If one thing had been different, would everything be different today ? NovaKota III

If one thing had been different, would everything be different today ?

CW : environnement médical, stérilité et stérilisation

Je ne sais pas trop ce que je fais dans la salle d’attente de cette gynéco. Après les années de lutte contre un système médical entièrement dévoué à la religion de la natalité, après les entretiens sans fin à maintenir ma volonté et mes droits, après les heures à regarder le plafond pendant les « périodes de réflexion » où tout le monde tentait de me dire ce que je devais faire de mon corps, selon les lois de la Nature, de Dieu ou de l’Amérique, j’espérais clairement éviter ce genre de cabinet pour quelques temps. Mais, voilà, l’assurance santé de Boss Jewels s’en étant mêlée, enchaînant menaces et mails étranges pour me pousser à retourner voir Dr. Rado.

Elle n’a d’habitude pas autant de retard, alors je me surprends à feuilleter les magasines. Je souris à quelques photos de ma chère Aurore dans les pages mode, je fais semblant de m’inquiéter devant un reportage sur les activités des chasseurs dans le Népal (en réalité, je regarde surtout les photos) et je dévore une analyse détaillée de la garde robe des Van Seabrook depuis leur arrivée à la Surface. Un jour, un jour je les convaincrai de porter du Boss Jewels.

Puis je suis allée faire quelque chose, et, pour vous expliquer quoi, je dois d’abord parler des causes. J’étais profondément agacée par cette histoire de rendez-vous forcé alors j’ai décidé de boire un thé plutôt qu’un café ce matin. Sauf qu’un thé, même un très bon earl grey préparé par Alaska, ça ne me réveille pas autant que mon latte habituel. Alors, sur le chemin, je me suis arrêté boire un matcha à la lavande bien trop cher, mais, c’est Paradise Valley après tout, et la barista tient sa recette d’une de ses collègues à Washington D.C. Vous voyez où je veux en venir : ma vessie était en danger. Ce n’est clairement pas quelque chose que je mentionnerai habituellement, mais c’est ici important, je vous prie de me croire.

Alors que je me lavais tranquillement les mains, la porte se claque et est verrouillé sans que la personne ne se soit aperçue de ma présence. Pour cause, l’arrivante a les yeux couverts de larmes même s’ils mêlent à l’étonnement en me voyant et me reconnaissant. Je dois dire que c’est réciproque.

Nova-Blue ? Tout va bien ?

Toute animosité émanant de notre dernière rencontre est oubliée. Elle est là et a l’air d’avoir besoin d’aide : c’est tout ce que j’ai à savoir pour vouloir la soutenir.

@Nova-Blue Herondale

Âge : 31 ANS (28/08/1990)〖 grandie trop vite et sans prévenir

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nova-blue & dakota iii

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Did some bird flap its wings ovеr in Asia? Did some force take you bеcause I didn't pray? Every single thing to come has turned into ashes 'cause it's all over, it's not meant to be so I'll say words I don't believe

TW : pensées auto-destructrices, dissociation

T’arrives pas à croire que t’es en train de payer pour ça.
Ta carte bleue s’insère dans la machine, tu composes ton code comme un robot -c’est le même depuis des années-, et le petit bip caractéristique vient de t’indiquer que si. Tu viens de débourser ton argent pour entendre une mauvaise nouvelle, tu viens de fracturer ton compte en banque pour que ton estime de toi chute. Les calculs sont pas bons. T’as dû rater une virgule, un mot, un signe équivalent, quelque chose dans la syntaxe de cette équation qui change totalement le résultat. Ça se pourrait, ça s’est déjà vu. C’est pas impossible.
L’obstétricienne persiste à prendre un ton poli, et tu peux pas t’empêcher d’avoir un brin de haine pour elle. Tandis que ton univers s’écroule, tu n’es qu’une de plus dans sa journée, une autre jeune femme à qui elle doit annoncer une mauvaise nouvelle. Sans doute qu’elle a déjà dit ça plusieurs fois dans sa vie, peut-être même dans sa semaine. Elle est professionnelle mais chaleureuse et ça t’horripile. Tu préfèrerais qu’elle se mette à crier, qu’elle te secoue, ou bien qu’elle soit aussi aimable qu’une porte de prison cassée.
De toute façon, la cage c’est toi. Tes côtes forment des barreaux d’acier qui t’empêchent de te liquéfier ; il te semble que c’est uniquement par leur action que tu ne te réduis pas en cendres qui s’envolent dans un vent gelé.

Insuffisance Ovarienne Précoce. Les mots sont scientifiques, froids. Un documentaire animalier, une dissection à l’ultraviolet. Elle aurait pas pu dire stérile, putain.
T’as la nausée lorsque tu quittes la pièce.
Ton corps t’a trahie. C’est tout ce que tu arrives à penser. Il avait un seul taf à faire, c’était de se plier à ce que tu lui demandais. Tu l’as bien entretenu, pourtant ; une alimentation irréprochable en termes d’apports, du sport quasi quotidien depuis une bonne quinzaine d’années, et tu mettais même ton téléphone en mode avion la nuit pour éviter les ondes. Ton corps t’a trahie, et tu le détestes pour ça. Tu voudrais le détruire, l’anéantir, séparer chacun de ses atomes pour qu’il s’en repente à jamais. T’as tellement été éduquée à séparer ton corps et ton âme que tu réalises même pas que c’est toi, en fait, toi toute entière et imparfaite, c’est toi qui vient de tomber de haut et de te fracasser les ailes.

Dans un état second, tu te rues vers les toilettes du cabinet. La prote claque et tu t’y adosses juste après l’avoir verrouillée. Des idées tourbillonnent dans ta tête, des envies de crever tes yeux, plonger tes mains dans ton nombril jusqu’à en ressortir ton utérus et le piétiner, le frapper jusqu’à ce qu’il te rende ce qu’il t’a pris, l’espoir d’une vie idéaliste où tu te révèlerais heureuse. Tu te vois déjà le dévisager et le jeter dans la cuvette, les mains rougies par la détresse, et tirer la chasse d’eau vingt fois. Tu imagines les traînées rouges sur l’émail blanc, et ça te rappelle soudainement à qui t’as envie de parler.
S ? Quelle utilité d’appeler Alix, c’est de ta sœur dont tu as besoin. S, t’es là ?
Tes yeux fouillent la Toile de toutes tes forces, mais l’écarlate est occupée. Il n’y a devant toi que le bleu de ta propre incompétence, il se réverbère sur les murs et dans les cheveux de …
« Dakota ? »
Tu as tout oublié de votre dernière rencontre, alors que ta bouche prononce son prénom et se tord bien trop violemment vers le bas pour ne pas pleurer. Alors que t’essaies d’ignorer les rivières de lave sur tes joues, tu voudrais juste garder la face lorsque tu bafouilles comme une bleue.
« Q-que… non, enfin oui, je. T-tout va bien, c’est juste … je … »
A mesure que ta voix se brise, ça devient un peu plus ardu d’ignorer tes sanglots cassés. Tu te laisses glisser, dos à la porte, jusqu’à ce que tes fesses touchent le sol et tes bras encerclent tes genoux comme une nouvelle prison choisie.
Ta voix n’est qu’un filet de son, misérable et désincarné, lorsque tu finis par jeter.
« Pardon, Dakota. »

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CW : environnement médical, stérilité et stérilisation

C’est pas un nom très triste, Dakota. Y’a des sonorités sympas, des consonnes qui dansent presque, d’habitude on s’adresse à moi avec un sourire, parfois un peu moqueur, j’avoue, mais toujours assez enjoué. Jamais, en tout cas, on ne me l’avais dit avec tant de tristesse. Les « a » tremblotent comme des soldats défaillants, le « o » est bien seul et bas, centre d’un univers dont il ne veut plus faire partie, les consonnes sont plus friables que cassantes, synonymes de défaites et de catastrophe. Et pourtant c’est elle qui a le nom d’une étoile mourante, de la couleur de la mélancolie et tout ça, c’est bien mon nom qu’elle dit avec une tristesse infinie.

Ses mots de toute façon, se confondent avec les sanglots, et sont moins intelligibles qu’un poème de Philippe Jaccottet (sérieusement, pourquoi Sol m’a conseillé ça?). Je reconnais que trop bien cette détresse qui dépasse le langage, cette sensation d’arrachement à l’être si fort qu’il n’y a plus rien à dire dessus. Ce moment où on a l’impression qu’on ne pourra plus jamais parler, parce que notre peine nous a fait quitter l’ordre humain, pour devenir une damnée encerclée par sa peine.

Mais on ne laisse pas les damnées seules, je ne me fais pas prier pour l’aider, ou en tout cas essayer. Elle s’assoit, sans doute plus par nécessité que par choix, sur le carrelage suspicieusement blanc des toilettes, alors je la rejoins avec grand naturel, pour faire croire que tout ceci est normal. J’aimerai la réconforter d’une étreinte mais, après notre dernière rencontre, cela me semble dangereux. Je me contente donc de poser mes paumes sur ses chevilles et ma voix la plus douce possible.

Enfin, Nova, qu’est-ce que j’aurai à te pardonner ?

Tout disparaît, toute ma colère et mes peines, devant la pensée qu’un seul maux pourrait toucher l’étoile bleutée. Pas elle. Soudainement je me crois à nouveau chevalière aux cheveux d’azur, courant pour la sauver, sans romantisme cette fois-ci, seulement par cette sororité que je veux crier à tout le monde pour faire oublier toutes les fois où je l’ai trahi.

Tu veux… Tu veux que j’appelle la docteur ? Ou Scarlet ?

Il y a quelques années j’aurai tout fait pour la sauver elle, seule, qu’elle sache que c’était moi, seule, qui l’avait secourue. J’ai changé et accepté, reconnue que je devais être une personnage secondaire dans la vie de l’étoile de Phénix. C’était sans doute mieux pour nous deux.

Je suis là en tout cas. Si tu veux me parler. Ou qu’on dégage de là. Ou aucun des deux.

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TW : toujours pensées autodestructrices assez vnr

Qu’est-ce-que j’aurais à te pardonner ?
Devant la question qui se pose, tu recenses les milliers de choses que tu devrais te faire pardonner. T’as jamais été la meilleure, t’as jamais été la première ; c’est pas faute d’avoir essayé. Tu montais sur les deuxièmes places sur les podiums de compétition de gym et maintenant tes médailles ressemblent à des couperets qui vont t’entailler la poitrine. Pour ta mère, t’étais moins importante que les voix qui l’ont conduite à s’enfermer ; pour ton père, t’étais toujours derrière ta mère. Puis Scarlett est arrivée, et tu t’es dit que dans la course qui menait à la vie d’adulte, t’arriverais sans doute en premier. Ça marche pas comme ça, et c’est pas d’être née avant qui te permettait d’avancer. Elle t’a doublée, quelque part entre les soirées où t’étais pas invitée et les représentations de théâtre.
Et le pire, dans tout ça, Nova, c’est que tu réalises même pas que la seule que tu déçois c’est toi. Personne t’a demandé d’être parfaite, personne t’a demandé d’être la meilleure. Personne t’a rien demandé, tout court. Pourtant tu peux pas t’empêcher de te dire que plus tu brilles fort plus y aura de l’amour pour toi, plus y aura du respect pour toi, plus y aura de l’estime pour toi.
Pourtant, ton utérus demeure toujours aussi vide que ta cage thoracique.
Alors peut-être que ce n’est pas à Dakota de te pardonner quoi que ce soit, Nova. Peut-être que c’est à toi de le faire. Peut-être que c’est à toi d’accepter ce que tout le monde a déjà vu et que tu refuses net d’admettre ; que Nova-Blue est imparfaite mais que ça ne la rend pas moins forte.

T’es incapable de le faire.
Impossible de te dire que tes rêves de vie bien rangée viennent de s’arrêter à cette porte, à ces analyses de sang, à ces mots. Impossible de penser à l’avant, à l’après, à quoi que ce soit d’autre que ce corps défaillant que tu ratatines sur le sol glacé de toilettes collectives face à une femme qui t’a aimée et que t’as pas su apprécier. Impossible d’imaginer autre chose que ce gigantesque trou noir qui avalera tous tes organes. Ça sert à rien d’être une supernova si tu n’accueilles aucune étoile. Il n’y a rien de brillant chez toi, y a que cette étoile qui s’effondre, consumée par sa propre masse, qui essaie de s’agripper à ce qui reste sans réussir à s’en tirer.
« S-Scarlett répond … pas. » est tout ce que tu parviens à articuler.
Et tu restes là, la tête entre les genoux, à contempler le carrelage vaguement collant à force d’être désinfecté. Tu te demandes, si tu le lèches, est-ce-que ça nettoiera aussi cette gravité stratosphérique qui emporte tes espoirs d’avenir ?
Tes rotules se calent contre tes tempes. Un rideau brun et bien trop souple s’est glissé dans ton champ de vision ; personne n’a le même prénom que lui.

Tu sais pas combien de temps le silence s’étire, y a juste des crevasses dans le carrelage qui carillonnent de tes sanglots. Difficile pour toi d’encaisser que c’est Dakota qui est là et que tu pourrais lui parler, alors tu restes juste assise à prendre de longues respirations jusqu’à ce que ça se calme un peu.
Ton visage est intégralement trempé et tes cils ressemblent à des lames.
« Est-ce-que … t’as … t’aurais un mouchoir ? »

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CW : environnement médical, stérilité et stérilisation

À une époque, j'aurai rêvé d'une situation comme celle-ci. Héroïne devant la belle étoile, j'aurai séché ses larmes de mes cheveux, telle une Madeleine bleue et salvatrice. Je lui aurai amené la tête encore pourpre de Dr. Rado et l'aurai prise dans mes bras pour l'emmener loin d'ici, sur un bateau fait seulement pour nous deux. Le bleu et les étoiles étant nos amantes, nous aurions vogué partout, car ça aurait été parfait.

À la place, je lui tends un mouchoir.

Car tout n'est pas parfait, et Nova elle même ne l'est pas. Pas du tout, même, tout comme moi d'ailleurs mais ça ne l'excuse pas. J'ai vu ses violences et, si elles sont pardonnées, elles ne sont pas oubliées. De toute façon, ça n'a pas d'importance. Ai-je un jour vraiment aimé Nova-Blue et pas seulement l'idée d'être aimée par la blancheur incarnée, pas la froideur aride de ces femmes que j'idolatre sans pouvoir les copier ? J'ai versé trop de larmes pour un rêve stupide.

À la place, je souris à Nova. Sans doute avec l'air stupide.

Tu sais, faut pas trop l’écouter Rado, elle radote parfois. Et puis son nom, je sais pas si tu sais, mais ça veut dire bateau en français.

Je réalise que dans mes efforts de lui changer les idées, j’ai oublié quelque chose.

Ah mais c’est vrai, t’es québecoise. Tabernak.

Ven 6 Oct 2023 - 16:54

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TW : pensées autodestructrices, self-harm

Dakota te tend un mouchoir et tu regrettes le palmarès de vos dernières conversations. Entre le moment où vous avez failli en venir aux mains pour un mec qui en vaut pas la peine et celui où elle t’a avoué qu’elle avait eu des vues sur toi, tu sais pas vraiment quel est le pire. Tu te sens misérable face à cette meuf qui a toujours été là pour toi, avec ses convictions bruyantes et son affection maladroite.
Et toi, t’as rien su faire de bon en retour.
Tu te mouches et les sanglots compriment à nouveau tes poumons, les hoquètements reprennent. S’il y a eu une époque où elle a pu te trouver belle, c’est fini maintenant. Tu n’es qu’un affreux crapaud tout ridé qui, malgré tout ses efforts au monde, n’attirera pas de prince charmant.
Malgré tout, ses efforts paient et tu finis par glousser en l’entendant tâcher de jurer en québécois. Tabarnak. Un gigantesque cliché auquel tu ne souscris pas vraiment mais, en désespoir de cause, t’as besoin de plus que Rado pour échapper au tourbillon de tes pensées désillusoires.
« Hostie de calice, j’dirais même. » tu articules.
Le nez est tellement pris par tes larmes que tous tes m deviennent des b, et ça te fait pouffer encore. L’hilarité essaie de se propager au reste de ton corps défait, mais c’est bien la peine qui l’emporte lorsque quelques sanglots transpercent le cocon que tu veux tisser.

Tes yeux sont rouges, bouffis, affreux, quand tu les lèves vers Dakota. Elle t’a pas demandé d’explication, pas de justification, rien. Malgré tout, t’as le sentiment de lui en devoir une, comme tu lui devais des excuses.
« Je suis avec ce gars, Alix, et … on essaie d’avoir un bébé. Ça fait plusieurs mois, maintenant, et juste … » Le prononcer à voix haute, ça a quelque chose d’encore pire. Tes cordes vocales sont défaillantes et échouent à articuler ta propre sentence infernale. Prise à nouveau par un torrent de larmes, tu te frappes une ou deux fois le ventre sans grande conviction. « Je suis stérile. »
La réalité crève le carrelage, des mains noires surgissent de partout pour tenter de te démembrer avec tes mensonges plein la gueule. Écartelée et vide pourtant, tu enfouis ton visage dans tes mains, replie tes jambes encore un peu pour n’être qu’une boule de rage contre les feux de l’univers.
Le mot a roulé sur ta langue presque facilement, et il semble poser son empreinte sur chaque vibration du cabinet. Stérile. Une partie de toi se soucie de ce qu’en pensera Dakota, mais tu n’en as plus rien à foutre. Tu restes juste, la tête dans les mains, à repartir parmi tes pleurs.

« Je suis inutile. »

code by valhdia

Mer 29 Nov 2023 - 12:54

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CW : environnement médical, stérilité et stérilisation

J’ai réussi. Nova rigole, le nez bouché mais les lèvres tremblant de choses plus belles que des sanglots, les yeux rouges mais éclairés par la joie. J’aimerai pas m’en rappeler avec autant de clarté, mais ça me ramène désespérément à la première fois où on s’était rencontré, à ma blague, tout aussi gênante, pour la calmer de son stress. À défaut d’être la chevalière servante de l’hirondelle, je peux être sa clown personnelle. C’est peut-être pas si mal. Elle se relève et je me dis qu’on a réussi et qu’on peut se casser vers des bureaux qui ne sentent pas l’hôpital et le patriarcat, vers un peu plus de joie et pourquoi pas un café et des calories bien méritées.

Puis tout déraille. Je suis touchée, évidemment, qu’elle essaye de m’expliquer alors qu’elle ne me doit rien et que je n’ai rien demandé, mais c’est clairement trop tôt pour mettre des mots sur une blessure trop affreuse. Elle se frappe tandis que ses yeux ne brillent plus d’humour mais d’horreur. Quels cauchemars cacophoniques flottent et flétrissent la fée fatidique ?

Je fais quelque chose que j’ai trop voulu et ne veut surtout plus faire. Je lui attrape les bras pour l’empêcher de continuer les dommages en l’enlaçant bien plus proche que ce qui est confortable. Je sens son souffle horrifié et mon pouls s’agite en folie : rugissant de peur mais aussi, à mon plus grand inconfort, de plaisir coupable. Des larmes coulent doucement tant le conflit en moi me dégoûte et me blesse.

Si quelqu’un rentre dans les toilettes maintenant, la scène doit quand même être assez étrange.

Quand je la sens un peu calmée, je recule d’un pas, tenant toujours fermement ses poignets et la regarde avec le plus de douceur amicale que me permettent mes larmes.

Tu seras jamais inutile, Blue. Quand tu seras là pour aider ta sœur, tu seras toujours utile. Quand tu brilleras de ton intelligence au milieu de tes amies, tu seras toujours utile. Quand tu souriras à ton Alix, je peux te promettre que ce sera pas inutile. C’est pas parce que ton corps ne sait pas faire une chose qu’il en devient inutile. Tu sais, je suis basiquement née et tout dans le milieu du sport. Ton corps, de ce que j’ai vu de tes compets que Scarlett m’a envoyées : il est incroyable ! T’es géniale, Nova, et on s’est peut-être jamais bien entendue toutes les deux, mais ça fait de moi la meilleure personne pour te le dire.

C’est pas la personne à qui parler des injonctions sociales à avoir des enfants, la Ms. Herondale. C’est pas celle à qui tenir un discours sur l’adoption ou la GPA, parce que j’ai déjà bien assez donné sur les questions sociétales avec elle. C’est clairement pas le moment pour lui parler de mon choix à moi. C’est le moment pour la rassurer, ou du moins d’essayer.

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Pourquoi est-ce qu’elle t’aide, Dakota ?
Elle a aucune raison de le faire. Tu l’as humiliée publiquement : une fois, quand vous étiez à la fac, une autre fois au restaurant. Et dans la sphère de sa conscience, tu l’as humiliée beaucoup plus. Tu l’as faite se sentir indigne, se questionner sur qui elle est, tu l’as poussée à se demander si c’était pas elle la méchante.
La méchante, ça n’a jamais été elle ; ça a toujours été toi.

Pourquoi est-ce qu’elle t’aide, Dakota ?
C’est la meuf la plus forte que tu connaisses, plus badass que tu le seras jamais. Elle a pris l’opinion des autres pour l’éclater à coups de poings. Le racisme, le sexime, le classisme, et même le cercle chromatique, elle leur a collé des mandales jusqu’à ce qu’ils puissent plus se relever. Ses insécurités, elle les a mangées en salade avec une sauce goût coolitude.
T’as été odieuse avec elle et elle est là, à tenter de te faire sourire sur le carrelage mal nettoyé d’un cabinet gynécologique en plein cœur de Phoenix.

Pourquoi est-ce qu’elle t’aide, Dakota ?
Tu l’as pas mérité, Nova. T’as pas mérité qu’on se préoccupe de toi, qu’on t’épaule quand tu vas pas bien. Toi, t’aurais été à sa place, tu aurais laissé le venin couler contre tes crocs de vampire, t’aurais ri de voir une meuf qui t’a fait du mal enfin souffrir du retour de karma, se prendre son cauchemar dans la gueule alors qu’elle est devenue le tien.
C’est ça, la différence fondamentale, la raison pour laquelle sans doute vous pourrez jamais vous entendre : tu sais pas pardonner, Nova.

Tu pardonneras pas à ton corps, tu pardonneras pas à Alix, mais tu trouves un peu de réconfort à l’idée que, elle, aujourd’hui, elle fait le choix de te pardonner. Elle pleure avec toi, elle t’enlace pour pas que tu te fasses mal plus que ça te troue déjà le bide. Elle est qui tu voudrais bien être sans jamais vouloir te l’admettre.
Alors, entre deux sanglots fatigués, tu laisses aller ton front contre sa clavicule et tu hoquettes comme une enfant.
« Merci, Dakota … merci. »
Peut-être que son avis compte pas autant qu’elle aimerait que ce soit le cas. Peut-être que c’est voué à l’échec, que l’amitié qu’il y a entre vous pourra jamais être construite. Peut-être que tu seras odieuse avec elle, encore, quand t’auras oublié l’instant de vulnérabilité au cabinet du Docteur Rado. Peut-être.
En attendant, reconnaissante, tu te réjouis qu’une fille unique t’apprenne ce qu’est la sororité.

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If one thing had been different, would everything be different today ? NovaKota III

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