Katana / Never was a girl with a wicked mind

Ça fait des semaines que j'ai pas eu une seule nuit sans cauchemars. Les ombres ont des yeux, les couteaux un appétit insatiable et chaque visage inconnu semble une énigme au parfum cuivré. Sapphire, la première, avait submergé ma vie d'un flot de doutes et de peurs aux couleurs rougeâtres. Le surnaturel avait été ma malédiction, ce crachat au visage qui te met à genoux. Puis était venue Isra. Plus qu'un barrage repoussant les vagues d'ombres, elle était mon phare vers un espoir enfin permis, ma lumière pour trouver ce chemin dans un monde qui, enfin, semblait être le mien. Malédictions et superstitions suivaient la soumission et la détestation : libre, je me dirigeais vers la solution. Mais quand les phares mentent, à qui se fier ? Quand le barrage craque, comment échapper au ras-de-marée ? Quand les malédictions se révèlent vraies, toutes les ombres sont des menaces.

Le soleil brillant de l'Arizona semble rire de mes idées noires. Je dois paraître bien folle, à fuir les monstres que je n'ai jamais vue, mais j'ai besoin de la lumière du jour pour chercher une aide nouvelle avant que la nuit ne me rattrape, inarrêtable. "Aide" car je n'ose pas vraiment dire le nom de ceux que je recherche. Toutes mes valeurs vont à l'encontre de cette secte qui tue sans merci ceux qui ne leur ressemblent pas. Toute mon histoire est marquée par la persécution que des mains aussi rouges que les leurs ont exercées sur moi et mes ancêtres. Toute ma volonté est contre leur idéologie homicidaire. Et, en plus, leur QG est dans la cambrousse.

Je ne vais pas prétendre ne jamais avoir été tentée. Quand les surnaturels me sont apparus comme une menace existentielle, quand les séides de Caïn ont commencé à commettre des crimes suprémacistes, la lutte armée m’a semblé légitime, nécessaire. Le courage de Sol, la bonté d’Alaska, l’exemple des Riverwood et, même à leur façon, la fragilité du coven Crowley et de Gabriel, m’avaient bien montré que les croisés de l’humanité étaient aussi éloignés de leurs objectifs que leurs ancêtres qui avait échoué sur les murs de Constantinople. Et, si je ne suis pas Anne Comnène, je ne m’associerai tout de même pas avec ceux qui traquent les innocents. Jusqu’à aujourd’hui.

Isra me les a présenté comme la menace ultime, l’ombre esclavagiste de Phoenix, la peste trafiquante d’être humaine antique et sordide. Alors, si elle emplit ses beaux yeux bruns d’une telle peur, si Rhea Riverwood elle même ne peut pas les vaincre, je dois accepter que je n’ai pas la moindre chance contre eux. Il est hors de question de recruter mes ami.e.s dans de tels dangers, je serai la pire des personnes de les soumettre à ça. Le Conseil n’est plus, il n’y a donc plus qu’un espoir : les démons du Cercle des chasseurs pour affronter les fantômes du clan Idreis.

Je descends de mon pick-up en mettant un chapeau. Je ne vais pas prétendre être discrète, avec mes cheveux bleus et ma tenue rappelant toujours ma musculature, mais j’ai au moins laissé au garage ma Mercedes et mes Louboutin. Ça tombe bien, ils feraient vraiment tache au milieu de ce décor de Western. Je me rapproche d’un bel hongre noir pour lui gratter le bout du nez avant de me rendre compte que je suis surveillée. Une femme au regard intense me toise et le sourire que j’adressais à l’animal s’éteint. Je croise mes bras sur ma poitrine, aussi fière et brave que je peux essayer de l’être afin de m’adresser à elle.

Salut. Je cherche pas les ennuis mais j’ai une offre pour vous. On m’a dit que je devais venir ici si des démons me menaçaient. On s’est foutu de moi ou pas ?

Autant faire l’innocente et l’ignorante pour commencer. Les muscles et l’arrogance ont leur intérêt, comme l’argent et l’agressivité, mais des battements de cils effrayés sont sans doute la meilleure recette pour s’adresser à des héros auto-proclamés.