I’m gonna share my love with everyone - Creed

Creed naît à l'hôpital de Kaiserslautern, fils déjà adoré par ses parents, immédiatement pris dans les bras, admiré, choyé. Sa vie sera heureuse, personne n’en doute.
Dans sa poussette, il visite pour la première fois une base militaire américaine -celle de Ramstein. Les collègues de son père, pilote de chasse, s’extasient devant sa petite bouille adorable. Les amies de sa mère, infirmière, en font de même.
Le bloc de l’Ouest se fracture petit à petit et sur la base aérienne sur laquelle travaille son père, un horrible incident se produit. Pendant des heures il voit sa mère faire les 100 pas dans le salon, sans nouvelles de son mari. Ce n’est que lorsque son père rentre enfin à la maison que Creed voit sa mère pleurer pour la première fois de sa vie.
La famille Goodman au complet déménage aux Etats-Unis suite à la mutation du père de Creed. Ils s’éloignent de l’Europe et c’est un déchirement, mais un soulagement aussi. Il se passe un peu trop d'événements historiques en ce moment pour qu’il soit très rassurant d’y être stationné.
Creed n’a même pas encore dix ans et déjà il trouve que les Etats-Unis ne l’aiment pas beaucoup. A l’école il n’y a pas de problèmes, parce qu’il est sur base et que tout le monde a l’habitude des gamins comme lui, déplacés avec leurs parents. Hors base par contre, son accent et son métissage lui valent des soucis.
L’armée, c’est fini pour son père. Après plus de vingt ans de bons et loyaux services il rejoint la vie civile et la famille déménage dans le comté de Manatee en Floride. Papa trouve un travail comme manutentionnaire, maman rejoint le personnel de l'hôpital du coin. Tout a l’air d’aller bien.
Le respect aux vétérans dans leur ville, ça ne vaut visiblement rien quand l’ex-soldat est afro-américain. Quatre ans que son père souffre en silence. Quatre ans à ne pas voir que l’hostilité de la communauté le ronge tant il est doué à cacher sa peine. Un jour il décide d’en finir, et c’est Creed qui trouve son père mort dans la cuisine.
C’était évident qu’un jour il le ferait lui aussi : Creed s’engage pour six ans dans l’armée. Comme tous les army brats avant lui - et autour de lui - il se sort sans perdre de plumes du boot camp. Il ne rejoint pas l’Air Force comme son père mais le FORSCOM, les régiments de support où il est formé comme infirmier.
Son unité est envoyée pour un tour en Iraq. Ce n’est pas parce qu’il ne voit pas de combats que les six mois qu’il y passe ne le marquent pas et il revient avec un PTSD qui sera considéré comme “raisonnable”.
Un second tour. Encore plus de nuits sans dormir, de méfiance généralisée, d’anxiété. Et encore, il fait partie des chanceux : il n’est ni blessé ni mis en danger pendant ses mois là-bas.
Fin de son temps dans l’US Army et début de ses études de maïeuticien aux frais de la princesse USA comme le promettait son contrat. Heureusement qu’il est motivé parce que les études supérieures ce n’est vraiment pas son truc. Il s’en sort bien mieux pendant ses stages que lorsqu’il faut bachoter de la biologie.
Creed est désormais diplômé, employé, vit dans un appartement dans le même immeuble que sa mère et possède une Camaro jaune. La vie est belle et tranquille.
La vie n’est plus ni belle ni tranquille. Du jour au lendemain, des créatures de contes de fée se sont mises à se balader en ville, se balançant des boules de feu au visage. Tous ses voisins sont en panique, sa mère pleure dans le salon, et lui essaie d’organiser quelque chose pour que tout le monde autour de lui se sorte de cette situation en vie.
Les choses se tassent. Il parait qu’une paix a été trouvée et les choses surnaturelles sont retournées se cacher… Mais ce n’est pas mieux. Vraiment pas mieux. Comment peut-il reprendre une vie normale après avoir vu des dragons et des nymphes et Dieu sait quoi d’autre ? Comment ne pas devenir méfiant de tous, maintenant ?
Première pensée “et si je me réenrollais ?”. Première discussion avec sa mère à ce sujet. Il adopte Scampi et Guppy à la place, pour retrouver un sens de la normalité, pour se calmer... Et pour ne pas inquiéter sa mère en retournant dans les rangs de l’US Army.
Creed déménage à Washington DC pour essayer de voir si changer de vie n’est pas une solution à ce sentiment de ne plus savoir quoi faire de son existence, celui qui le taraude depuis trois ans. Le plan fonctionne pour quelques temps et il est de nouveau heureux, même s’il est loin de sa mère.
Suite à son recensement, il se rend au bureau de recrutement le plus proche pour se ré-enrôler, en tant que maïeuticien cette fois. Son second premier jour en uniforme, c’est comme si un poids avait été enlevé de ses épaules : il n’a plus besoin de se poser de questions, juste de suivre des ordres.
Du jour au lendemain, son monde change. Il se brossait les dents lorsque c’est arrivé : une voix inconnue dans sa tête, une présence dans son coeur, et une immense crise de panique pour lui. Il lui faut des mois pour accepter ce qui se passe. Des mois et de nombreuses crises existentielles que Venus accompagne avec bienveillance, jusqu’à ce qu’il se résigne à son sort et ne décide de communiquer avec ael au lieu de juste s’effrayer à chaque fois que Creed se souvient qu’il est désormais l’hôte d’un Phénix.



Au début, il n’y avait que le calme dans le silence des vents solaires. Une existence paisible rythmée par l’agitation des syzygies et la solitude des aphélies.

Puis vient la vie et avec elle, la curiosité. La décision de se pencher un peu plus sur ces petits être si insignifiants, si minuscules, et pourtant si fascinants… Tout comme Moon, une étrange nouveauté à observer.

Ce sont ensuite les humains. Des mères, des pères, des enfants et des grand-parents. Des peintres sur les murs, des modeleurs de glaise, des cueilleurs, des prêtres, des blessés et des forts.
Beaucoup de premières, reines, exploratrices, dignitaires.

Et toujours cette sensibilité aux autres et aux arts, parfois très mondains, parfois des chefs d'œuvre. Et toujours cet encouragement doux, jamais une poussée, jamais une contrainte. Venus fait preuve d’intérêt mais tout ce qui est beau, tout ce qui est fragile, serait détruit sous la pression alors Venus ne dirige que très peu.

Lorsque les guerres éclatent, Venus s’éloigne.
Lorsque les âges d’or commencent, Venus est là pour s’en gorger.

Souvent Venus revient dans les mêmes familles comme une vieille connaissance dont on se passe les histoires de parent à enfant, une drôle de coïncidence que personne ne sait trop expliquer.
Exceptionnellement, Venus dévoile sa présence à plus que son hôte. Plus habituellement, sa présence est tue, cachée, un secret emporté dans la tombe par prévoyance. Les chasses aux sorcières ont laissé un souvenir éternellement brûlant qui encourage à la prudence.

La dernière guerre n’a été qu’une rumeur lointaine entendue depuis le cercle Arctique, un murmure comme tant d’autres plus tôt. Ce n’était pas si important. Ce n’était qu’une ride à la surface de l’eau.
Puis Pluton est mort.
Si la première naissance de Phénix avait été l’occasion d’une saine et courte jalousie, puis d’un poli intérêt, la première mort d’un Phénix est le commencement d’une grande tristesse, plus profonde que les océans, plus destructrice qu’une éruption solaire. Pour la première fois depuis des centaines d’années, Venus ressent une pression rare : celle d’agir, de s’impliquer. A regret son hôte est abandonné pour rejoindre l’un des descendants d’une famille bien connue, celui qui semble le plus proche des informations sur les monstres qui ont fait disparaître son adelphe.
Et ensuite ?
Qui sait.