A god, a queen, divine, no myth ❦ Secret Garden

And so it seems I broke your heart, my ignorance has struck again
I failed to see it from the start and tore you open 'til the end

Ophelia Delacroix  ϟ  Persephone Fitzgerald .

Elle lui en veut. Ça lui troue le cœur et ça lui noue les tripes, et elle se déteste un peu pour ça, de le détester un peu, lui, alors qu'elle voudrait seulement l'aimer. Et qu'est-ce qu'elle l'aime, bordel. Elle a eu beau dire que c'était moins sérieux cette fois, qu'iels se prendraient moins la tête, qu'elle s'accrocherait pas à s'en décrocher le cœur a le voir se détacher si facilement, qu'elle garderait la tête froide, la tête haute, qu'elle ferait pas tomber sa couronne, même quand son roi serait pas a son bras. Elle a eu beau jurer que c'était moins important, qu'elle avait d'autres priorités, qu'elle prendrait ce qu'il aurait à lui donner sans rien attendre ni espérer, et tant pis si c'était pas assez, elle s'en contenterait parce qu'elle peut pas demander plus, pas alors qu'il a le cœur brisé de s'être trop acharné à tous les réparer. Elle a eu beau croire que ce serait différent, l'histoire se répète, inlassablement. Elle a eu beau se répéter mille fois que c'était pas grave, qu'elle avait pas besoin d'être indispensable, d'être la première, la plus importante, de prendre toute la place dans son myocarde fissuré, d'être la colle dorée qui en colmaterait toutes les blessures. Que ça lui allait d'être seulement deuxième, de passer après eux, tant qu'elle était spéciale quand même, tant qu'il ouvrait ses paupières et sa poitrine pour la laisser poser le regard sur le miroir de son âme et sur son organe vital. Elle a eu beau se le dire dans toutes les langues qu'elle sait parler, c'est pas de répéter les mensonges qui les rend vérité.

Ça ne lui suffit pas. Ca ne suffira jamais. Iels pourraient essayer cent fois, mille fois, que ça recommencerait. Le manège serait le même, seule la musique changerait mais tout resterait pareil, ça ne serait jamais assez. Et elle lui en voudrait pareil, a chaque fois, quand bien même ça lui arrache le cœur de ressentir tout ça. Toute cette rancune tenace, cette envie de blesser, c'est pas elle, c'est pas ce qu'elle voudrait. Elle, tout ce qu'elle veut, c'est qu'il la voie avant eux.

Mais tout ce qu'il lui reste c'est cette rancœur amère devant son écran blanc où les messages s'alignent mais pas du bon côté. Plus les minutes s'égrènent sans réponse de sa part, plus elle veut lui faire mal. Et c'est le pire sentiment, cette haine qui éclot doucement. Elle lui en veut si fort mais ça fait des années qu'elle s'autocensure maintenant, qu'elle ne s'autorise pas à lui en vouloir vraiment, parce qu'elle n'a pas le droit, pas vrai ? Parce que c'est pas sa faute si son système solaire à lui a cessé de tourner, de fonctionner comme il faut. C'est pas sa faute, non, si tout repose sur lui, iel a rien demandé et quel genre de monstre serait-elle a lui reprocher un fardeau dont il était le premier à souffrir ? Alors elle a anesthésié la douleur et la colère dans des veines, avec des injections d'empathie à en frôler l'overdose, parce qu'elle pouvait pas faire autrement que comprendre, compatir, pardonner.

Se taire aussi. Taire sa rage et sa jalousie honteuse. Taire tout ce qu'elle n'avait pas le droit de ressentir, taire le négatif parce qu'elle refusait d'ajouter au poids sur ses épaules le fardeau de ses peines à elle. Changer les piques acerbes en mots compréhensifs, camoufler les regard blessés sous des lueurs de compassion. Taire sa propre douleur car la sienne était déjà de trop. Elle n'a plus envie de se taire. Elle a trop refoulé ses propres désirs, ses propres appels à l'aide, ses propres besoins, sa propre souffrance. Elle a refusé de lui en vouloir parce que c'était trop cruel, parce qu'il ne le méritait pas, parce qu'il ne faisait pas exprès. Mais avec ses bonnes intentions il a pavé leur enfer, en un chemin sur lequel elle a joyeusement marché pieds nus sans se soucier des échardes dans sa peau. Aujourd'hui elle a mal de toutes ces écorchures. Aujourd'hui elle lui en veut, et tant pis si c'est injuste, tant pis si ça le blesse parce que c'est lui qui l'a blessée. A ne voir que son système solaire défaillant c'est leur constellation qu'il a délitée, a se plonger dans son enfer, c'est toutes leurs fleurs qui ont fané.

Elle lui en veut. Elle en veut à ce stupide écran qui n'affiche rien de nouveau, elle en veut à ce calendrier qui lui rappelle quel jour on est, quel jour il a oublié. Elle s'en veut d'être trop stupide, trop naïve, trop conciliante. S'en veut d'y avoir cru encore, une fois de plus, la fois de trop. Avec un sourire désabusé, elle navigue dans ses autres contacts, s'arrête sur le surnom familier et réfléchit un court instant. Elle pourrait envoyer un salut, un tu fais quoi ce soir ?, un banal début de conversation pour donner l'impression qu'elle va bien, que c'est un jour comme un autre où elle veut parler à son amie. Sur l'écran, une dizaine de smileys colorés la contemplent, décorations d'un long discours qu'Ophelia a écrit avec soin pour fêter ce jour si spécial. Persy en relit quelques lignes, touchée par la sincère affection qui émane du long pavé enthousiaste. Son sourire se fait plus doux. Oly a toujours les bons mots pour la faire se sentir  spéciale, et chaque discours d'anniversaire est plus beau que le précédent. Chaque année, sans exception, elle lui fait savoir qu'elle l'adore, qu'elle apprécie leur amitié, que Persephone compte à ses yeux. Peu importe la distance, Oly n'a jamais manqué l'occasion de célébrer son existence.

Sa rancœur monte d'un cran : son amie n'a pas oublié, san petit;e ami.e si. Et c'est l'amertume qui l'emporte alors que ses pouces tapent deux mots, tout simplement. Pas de politesse ni de contexte, elles se connaissent bien trop pour ça, elle sait qu'Ophe comprendra tout. La réponse ne tarde pas à venir et réchauffe son cœur abimé. Here in a minute. Quand Ophelia n'a-t-elle pas été là pour elle ? Sans doute jamais. Persy n'aurait jamais cru rencontrer une amie aussi proche sur un simple forum d'écriture. AilePourpre est bien vite devenue Aily au rythme des discussions sur la chatbox tandis qu'elle-même devenait Naws. D'Aily, Persy est naturellement passée à Oly quand la joueuse lui a annoncé que son pseudo était désormais Oleander. Derrière tous ces pseudos comme autant de masques, toujours la même fille enthousiaste et passionnée, prête à l'embarquer dans mille projets de forums à rejoindre et à fonder. De chatbox en messages privés, elles sont ensuite passées à Skype puis timidement au téléphone avant de finalement se voir en vrai. Aily, Oly, Ophe, peu importent les surnoms donnés, ce n'est pas parce que leur rencontre est virtuelle que l'amitié n'est pas réelle. Au contraire, même, c'est peut-être Ophelia qui la connait le mieux, elle qui a vu sous sa plume des fictions sombres se dérouler, cette facette d'elle qu'elle cache au monde.

Ophelia qui a toujours été là, déjà pour la dernière rupture, moment de leur première rencontre. Ophelia qui l'a toujours soutenue, qui l'a suivie dans ses projets, sortant du giron de sa mère pour étudier à Seattle dans le même cursus que Persy. Ophelia qui est là aujourd'hui, pour la réconforter, la soutenir, parce que c'est ce que font les amies. Ophelia qu'elle prend dans ses bras, se réfugiant dans son étreinte familière qui lui rappelle qu'elle n'est pas seule, qu'elle est aimée, pas oubliée, qu'elle existe aux yeux de quelqu'un. L'embrassade dure quelques secondes avant qu'elle ne s'en détache doucement, pour inviter son amie dans le loft que lui a trouvé Enfys il y a quelques mois.

Fais comme chez toi. Enfin, tant que tu casses pas mes murs avec un marteau, évidemment...

Un sourire ironique accompagne sa réplique, référence évidente à un de leurs anciens rps, qu'elles se sont beaucoup amusées à écrire. Son regard glisse sur le sac à dos que porte Ophelia et elle fronce légèrement les sourcils.

Me dis pas que t'as amené tes cours avec toi...

Persephone n'est pas vraiment d'humeur à réviser la diplomatie surnaturelle au XIXe siècle en Europe et aux Etats-Unis.

And so it seems I broke your heart, my ignorance has struck again
I failed to see it from the start and tore you open 'til the end

Ophelia Delacroix  ϟ  Persephone Fitzgerald .

Elle a de la chance, d'avoir Ophelia dans sa vie. Qui d'autre que la sorcière aurait traversé les Etats-Unis en un rien de temps pour être présente au bon moment pour Persephone ? Enfys l'aurait sûrement fait également mais ce n'est pas pareil. Elle l'aurait fait parce qu'elle est sa djinn, parce qu'un contrat aussi puissant qu'ancien lie leurs existences respectives, parce qu'elle se doit d'aider son humaine. Il n'y a rien qui oblige Ophelia à être ici ce soir, rien d'autre que la simple envie d'être avec son amie. Elle sourit en voyant les pots de glace victorieusement brandis par la jeune femme.

Citron vert et rose ? T'es la meilleure, Ophe !

Elle a de la chance d'avoir Ophelia comme amie. Quelqu'un d'autre aurait pris de la glace à la vanille, une valeur sûre et sans grand risque, ou bien un pot de Cookie Dough Ben&Jerrys parce que c'est le genre de glace un peu mainstream que les gens mangent dans leur lit pour se réconforter. Mais Ophelia la connaît bien. Elle sait que l'humaine aime les goûts un peu insolites, qu'elle se démarque par son palais à défaut de le faire par des pouvoirs fabuleux. Mieux encore, elle se souvient des parfums que Percy a déjà goûtés et particulièrement appréciés. Oui, Ophelia connaît ses goûts, autant en terme de friandises que d'activités.

Ouiiiii j'ai vu la bande annonce l'autre jour, il a l'air in-cro-ya-ble ! En plus c'est pas souvent qu'on la voit dans un rôle de méchante, c'est cool !

Elle a de la chance d'avoir Ophelia avec elle. Ophelia qui partage son amour pour les personnages qu'elles créent et les célébrités qui les incarnent, Ophelia qui ne manque pas une occasion de récupérer des ressources pour leurs faceclaims, Ophelia qui aime Mia au moins autant qu'elle et l'associe maintenant trop à son feat, Ophelia qui fera sûrement plein de commentaires pour souligner toutes les mimiques de l'actrice qui sont tellement Mia. Percy allume la télé et attrape un plaid qu'elle lance à la tête de la sorcière pour l'inviter à installer leur cocon tandis qu'elle prend deux cuillères dans un tiroir pour les amener au canapé. Alors qu'elle clique sur l'icône rouge, elle se tourne vers son amie, soudain impatiente de lui raconter une anecdote que sa déception avait momentanément effacée de sa tête.

Oh, au fait, en parlant de Mia, fallait que je te dise, tu sais le nouveau là, qui avait dit ohlala j'adoooore ta FC elle est trop belle il nous faudra un lien ? Bah l'autre jour, on était sur la chatbox tranquille, avec Debbie et Finn, et là il débarque et il commence à… me draguer ? Je te jure il était là : /me fait des bisous à Mia etc, Debbie l'a trouvé bizarre aussi. Et après il m'a demandé si Mia était célibataire et il m'a proposé un lien love mais il forçait un peu tu vois… On aurait dit qu'il essayait de me draguer moi à travers ma perso, bref c'était super malaisant, je vais en parler aux admins je pense… Parce que vraiment je l'ai trouvé super lourd, comme si ma perso avait pas le droit d'être célib genre ?

Elle a de la chance d'avoir Ophelia. Une amie précieuse, une amie fidèle, le genre de filles à qui elle peut tout dire sans crainte que ce soit mal interprété, à qui elle peut se confier avec l'assurance d'être comprise, une bouée à laquelle elle peut se raccrocher au milieu des tempêtes de la vie. Une amie à qui elle peut se plaindre de tout et de rien, pour recevoir une deuxième dose d'attention, désirée cette fois. Une amie qui est là quand Hel ne l'est pas. Oui, elle a de la chance, Persy. Mais à trop prendre leur amitié pour acquise, elle risque bien de voir la chance tourner.

And so it seems I broke your heart, my ignorance has struck again
I failed to see it from the start and tore you open 'til the end

Ophelia Delacroix  ϟ  Persephone Fitzgerald .

Le nez enfoui dans la fourrure de Fyra, elle sourit, apaisée. Elle n'est pas seule, Persephone. Elle a la Naws Protection Squad, dirigée par la meilleure amie qui soit. Elle a Ophelia qui traverserait le monde entier pour lui apporter un pot de glace et la consoler - certes, c'est moins impactant depuis que les portails zouwu sont accessibles à tous mais ça reste touchant. Elle a Fyra, dont le contact est si apaisant, si familier, comme si elle faisait un câlin à une amie de toujours. Ca la touche toujours, Persy, de voir à quel point le panda roux est à l'aise avec elle, à quel point elle a été adoptée par la boule de poils si douce. Elle desserre son étreinte avant de sourire à Ophelia, que Fyra s'empresse de rejoindre.

Bon, on se le mate ce film ? On va pas laisser un mec relou gâcher notre soirée de simp sur Mia !

Sans attendre de réponse, parce qu'évidemment Ophelia est d'accord, comme toujours, elle baisse l'intensité des lumières et ouvre Netflix sur la télé avant de s'installer confortablement à côté de son amie sur le canapé, les pots de glace trônant sur la table basse devant elles. Elle avait raison, Percy, le relou du forum est vite oublié alors qu'elles se plongent dans l'histoire d'une détective mise face à un dilemme déchirant. Pourtant, il y a bien une ombre à ce parfait tableau. Elle plane entre elles comme un fantôme et se manifeste de temps à autre par la lumière qui émane de l'écran de son portable, qu'elle allume distraitement pour regarder ses notifications avant de l'éteindre de nouveau, déçue. Les minutes passent et les coups d'œil au téléphone se font plus fréquents, l'amenant à rater des lignes de dialogues importants. Un soudain silence lui fait relever la tête. Le film est mis sur pause et Ophelia l'observe.

Désolée…

Elle soupire, éteignant à nouveau l'écran et attrapant un pot de glace pour faire bonne mesure.

On peut remettre, hein. C'est juste que…

Il me manque. J'arrive pas à arrêter de penser à lui. J'aimerais qu'il soit là. Elle n'a pas besoin de parler, Persephone. Ophelia sait. L'humaine détourne le regard, fixant le mur, puis la fenêtre, tout pour ne pas regarder sa meilleure amie alors qu'elle déroule ses pensées, d'abord hésitante puis déterminée.

Ça m'énerve quand il fait ça. Il est injoignable et il revient comme une fleur trois jours après en s'excusant. Il a toujours des bonnes excuses. Orion a fait une connerie. Feyre avait besoin de lui pour se calmer. Althéa a disparu et il a fallu la chercher.

Un bref ricanement cynique ponctue ses paroles.

Ca va être qui cette fois ? Tu vois c'est ça le problème, Oph', il a toujours des bonnes excuses, c'est jamais vraiment sa faute. Alors je peux pas lui en vouloir, si ?

Elle fait de son mieux pour la garder en elle toute cette colère injustifiée qu'elle accumule depuis des mois, des années. Elle sourit un peu ironiquement.

J'me disais qu'on était un peu comme Roméo et Juliette, à s'aimer malgré les obstacles. Mais qu'on crèverait pas, nous, qu'on surmonterait tous les problèmes, quoi qu'il arrive.

La fenêtre est floue et ses yeux piquent un peu tandis que les larmes s'amoncellent, tâchant de trouver leur chemin à travers ses cils. Elle serre ses poings autour du plaid et baisse la tête. Une goutte s'écrase sur sa cuisse, juste à côté du pot de glace. Elle relève la tête et renifle.

Je suis tellement naïve…

Elle tourne la tête vers Ophelia, cherchant dans ses yeux un soutien, une réponse, le remède miracle à son mal-être qui dure depuis bien trop longtemps et à cette relation qui lentement s'éteint.

Je voulais tellement que ça marche. Je voudrais tellement que… que…

Que tout soit comme avant. Que tout soit plus simple, aussi simple que les papillons dans son myocarde lors de leur premier baiser. Mais elle ne dit rien de tout cela, Persephone, incapable de continuer à parler, incapable de faire autre chose que sangloter, la tête entre ses mains.

And so it seems I broke your heart, my ignorance has struck again
I failed to see it from the start and tore you open 'til the end

Ophelia Delacroix  ϟ  Persephone Fitzgerald .

Elle aurait dû le voir venir. Sans doute pas la première fois car la guerre a pris tout le monde de court, cueillant des vies innocentes au passage et ravageant leurs chemins d'avenir. Peut-être pas la deuxième fois non plus, parce qu'elle était encore jeune et naïve, Persephone, parce qu'elle voulait croire que l'amour suffirait pour que ça marche cette fois. Pour la troisième fois elle n'a pas d'excuse, si ce n'est le déni pur et simple de la réalité. It's funny how the warning signs can feel like they're butterflies. Elle s'est accrochée à cette relation parce que c'était tout ce qu'elle avait, parce que même si ael n'était qu'à moitié là, même si elle n'était que le second choix, c'était toujours mieux que rien. Ou du moins elle s'en est persuadée, se répétant que ce n'était pas grave, que ça lui suffisait au fond, qu'elle n'avait pas besoin de plus, qu'elle l'acceptait comme ael était. Mais les mots d'Ophelia fissurent la façade de ses mensonges alors que la sorcière se fait la voix de sa rancœur trop refoulée.

Elle ne l'a jamais accepté. Elle a fait comme toujours et a enfoui tout au fond d'elle les effluves toxiques de sa jalousie, plaquant sur son visage un sourire teinté de bienveillance factice et de compréhension fausse. Elle a tellement voulu y croire, qu'elle était assez mature pour ça, assez pour être tolérante et avoir une relation saine, assez pour lae laisser vivre sa vie sans jamais le prendre pour elle. Et quand les pensées négatives venaient, elle les cachait derrière une blague, refusant d'en parler à quiconque, persuadée que de toute manière, elle ne pouvait espérer mieux. Au moins, Hel la regardait. Quand ael n'oubliait pas les rencards, quand ael n'était pas ailleurs, stressé.e par le devenir des siens. Quand ael était là pour elle, même si ça arrivait trop rarement, elle se sentait aimée, Percy. Mais pas assez pour balayer les craintes sournoises qui l'étreignaient chaque fois qu'ael disparaissait. Ael la faisait monter si haut dans les nuages de ses espoirs avant de la lâcher d'un coup et qu'elle retombe douloureusement sur la solitude familière. Ael ne le faisait pas exprès, ce n'était pas vraiment sa faute. Mais avec toute la bienveillance du monde, ael n'avait fait que rouvrir ses blessures.

Tu mérites tellement mieux. Ophelia reprend sans le savoir les mots de la voix insidieuse en elle, qui alterne entre insultes trop réelles et ambitions au goût amer. Elle voudrait la croire, Persephone, elle voudrait que ses mots suffisent à lui redonner toute l'estime qui lui a été dérobée. Elle s'en veut un peu de se dire que les mots suffiraient dans la bouche d'un.e autre. Elle n'attend que ça, que Hel l'admette, qu'ael se confonde en excuses et en compliments hyperboliques. Ael le fera sans doute, dans trois jours, s'accablant pour son absence avec une telle sincérité que Percy lui pardonnera une fois de plus. Parce que c'est ce qu'elles font toujours, les schémas se répètent sur un tourniquet infernal dont elles ne savent pas sortir, sans doute parce que la chute est plus effrayante que la familiarité du tournis, de la vitesse et des nausées.

Merci… T'es vraiment la meilleure, tu sais ?

Sa main cherche la sienne, la trouve, la serre. Un sourire naît sur ses lèvres alors qu'elle sèche ses larmes de sa main libre et pose de nouveau ses yeux sur son amie. La meilleure de toutes. Elle l'abreuve de compliments, de mots d'espoir, de murmures de frustration et de rage qui viennent légitimer sa colère, elle la relève à chaque rupture, chaque mauvaise passe, chaque déception. Combien de fois encore avant qu'elle ne se lasse de voir Percy répéter les mêmes schémas, pardonner sans compter les scores qui s'accumulent de son côté ? Persephone lâche un soupir.

Je sais pas quoi faire…

Il lui en coûte de l'admettre. Elle est si sûre d'elle d'habitude, sûre de ses sentiments, de ses choix, sûre que cette fois-ci ça marchera. Elle n'est plus sûre de rien, Persephone. Elle est assaillie par les doutes et les erreurs qui se répètent et tentent de lui apprendre une leçon. Le seul examen qu'elle persiste encore à échouer.

C'est juste… chaque fois je me dis que ce sera différent. Mais là, je… je sais pas…

Les larmes s'accumulent de nouveau et sa bouche doucement se déforme alors qu'elle serre plus fort la main d'Ophelia.

Je sais pas si j'y crois encore…

Elle ne sait plus, Persy, si elle a encore la force de se plonger dans des illusions qui toujours se dissipent.