(G.I) Don't stop the party [Astobel]

Comment s’était-elle retrouvée piégée dans ce guet-apens ? Christobel aimait les nouvelles expériences, les bains de foule, les situations insolites. Quelqu’un l’avait taguée pour plaisanter sur cet événement. La Journée internationale des roux. Toujours à la blague, elle avait indiqué y participer. Le jour dit, les réseaux sociaux s’étaient chargés de lui rappeler cet engagement.

Elle s’était imaginé un truc en plein air, au soleil, dans un parc, à se faire des tresses avec quelques milliers d’autres rouquins. Ça pouvait être marrant… Mais en arrivant sur place — son chauffeur l’avait déposée —, elle découvrit avec une horreur teintée de consternation que cette célébration n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait imaginé.

Ça ne se passait pas en extérieur, elle se tenait devant une espèce de salle des fêtes miteuse, sur la porte de laquelle un flyer scotché à la hâte était le seul indice que l’événement avait bien lieu à cet endroit. Pas encore totalement découragée, elle avait poussé la porte et débouché dans une pièce trop éclairée, trop dénudée, trop désertée.

Elle avait failli faire demi-tour immédiatement.

Mars l’avait convaincue d’attendre quelques minutes supplémentaires, par curiosité. Mais en découvrant qu’il n’y avait même pas d’alcool, elle avait aussitôt résolu de tourner les talons. Un verre en plastique encore à la main (elle l’avait humé d’une moue dégoûtée, il devait s’agir d’une sorte d’immonde Kool-Aid et personne au monde n’arriverait à lui faire boire ça), elle repartait à grandes enjambées, espérant que son chauffeur serait encore dans les parages pour la récupérer le plus rapidement possible. Pas moyen qu’elle s’éternise dans ce trou à l’autre bout de la ville.

Mais elle fut interrompue dans sa sortie par une tête connue, une comparse de tignasse et de beuveries qu’elle croisait assez régulièrement dans son établissement de débauche préféré, puisqu’elle y travaillait.

Christobel adressa à Aspen une grimace de dépit en guise de réponse à sa question rhétorique. Qui aurait pu s’attendre à ça, honnêtement ? N'importe quel clampin armé d’un billet de 100 aurait pu faire mieux.

« Uuuugh, Aspen ! Heureusement que t’es là… »

Elle offrit une embrassade d’un seul bras à la barmaid, plus que prête à lui proposer de lever le camp vers des horizons plus cléments. C’était sans compter sur l’esprit d’aventure de la jeune femme, qui semblait penser que la situation n’était pas totalement désespérée.

Peut-être qu’elle ne l’était pas, après tout… Et il fallait créditer Mars pour cela. Quelques semaines plus tôt, il avait fait acheter à Christobel, sur ce qui ressemblait à un coup de tête, une flasque antique assez jolie mais parfaitement inutile. Le phénix insistait pour l’emporter – bien remplie – partout où ils allaient, et son hôte s’était plusieurs fois agacée de cette coquetterie. S’ils avaient besoin d’alcool, on en trouvait presque partout ! L’humaine ignorait qu’il s’agissait d’une habitude bien ancrée de la dernière enveloppe de Mars, Harold, dont il n’arrivait pas encore à se départir, par une forme de nostalgie.

« Je crois que j’ai ce qu’il nous faut… Au moins pour commencer. »

Dans une mimique triomphante, Mars sortit l’objet de la poche de leur manteau et l’agita sous le nez d’Aspen.

« J’espère que tu aimes le scotch millésimé… Je crois que mon père gardait cette bouteille pour une occasion spéciale mais hé, c’est la Journée internationale des Roux, non ? »

Ils avaient prononcé ces derniers mots avec une emphase toute théâtrale. Mars était ravi du défi que leur proposait la jeune amie de son hôte, et Christobel, bon gré mal gré, était prête à tout pour redresser la barre de ce désastre événementiel.