Tell me who I am ft Ezra

Du rouge, du jaune, du vert. Trois couleurs sur une toute petite feuille dont la jeune femme suivait la descente avec les yeux jusqu'à ce qu'elle pose doucement, avec délicatesse sur le chemin boisé. Même ici à Phoenix, l'automne donnait de belles couleurs à la végétation environnante; et, malgré les températures quoique fraiches pour la géographie de la ville, le soleil réchauffait les habitants de ses rayons. Elle ne pouvait pas dire qu'il s'agissait de sa saison préférée, mais elle l'appréciait l'atmosphère de l'automne, les couleurs, les odeurs... Ce qu'elle appréciait moins en revanche, c'était les fêtes associés à cette période; comme Thanksgiving qui aurait lieu dans quelques jours. Des familles s'étaient déjà réunis et déambulaient librement dans le parc sous ses yeux.
Avec un soupir, elle resserra sa prise sur le gobelet de chocolat qu'elle tenait entre ses mains; ce n'était peut-être pas une si bonne idée finalement. Rencontrer d'autres personnes comme elle...elle ne savait même pas ce qu'elle était réellement. On lui avait attribuer tellement d'identités différentes qu'elle en avait oublier la sienne; fille, amie, dragon, monstre... Ce dernier point était sans doute ce qui avait encore plus brisé la jeune fille; ou peut-être avait-ce été le coup de trop, celui qui avait fait voler en éclat une vitre déjà trop fragile. La dragonne n'aurait su répondre à cette question. Au final elle n'était plus tout à fait Astra...mais pas tout à fait quelqu'un d'autre non plus. Au final, elle n'était que sur l'étrange et fine limite de deux identités, balançant d'un coté ou de l'autre suivant les situations.


Les minutes défilaient, Astra, Grace, n'en avait de toute façon pas réellement conscience. Cela ne fut le cas que, lorsqu'en portant le gobelet à ses lèvres, elle se rendit compte que sa boisson était désormais froide. Avec une grimace, elle jeta le contenant cartonné dans la poubelle à côté d'elle avant de se lever du banc sur lequel elle s'était assise ses trente dernières minutes; ce n'était pas eux qui étaient en retard; elle était juste trop avance. Elle le savait, mais c'était pour avoir une excuse, une échappatoire si le courage venait à lui manquer. Elle pourrait prétexter le fait qu'elle avait entendu un peu plus d'une demi-heure.
Réajustant le col de sa veste en cuir rouge, elle finit par enfouir ses mains dans ses poches en jetant un coup d’œil aux familles présentes. Ils avaient tous l'air si heureux, elle n'avait pas honte d'admettre qu'elle jalousait leur situation; si seulement elle avait pu avoir une famille telle que la leur.

Un énième soupir s'échappant de ses lèvres la poussa à faire un premier pas, elle avait assez attendue. C'était une mauvaise idée de venir ici tout comme c'était une mauvaise idée d'avoir accepter ce rendez-vous, à quoi s'attendait-elle de toute façon.

Pourtant la jeune femme n'avait pas fait trois pas qu'elle entendit son prénom être crier par une voix devenue trop familière. Ses yeux ne la trompèrent pas lorsqu'elle vit la matriarche Stonegold accompagner par une personne plus petite, un garçon de tout évidence, d'à peu près son âge. Et elle se retrouva comme un cerf entre les phares d'une voiture, incapable du moindre geste, pas même le plus instinctif qu'est celui de la fuite. Si bien que, lorsqu'elle put à nouveau esquisser un geste, ils étaient déjà devant elle.
Des trois "dragons" présents, elle était la plus petite par la taille, déjà intimidée, elle aurait aimer s'enfoncer dans sa veste tel une tortue pour ne plus jamais en sortir mais il était déjà trop tard. Et elle n'était pas une tortue, alors elle allait devoir affronter tout cela. Ces présentations rapides, d'abord elle la présenta à son fils, mais lorsqu'elle dit son prénom; Astra la coupa sans même y penser.

"Grace. C'est Grace...Pas Astra... rajouta-t-elle, malgré sa voix ferme, elle était presqu'inaudible, ponctuer par un rougissement caractéristiques de ses joues. Il n'était pas difficile de voir à quel point elle était peu à l'aise dans ce type d'interactions, de comprendre pourquoi Shoshana Stonegold reprit les présentations en remplaçant Astra par Grace.

La brise d’automne était fort agréable, et le paysage, quoi qu’urbain, à couper le souffle comme c’était souvent le cas durant cette saison transitoire. C’était l’une de ces journées où la lumière semblait se frapper aux feuillages colorés, répandant partout dans l’atmosphère une douce lueur dorée qui enveloppait tous et chacun dans ses bras réconfortants. Le parc aurait très bien pu sortir tout droit d’un tableau dans un musée, les familles allant et venant paisiblement, profitant des derniers beaux jours avant que l’hiver ne frappe à leurs portes avec ses bourrasques et ses températures glaciales. Ezra appréciait les sorties du genre, lui permettant de se mêler un peu au commun des mortels, s’extirper de la monotonie du Domaine Stonegold. Même s’il aurait peut-être préféré sortir seul pour pouvoir être tranquille un peu avec ses propres pensées, il était aujourd’hui accompagné par sa mère, qui marchait à ses côtés avec la même démarche droite et confiante. À vrai dire, l’atmosphère d’or que jetait sur eux le feuillage leur allait à merveille, mère et fils d’une grande famille portant le même nom que la couleur qui les enveloppait. Habillé d’un léger caban et d’une écharpe, le jeune dragon allait la tête haute, son regard glissant doucement sur ce qui les entouraient alors qu’il parlait de tout et de rien avec la gorgone, une légère traînée de feuilles d’érable mortes tourbillonnant derrière eux avec un petit coup de vent.

On lui avait parlé d’une jeune dragonne ayant fréquenté le refuge où sa mère travaillait, et y voyant une occasion de le pousser à socialiser un peu avec des gens de son âge, un rendez-vous avait été organisé. Pour être honnête, c’était le genre d’organisation qui tombait un peu sur les nerfs du garçon; bien que pas trop du genre solitaire, il s’intéressait principalement à sa propre famille et leurs intérêts, ne voyant que peu d’intérêt à partager des conversations ou des activités futiles avec d’autres jeunes pour le simple but de faire comme tout le monde. Il avait accepté cependant sans trop protester, principalement parce qu’il ne s’opposait que rarement à ses parents pour plaire à son père, mais aussi parce que toute cette histoire avait fini par piquer sa curiosité malgré lui. Il espérait que cette fille aimait parler de culture et de musique, parce qu’il ne savait pas trop engager des conversations légères sur la pluie et le beau temps; en somme, rien de plus ennuyant que parler pour rien dire. Alors qu’ils avançaient sur le pavé du parc, Ezra ne pût s’empêcher d’avoir une pensée pour Aidan, avec qui il aurait préféré partager cette balade. Il était encore bien occupé à rêver lui tenir la main publiquement dans ce parc, sans la peur d’être découvert ou reniés, lorsqu’ils arrivèrent près de la jeune dragonne en question. Il ne l’aurait probablement jamais remarqué si Shoshana n’avait pas crié son nom. Un peu déçu intérieurement de devoir se tirer à ses idéations romantiques impossibles, il s’efforça de sourire à la nouvelle venue tandis qu’ils se présentaient brièvement. Astra… ou Grace plutôt, semblait bien mal à l’aise devant la façon dont elle avait été interpellée. Le jeune homme pris soin d’ignorer le rouge sur ses joues par politesse, et la regarda plutôt dans les yeux brièvement pour initier le contact, tendant une main assurée vers elle pour une petite poignée de main amicale.

« Bonjour Grace. Je m’appelle Ezra. Ravi de te rencontrer »
C’était formel et un peu froid, mais efficace. Après tout, on ne lui avait pas appris les bonnes manières dans une poubelle. Il sentit Shoshana s’éloigner, disant quelque chose comme qu’elle allait les laisser faire connaissance. Il maudit ce moment quelque part à l’arrière de sa pensée. Il n’avait plus aucune excuse pour couper cette rencontre au court. Autant essayer d’en tirer le maximum, et il n’aurait pas à s’ouvrir personnellement à une parfaite inconnue après une première rencontre ainsi. Après tout il était habile pour s’habiller d’un masque en public. Le masque du jeune homme assuré que rien n’ébranle, l’héritier d’une puissante famille qui ne recule devant rien. Le leader qui prend les devants partout où il en a l’occasion.

Les premiers moments passés, il avait un peu plus de temps pour voir à qui il avait affaire; elle semblait avoir à peu près son âge, des yeux bleus vifs comme de la glace mais une posture un peu mal assurée. Voulant briser le malaise des premières paroles échangées, il invita d’un mouvement la jeune dragonne à venir marcher un peu avec lui, tout en réfléchissant à des sujets de conversations qui ne les endormiraient pas après quelques paroles échangées.

« Désolé pour ma mère, ce n’était pas de mauvaise intention » initia-t-il sur un ton amical, souhaitant dissiper la confusion initiale sur son prénom et la visible gêne que ça lui avait occasionnée. [b]« Tu veux quelque chose à boire ? On peut arrêter prendre quelque chose en marchant ».[/b] Il y avait bien un petit café quelque part dans le parc, c’était souvent le cas dans ce genre d’endroits touristiques. Et rien de mieux pour briser la glace que de discuter autour d’une boisson chaude.

Une main tendue, une présentation formelle, peu ordinaire pour la dragonne. On ne peut pas dire qu'elle ai eut beaucoup d'occasions de se présenter dans sa courte vie. Souvent, c'était les autres qui la présentait et Astra, Grace, pouvait ainsi se contenter d'un petit sourire poli. Lui, semblait habituer aux présentations formelles, il lui avait tendu la main comme s'il avait répéter ces mots encore et encore, et, ce n'est que par pur mimétisme que la jeune femme avait sorti sa main de sa poche pour serrer la sienne avec un petit sourire gênée.
Le contraste entre leur deux personnalités étaient assez flagrante, quoi que l'on puisse en dire; lui parfaitement à l'aise et elle, nerveuse et gênée tandis que Shoshana s'éloignait. La dragonne s'en rendit directement compte, elle avait espérer que cette dernière ne la laisserait pas seule à seule avec son fils, mais elle s'était tromper. Dire qu'elle était nerveuse à l'idée de cette rencontre aurait été un euphémisme, elle avait passer tellement de temps à se l'imaginer, un peu plus tôt encore, tandis qu'elle sirotait sa boisson, elle avait imaginer mille et une façon dont cela pouvait se dérouler dont la moitié si ce n'est la majorité d'entre eux, impliquait sa fuite avant cette rencontre.

Lorsqu'il l'invita d'un mouvement à venir marcher, elle accepta sans vraiment réfléchir. Profitant du silence qu'il lui offrait; Astra, Grace essayait de rassembler ses pensées, pourquoi Grace. Pourquoi maintenant ce prénom lui semblait plus juste que celui d'Astra ? Elle avait déjà abandonner son nom de famille lorsqu'elle avait commencer à voyager avec les garçons, il lui avait donner le nom du groupe et la présentait comme telle partout. Mais pourquoi le prénom Astra sonnait tout à coup faux alors qu'elle ne savait pas encore de quel côté elle penchait il y a encore quelques heures de cela ? Etait-ce lui ? Le fait qu'il soit un dragon comme elle qui la pousse à abandonner la part d'humain en elle sans pour autant s'en détacher. Étrangement, il semblait avoir suivi le fil de ses pensées.

"Ne t'excuses pas pour elle. Elle ne savait pas...c'est...Astra est mon premier prénom. Mais je crois qu'il me rappelle un peu trop ce que j'étais et moins que je voudrais devenir....je crois" répondit-elle alors d'un ton doux mais peu assurée, n'étant pas sûre de la véritable raison de ce changement soudain. Mais il ne dit rien, se contentant de lui proposer à boire. Elle aurait pu refuser, après tout cela faisait à peine une heure depuis son dernier chocolat chaud, qui avait fini froid et dans une poubelle se rappela-t-elle. Elle avait encore de l'argent sur elle, oui, une boisson lui semblait plus que correct.
"Ouai pourquoi pas se serait sympa, il y en a un près du terrain pour enfant" Sans doute le connaissait-il, il vivait ici après tout, malgré tout, elle le guida jusqu'au petit stand, reprenant le même chocolat chaud sous l’œil rieur du vendeur tandis qu'elle payait leur deux boissons. A vrai dire, elle n'avait même pas laisser le choix au dragon pour qui paierait, c'était en quelque sorte à cause d'elle qu'il était ici alors c'était le moins qu'elle pouvait faire pour lui.

Les doigts serrés sur son gobelet, elle lui jeta rapidement un coup d’œil avant de sa racler la gorge, il était temps de prendre son courage à deux mains, si tenté qu'elle en est un tant soit peu. "Il est bon ?" Et voilà, de toute les phrases et questions qu'elle aurait pu poser il avait fallu que ce soit sur sa boisson. Elle se maudissait intérieurement d'être si nerveuse à l'idée de parler à quelqu'un de son espèce. Elle faisait un beau dragon tiens, toute tremblante. Non ce n'était pas elle qu'elle devait maudire, c'était ses parents pour l'avoir pousser à devenir ainsi, ce n'était pas sa faute, pas à elle.

La timidité douce de son interlocutrice avait l’effet de quelque chose de totalement nouveau. Comme un plat que l’on goûte pour la première fois, incertain de ce que l’on doit en penser, ou lorsque l’on trempe un orteil dans de l’eau dont on ignore la température. C’était un peu effrayant d’une part, la nouveauté, parce qu’on appréhende, on se fait une idée avant même de connaître, et d’une autre c’est rafraîchissant. Rafraîchissant serait le mot que choisirait le dragon entre les deux, après tout la demoiselle n’était que peu effrayante, ainsi rougissante et parlant si peu fort. Ezra n’avait pas rencontré énormément de gens comme elle, étant surtout entouré d’autres membres de sa race pompeux et fiers comme ils savaient l’être, et il était un peu pris au dépourvu, ne sachant sur quel pied danser, de peur de la briser d’u faux-pas, elle qui semblait si fragile. Cependant, les doutes qu’il avait eu en se dirigeant vers le parc avec sa mère se dissipaient rapidement. Grace ne serait pas ennuyante, non. Elle était intrigante. Rafraîchissante comme la brise qui caresse la mer. Il en fallait bien une, pour souffler la poussière du Domaine Stonegold accumulé dans ses écailles.

D’ailleurs le parc se prêtait bien à une rencontre de la sorte. Alors qu’elle le suivit malgré tout avec un brin d’hésitation, Ezra absorbait le bref silence entre eux comme un moment pour apprécier les environs. Une étendue d’eau parsemée de feuilles mortes s’étalait à leur droite, peuplé par quelques koï qui l’exploraient paisiblement, quelques petits monuments typiquement japonais faisant de l’ombre ici et là sur le sentier sinueux qu’ils empruntaient. Même s’il habitait Phoenix depuis toujours, il ne se souvenait pas être venu au Japanese Friendship Garden si souvent, la dernière aurait bien pu remonter à sa jeune enfance avant la guerre. Il se voyait courir avec sa sœur dans un herbage estival alors que les parents leur criaient de ne pas trop s’éloigner, encore béni de l’innocence qui lui avait été trop tôt volée. C’était une chance que cet endroit n’ait pas été touché par les dommages, ou alors que très peu. Le jardin restait encore et toujours pareil, immuable et fidèle au doux souvenir qui habitait l’adolescent. Un sourire s’était invité sur son visage alors qu’il marchait tous deux, bien malgré lui, cette fois bien véritable et authentique.

« Ne t'excuses pas pour elle. Elle ne savait pas...c'est...Astra est mon premier prénom. Mais je crois qu'il me rappelle un peu trop ce que j'étais et moins que je voudrais devenir....je crois »
Le jeune dragon se tourna légèrement vers elle pour exprimer son écoute, juste avant qu’il ne lui propose un café. Il acquiesça avec respect, un peu incertain quant à l’approche à prendre, si elle se confiait simplement ou souhaitait approfondir le sujet d’avantage. Cela ne manquait pas de faire germer plein de questions dans la tête du jeune homme,  des interrogations sur le passé de cette fille qu’il ne connaissait pas, de ses rêves qui devait être si différents des siens. Rêvait-elle de liberté, d’émancipation ? Alors qu’il rêvait de gloire et de reconnaissance… Ezra n’avait jamais eu à subir la rejection durant sa vie, ou du moins qu’à de rares occasions, et il n’imaginait pas une famille le mettant à dos; mais il était bien conscient que ce n’était pas la chance de tout le monde.

Il ne fallu pas marcher très longtemps pour trouver, comme il l’avait espéré, un kiosque touristique vendant toutes sortes de souvenirs, nourriture et boissons. Grace semblait connaître un peu mieux l’endroit que lui ironiquement, et ce fût elle qui les guida tout deux vers le réconfort, se précipitant même pour payer sous l’air gêné du dragon qui avait déjà la main dans ses poches, prêt à payer pour eux deux. « Tu es sûre que tu veux… », commença-t-il, mais il n’eut pas le temps d’enchaîner avant qu’il ne se retrouve avec un chocolat chaud brûlant à la main. « Oh… merci ». Il hésitait à proposer de la rembourser pour ne pas l’insulter, mais il était si habitué à la richesse de sa famille que c’était devenu un automatisme d’assumer les frais de ses sorties. Cette fois-ci ce fût lui qui rougit un peu des joues par malaise, mais si vous lui demandiez, il vous répondrait que ce n’était que l’effet du vent froid sur sa peau. Il porta le gobelet à ses lèvres, tentant de cacher ses rictus coupables.
« Il est bon ? »
Il avala sa gorgée. Le liquide était juste à la bonne température, cependant un peu trop sucré selon ses standards, mais il avait redouté la qualité du café du kiosque, d’où le choix évident. Grace semblait faire des efforts considérables pour aller de l’avant un peu avec leur conversation, mais il ne put s’empêcher de remarquer une nouvelle fois sa gêne apparente. C’était tout de même assez mignon. Il ne se souvenait pas avoir déjà été comme ça, toujours assuré et sécuritaire dans son estime, et cette attitude était pour lui totalement nouvelle. On aurait dit un petit animal apeuré qu’il tentait d’apprivoiser.
« Très bon, merci Grace », dit-il en lui souriant gentiment.
« Tu sais, j’habite ici depuis aussi longtemps que je ne me souvienne, et cela faisait des années que je n’avais pas mis les pieds dans ce jardin. Tu y viens souvent ? »
Il espérait ainsi amorcer une piste vers ce qui lui démangeait de demander, mais qui ne pouvait pas être dit sans paraître brusque : D’où venait-elle ?

Il est vrai que le dragon n'avait rien pu dire, rien faire, elle lui avait fourrer le chocolat chaud entre ses mains avant qu'il n'ait pu dire ou faire quoi que ce soit et cela lui convenait. C'était pour elle qu'il était ainsi donc en échange, elle lui offrait la boisson. Point final à la ligne. A vrai dire, outre l'échange cela lui paraissait normal d'offrir de temps en temps une boisson, et tant qu'elle avait des sous, elle n'irait pas mendier un chocolat chaud pour son, ami ? Et elle. Si elle le vit rougir, elle ne fit aucune remarque; elle-même avait rougi bon nombre de fois depuis le début. C'étaient comme s'ils marchaient tout deux sur de la glace fine sans savoir où aller.

Cependant, la boisson sucrée était une assez bonne source de réconfort dans cette situation. Il semblait même l'apprécier, enfin c'était ce que ses paroles, ses gestes semblaient refléter en tout cas; et cette perspective la fit sourire. Elle était heureuse qu'il puisse apprécier cette boisson autant qu'elle.

« Tu sais, j’habite ici depuis aussi longtemps que je ne me souvienne, et cela faisait des années que je n’avais pas mis les pieds dans ce jardin. Tu y viens souvent ? »

Est-ce qu'elle y venait souvent ? Elle s'arrêta un instant dans leur marche pour y réfléchir, ce qu'il sembla remarquer puisqu'il se tourna vers elle. Stoppant également sa marche. Pas tellement si, cela dépendait de ce que l'on entendait par souvent à vrai dire. Elle secoua légèrement sa tête avant qu'ils ne reprennent leurs marches, bien qu'elle n'avait pas répondu à la question. Ce n'était pas qu'elle ne voulait pas répondre, c'était qu'elle ne savait pas trouver ses mots.

"Pas souvent, je crois que c'est la...troisième ou quatrième fois je crois depuis que je suis arrivée à Phoenix il y a un deux semaines. Il me rappelle celui de Central Park je suppose, enfin à sa manière." dit-elle avec un petite sourire, après tout, il n'y avait pas d'inspiration japonaise dans le parc de New York. Mais il y avait de la verdure, des arbres et de belles couleurs comme c'était le cas ici. Et, visiblement, c'était suffisant pou lui apporter un certain apaisement, et très certainement aussi, de la douleur. Ou peut-être comme elle le pensait plus tôt, c'était le fait de voir toute ses familles qui lui apportait cette douleur, et pas nécessairement le lieu dans lequel elle se trouvait.

Le contenant de styromousse lui brûlait presque les paumes, la petite bande de carton censée rendre la température un peu plus agréable ne faisant pas grande différence pour retenir les degrés de transpercer le matériau. Cependant, Ezra ne fit ni de grimace, ni de commentaires à ce sujet, se contentant de remonter un peu les manches de son manteau sur ses mains pour tenir son breuvage. Il y avait quelque chose de rassurant à la chaleur, surtout à ce moment de l’année où l’été mourrait pour laisser place peu à peu à la morbidité de l’hiver. Alors que des volutes fumantes aux arômes sucrés s’échappait du gobelet, il se demanda un instant si Aidan était aussi incommodé par ces températures, si ses mains aussi frémiraient un peu au contact du chocolat brûlant, lui qui était béni par les dons du feu. Peut-être même avait-il moins froid que les autres lorsque l’automne s’annonçait. Ezra s’imagina un instant profiter de la chaleur du dragon pendant un froid soir d’hiver, blottis ensemble dans le large Domaine Stonegold, et l’image lui apporta un demi sourire rêveur qu’il chassa rapidement lorsque la réalité revint le frapper là où le bât blesse, le souvenir de ses parents s’y invitant comme un parasite.

Grace s’arrêta de marcher avec lui lorsqu’il la regarda en attente d’une réponse, mais elle ne fit que secouer la tête avant de reprendre le pas, prenant quelques instants avant de parler. Elle était si timide, soufflant ses mots comme si elle avait peur d’être réprimandée pour chaque voyelle prononcée. Elle était pourtant très belle, c’était un fait que personne n’aurait pu nier, et Ezra tenta de se l’imaginer un instant resplendissant de confiance, comme elle aurait de la prestance, du charisme. Qu’avait-il bien pu lui arriver pour en venir là ? Dans un autre contexte, le jeune Stonegold aurait avancé la simple hypothèse de la personnalité, après tout on ne peut pas tous être à l’image des stéréotypes draconiques… mais la raison de sa venue ne cessait de lui revenir en tête. D’une façon un peu coupable, même. Shoshana ne lui avait pas dit tellement de choses sur elle; elle l’avait rencontré dans le centre d’accueil pour femmes dans lequel elle travaillait, et ils s’entendraient bien, selon elle. Le jeune homme n’avait jamais eu d’amis particulièrement proches à part Aidan bien-sûr, et il sentait cette rencontre comme une tentative de le brancher à d’autres jeunes de son âge, peut-être même de le lancer en bouée à la jeune dragonne. Il n’aimait pas la situation dans laquelle ça le mettais. Et si elle pensait qu’il n’était là que pour la faire socialiser, ou pire, la prendre en pitié ? Il sentait une forme de responsabilité à prendre soin de la jeune femme, mais d’où ce sentiment prenait-il racine ? Son propre malaise, sa propre culpabilité d’être né dans un milieu favorisé, mais pas elle ? Il secoua la tête à son tour, presque imperceptiblement, un peu dégoûté de la situation de supériorité dans laquelle il se mettait lui-même. Non. S’il était ici, en train de marcher dans le jardin avec Grace, c’était parce qu’au fond, il en avait vraiment eu envie. Du moins il l’espérait…

« Pas souvent, je crois que c'est la...troisième ou quatrième fois je crois depuis que je suis arrivée à Phoenix il y a un deux semaines. Il me rappelle celui de Central Park je suppose, enfin à sa manière. »

À la mention de Central Park, les yeux d’Ezra s’illuminèrent. Des images de gratte-ciels énormes, des foules remplissant Times Square aux publicités éblouissantes, l’odeur des marchands de rue avec leurs churros… Tout ça enflamma immédiatement l’imagination du dragon. Il n’avait jamais mis les pieds à New York, mais il avait toujours admiré la ville, aspirant à se retrouver un jour, peut-être, dans son propre bureau surplombant la cité, un homme accompli, respecté. New York lui avait toujours évoqué le luxe et la haute société, et il avait du mal à y trouver, en esprit, une place pour la petite dragonne effacée du refuge.

« Oh, tu es une fille de ville alors ? » lui demanda-t-il avec un sourire taquin.
« Tu viens de là-bas ? New York ? Ça fait vachement loin de Phoenix … »
C’était sa dernière tentative de tirer les vers du nez de la jeune femme. Après tout, il venait tout juste de se rencontrer, et elle ne lui faisait fort probablement pas totalement confiance. Il ne lui en voudrait pas si elle ne s’avançait pas sur le sujet, de toutes façons, il avaient encore tellement à découvrir l’un sur l’autre; la journée était toujours jeune.

Ce n'était pas grand chose, juste un éclat de lumière qui avait parcourut les yeux d'Ezra, les illuminants comme deux alexandrite au soleil. Était-ce la mention de Central Park qui le rendait ainsi ? Elle pouvait comprendre, le parc avait quelque chose de magique par ses couleurs, ses odeurs, le lieu en lui-même à vrai dire. C'était tout à fait le type de lieu dans lequel elle voyait bien le jeune homme, bien que ça, elle se gardait bien de le dire. A haute voix tout du moins.

« Oh, tu es une fille de ville alors ? » lui dit-il, elle sent la taquinerie dans sa voix mêlée à une certaine curiosité « « Tu viens de là-bas ? New York ? Ça fait vachement loin de Phoenix … » »

Une fille de la ville, on pouvait dire ça. Les souvenirs qu'elle avait de New York était assez biaisé et elle n'y était pas reparti depuis, enfin depuis qu'elle était parti. Mais les quelques souvenirs, les bons souvenirs qu'elle en avait pencher en ce sens, bien qu'il aurait été mentir en disant qu'elle était plus à l'aise dans les rues que dans le parc. Ce lieu en particulier avait toute sa préférence. L'endroit où elle s'était toujours senti le plus libre.
Cependant à travers ses questions, Grace savait ce qu'Ezra essayait de faire; elle n'était pas dupe, et avec la trahison de ses géniteurs, il avait été facile d'apprendre à décoder le langage des autres, verbalement ou physiquement. Sur certaine c'était plus dur, mais Ezra, Ezra semblait si vrai, si semblable d'une certaine manière qu'elle ne pouvait pas lui mentir, elle ne voulait pas lui mentir. Aucune relation baser sur le mensonge ne fonctionnait, c'était quelque chose qu'elle avait appris durement et qu'elle ne voulait pas reproduire. Cependant elle craignait sa réaction, lui annoncer toute son histoire de but en blanc n'était pas la solution, et, elle ne le connaissait pas assez pour ça. Même sa mère n'avait pas tout les morceaux de l'histoire, elle avait le résumé de chaque chapitre mais seul Grace en connaissait toute les phrases, toute la ponctuation, les nuances, la douleur.

"J'y ai passer la majeure partie de ma vie mais depuis un an je suis plus...mobile... Et c'est pas si loin. C'est juste à un jour et demi de voiture d'ici. Et on a mis que cinq heures pour venir de Los Angeles à ici" dit-elle dans une tentative d'humour.

A vrai dire, la dragonne tentait de lui expliquer en douceur qu'elle n'y vivait plus depuis longtemps, qu'elle en était parti pour ne jamais y revenir. Du moins c'était l'idée et, jusqu'à présent, elle ne s'en sortait pas trop mal. En un an de voyage, ils n'y étaient pas revenu. Les garçons n'avaient pas essayer de la pousser pour y repartir et aucun d'eux ne semblaient vouloir retourner dans la Big Apple. Un arrangement fortunée qui était plaisant, et sans ça, elle ne serait sans doute pas en train d'essayer d'expliquer sa vie au dragon à côté d'elle.

"Que des villes...je suppose que ça fait vraiment de moi une fille de ville alors" dit-elle avec un petit sourire tandis qu'elle retroussait le nez face à sa propre révélation. "Et toi alors ? Toujours et encore Phoenix où tu es déjà aller ailleurs ?"

Une question pour une question, c'était plus simple ici. Ainsi, du moins l'espérait-elle, aucun d'eux n'aurait le sentiment de passer un interrogatoire comme cela avait pu être le cas de nombreuses fois avec d'autres. Ainsi peut-être, les deux s'ouvriraient l'un à l'autre.

Alors qu’ils marchaient tous deux, les pieds faisant craquer les feuilles au sol, le vent frais d’automne jouant dans leur cheveux, Ezra se sentait mystérieusement calme. Lui qui étais si souvent agités des frissons de l’anxiété, toujours prêt à représenter au mieux sa famille en public, à rendre fier son père qui était à ses yeux si grand, à atteindre la perfection dans tout ce qu’il entreprenais, à porter sur ses épaules le poids de ses multiples secrets, qu’il ne pouvait pas révéler même à ses propre parents… Aujourd’hui tout ça, bien qu’encore présent à l’arrière de son esprit, semblait se relâcher quelque peu au fur et à mesure qu’il entreprenait sa ballade aux côtés de la nouvelle venue dans sa vie. Le jeune dragon inspira doucement l’air épicé de la saison des couleurs par ses deux narines, et expira doucement, son regard posé sur l’horizon comme l’on posera une tête exténuée sur l’oreiller. Il y avait quelque chose de rassurant à la présence de Grace, de tendre. Malgré leurs histoires et douleurs respectives, quelque chose en elle lui inspirait la vérité, la simple vérité, et ça faisait si changement des jeux politiques et des joutes psychologiques qui se jouait si régulièrement dans le milieu draconnique. C’était étrange pour lui, se confronter à un tel sentiment; la brut rugosité de la réalité, sans dorure, sans vernis, sans mirages. Ainsi, avançant dans le parc dans lequel il avait jadis rêvé étant enfant, il se sentais aussi serein que les statues de dragon japonais protecteurs qu’ils passaient de temps à autre, assis sur leurs socles de pierre, fixant de leur sage regard moussu les passants qui jour et nuit allaient et venaient.

« J'y ai passer la majeure partie de ma vie mais depuis un an je suis plus...mobile... Et c'est pas si loin. C'est juste à un jour et demi de voiture d'ici. Et on a mis que cinq heures pour venir de Los Angeles à ici ». La voix douce de la dragonne le ramena doucement à la réalité de leur échange, perdu dans ses imageries poétiques que lui inspirait l’endroit. La relativité de la distance qu’on lui tendais avait une note humoristique, surtout pour lui qui, malgré la fortune dont jouissait les Stonegold, n’avait jamais vraiment eu l’occasion de voyager, ses parents trop embourbés dans le travail et les responsabilités. Il essaya de se figurer New York, Los Angeles, des villes dont il ne savait pas grand-chose en réalité, si ce n’est que des quelques stéréotypes et réputations respectives, quelques monuments connus, et des témoignages de ceux qui les avaient visitées. Il tourna légèrement la tête vers elle tout en marchant, comme pour tenter de déceler des images de ces passages en territoire inconnu quelque part dans le bleu glacial de ses yeux. S’ils venaient à être proches – ça lui ferait si bizzare, être proche amicalement de quelqu’un -, il se fit la promesse de découvrir à son rythme les voyages et itinéraires qui peuplait le passé de la jeune fille, qu’ils soient teintés de bonheur ou d’événements plus sombres, découvrir qui était ce « on » qu'elle avait prononcé. N’était-ce une partie cruciale de devenir réellement ami avec quelqu’un ? Échanger sur les recoins les plus poussiéreux de notre intellect, nos souvenirs qu’on balaie sous le tapis ?

« Que des villes...je suppose que ça fait vraiment de moi une fille de ville alors », ajouta-t-elle avec un sourire. Il rigola doucement à la remarque. Si elle était fille de ville, ça faisait de lui un garçon de forteresse. Coupé du monde de la rue, du vrai monde, entouré de ses murailles plaquées or.
« Et toi alors ? Toujours et encore Phoenix où tu es déjà aller ailleurs ? »
Il prit un petit moment pour réfléchir à sa réponse. Un simple « non » aurait suffi face à un inconnu, mais à chaque pas qu’ils prenaient ensemble, ils s’éloignaient un petit peu plus de ce statut froid.
« À vrai dire… Je n’ai que rarement bougé de Phoenix durant mon enfance. Avec la guerre, c’était difficile de tout juste sortir du Domaine. Aujourd’hui je bouge un peu plus, j’ai des connaissances à la Nouvelle-Orléans, mais pas beaucoup plus. Je devrais peut-être m’adonner à un peu de tourisme, après tout, les portails sont utiles pour quelque chose ». L’idée du tourisme lui plut, alors qu’elle sortait tout juste de ses lèvres. Il n’avait jamais envisagé cette possibilité, de se déplacer pour autre chose que des voyages diplomatiques, des responsabilités, des réunions importantes.
« On pourrait visiter les villes environnantes ensembles plus tard si tu veux ! », proposa-t-il, son ton joyeux teinté d’un enthousiasme si vrai qu’il était bien difficile à cacher.

Ce qu'il était impossible d'ignorer, c'était le regard d'Ezra tandis qu'elle parlait des villes, l'espace d'une seconde, juste le temps de mentionner une autre ville, il semblait avoir voyager au fil des lettres composant la grande ville. Non seulement cela, mais dans les yeux glace de la jeune femme, il semblait chercher des souvenirs, des lieux inconnus mais magnifique. Si loin et pourtant si près tandis qu'il rigolait à ses tentatives d'humour sur le fait d'être une fille de la ville avant de répondre à ses questions, questions qui lui semblaient assez intrusive en y repensant mais peut-être était-ce banal lorsque l'on était....et bien...amis.

« À vrai dire… Je n’ai que rarement bougé de Phoenix durant mon enfance. Avec la guerre, c’était difficile de tout juste sortir du Domaine. Aujourd’hui je bouge un peu plus, j’ai des connaissances à la Nouvelle-Orléans, mais pas beaucoup plus. Je devrais peut-être m’adonner à un peu de tourisme, après tout, les portails sont utiles pour quelque chose »

C'était quelque chose qu'elle pouvait comprendre, durant l'enfance, nous dépendons des parents pour voyager, quel que soit notre espèce et avec la guerre.... il lui avait fallu des semaines avant de pouvoir remettre le pied dehors par elle-même. Alors avec des parents protecteurs comme le semblait être Shoshanna, la dragonne n'osait pas imaginer ce que cela faisait; le choix n'était pas sien, ils avaient mis sa protection en avant. Sûrement, du moins c'était l'idée qu'elle s'en faisait.
Son regard s'illumina un peu plus à la mention de la Nouvelle-Orléans, elle avait toujours voulu s'y rendre, voir le Mardi Gras de ses propres yeux depuis la première fois qu'il avait été évoquer en cours par sa maîtresse d'école. Pourtant, si le regard glace de la jeune fille pétillait quelque peu, ce n'était pas seulement parce qu'ils évoquaient la Nouvelle-Orléans, c'est également parce qu'Ezra semblait vouloir voyager, comme si évoquait ces villes avaient été le coup de pouce qui manquait pour l'inciter à prendre sa décision. Peut-être qu'il n'en était rien, peut-être qu'il s'agissait de tout à fait autre chose, mais l'idée qu'Ezra soit heureux la rendait également...heureuse, ou en tout cas, un peu plus gai qu'avant leur rencontre. Une étrange sensation sur laquelle elle se promit de revenir plus tard, voulant profiter de l'instant présent.

« On pourrait visiter les villes environnantes ensembles plus tard si tu veux ! »

Plus tard ? Que voulait-il dire par plus tard ? Plus tard dans la journée ? Plus tard comme dans un autre jour ? Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, visiter les villes alentour avec quelqu'un de nouveau, découvrir ensemble chaque recoin de ces petites villes.
Mais combien de temps encore resterait-elle ici ? Elle n'aurait su dire, ils ne restaient jamais bien longtemps au même endroit, et, cela faisait déjà un petit moment qu'ils étaient dans une ville. Mais cette temporalité était si importante à cet instant, elle ne voulait pas gâcher l'enthousiasme d'Ezra, cela n'aurait pas été juste.

"Ouai ce serait cool ! Et puis la journée ne fait que commencer" répondit-elle un sourire aux lèvres, peut-être forçait-elle un peu, faire en sorte qu'ils en visitent au moins une aujourd'hui. Mais Grace avait si peur de décevoir les attentes du jeune homme, elle voulait lui permettre de faire un voyage au moins une fois, jouer les touristes ne serait-ce que pour une heure ou deux. Rendre ses idées de voyage réels même si ce n'était qu'à quelques minutes en voitures d'ici.
Inconsciemment, l'idée de décevoir et briser ses rêves l'avait fait resserrer sa prise sur le gobelet en mousse et dès qu'elle s'en aperçut, elle détendit sa prise aussi rapidement avant de finir d'un geste sa boisson pour la jeter dans la poubelle la plus proche. Le liquide lui avait brûlée la gorge mais elle appréciait à ce moment ses pouvoirs qui permettaient de refroidir un tant soit peu la douleur. "Alors ? Qu'est ce qu'on attend ? Ces villes ne vont pas se découvrir toute seule" Oui, il était préférable de faire ça maintenant, tant qu'elle le pouvait encore, tant qu'elle avait assez de courage pour proposer une idée folle mais si réalisable.

Il ne leur avait pas fallu longtemps pour briser la glace qui formaient un mur entre les deux adolescents, les premières minutes de leur rencontre. Ezra si plein de doutes, et même de certains jugements, Grace si réservée et timide, et pourtant maintenant ils marchaient tous les deux côtes à côtes en discutant de tout et de rien, du passé et de leurs rêves, comme de véritables amis. Cette pensée faisait monter en lui une émotion agréable, le sentiment d’être apprécié simplement pour qui il était, et non parce qu’il remplissait des critères attendus, pour garder la face devant une grande famille influente, ou, comme certains gamins qu’il avait fréquenté à l’école, pour s’attirer des faveurs monétaires. Non, Grace était authentique, vraie. Il ne la connaissait à peine et pourtant il en était certain. Quelque chose dans son regard, dans son profil doux n’avait pas le potentiel de lui faire du mal, de lui mentir. Il avait envie de la connaître davantage, de voir ce qu’elle aimait, ce qu’elle détestait, la vie qu’elle menait. Avoir de véritables amis était un concept un peu étranger à sa vie, et il ne manqua pas de remarquer la vitesse dans laquelle il s’emballait pour cette amitié (tout comme il s’était emballé rapidement pour Aidan, dans un autre contexte… il se dit que cela mériterait réflexion). Ezra n’était pourtant pas quelqu’un d’impulsif, mais toute cette nouveauté l’enivrait. Si on lui demandait, il serait prêt à faire le tour du monde, à conquérir des royaumes avec sa nouvelle amie et son amoureux.

Le dragon fût un peu surpris en entendant la réponse à sa proposition folle de voyager : « Ouais ce serait cool ! Et puis la journée ne fait que commencer ». Un sourire ne manqua pas de creuser ses joues alors que son désir d’aventure se matérialisait devant lui. Il avait proposé l’idée en s’imaginant plus loin, plus vieux, en se mettant une nouvelle fois une barrière entre ce qu’il voulait et la vie d’oiseau en cage qu’il menait, et la dragonne rebondissait sur ses paroles, la clé à la main pour le libérer. Il n’aurait pas imaginé une seconde la réelle possibilité de ce qu’ils s’apprêtaient à tenter dans le Domaine, et il sentait que s’il commençait, il aurait du mal à arrêter. Mais c’était un sentiment si puissant de saisir cette liberté entre ses doigts, l’idée de sauter dans un portail et de risquer se retrouver à quelque part de complètement dingue avec elle, de s’éloigner loin de leurs vies mornes, de leurs parents, de leurs responsabilités le temps d’un après-midi… se dire non aurait été impensable.

« Alors ? Qu'est-ce qu'on attend ? Ces villes ne vont pas se découvrir toute seule »

Il suivit le mouvement de la jeune dragonne et jeta à son tour son gobelet de chocolat chaud terminé dans une poubelle, lissant d’une main son manteau. Il fit mine de réfléchir un instant et claqua des doigts.
« Je propose la Nouvelle-Orléans, puisque tu n’y es jamais allée. Je n’ai pas beaucoup eu moi-même l’occasion de l’explorer, il paraît que c’est un endroit extraordinaire »
Une expression malicieuse s’illumina sur son visage alors qu’il se souvenait avoir entendu parler d’un salon de tatouage pour surnaturels là-bas. Ça, ça serait vraiment dingue. Il voyait déjà les rues bondées, les attractions, les restaurants, la beauté de la ville se dérouler sous ses yeux…
Il planta son regard pétillant dans celui, glacial, de son amie, mettant gentiment une main sur son épaule alors qu’il prononçait la sentence de sa première aventure au travers des États-Unis.
« Je sais où trouver un portail. On pourrait être de retour avant que ma mère revienne. Si tu es prête, je suis prêt »

La dragonne initiait le mouvement, sans savoir où elle allait, sans savoir ce qu'ils feraient par la suite parce qu'elle ne connaissait pas si bien que ça les portails. Mais pourtant, cela ne semblait pas la déranger plus que ça, pas plus qu'Ezra qui lui, n'était pas au courant de la méconnaissance de la jeune femme sur les portails. Cependant lui, savez où allez dans toute les villes alentour, contrairement à elle.
« Je propose la Nouvelle-Orléans, puisque tu n’y es jamais allée. Je n’ai pas beaucoup eu moi-même l’occasion de l’explorer, il paraît que c’est un endroit extraordinaire »

Un sourire éclatant trouva se place sur les lèvres de la jeune fille tandis que le visage d'Ezra se muait en une expression malicieuse. Elle aimait déjà l'idée de ce voyage là-bas, ils pourraient découvrir la ville tout les deux. Libre de tout. Comme deux adolescentes presque normaux. Ses yeux suivirent la main qu'il venait de poser sur son épaule sans pour autant que cela la gêne, étrangement, ce contact humain était même....rassurant et agréable.

« Je sais où trouver un portail. On pourrait être de retour avant que ma mère revienne. Si tu es prête, je suis prêt »

Un simple hochement de tête pour signifier son accord alors qu'elle le suivait jusqu'au portail. C'était étrange, mystérieux, un peu effrayant; mais surtout excitant, parce que derrière il y avait un monde à découvrir. A ce moment-là Grace ne savait pas que parfois les portails se détraquaient, n'amenaient pas forcément à l'endroit où l'on voulait aller. Peut-être parce qu'à ce moment-là le portail les avaient réellement amener à la Nouvelle-Orléans et que ni l'un ni l'autre n'y avait penser.
Peut-être parce qu'ils avaient découvert les rues de la Nouvelle-Orléans en détail, les yeux pétillants de bonheur, avaient manger des spécialités locales et Grace avait adorer les beignets de ce petit café, tant qu'elle les avait dévorer en peu de temps. Tout comme elle avait adorer les couleurs, les rues, l'ambiance et ce petit salon de tatouage qui avait bien voulu la tatouer sur un coup de tête; une idée folle peut-être mais elle voulait se souvenir de cette journée, un petit dragon, presque imperceptible sur son poignet gauche. A l'encre magique, elle avait voulu essayer, les ailes déployés tant qu'elle n'utiliserait pas ses pouvoirs. Elle était néanmoins heureuse de l'avoir fait.

Et peut-être, peut-être que quelque part, elle commençait à y voir plus clair sur sa propre identité.