Another world [Aspance I ]

Je nage à toute vitesse. Les dires de ma sœur me titillent. Tout me hurle d'aller la trouver. Les courants font nager les rumeurs et je dois être plus rapide !

J'ai peur pour mon ami. J'ai peur pour Aspen et j'ai décidé, il y a trop longtemps, que la vie ne me marchera pas dessus.

Elle l'a déjà fait. Plusieurs fois. Mais je suis du genre à me voiler la face de temps en temps. Elle a commencé à me marché dessus quand je suis né avec ce nom de famille. Quand je ne suis qu'un homme dans une famille renommée pour ses dons féminins. Je suis aimé, oui, mais je suis invisible quand il faut être solennel. Juste bon à préparer les salles de recepions ou les autels.

Et plus récemment, quand je me suis retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Quand on m'a privé de la seule chose qui faisait ma fierté : ma voix. Je chantais bien, je chantais pour mes ami, pour moi, pour l'inconnu aussi. Et on me l'a volé. Juste parce qu'ils avaient la possibilité. Je les retrouverais. Je leur marcherais dessus à mon tour, je les noierais.

Oui, on m'a marché dessus, mais j'ai les oreilles qui traînent. Mon silence a accru ma discrétion, j'entends tout ce qu'il m'est possible d'entendre. Mais je n'ai pas encire tout le recul nécessaire pour appréhender ce que j'entends ou pour prendre les précautions nécessaire.

Aussi, bien que j'ai entendu parlé du miroir, que je savais duquel la prophétie parlait... J'ai laissé faire. Parce que ça libérerait ma sœur et ma nièce du fardeau des Cranes. Je n'ai pensé qu'au premier degré, je n'ai pas pensé à tout ce que cet événement créera. Scylla et Aspen. Surtout Aspen. Elle sera soupçonnée tout de suite. Elle est de la famille royal mais elle n'a pas le sang bleu. Je ne connais pas encore toutes les conséquences, quels ont été les rôles de chacun mais je sais que c'est pour Aspen que ça craint le plus.

Alors je nage, je nage le plus vite possible pour la retrouver. Je bouscule, je ne m'excuse pas... Je ne peux plus après tout.

Mais elle aussi, elle a cherché à me rejoindre. Je la retrouve et m'arrête vite. C'est elle qui entame la conversation et je lui réponds comme je peux.

J'ai encore ce réflexe idiot d'essayer d'utiliser ma voix mais comme toujours, rien ne sort de ma bouche, même pas quelques bulles. Alors je commence à signer mes mots. Je vais vite, je suis pas rassuré et je m'embrouille. Elle va rien comprendre.

Je secoue la tête et fronce les sourcils, me houspillant moi même. Mes cheveux blonds sont encore en travers de mon visage quand je recommence. Les courants sont lents ici...

D'un soupir, je me calme, moi et ma frénésie, je fais en sorte que mes mains arrêtent de trembler.

« Aspen, le Miroir a été cassé ! C'est la panique partout »

Tu te mords la lèvres inférieure et pose un regard concerné sur elle. Est ce qu'elle t'a comprit ?

Je ne sais pas comment expliquer toutes les subtilités que j'ai entendu. La manière dont il a été cassé, les rumeurs qui tourne autour, les peurs de ma famille et surtout de ma grande sœur pour ma nièce. Je suis terrifié pour elles et pour Aspen qui est désignée coupable. Ca me fait chier de le reconnaître. Mais je connais bien son histoire, évidemment, pourtant, ce n'est pas une raison. Ils ont pas le droit, ce n'est pas juste !

Mais je sais parfaitement que la vie est injuste. Qu'elle réserve de mauvais tours. J'en est la preuve vivante... J'en suis un miraculé. De toutes mes forces, je me retiens de poser les doigts sur ma gorge lacérée. Je ne la caches pas, je n'en es pas fier pour autant mais ne l'affiche comme un signe de rébellion, je me vengeras un jour... Même s'il m'arrive bien trop souvent de regretter ma voix et mon chant... Surtout mon chant... Mais c'est comme ça. Je ne l'accepte pas. Je suis plein de désir de revanche.

Pourtant, c'est loin de mes préoccupations actuelles. Là, c'est d'Aspen qu'on parle. C'est d'elle dont je dois m'inquiéter. C'est à elle que je dois penser. Parce que ma vie à moi, je considère qu'elle est déjà foutue. Pas la sienne.

Pas la sienne, putain !

D'un coup de nageoire rageur, je m'approche d'elle. J'ai toute la colère qui boue dans mon corps trop petit pour elle. Il y a la colère pour moi et pour elle. Je ne laisserais pas tout ça arriver.

Je relève la tête sur elle quand je l'entends parler. Ses mots, c'est une musique que j'entends au delà de ses paroles. C'est de la résignation que j'entends. Comme si c'était son destin. Ca me tue !

Non Aspen, tu peux pas rester ici. Pas au milieu de ces requins !

« Tu mérites mieux ! »

Mes gestes sont saccadés, mes signes ne sont pas bien lisibles. Ca me frustre. Cette langue me frustre !! Il manque tout mon énervement dans mon silence. Insupportable !

Elle me demande de l'aide sans détour et je plonge dans son regard avec détermination.

« Je ne te laisserais pas! »

Je nage autour d'elle, j'accroche sa main et la tire plus profondément dans son antre, à l’abri des oreilles indiscrètes. Peut-être qu'ils sont déjà là pour la confronter.

Je la lâche pour aller fureter dans les recoins, fouiller sans vergogne dans ses affaires pour trouver le nécessaire. Il faut que je l'aide !! Mes mots, les doigts ne savent pas exprimer ça, pas encore. Il faut que je continus mon apprentissage mais c'est tellement minime par rapport à ce qu'elle vit... Et ce qu'elle va vivre...

Je reviens finalement vers elle et tente de me calmer pour signer.

« Dis moi de quoi tu as besoin. Est ce que tu veux quitter le monde d'en bas pour toujours ? »

Ca me ferait mal... Mais on pourra toujours se retrouver à la surface.