A nos vies [PV~Creed]

Tu as passé une nuit de merde, vraiment douloureuse. Tu as essayé les dolipranes, tu as essayé les ibuprofène, tu as peur, si peur de prendre plus fort. Tu as peur de l'accoutumance qui coule dans tes veines. Merci maman. Tu as tout tout tout essayé.

Mais c'était trop fort cette nuit. Et tu as un regard mort, cerné et affreux. Tu as déjà été plus vaillant. Il y a des jours comme ça où c'est trop dur pour toi. Tu es quelqu'un de fort pourtant, tu sais garder ta douleur, tu sais te tenir, tu sais rester digne en toute circonstance. Personne ne te connais vraiment, tu caches bien tes pensées, tu caches tout.

Enfin... Personne sauf Creed. Il est ton meilleur ami, il est celui qui aura toujours toute ta loyauté parce que, malgré ce qu'il est malgré, la manière dont il se comporte avec ceux qu'il met dans son lit. Il est ton ami, il ne t'a pas abandonné. Et à lui, tu arrives à te confier, tu t'ouvres. Tu sais qu'un jour, il saura te faire sourire sincèrement. Il faut que tu arrives à te lâcher surtout. Mais ça, c'est quelque chose que tu travailles dans ton coin. Il n'empêche que ça reste avec lui que tu es le plus détendu et le plus naturel.

Mais ce n'est pas le sujet, ce n'est pas non plus le moment d'en parler.

Il était six heures quand tu as fini par appeler un taxi, tu ne peux pas conduire lui-même. Déjà parce que tu n'as pas le droit de conduire et surtout parce qu'aujourd'hui, la douleur te brouille l'esprit. Ca fait longtemps que tu ne l'as pas pas ressenti comme ça, autant que ça.

Tu as du être aidé. Le pauvre conducteur du taxi a du passer ton bras autour de ses épaules pour t'accompagner. Il t'a un petit peu grondé aussi en disant qu'il n'était pas ambulancier. Tu as eu du mal à trouver les mots pour lui demander pardon et surtout pour le remercier.

Pour toi, Maxendre, c'est un signe. Si tu ne trouves pas les mots, c'est que tu n'es pas au top de ta forme. Ta langue d'argent, c'est ton arme et tu n'arrives pas à l'aiguiser ce matin.

Définitivement, tu n'es pas bien.

Sur la banquette arrière du taxi qui te conduit vers ce qui te permettra d'enfin retrouver tes esprits, tu attrapes ton portable.

[Bonjour Creed, je ne pourrais pas honorer notre rendez-vous de ce midi, je te demande de m'excuser. ]

Tu n'as pas de doute sur le fait que ta matinée, tu la passeras à attendre et ta nuit ne te permettra pas d'assurer une conversation agréable en suivant. Tu sais déjà ton mutisme automatique commence à pousser la porte de ton esprit. Creed n'a pas à subir ça.

Et il n'a pas non plus à s'inquiéter pour toi, c'est pour ça que tu restes vague.

Mais tu sais que ton ami n'est pas dupe. Tu répondras à ses questions quand tu en seras capable, tu te le promets, tu lui promets aussi.

Le taxi finit par s'arrêter dans la coure et on te prend en charge. A nouveau, on t'aide à te lever, on va te chercher une chaise roulante. Que tu n'aimes pas ça, que tu détestes cette impuissance... Mais tu ne dis rien, trop concentré à serrer les dents pour ne pas laisser s'exprimer ta douleur.

On te laisse finalement dans le hall, tu as remplis tes papiers et tu attends... Tu attends patiemment... Tout du moins tu essayes.

Putain que tu douilles !

Tu serres les dents et tu attends patiemment. Qu'est ce que tu n'aurais pas donné pour ne pas ressentir cette brûlure et te préparer pour retrouver Creed se midi ? Tu te serais glissé dans ton sous-pull blanc à coll roulé, ton long manteau vert forêt et un jean qui, tu sais, te mets très en valeur. Tu t'apprécies dans cette tenue et tu aimes lui plaire. Qu'il se passe quelque chose ou non. Il doit bien être le seul actuellement. Il y a eu Silas un temps. Il aura toujours une place spéciale...

Mais il y a Creed. Creed à qui tu peux te confier, Creed à qui tu aimes plaire, Creed qui est toujours là.

Jusqu'à ce que tu ais l'impression d'entendre sa voix dans ton dos.

Tu fronces les sourcils. Est ce que la douleur te fait délirer ? Il est maïeuticien... Qu'est ce qu'il ferait aux urgences ? Tu ne comprends pas mais il reprend la parole.

Et sa voix, tu l'entends à nouveau.

Un amusement te traverse et un soulagement aussi. Tu es entre de bonne main, il va t'aider, n'est ce pas ? Et puis, c'est lui.

-Vous n'étiez pas censé être celui de ce midi ?

On entend ton soulagement, ton amusement dans tes mots bien que ton visage ne se détende pas. Jamais. Rarement. Tu aimerais mais tu as l'impression d'en être incapable.

Mais tu te satisfait de celui de Creed dont tu entends le rire dans ton dos. Il s'amuse comme un fou et tu le sais. Parce qu'il te connaît bien et qu'il sait que ton amour pour les règles te fait désapprouver ses actions, mais tu sais que ça l'amuse beaucoup. Alors tu ne dis rien, pas encore.

Il se glisse dans ton dos et tu te laisses clairement aller au soulagement. Ta main vient glisser dans ton dos pour se poser sur sa main. Tu n'es pas tactile, ce geste compte parce que tu lui dois beaucoup à l'instant T. Et tu n'as pas trouvé d'autre moyen de l'exprimer.

-C'est parfait... Infirmier.

A nouveau, un petit peu d'amusement dans ta voix, parce que tu as glissé un accent un petit peu plus coquin, joueur ... Juste un petit clin d'oeil à ce que vous pouvez partager.

Tu le laisses te guider. Tu n'aimes pas ça. Tu n'aimes pas paraître faible et tes sentiments sont mitigés. Parce que c'est lui, c'est négatif, mais parce que c'est lui, c'est positif. Parce que tu détestes paraître faible devant lui mais ça te rassure que ce soit lui. Pourtant, tu restes légèrement tendu. Tu préfères marché à côté de lui, droit et fort, parce que c'est ce que tu es. Même avec cette canne qui prolonge ta main, c'est ce que tu es.

Droit et fort.

Mais tu restes si diminué alors qu'il te pousse.

-Je compte sur vous pour ne pas me houspiller pour ce qui sera dit dans cette fameuse salle.

Tu fermes les yeux sous une pique violente de douleur qui te remonte jusque dans les côtes. Tu souffles pour exorciser ta douleur.

-J'ai besoin d'aide, Creed...

Un murmure, juste pour lui. Parce que tu n'en peux plus. Et tu détestes l'avouer.

Tu arrives à sentir cette petite pointe d'amusement tout au fond de toi quand il te charrie. Tu ne souris pas mais ta main se resserre légèrement sur celle de Creed, dans ton dos, alors qu'il te pousse vers un petit peu d'intimité.

Il ne va pas te gronder, il te l'a confirmé. Mais tu sais déjà que tes mots vont le faire s'énerver. Enfin non. Pas s'énerver, il s'agit de Creed après tout. Si toi, Max, tu ne t'énerves pas, c'est surtout parce que tu as une énorme patience avec autrui. Si ton ami ne s'énerve pas, tu es persuadé que c'est parce qu'il en est incapable... Il est bien trop doux, réfléchi et posé. Creed c'est une flamme de réconfort quand ton corps tremble dans la neige. C'est une présence douce qui chasse tes ténèbres. C'est celui que tu appelles toujours quand tu ne te supportes plus, quand le visage sévère et placide que tu vois dans le miroir te donne des envie de meurtre.

Quand tu as besoin de voir un sourire.

C'est toujours le sien que tu vois. Toujours cet air bienveillant. Il est ta bouffé d'oxygène. Mais si un jour tu lui avoues ça, c'est que tu es sous acide. Vraiment trop haut. Tu préfères prouver ta sympathie différemment. En offrant une oreille attentive, des conseils censés, une présence ou juste un verre.

Voir même un geste, comme à l'instant.

La porte, finalement, se ferme dans ton dos et tu commences a redouter cet examen. Tu détestes paraître faible devant lui. Tu aimerais te tenir debout face à lui, droit et sûr. Mais tu détesterais encore plus que ce soit quelqu'un d'autre.

Mais avant tout ça. Il y a ses mots. Ces mots que, inconsciemment, tu attendais.

-Merci, Creed...

C'était ce dont tu avais besoin.

Ses mots et ses gestes contre toi.

Tu es prêt pour la suite.

Tu hoches la tête quand il t'annonce la suite. Tu es d'accord et tu le remercies intérieurement pour ne pas t'humilier plus que tu ne l'es actuellement. Il se place contre toi et tu te prépares à la douleur. Ton bras passe en travers de sa nuque et « trois » arrive.

Tu n'étais pas prêt. La douleur te traverse comme un courant électrique, t'aveuglant une seconde. Tu te mords la lèvre inférieure pour retenir un gémissement que tu aurais détesté entendre. La tête te tourne mais tu retrouves dans une position moins douloureuse quand il t'allonge. Tu passes une main sur ton visage et calme ton souffle court. Tu sais que la partie difficile arrive maintenant.

Tu tournes le visage vers ton ami alors qu'il prend son petit calepin.

-Tu fais très professionnel ainsi, mon ami.

Voila, c'est ça ton humour, Max.

Mais tu le perds vite. Voila la question que tu ne voulais pas entendre.

-Je n'en ais pas prit. A aucun moment.

Je n'es pas un lâche, tu ne détournes pas le regard.

-Je n'ai pas assez confiance en moi pour gérer, seul, des anti-douleurs.

D'habitude tu ne prends rien, un doliprane peut-être, mais pas plus.

-Je n'ai jamais touché à ce genre de médication. Des antécédents familiaux, si j'ose le dire comme tel.

Tu fermes une seconde les yeux pour trouver le courage au fond de toi. Tu te détaches de tes sentiments, de ta personne. Tu n'en as jamais parlé, Max. Et aujourd'hui, à lui spécifiquement, tu te sens capable sans perdre tes mots.

Mais tu fais en sorte de te détacher de ta personne. Tu annonces ça comme tu parlerais du temps.

Avec un détachement inhumain et froid.

-Ma génitrice s'est tuée avec ce genre de médication.

Tu ne quittes pas les yeux de Creed. Peut-être que tu y cherches la chaleur qui te manque à l'instant présent... Et à tout autre moment finalement.

Tu ne ressens rien en parlant de ton passé. En évoquant cette petite phrase qui explique énormément de chose. Qui annonce ce qui a fait de toi celui que tu es à l'instant T. Ce dragon brisé, terrassé par la douleur et qui est terrifié à l'idée de se soulager, de se détacher de cette souffrance.

Ton corps ne t'appartient plus, pas plus que ton histoire. C'est à un autre et tu t'en débarrasserais avec plaisir.

Mais tu ne peux pas, Max. Tu ne peux pas, parce qu'il y a un ami cher à tes côtés. Cet ami qui prend ta main dans la sienne. Elle est douce et chaude. Elle est comme dans tes souvenir et elle te ramène à ses côtés. Elle te serre avec affection et tu dois bien avouer que ça te soulage.

Creed, il comprend. Il n'offre pas la pitié, il ne te laisse pas le temps de t'enfoncer dans ton mutisme traumatique pour avoir ouvert cette porte là.

« D'accord »

Ce simple mot qui veut tout dire.

« Je comprends », « j'accepte » et « je ne juge pas ».

C'est réconfortant, c'est agréable et ça t'allège. Beaucoup plus que tu ne l'aurais pensé. Que tu l'aurais même espéré.

Tes doigts se resserrent doucement sur les siens, en remerciement silencieux.

Tu l'écoutes attentivement. Tu as du mal à croire en les médecines douces, mais les jours comme aujourd'hui, tu serais sûrement prêt à tout.

-Il ne faudrait pas qu'il y en ai trop... Je tiens à te plaire.

Il n'y a pas d'ironie dans ses mots, l'humour n'est vraiment pas sa priorité. C'est sincère. Tu tiens à cette relation amicale et physique avec lui. Elle t'est chère... Peut-être est ce la plus importante.

Cette pensée t'allège, tu oublis un petit peu ta hanche enflammée.

Te lèves les yeux vers lui quand il t'annonce qu'il ne pourra pas le faire lui-même. C'est presque un rire silencieux, cette étincelle dans ton regard. Peut-être le verra-t’il.

Mais à nouveau, la réalité revient. Tu es dans une chambre d'hôpital, tu aurais perdu connaissance à cause de la douleur il n'y a pas une heure et Creed te propose ce que tu crains sûrement le plus.

Tu prends quelques secondes bien que tu connaisses déjà la réponse : Tu lui fais confiance.

Tu fermes les yeux. Les mots te coûtent toujours, mais eux, plus.

-Je suis d'accord.

Tu as tenu si longtemps sans anti-douleur. Tellement d'année... Mais là...

-J'ai confiance en toi, Creed...

« Ne me déçois pas, je t'en prie, je ne saurai pas m'en remettre. »

-J'ai pourtant une demande...

Ce n'est pas de l'hésitation, c'est du temps pour asseoir sa demande.

-Ne laisse pas ton équipe s'en charger. Fais le toi-même.

Qu'importe s'il n'a plus l'habitude, qu'il se plante et te plantant. Tant qu'il n'y a que lui qui le touche.

-Je crois que tu es le seul que je laisserai me toucher aujourd'hui.

Tu ne crois pas, tu le sais, mais tu sais utiliser les mots et tu ne seras pas de ceux qui refuse un soin parce que ce ne sont pas les mains chaudes et réconfortantes d'un ami qui se posent sur toi.

-Le fait que tu précises n'est pas vraiment rassurant, non...

Mais ça t'amuse de le charrier un petit peu.

-Pourrons-nous nous retrouver dans la soirée, Creed ? Pour un repas ?

Tu n'es pas sûr de pouvoir l'honorer et tu te fustiges mentalement pour cette proposition mais prévoir quelque chose d'aussi normal te rassure. Tu apprécies t'imaginer bien dans ton corps ce soir, bien et dehors... Pour une soirée agréable et en bonne compagnie.

Tu es toujours très au courant de tout... Mais quand ça te concerne, Max, tu es très facilement dans le dénis.

Tu écoutes toujours tout, Max. Tu fais attention à tout. Alors tu devines bien que Creed n'a rien contre Rebecca. Mais toi, égoïstement, ça te plaît bien plus que ce soit lui qui te vois, qui analyse ta douleur et qui tente un trait d'humour même si tu ne sais pas l'honorer.

Ce n'est pas grave, parce que c'est lui, et parce qu'il te connaît mieux que quiconque.

Sa promesse te fait plaisir, te rassure. Sa voix chaude sait toujours te faire plaisir. Elle caresse tes pensées et chasses ces angoisses dont tu n'as pas conscience.

Ta main libre vient se poser sur celle de ton ami. Tu la serres doucement entre tes doigts. Tu as laissé tellement de côté tes émotions, tu t'es tellement barricadé, que quand lui, il passe la brèche, tu te sens... Etrange. Parce que c'est lui. Tu sais que c'est parce que c'est lui. Parce que sa bienveillance et sa douceur ont réussi à t'apprivoiser sans effort. Des fois, dans les nuits sans sommeil, tu te demandes encore comment il a réussi cet exploit.

Tu n'auras pas la réponse... Mais ça ne t'empêcheras pas de savourer la chaleur douce de sa peau.

Mais malgré sa promesse, tu ne comptes pas t'éterniser ici. Tu n'es pas du genre optimiste, définitivement pas. Mais tu n'aimes tellement pas cet endroit, tu n'aimes tellement pas cette faiblesse. Tu préférerais la cacher loin d'ici, chez toi, dans l'ombre. Loin, très loin de tout.

Tu lâches enfin la main de Creed pour le laisser faire son travail... Et le pourquoi tu es là aussi. Tu observes ses gestes, tu observes ses outils et ce qu'il prépare. Tu regardes tout et tu sais que tu as déjà mit quelques internes mal à l'aise... Voir totalement en perte de confiance. Tu ne t'en excuseras pas. Tu es comme ça. Il faut que tu contrôles, il faut que tu rattrapes ce que tu ne peux pas gérer. Tant pis pour les autres...

-Un tacos ?

Ton étonnement est palpable, audible. Et une pointe d'amusement se fait entendre.

-Il n'y a bien que toi pour me faire manger ce genre de plat...

Adepte de la bonne cuisine et des restaurants, la junk food n'est définitivement pas dans tes menus. Tu aimes cuisiner, tu fais pousser tes herbes aromatiques dans ta cuisine. Quand tu reçois ton ami-amant, tu apprécies cuisiner pour lui, tu mets les petits plats dans les grands et tu savoures toujours les expressions de son visage quand il goûte à ce que tu lui a fait.

Alors un tacos ?

-Je n'ai pas mon mot à dire, n'est ce pas ?

Tu plonges dans son regard ébène.

-Si c'est le seul moyen d'avoir ta présence ce soir... Alors ça sera film et tacos.

Superman … ? Non, définitivement, il mérite mieux que ce super-héros trop lisse.

-Tu ne voles que mes s-

Une décharge douloureuse te traverse et t'arraches un grognement que tu n'arrives pas à refréner. Ta phrase disparaît de ton esprit, soufflé par ton état. Tant pis.

Le souffle légèrement court, tu poses les yeux sur Creed qui a reprit sa place à tes côtés. Tu te perds sur son sourire et cherches à t'y accrocher.

Tu restes un instant coït devant sa demande. Cette injection... Et si... Comme ta mère ? Non.

Non. Tu as confiance en lui... Et tu lui tends ton bras.

-Fais ce que tu as à faire... Et laisse moi m'occuper du dessert.

Ce n'est pas un sourire que tu lui offres, pas vraiment. Mais le coin de tes lèvres se rehaussent extrêmement légèrement.