Hope does not make dust [Maxeriah]

Tu douilles, Maxendre. Tu as mal. Ta hanche fracturée ne te permet aucun mouvement. Tu serres les dents parce que ta fierté ne te permet pas de geindre de douleur. Tu fais attention. Des fois, de temps à autre, tu demandes un petit peu d'aide. Parce que oui, tu as une conduite à tenir, tu es fier mais tu n'es pas idiot, loin de là. Tu n'exagères pas, tu prends ce qu'il te faut, tu demandes ce dont tu as besoin. Tu crains la dépendance, ça serait mauvais pour ton image, ton élocution et surtout, ton histoire familiale.

Ta mère en est morte, après cinq longues années à péniblement essayer de t'élever pendant ses moments de lucidités bien rare. Tu les chérissais ces moments, même si aujourd'hui, tu es douloureusement conscient qu'elle ne t'aimait pas. Oh, ce n'est pas qu'elle te détestait, pas vraiment. Elle n'avait pas beaucoup d'affinité avec toi, le rôle de mère était une corvée pour elle. Mais tu as agit en conséquence, tu as grandi vite, tu as apprit à te débrouiller avec tes moyens et tu savourais chaque moment où tu la savais elle, même s'ils étaient rares... Surtout qu'ils étaient rares. Mais c'était ta vie, Max, et tu connaissais que ça alors ça te convenait. Tu avais toujours de quoi manger à ta faim et des vêtements, tu n'avais pas cette vie de miséreux qu'on voit dans les films. C'était dure mais surtout parce qu'il te manquait une maman. Et c'est quand elle est partie que tu as commencé a découvrir la douleur.

Parce que tu étais seul, parce que tu ne parlais pas, pas du tout. Parce que tu n'avais plus de toit et pas d'amour à recevoir. Mais tout ce qui descend doit remonter et la chance et la vie fonctionne ainsi. Alors tu as vécu, tu as été aimé, tu as parlé et tu as apprit que tu n'étais pas le seul à être né de ta mère.

Tu as une demi-soeur quelque part. Tu ne l'as jamais cherché jusque là, tu te disais qu'elle avait une belle vie et que tout irait bien pour elle. Tu ne sais pas, aujourd'hui, si tu te voilais la face pour fuir la situation ou si tu croyais vraiment à tes pensées. Mais tu es un locuteur hors pair, tu manies les mots comme tu manies le sable. Un véritable génie, alors, parfois, tu te prends au jeu.

Aujourd'hui, tu aurais aimé croire que tes mots pourraient calmer ta voisine de chambre mais ta douleur est trop importante pour que tu penses même ) essayer. D'autant plus qu'il y a quelque chose qui t'intrigue.

Tu as entendu son prénom. Et comme le tiens, il est rare. Et surtout, tu le connais.

Alors tu la dévisages, cette patiente trop énergique pour toi, tu cherches une similitude, tu cherches quelque chose sur son visage qui te ferais penser à elle...

Mais elle bouge trop et, surtout, elle finit par se rendre compte que tu l'observe avec assistance. Et tu ne te démontes pas, jamais.

Tu restes droit et digne, celui que tu as apprit à devenir, Maxendre.

-Je m'interroges sur votre présence ici, vous semblez déborder d'énergie, pourriez-vous me renseigner ?

On ne va pas mettre les pieds dans le plat, tu préfères voir si tu ne te trompes pas, tu n'es pas idiot, tu as ta place de journaliste, tu est intelligent.

Et tu ne la quitte pas des yeux.

Ton esprit se déconnecte un moment alors qu'un éclair blanc t'aveugle, que la douleur t'assomme. Comme un cri en sourdine qui prend toutes tes pensées. Elle rampe de ta hanche à ta cuisse, descend jusqu'à tes orteils, cette douleur. Elle grimpe comme du lierre sur tes côtes et ton souffle se coupe.

Tu prends sur toi, tu fais de ton mieux, tu serres les dents. Putain, tu souffres.

Et tu en oublis tes interrogations, tes questions, juste pour quelques secondes. Tu ne te souviens pas avoir fermé les yeux, tu ne te souviens pas avoir autant tendu ton corps. Mais tu t'en rends compte quand tu relâches ton souffle et que tu détends tes muscles. La douleur est toujours là mais tu arrives à te reconnecter à la réalité.

Et surtout, à la demoiselle qui te fait face. Tu aimerais entendre son nom. Parce que tu ne doutes pas, vraiment pas. Mais tu sais que tu ne dois pas toujours te fier à ton instinct, peut-être que tu avais mal entendu l'infirmière ? Il peut y avoir mille et une raison.

Mais sa voix... Ce timbre, tu l'entends dans tes souvenirs.

Elle n'est pas exactement la même, loin de là. Mais il y a quelque chose dans son timbre que tu as l'impression d'entendre, de reconnaître.

-Je ne vous « supporte » pas, je m’intéresse. Ces dames n'ont pas l'air de vouloir vous laisser partir vite, aussi, vous êtes coincée ici avec moi, autant essayer de nous entendre, vous ne croyez pas ?

Tu espères que tes beaux mots, que ton ton calme et tranquille t'aident à lancer quelque chose. Tu n'es pas dupe, mais tu te sais doué pour parler... Quand tu en es capable.

Mais à nouveau, la douleur revient, foudroyante. Tu serres avec force les doigts sur les draps pour ne pas laisser passer le moindre son, pas comme ça.

Tu aimerais perdre connaissance pour ne plus ressentir ça... Mais elle, en face de toi, tu dois savoir ! Et ça transcende tout.

Alors tu l'entends, tu l'écoutes et tu jettes un œil sur la table de nuit qui te semble alors inatteignable.

Tu hoches la tête et essaye de faire ensemble que ton souffle erratique ne s'entende pas.

-Vous avez raison... Pouvez-vous me porter assistance ?

Ca te fait mal de l'admettre.

-Pouvez-vous, s'il vous plaît, me servir un verre d'eau... ?

Elle s'approchera, tu verras son visage de près et ce verre d'eau pourrait bien t'éclaircir les idées.

Etrangement, parce que ce n'est pas un sentiment que tu nourris.

Tu as de l'espoir.

Tu te demandes un instant si elle va accéder à ta requête. Elle a du caractère, tu le sais, tu le sens. Elle est ta grande sœur après tout. Et toi, max, tu n'en manques pas de caractère. Donc vraiment, tu hésites un instant. Tu te dis qu'elle ne t'aideras pas par pur esprit de contradiction. Alors, parce que tu es intelligent, tu trouveras un autre moyen.

Mais non. Elle est là, face à toi, sans un mot, sans un éclat. Elle te serre le verre que tu lui as demandé. Tout tes mouvements sont lents, dragon, tu es incroyablement diminué. La douleur te rend maladroit mais la fierté, l'ego, te permets de prendre ce verre, de diriger ton regard acéré sur la peau pale de ton interlocutrice.

De confirmer tes soupçons.

La tache de naissance à la jonction entre l'épaule et le cou. Discrète mais indéniablement identifiable. Tu ne t'es pas trompé.

Le verre arrive à tes lèvres. Tu trembles un peu mais tu gardes toute ta dignité quand tu le vide, tu y mets tout tes efforts et te perds dans tes pensées. Maintenant que tu sais, comment le lui dire ? Est ce que tu dois lui dire ? Peut-être ne veut elle pas entendre parler de toi ? Peut-être connaît elle déjà ton existence et qu'elle s'en fiche ?

Tu détestes tes sentiments. Cette peur qu'on te laisse encore en arrière. Tu fais attention à ton entourage, tu ne t'attaches pas... Ou peu pour éviter qu'on ne se lasse de toi, qu'on t'abandonne. Tu as une énorme carapace, Max.

Une pointe de douleur te traverse, tu t'empêche de gémir mais tu sens tout tes muscles faiblir. Tu ne veux pas faire de bêtise et rends ton verre à ton interlocutrice. Tu as eu l'impression de sentir ses doigts autour du verre et ta main a tremblé. Tu as tout lâcher.

Le fracas t'as crispé, ton corps s'est tendu, la douleur est revenue. Tu es en nage quand ta demi-soeur reprend conscience de la réalité. Sa colère te surprend mais tu la comprends, tu la comprends très bien.

-Ce n'est pas une blague.

Parce que tu es trop sérieux, parce que tu ne fais pas de blague, parce que ce n'est pas toi. Le rire n'est pas une de tes qualités.

Elle t'expose un petit peu plus sa tâche de naissance, votre marque. Celle de votre sang. Tu ne te dérobes pas, tu observe cette marque, tu remontes dans son regard.

Et finalement la question fatidique.

-Je m'appelle Maxendre. Et je crois comprendre que nous avons la même mère. Vous venez même de me le confirmer.

Tu ne trembles pas, il n'y a pas de trémolo dans ta voix. Il n'y a rien, tu es sage et conscient de ce qui se joue dans cette pièce.

-Tu es Azariah. Et tu es ma demi-soeur.

Tu en es sûr. Tu y mets toute ta conviction.

Tu as l'impression de lâcher un boulet dans une flaque d'eau. Elle éclabousse comme tes mots ricochent sur les murs de votre chambre.

Tu ne la quittent pas des yeux.

Qu'est ce que tu as ressentis, toi, quand tu as apprit ça ? Tu as perdu votre mère, tu es resté quelque temps avec son cadavre et tu en a perdu tes mots pendant des mois. Ca a laissé des traces sur ta psyché, sur ta vie. La perte de ta parole a même guidé ton choix de carrière. Ta mère, dans son brouillard artificiel et sa mort moche t'a offert ta vie actuellement. Avec ses soucis et ses réussite.

Et aujourd'hui, tu retrouves une partie d'elle.

Tu ne saurais pas dire si tu as aimé ta mère, Max. Parce qu'elle est partie à une période de ta vie où les sentiments étaient complexe. Tu ne la voyais pas beaucoup, elle n'était pas toujours consciente de ta présence. Mais elle restait ta mère. Ta maman. Et pourtant... Tu ne saurais parler de ce que tu ressens pour elle.

Pourtant voilà, en face de toi, tu as un mur. Un dos t'es présenté, celui d'Azariah. Tu comprends que ce soit compliqué, que ce soit dur à avaler. Tu débarques de nulle part, dans sa vie et tu ne sais pas, à sa place, si tu aurais mieux réagit.

Tu observes un instant ce dos qui ne t'est pas familier et tu te demandes, enfin, ce que ça aurait changé à ta vie de grandir avec une sœur. Une grande sœur qui plus est. Ca te semble incroyablement saugrenu. Oh, tu as eu des adelphes, mais tu connaissais parfaitement ta condition d'enfant en famille d'accueil. Tu étais bien mais tu n'étais pas vraiment le frère. Alors imaginer une relation avec la personne dont le dos te fait face te semble invraisemblable.

Et elle reprend la parole. Elle ne te regarde pas. Ce n'est pas grave, tu l'acceptes, tu l'as laisses gérer ces nouvelles comme elle le sent. Vous êtes tout les deux coincés là, après tout. Toi, ta hanche ne te permet aucun mouvement, elle parce que le personnel hospitalier ne veut pas la libérer.

Elle est coincé avec toi dont elle ne sait rien d'autre que vous partager une tâche de naissance et que tu es parfaitement sans défense, concentré comme tu es sur comment gérer ta douleur.

Depuis combien de temps tu le sais, Maxendre ?

-Quelques années.

Tu guettes toutes ses réactions.

-Je l'ai su à ma majorité, quand j'ai pu récupérer tout ce qui appartenait à notre mère. Il y avait, entre autre, ton acte de naissance.

Va t'elle t'en vouloir ? Aurait elle voulu que tu l'as cherche ?

-Elle ne m'a jamais parlé de toi.

Tu sais que tes mots sont durs et douloureux. Tu sais que tu mets les pieds dans le plat. Mais les pincettes, ce n'est pas ta plus grande qualité. Tu sais parler, mais tu ne parles qu'avec ta tête, jamais avec ton cœur. Lui, tu le bâillonnes toujours.

-A quel âge t'a t'elle laissé ?

Tu veux apprendre à connaître cette jeune femme.