(G.I.) You weren't welcome here | JudErin

Le soleil ne s’était pas encore levé, mais le ciel était déjà teinté d’une lumière rose-orange. Il était tôt, quelque part vers six heures du matin. La brise, fraiche, n’était pour autant pas glaciale et la journée promettait d’être belle.


Jude, à moto comme à son habitude, roulait tranquillement vers son garage. Elle avait quitté son appartement de Waco une dizaine de minutes plus tôt dans l’optique de travailler sur sa coccinelle. Elle n’avait pas de rendez vous avant le début d’après-midi et grâce aux pièces que lui avait apporté Rogus, Jude allait enfin pouvoir avancer de manière significative.

Elle avait envoyé ces dernières chez un collègue qui s’occupait surtout du sablage. Jude avait récupéré ses pièces totalement décrassées, brutes et en parfait état. Elle aurait peu de travail à faire, si ce n’était refaire la bosse du capot, et souder une nouvelle pièce sur le pare-chocs qui était bien rongé à un endroit. Rien de bien difficile, des choses que Jude faisait très couramment sur les voitures faites de métal. Il était plus compliqué de le faire sur les nouvelles, elles étaient faites dans un matériau que Jude n’aimait pas, et il le lui rendait bien. L’acier par contre lui était  doux, son chant agréable et sa chaleur réconfortante. Forte de cette matinée qu’elle jugeait d’avance plus qu’agréable, Jude gara sa moto sur le parking arrière de son garage. Elle hôta son casque, replaça mieux ses cheveux, puis déverrouilla la porte de l’arrière-cuisine. En refermant la porte du pied, elle alluma la machine à café d’une main, glissant un mug en dessous, et de l’autre main rangea ses clés sur le crochet. Puis, pendant que la machine s’allumait et démarrait dans un bruit de grain moulu, du style qui râlait d’être réveillé si tôt, Jude alla vers le disjoncteur où elle activa les lumières, tout en prenant soin de ne pas allumer son enseigne à l’extérieur. Il fallait pas non plus qu’on croie qu’elle avait déjà ouvert alors qu’il était trois heures trop tôt…

Baillant quand même, Jude jeta un œil par la porte vitrée de l‘arrière-cuisine , constatant que le ciel s’éclaircissait de plus en plus. Alors en attendant que son café finisse de couler, elle fit le tour de la cuisine, pour rentrer dans son bureau et y déverrouiller une trappe qui menait vers le toit.  Un escalier escamotable en tomba, y donnant l’accès, et Jude le gravit.

Sur le toit, un coffre de plastique de jardin était attaché, et verrouillé par un cadenas à code que Jude indiqua, libérant l’ouverture avec un petit « clic » sec. Jude en sortit une chaise de jardin pliée, ainsi qu’un plaid et qu’une petite table de camping, qu’elle installa rapidement sur son toit, avant de redescendre la trappe, et d’aller chercher son café.

Regarder le soleil se lever, c’était son rituel depuis plus de trente ans. Elle n’avait pas toujours le temps de le faire, rarement à vrai dire, alors la dragonne savourait chaque moment qui le lui permettait. C’était aussi dans cet objectif que la dragonne était venue si tôt, car depuis le toit de son garage, elle avait une vue magnifique sur l’horizon. D’ailleurs, son timing fut excellent, car à peine quelques minutes installée, l’astre pointa sur la ligne d’horizon en une explosion de couleurs, et Jude savoura son café jusqu’à ce que le soleil fût complètement révélé.

Une bonne demi-heure plus tard, sa tasse froide et vide, Jude rangeait ses affaires du toit, prête à commencer sa matinée de réparations sur la coccinelle. Elle était de si bonne humeur qu’elle sifflait un air dont elle ne pourrait même plus dire le nom. Elle alluma l’atelier, et en ouvrit l’une des grandes portes. Son projet perso était entreposé dans le hangar, à l’arrière du terrain, et cela la forcerait à faire le tour du bâtiment avec sa coccinelle pour la ranger dans l’atelier, mais il était bien plus simple de bosser là pour ce qu’elle avait à faire aujourd’hui. Toujours en sifflotant, elle enfila son bleu de travail par-dessus ses vêtements, et saisit d’une main le chariot destiné à transporter la coccinelle, perpétuellement posée sur un plateau pourvu de roulettes.

Elle mit quelques minutes à atteindre la lourde porte du hangars, qui à son étonnement était entrouverte. Elle haussa les épaules, ça ne serait pas la première fois qu’elle oubliait de bien la verrouiller, un renard ou un coup de vent assez bien placé suffisait alors à faire bouger la porte en bois. La lumière du jour naissant inonda un coin du hangar, où sa coccinelle était rangée, l’illuminant comme un tableau sain. Jude, ravie, sourit vers son projet.

« Alors ma belle, t’es prête pour ton lifting du jour ? »

Si elle bossait bien, la coccinelle aurait ce soir bien meilleure gueule que ce matin, et ressemblerait plus à une voiture qu’à un tas de ferraille sans roues, sans porte ni vitre et avec  des bouts manquants comme elle l’était actuellement. Alors elle finit d’ouvrir la large porte d’un coup d’épaule, tout en appuyant sur l’interrupteur pour allumer tout le hangar. Elle rapprocha son chariot et se prépara à y attacher le plateau quand elle remarqua quelque chose dans un coin. Chose qu’elle n’avait pas vu plus tôt , car caché dans l’ombre qui fut avalée par l’ampoule que Jude venait d’allumer. La mécano fronça les sourcils et se dirigea, d’un pas prudent, vers ce qui ressemblait à un tas de couverture dont elle n’avait pas le souvenir.

Elle tendit son bras, attrapa la couverture et la souleva d’un geste prudent, jusqu’à ce qu’elle y découvre, caché en dessous, un visage féminin qui la fixait. Prise d’un sursaut, Jude recula sous la surprise.


Il lui fallu quelque secondes pour calmer les battements effrénés de son cœur, durant lesquels elle lança un regard noir à l’intruse.


Son humeur massacrée, Jude avait comme dans l’idée que son projet de retapage de coccinelle était désormais foutue, à cause d’une gamine qui ne lui disait absolument rien.

L’inconnue avait saisi l’un des tuyaux d’échappements entreposé dans l’autre moitié du hangar, elle comptait sérieusement se servir de cette relique précieuse comme d’une arme ?? Une colère sourde grimpa dans les entrailles de la mécano. Elle savait que si toutes deux en venaient aux mains, la dragonne n’aurait absolument aucun problème à la foutre à terre mais ça abimerait sans aucun doute son tuyau d’échappement… Alors Jude se retint, attentive simplement aux gestes de l’intruse.

Elle plissa les yeux, fronça les sourcils puis en releva un. Elle n’apprécia pas qu’une intruse vienne lui prodiguer un conseil sur un lieu où elle n’était ni invitée ni voulue. Jude répliqua.


En l’occurrence il était parfaitement stupide, inconscient ou peut-être même insensé, de croire qu’un garage automobile comme le sien n’appartenait à personne. Probablement était elle les trois à la fois. Jude concevrait sa position de garde, prête à bouger au moindre signe de mouvement offensif. Elle n’aimait pas les intrus, elle n’aimait pas ceux qui dérangeaient ses affaires, et en plus celle là utilisait une relique des années 30 pour se défendre !! Elle n’avait aucune idée de la valeur de ce qu’elle tenait en main. Les jeunes d’aujourd’hui n’étaient pas comparables à ceux du temps de la jeunesse de Jude. Vraiment pas.

Mais la jeune fille se leva, et Jude pu rapidement voir qu’elle ne possédait rien. Par terre la mécano reconnu quelques-unes de ses couvertures de protection, mais rien d’autre. Elle était seule, sans aucun doute, et maigre comme un clou. Un vent léger de culpabilité la pris quand elle se dit qu’elle avait été sur le point de foutre une raclée à la squatteuse. Quand cette dernière reposa le tuyau en reculant, Jude soupira, se frottant le front. La jeune voulait partir et une partie de Jude lui supplia de la laisser filer, que la dragonne puisse se concentrer sur la coccinelle sans se soucier de grand-chose d’autre, tandis qu’elle entendait l’autre moitié l’engueuler à l’idée d’abandonner quelqu’un qui avait besoin d’aide. Après tout elle n’était pas comme ça, Jude. Le bruit sonore que l’autre émit finit par la décider.


Elle la regarda, lui indiquant le chemin pour rentrer dans le bâtiment principal.

A plus tard belle coccinelle…


Jude lui indiqua le vestiaire, avec une douche et tout ce qu’il fallait. Elle la  toisa.


Jude était plus grande que la fille, en plus d’être sans aucun doute plus forte, elle n’avait aucun doute quand au fait que l’une de ses tenues irait bien.  Heureusement qu’elle avait pas touché à ses croissants…

La gamine se mit à suivre Jude et cette dernière sentait bien la tension chez elle. Elle semblait stressée et toute maigrichonne qu’elle était, et même si elle suivait Jude vers le bâtiment principal, et bien on aurait simplement dit qu’elle s’apprêtait à fuir au moindre mouvement suspect de la part de la motarde. A deux, elles dépassèrent donc les piles de carcasses, les voitures réparées, les voitures à vendre, pour rejoindre sa boutique. Finalement, elle mit enfin un nom sur ce visage émacié. Quel étrange nom… les gens d’aujourd’hui avaient des idées bien bizarres.


A vrai dire, peu importait à la mécano que la jeune fille lui ait donné son vrai nom ou pas. La dragonne elle-même avait déjà usé de fausses identités, plusieurs fois même. M’enfin aujourd’hui il y avait tellement de noms différents de ceux de son époque. Jamais, dans les années cinquante, un gamin se serait fait appeler Bellone… Hmm, si celle-ci était né à l’époque, elle aurait bien eu une tête de Nancy, ou Carol tiens.

Elle finit par lui montrer la douche, lui laissant une serviette propre sur le rebord du radiateur. Puis, après avoir fermé sa cabine, elle retourna dans les vestiaires, y attrapant un t-shirt de rechange sur la pile, ainsi qu’un jogging  qu’elle gardait pour le cas où. Il faudra qu’elle en ramène un du coup, mais tant pis. Bellone en avait plus besoin. Elle le mit de côté pour la gamine puis s’en alla vers la cuisine. Avisant le paquet de croissants sur la table de camping, elle réfléchit un instant, en pris un pour elle qu’elle coinça entre ses dents, puis ouvrit son mini frigo et s’accroupit pour mieux inspecter son contenu.

Ho Jude n’était pas de celles qui gardaient tout dans le frigo jusqu’à ce qu’une nouvelle forme de vie se développe à l’intérieur. Entre les packs de bière et de Jus de fruit qu’elle gardait pour Rogus au cas où, elle sortit une boite d’œufs, son paquet de bacon, ainsi qu’un bidon de jus d’orange qu’elle posa sur la table. De l’autre côté, sur le réchaud, elle avait presque fini de  préparer le petit dej’ quand elle entendit la jeune fille sortir de sa cabine de douche. A sa question, Jude lui montra la table, où elle avait déjà posé une assiette et tout ce qu’il fallait pour que la ptite puisse manger tranquille.


Vu son état, et le fait qu’elle n’avait absolument aucune affaire, Jude doute qu’elle retrouve un nouveau repas de ci-tôt. Mais elle pouvait pas non plus prendre soin indéfiniment de tous les perdus qui se retrouvaient sur son terrain. Jude s’adossa au plan de travail de sa petite cuisine, son croissant à moitié mangé en main.


Non pas qu’elle se souciait du malheur de tout le monde, mais ça restait curieux. Même un sans abri possédait quelques affaires… Jude retournerait voir dans son hangar, mais elle était presque sûre de n’avoir rien vu qui appartienne à la gamine.

Jude hocha la tête. La gamine avait l’air assurée, Jude allait pas s’en inquiéter plus que ça. Elle faisait ce qu’elle était capable de faire sans que cela ne lui pose de contrainte, mais elle n’allait pas non plus remuer ciel et terre pour retrouver le foyer de cette jeune fille. Après tout, elle aussi avait fui par le passé.

Elle engloutit quasiment tout ce que Jude lui avait préparé, et cette dernière estima avoir bien fait de cuire autant de nourriture. Finalement, après de longues bouchées, la brunette s’arrêta, repue. Elle fixa un moment Jude qui pencha la tête, l’observant. Puis, comme si une mouche l’avait piqué, Bellone se releva d’un coup, en engouffrant des restes de nourriture dans ses poches. Jude la regarda faire sans un mot, après tout elle lui avait dit qu’elle pourrait emporter le reste avec elle.

Elle entendit dans la pièce d’à côté le téléphone sonner. Un coup d’œil à l’horloge murale en face d’elle lui indiqua qu’il était trop tôt pour le rendez vous qu’elle attendait plus tard dans la journée. C’était probablement une urgence, mais il y avait assez de garages dans la région pour que Jude ne soit pas indispensable. Elle ne bougea pas d’un iota pour décrocher, mais la brunette insista. Jude, plissant des yeux, dénoua ses bras pour se diriger à grande enjambée vers son bureau, qu’elle ferma derrière elle pour ne pas être dérangée.

Finalement, elle aurait pu ne pas décrocher. Une dépanneuse venait de remorquer une voiture accidentée et Jude était le garage le plus proche pour la récupérer. Elle donna au dépanneur les instructions par téléphone pour qu’il dépose la voiture de lui-même sur le parking avant de raccrocher après avoir noté le numéro du gars, au cas où. Mais quand Jude sortit de son bureau pour retourner dans l’ arrière-cuisine, elle ne trouva pas la vagabonde. La cuisine était vide, si ce n’était les restes de nourritures qui n’avaient pas eu la chance de rentrer dans les poches de la gamine.

Dans un premier temps, Jude pensa que Bellone avait simplement tracé sa route. La porte de la cuisine donnant vers l’extérieur était grande ouverte, et Jude, après un regard vite fait dehors, voulu la refermer, quand un grand fracas la fit retourner dehors. De l’autre côté du coin du bâtiment, elle vit la brune par terre, empêtrée dans une bâche qui trainait là. Jude leva un sourcil avant de remarquer tout ce qui était tombé des mains de la fuyarde.

Aussitôt, un feu dévorant s’empara de la mécano, et elle se dirigea à grandes enjambées vers elle.


S’ écria-t-elle d’une voix tonitruante à en faire trembler le sol. Y a pas à dire, un dragon en colère, ça poussait  dans les basses. Elle saisit la voleuse par le col, la redressant comme si elle n’était faite que de paille, alors que des pièces tombaient encore de ses poches. De son bras libre, Jude s’empressa de retirer à Bellone tout ce qu’elle avait pu lui donner par pure générosité. Mis à part les vêtements, bien entendu…

Alors, sans plus de ménagement, elle traina la voleuse derrière elle, la tenant toujours si fermement qu’il était impossible de se défaire de sa poigne. Ho Jude était forte, bien plus forte qu’elle ne pouvait y paraitre. Arrivée au bout de son allée, elle propulsa la gamine en avant sur le trottoir.


Puisqu’aujourd’hui, il était presque devenu illégal de faire justice soi-même. Elle fixa la brune de son regard brûlant de rage, attendant qu’elle déguerpisse et disparaisse. Il était grand temps pour Jude de faire réparer le portail, histoire de rendre sa propriété à nouveau hermétique aux intrusions aussi indésirables que celle-là.

Toujours bouillante de colère, la mécano fit demi-tour, entreprenant de ramasser la moindre pièce que la fille avait voulu lui subtiliser. Elle pouvait garder la bouffe, Jude n’en avait rien à foutre. Mais elle avait fait une grosse erreur en essayant de lui voler son matériel. Et comble de malheur pour la gamine, Jude n’oubliait jamais un visage.

Il était souvent arrivé à Jude d’être attentive pour rien. Elle n’aimait pas laisser quelqu’un dans le besoin en sachant qu’elle pouvait faire quelque chose sans que ça ne lui coute beaucoup. Mais dans toute sa vie, elle s’était rarement confrontée à un tel opportunisme, à un tel culot. Pas étonnant que l’autre voleuse se retrouvait en fuite, qui savait ce qui se trouvait à sa poursuite.  Mais elle avait loupé la chance de mettre Jude dans son camps.

La colère avait fait battre le cœur de Jude tant l’adrénaline avait pris ses veines. Elle se sentait stupide, et était frustrée d’avoir été ainsi bernée. De son temps, les jeunes auraient montré une certaine reconnaissance, ou auraient fait profil bas le temps de disparaitre. Et cette pisse de babouin avait enfreint toutes les limites de la gentillesse de la dragonne. Elle respirait fort, tant ce  shot d’adrénaline n’avait pas pointé le bout de son nez depuis longtemps. Même les clients chiants, elle les amadouait mieux ,et se contrôlait sans difficulté. Mais là…

Elle regarda la voleuse s’en aller, et dû se faire violence pour ne pas appeler la police. Elle avait récupéré tous ses biens, c’était le plus important. Elle hésita à se faire un café, mais elle était bien assez énervée pour se rajouter de l’énergie. Alors elle opta pour une soupe en sachet, estimant qu’une boisson chaude l’aiderait à se calmer. Après quelques minutes, elle saisit dans un placard ses plus lourdes chaines et alla verrouiller du mieux possible son hangar. Elle ne le laisserait plus ouvert ainsi tan qu’elle n’avait pas refait l’enceinte de la propriété. Elle repéra un petit trou dans la porte, pas assez grand pour faire passer un corps humain, mais soudainement assez préoccupant pour que Jude envisage d’aller rapidement chercher de quoi le colmater.

Après une demi-heure à se remettre de ses émotions, elle reçu un appel du tenancier du bar en périphérie de Dallas que Jude fréquentait quelques fois. Tout un groupe de motards s’étaient rendus dans son bar et quatre d’entre eux avaient une moto présentant des problèmes mécaniques. Jude ne pouvant définitivement pas laisser d’autres motards dans la sauce, elle remercia le tenancier de l’avoir appelé, enfila son blouson de cuir, attrapa les clés de sa Indian springfield après avoir remplis ses coffres latéraux d’outils qui lui seraient probablement utiles et se dirigea vers la porte de son bureau, qu’elle verrouilla à double tour, faisant de même pour la porte avant du garage. Elle sortit par la porte de l’arrière-cuisine, après avoir allumé son alarme.

Arrivée à Dallas, la troupe, d’une dizaine de motards, fut dubitative en la voyant arriver. Cependant, il ne fallut que dix minutes à Jude pour réparer la première moto là où le biker avait dû tenter sa chance pendant plus d’une demi-heure.  Il lui fallu à peine plus de temps remettre en état de marche les deux autres motos, expliquant au conducteur qu’il devrait penser à changer sa courroie de distribution, la réparation de Jude étant suffisante pour rouler jusqu’à un garage proche, mais ne pourrait pas supporter un long voyage comme celui que la troupe venait d’accomplir.

Elle allait s’attaquer à la quatrième bécane quand elle reçu un appel. Sortant son blackberry, elle décrocha sans même prendre la peine de reconnaitre le numéro, pensant qu’il s’agissait encore d’un nouveau client, ou d’un ancien surpris de voir son garage fermé à cette heure. Jude devrait vraiment faire une pancarte de fermeture en cas de déplacement d’urgence…



Fit Jude après avoir acquiescé et raccroché. Elle avait installé une seule caméra, filmant son allée et un bout de sa façade,  plus parce qu’un client lui ventait sans arrêt les mérites de sa société de sécurité, plus que par réelle crainte. Face à l’interrogation du motard à qui Jude réparait la bécane, elle lui expliqua vite fait la situation, s’excusant de ne pouvoir s’occuper de sa moto, et qu’elle devait absolument partir au plus vite.

Il n’en fallu pas plus aux autres motards pour lui dire qu’ils viendraient avec elle. C’était comme ça dans le milieu, entre motards on s’entraidait. Surtout qu’ils devaient une belle chandelle à Jude, qui n’avait pas voulu les facturer pour quinze minute de taf. Ni une ni deux, ce fut dix motos et onze motards qui roulèrent jusque Waco, tout droit vers le garage de Jude.

Arrivée sur les lieux, elle pu voir l’entièreté de sa vitre droite complètement explosée. Plein de formes qu’elle ne distinguait pas encore semblaient flotter dans le bâtiment. Elle soupira, son cœur se serrant malgré tout de voir son garage dans un état pareil. Bien entendu, la police n’était pas encore là. Tant pis, Jude se dirigea vers l’entrée, suivie par les dix motards.

Ils entrèrent au compte goute, riant en voyant les dizaines de ballons colorés. Mais Jude elle, serra les points, les dents serrées, les yeux piquant de frustration, de colère et de fatigue. Elle savait qu’elle allait craquer si elle ne faisait pas attention. Elle expliqua au motard le plus proche la raison de son stoïcisme, plutôt que de rire comme tous les autres face à la situation plus que débile.


Vu le peu que Jude avait vu de Bellone, elle parierait un arbre de transmission que la bécasse était revenue, touchée dans l’égo par la manière dont la garagiste l’avait dégagée de son terrain. L’annonce du presque vol refroidit quelques motards, bien que d’autres restaient complètement hilares de la situation. Elle était sûre que Bellone était encore là. Son odeur envahissait l’intégralité du bâtiment, mais plus particulièrement… Le regard de Jude glissa là où l’odeur de l’intruse était la plus forte. La porte séparant l’espace de vente de l’atelier était entrouverte. Des ballons éclataient de temps en temps contre le débris de verre de la fenêtre. Aucun motard ne faisait rien pour les nettoyer, la police devait constater le dégât pour faire jouer l’assurance du garage. Le bruit empêchait Jude de réellement percevoir un bruit provenant de la tête d’anchois qui avait fait ça à son bébé. Ho il allait sans dire que Jude fulminait tant que ses yeux n’avaient plus rien d’humains. A la place, leur couleur grise et froide, séparés par une fente noire, tel qu’étaient les yeux de sa dragonne. Il y avait peu d’endroit où un humain adulte pouvait se cacher ici. La MG au centre de l’espace de vente était intacte et toujours rutilante malgré le verre qui avait éclaté partout, une bonne chose. Son bureau étant verrouillé, il ne restait que l’arrière-boutique avec la cuisine et la douche, et l’atelier. Son instinct la guida vers cette dernière pièce. Elle avançait lentement. De toute façon, le bouton pour actionner les portes garage de l’atelier était bien en vue, personne n’aurait le temps de l’actionner avant que Jude ne l’attrape. Elle se sentait observée, une sensation plus que désagréable faisant remonter son échine.

Elle fit le tour de la première voiture, se penchant pour voir l’intérieur, sans sentir l’odeur puante de l’humaine dans l’habitacle. La frustration grandissait. Finalement, elle se rapprocha de la deuxième, et s’arrêta devant pour observer l’intérieur à son tour. Mais au lieu de faire demi-tour quand elle n’aperçu rien dedans, elle resta là un instant, sans un bruit. D’un coup, elle se baissa, assez bas pour voir sous la voiture. Ses yeux de dragon reflétèrent le peu de lumière qu’il y avait sous la caisse. Elle fixa Bellone.