don't know how to feel but i wanna try ⍦ llyr & river ii

Les images de l’évènement sont plutôt floues. Dans la cohue qui s’était emparée de la ville, River n’arrive plus bien à remettre les éléments en ordre. Tout semble mélangé dans un nuage de visages, de cris et de coups duquel il est bien incapable de ressortir la moindre information. La seule chose ancrée dans ses souvenirs, c’est la douleur vive qui s’est emparée de lui sans qu’il ne comprenne d’où venait le coup. Et après plus rien. Il avait été un très mauvais protecteur, un très mauvais soldat et il s’était réveillé dans une pièce blafarde allongé dans un lit, vêtu d’une blouse en papier qui lui grattait affreusement la peau. On lui avait dit qu’il avait eu de la chance, qu’il n’était pas passé loin de la mort et qu’il lui faudrait rester calme plusieurs jours avant d’espérer pouvoir quitter l’hôpital. Depuis, il passait son temps à dormir ou à tenter de se remémorer les évènements. Dans le nuage les visages de Scylla et Llyr avaient fini par se montrer. Il n’était pas surpris. Il n’y avait que deux êtres au monde pour qui il aurait pu donner sa vie et ne pas le regretter par la suite. Son amour et son frère.

A la télévision qu’il arrivait parfois à regarder d’un œil distrait, on ne parlait que des évènements. Les tenants et les aboutissants lui échappaient légèrement. On parlait de Cordelia, on parlait de révélation, il avait du mal à suivre. On ne parlait pas des Van Seabrook, de Scylla ou de Llyr, encore moins de lui. S’il avait laissé son abdomen sur place, il avait peut-être réussi à épargner sa famille. Si la princesse des océans avait été touchée, il était sûr que la nouvelle aurait aussi fait la une. Il n’avait plus qu’à attendre de pouvoir sortir pour tout savoir. Se reposer, reprendre des forces comme on lui disait entre deux siestes pas tout à fait réparatrices.

Riv. C’est son nom qu’il entend avant que le monde autour de lui ne se stabilise. La lumière des néons l’aveugle toujours un peu, quand il réouvre les yeux. Il n’y a pas grand monde qui l’appelle ainsi. Sourire sincère mais légèrement douloureux, les contours de son frères se dessinent plus nettement. « Tu devrais voir l’autre gars. » Il plaisante la voix transformée par la gorge sèche de ceux qui n’ont rien dit depuis plusieurs heures. « T’en fais pas, tu sais que j’ai toujours aimé être le héro. » Il n’est toujours pas capable de remettre les évènements en ordre, mais il n’a qu’à regarder le visage torturé de Llyr pour comprendre que s’il n’avait pas été là, son frère le serait à sa place. Spasme de douleur il gémit légèrement avant de croiser le regard de son aîné. « Tu n’as rien eu, toi ? » Il demande en l’inspectant. Peut-être qu’il n’était pas un si mauvais soldat après tout.  

Llyr lui donne de l’eau et si il n’avait pas aussi mal au ventre et à la tête, il aurait sûrement fait une remarque sur l’absurdité de la situation. L’eau avait toujours fait partie de leur vie, ils avaient grandit dedans. Il n’y avait pas de verres d’eau sous l’océan, ou de petits gobelets pensés spécialement pour les enfants. Ils avaient dû apprendre ces gestes en montant à la surface, comme bien d’autres qu’ils n’avaient jamais envisagés avant. River se souvenait avec nostalgie de ses premiers moi sur Terre. De ce qu’il avait ressenti en découvrant ce monde si différent et dans lequel il pensait qu’enfin, il pourrait démarrer une vie pour lui et non pour ce qu’on attendait de lui. Au delà des plaines et des gratte-ciels, c’était la liberté qui s’était étalée devant lui avant qu’on lui rappelle rapidement qu’elle n’était qu’illusoire. Au sec ou sous la mer, il restait le frère du mari de la princesse, il restait le soldat, le second, le triton, le fils. Il ne suffisait pas de partir, il aurait fallut couper les liens. Dire adieu à tout un passé que, malgré ses plaintes, il avait aimé à sa façon, notamment pour les souvenirs partagés avec ce trio devenu inégal. Alors il était resté près de la mer, parce qu’il l’aimait et qu’il avait besoin d’elle. Parce qu’elle contenait une partie si grande de sa vie qu’il ne pouvait pas lui échapper. L’eau avait toujours été entre eux, majestueuse et toute puissante, jusqu’à ce se retrouver dans un gobelet en plastique minable mais tout de même leur permettre un simple geste qui était ce qui pouvait le plus s’approcher d’un geste tendre dans la relation mouvementée de deux frères que la vie avait éprouvée.

Son frère allait bien. Scylla aussi. Légère contraction douloureuse des muscles avant de se laisser à nouveau aller. Sa mission était un succès, peu importe qu’il se retrouve les fesses à l’air dans un lit d’hôpital. Il sourit, hoche la tête, soulagé. Scylla ne viendra pas et il doit prétendre ne pas s’attarder sur cette information. Il n’a pas le droit de montrer qu’il est déçu, pas le droit de dire qu’elle lui manque. Il a gâché la chance qui s’offrait à lui et maintenant, il doit tout faire pour ne pas gâcher ce qui reste entre Llyr et lui. Les yeux plissés pour se protéger de la luminosité aveuglante, il écoute son frère avec attention sans oser le couper. Il ne s’était pas attendu à des excuses, il n’était pas complètement sur de les mériter. « T’as pas à t’excuser. » Il lui répond en détournant le regard pour se concentrer sur la vue depuis sa fenêtre. « Je crois qu’aucun d’entre nous ne savait quoi faire réellement, comment on aurait pu ? » Il n’y avait eu aucun logique, aucune préparation. Juste la révélation de secrets enfouis depuis bien trop longtemps et l’explosion brutale de sentiments contenus pendant bien trop d’années. Un cocktail dangereux et instable qui ne pouvait que laisser une sacrée gueule de bois et le goût des regrets. « Tu m’as manqué aussi. » Il dit en jetant un œil à son frère. Parce que c’était le sous texte qu’il comprenait dans tous ces mots. Parce que c’était le non dit au milieu de la pièce.

Il n’avait aucune certitude sur ce qu’il pouvait ou ne pouvait pas dire sans détruire les fondations que Llyr tentait de reconstruire. River avait toujours aimé Scylla et ses sentiments n’avaient pas disparu malgré son absence. Au fond, il savait qu’ils ne disparaîtraient jamais. Mais était-il capable ou souhaitable d’en faire part à son frère ? « Je suis désolé aussi, Llyr. J’aurai dû te dire la vérité, il y a longtemps, quand ça aurait encore pu servir à quelque chose. Je déteste cette situation et ce que ça a créé entre nous, toute cette distance que ça nous a forcé à prendre. Mais je suis content que tu sois là. Ca valait le coup de se faire couper en deux. » Et parce que l’humour avait toujours été son moyen de se protéger, il laisse s’échapper les prémices d’un rire.