should be at church but i'm raging on a sunday ❋ caliban & viktoria

Son visage est lisse, impassible ; seuls ses yeux véhiculent un feu en elle que rien ne saura arrêté. Si je ne l’avais pas vue débattre, je dirais qu’il s’agit d’une statue, les traits figés dans un marbre parfait qui ne laisse se dessiner aucune ride avec les années, aucun sillon par l’inquiétude. Plus que la lame, elle est le bouclier des reines et de ses idéaux, la souveraine martiale d’une cour qui n’attend qu’à se soulever.
Son ton lui aussi est posé, lissé comme une mer après la tempête. Je m’en viens à songer. Lorsque les cieux s’effondreront sur le coin de nos visages pâles, lorsque les nombreux édifices que nous appelons société seront écroulés sous le poids des attentes de trop nombreux fous ; où sera-t-elle ? Où seront-ils, tritons, sirènes, eux dont la Mère est sous les eaux et l’allégeance au fond des Mers ? Se battront-ils à nos côtés, si la guerre éclate à nouveau, où devront-ils plonger encore sous la surface des océans, abandonnant là les querelles de ceux qui convoitent leurs écailles ? J’aimerais me dire qu’en une pareille situation, mes vents pourraient se faire l’épée de la paix, le fer de lance d’une vague suprême qui engloutit les privations et la rage dont font preuve certains.
La vérité, c’est que je n’en suis pas certain.
Si j’avais la possibilité de fuir, d’échapper à la crise qui guette, aux pluies de sang qui couvriront les cendres encore tièdes de 2013 ; je crois bien que je le ferais. Je prendrais dans mon sac à dos ceux que j’aime et quelques épices, et j’irais là où aucune arme ne saura atteindre ma quiétude.
Malheureusement, le champ des possibles est fermé. Devant moi ne s’étend qu’un corridor immense et innommable dont je ne saurais bifurquer. Je l’ai appris à mes dépens.

Bien loin de l’impassibilité, j’ébauche volontiers un sourire aux paroles de la générale. Elle parle de victoire militaire comme si nous avions la moindre idée de ce que nous faisons ; comme si nous étions une armée, organisée et planifiée, avec des plans et des ressources. Si elle les voyait, ces gamins, clapis de peur dans les souterrains, prêts à mordre la main qui voudrait les rosser par terreur d’avoir à renoncer. Si elle leur parlait, à ces Surnaturels blessés, abimés, cabossés, malades, à ces balbutiants et ces éclopés, alors elle ne parlerait pas en ces termes.
La force de la Résistance, au-delà des dizaines de bras qui savent vraiment porter des coups, c’est son secret. Nul ne sait combien nous sommes, où nous sommes, ni à quel point nous sommes armés. La demeure Lightstorm est, pour l’instant, le seul coup d’éclat que nous avons revendiqué.
Sinon, nous demeurons une structure tentaculaire où personne ne tient réellement le rôle de leader. Stonehenge et Venise se sont retranchés sur leurs principes pour faire leur deuil ; je ne les ai, moi-même, jamais rencontrés. Ceux avec qui j’œuvre sont des inconnus pour moi et ils portent des noms de ville. Atlanta, Marrakech, Sydney … si l’on me demandait de reconnaître, dans le foule du sommet de ce soir, ceux qui sont de la Résistance, j’en serais tout bonnement incapable.
Je réponds donc, avec une brève inclinaison de la tête.
« Dame sirène, au même titre que vous parliez en votre nom propre, je n’étais ici le témoin que de ce que j’ai moi-même vécu. Je ne suis pas ici en émissaire de la Résistance d’autant plus que, vous le savez, nous tachons de conserver nos identités secrètes. »
Mes yeux étincellent de malice. Nous sommes quelques un à avoir annoncé, à visage découvert, nos revendications. J’ai moi-même commis cette erreur ; de toute façon, mes convictions sont de notoriété publique. Nombreux sont ceux qui m’accordaient du crédit avant toutes ces sordides histoires : si je peux, même en prince déchu, en inspirer même deux ou trois, je m’estime être un homme heureux.
« Quand à la démocratie, » je reprends. « je crains hélas qu’elle ait de bien sombres jours devant elle. »
Même si nous avons voté ce soir, combien de créatures surnaturelles ne se sont pas senties concernées ? Combien ne sont pas représentés ? Et les humains, malgré l’élection de Cordelia Kane, ne méritent-ils pas aussi d’exprimer leur désaccord ?
« J’ai bien peur que notre petite assemblée n’ait pas été très représentative. »
En me tournant vers l’horizon, je passe un main dans mes cheveux.
« Enfin. » ajouté-je sur un ton joueur. « Je ne suis peut-être qu’un vieux grincheux qui ne croit plus beaucoup en grand-chose. »