jamais dit de pas poser ton gros cul sur les pistes cyclables ou alors quelqu’un allait venir pour rouler sur ton botox mal branlé et le faire couler par terre ? Débile va. »
Je me relève et j’oublie que j’entends qu’un grand bip au sein de mon crâne à cause de la chute. Je vois un peu flou mais je perçois que la dame respectable est au sol également. Pire, son pantalon est abîmé. D’une démarche peu assurée, je vais retrouver mon vélo, prêt à aller sauver les quelques larves qui ont survécu au choc.
« En plus ton jean il est dégueulasse, et maintenant il est troué, c’est bien fait pour ta gueule ça t’apprendra, pouffiasse. »