Dans nos obscurités / Kotise

11 janvier 2008

C’est Elena qui m’avait convaincue. La petite n’avait même pas encore six ans et pourtant elle me balançait parfois des leçons de vie entre deux parties de cache-cache. À la base, j’étais venue faire du baby-sitting pour l’argent de poche, pas pour prendre des leçons de philosophie, mais quand la blondinette m’avait fait remarqué que si je trouvais cet endroit si joli, je n’avais qu’à y rentrer, je m’étais posé la question.

D’abord, j’ai trouvé ça ridicule. Le plus ancien casino de la Nouvelle-Orléans ne voudra pas d’une jeune ado sans intérêt comme moi. On dit que c’est le lieu le plus magique de la ville la plus magique des États-Unis alors je pense qu’ils vont s’endormir devant moi ou, plus simplement, me mettre à la porte. De toute façon, est-ce qu’ils accepteront quelqu’un qui n’a même pas dix-huit ans, encore moins vingt et un ?

Puis, une autre remarque d’Elena m’avait mise sur un autre chemin. Ils ne pouvaient pas me refuser s’ils ne se rendaient pas compte de ma présence. Parfois je m’inquiète de ce que va devenir cette petite. Je devrais peut-être plutôt m’inquiéter pour moi, qui découvre les intérêts de l’obsession, et qui comprend que quand on étudie assez un lieu, quand on y concentre toute son attention, on peut toujours trouver une brèche et c’est presque sans m’en rendre compte que je me retrouve à l’intérieur.

Je ne pense pas que mon maquillage (que j’ai mis à peu près deux heures à préparer) ni ma tenue ne trompent grand monde sur mon âge. Alors je rase les murs, joue au chat et à la souris avec les agents de sécurité et me retrouve finalement loin des endroits les plus amusants. Je me faufile finalement dans une pièce au luxe encore plus impressionnant que le reste de ce lieu déjà incroyable. Je passe quelques secondes à admirer le décor avant de me rendre compte que je ne suis pas seule. Une femme magnifique, à la tenue plus gracieuse que tout ce que j’ai jamais vu, me tourne le dos. Mais quand mes yeux quittent sa tenue, ils ne croient pas ce qu’ils voient. C’est comme si son ombre était vivante, elle s’agite au sol d’une manière qui me semble tout sauf naturel.

Mon rythme cardiaque monte peu à peu alors que je me rends compte que je n’ai aucune idée de ce qui se passe et que je pourrais être en grand danger. Mon coeur s’arrête tout simplement quand je vois qu’il y a un miroir face à elle et que son regard est fixé sur moi. J’étouffe un petit cri.

Pardon ! Je ne voulais pas… Je voulais juste visiter, je suis perdue…

Je me rends cruellement compte que ce n’est pas une petite fille de cinq ans qui va me sortir de prison. Et j’ai peur que cette femme dont l’ombre est vivante ait même des desseins plus noirs que les barreaux…