Birds of a Feather • Adonis

Après avoir raccroché, David prit un moment pour se ressaisir. La tête entre les mains, les doigts pressés sur ses tempes, il crispa un moment les paupières, le visage tordu d’une grimace. Il aurait eu envie que quelques larmes lui échappent, pour alléger un peu cette sensation lourde qui lui oppressait la poitrine. Mais rien ne vint. Il avait vécu trop de deuils pour qu’ils continuent de l’affecter de la même manière. C’était toujours douloureux, mais il les accueillait désormais avec un mélange de résignation et de fatalité.

Au bout d’une minute ou deux, il renonça. La tristesse enserrait son cœur dans un étau, mais il savait que cette sensation finirait par se dissiper. Et en attendant, ils avaient un problème. Dans un soupir, il se leva, fourra son téléphone dans la poche arrière de son jean, et traversa la salle de mécanique, où deux ou trois mecs travaillaient en tout temps, à la recherche d’Adonis. Il salua les gars d’un hochement de tête, les membres souples, la démarche nonchalante.

T-Bone était un paradoxe. Il tenait son surnom de son caractère coriace, mais présentait habituellement au monde l’apparence d’un type perpétuellement calme et détendu. Il suffisait de pas le faire chier, et il restait l’homme le plus affable du monde. Ça en avait désarçonné plus d’un qui, avant de le connaître, avaient commis l’erreur de prendre son flegme pour de la mollesse ou de l’indulgence. En réalité, David était un stoïque. Il endurait. Il résistait à toutes les intempéries. Et s’il ressemblait parfois au roseau de la fable, qui plie sous le vent, ce n’était qu’un leurre pour mieux revenir avec la détente d’un fouet.

Adonis n’était pas dans le garage, il devait donc se trouver dans son bureau. Devant la porte, David exhala un soupir avant de frapper. Il n’attendit pas la réponse de son ami pour entrer, les deux coups toqués n’étaient qu’une manière de l’aviser de sa présence. Il s’affala presque aussitôt dans le vieux fauteuil du coin — sa place attitrée — et soupesa Adonis d’un regard lourd. Inutile de tourner autour du pot ou de prendre des pincettes.

« Domino s’est fait tuer. »

Domingo Álvarez, Dom ou Domino pour ses amis. Et ils l’étaient. Amis. Même s’il faisait encore partie des dernières recrues du gang, un gamin au regard vif et à l’esprit toujours en ébullition, le chiot fou des Black Hawks. Mort. Laissant une mère et deux petites sœurs éplorées.

« Les Hell’s. »

Là non plus, pas besoin de développer. Ils savaient tous deux ce que cela voulait dire. Une déclaration de guerre.


@Adonis Lancaster