these empty hearts are made of steel ❁ villabosa ii

TW : misandrie vnr

Elle n’a pas dit un mot de tout le sommet.
Elle est restée assise, avec ses doigts calmes et graciles, ses ongles parfaitement limés, son visage impassible. Quand le moment du vote est venu, elle s’est levée, s’est rendue jusqu’à l’isoloir puis s’en est revenue à sa place sans même te jeter un regard. Elle n’a pas tremblé devant les propositions des dragons, elle n’a pas applaudi à l’intervention du maître nymphe. Elle s’est contentée d’être là.
Elle accomplit son devoir, Arcadia, elle est une bonne citoyenne, dévouée à l’avenir de ce pays.
Pas comme toi.

Tu es venue pour défendre des idéaux que tu n’as pas, assister à des débats futiles puisqu’aucun ne s’écoute jamais. Agréablement surprise par le nombre de femmes ayant pris la parole, tu n’en as pas moins serré les dents quand Rhaegar Stonegold a parlé. Flamboyant phallocrate couleur d’or, il a planté de nouveaux clous dans l’estime que tu portes aux hommes.
Et, évidemment, c’est la proposition de l’un d’eux qui a fini par être votée.
Machinalement, tu portes la main à tes dogtag, bien enfouis sous ton chemisier. Tu t’es assise à côté d’elle comme une provocation au sort, un moyen de te dire à toi-même bien sûr, qu’elle ne te reconnaît pas. Pourtant, ton orgueil est un peu blessé de n’avoir même pas attiré un regard sur ton visage las. C’est le masque qu’elle traque, pas toi ; sans lui, tu n’es rien à ses yeux, rien qu’une inconnue dans la foule, un numéro d’identification, un matricule. Peut-être a-t-elle déjà lu ton nom sur des rapports d’opérations conjointes, peut-être simplement parce qu’ils ont des dossiers sur vous, là-bas, au Bureau. Toujours est-il que, sans Virago, tu ne revêts aucun intérêt aux yeux d’Arcadia Barbosa.
Ça devrait t’apporter une certaine satisfaction, celle de savoir que ton identité est bien protégée, que même la plus rusée de tes poursuivantes ne parvient à percer le secret. Alors, pourquoi ça te frustre tant ?
Tu aurais envie d’attirer son attention, d’harponner sa curiosité comme tu l’as déjà fait cent fois. L’idée est rude, de se dire que tu es la seule à ressentir cette attraction féroce lovée au creux de ton ventre, cette volonté de la conquérir, l’embrasser ou la soumettre. Votre course-poursuite n’a lieu que dans les ombres de la nuit, dans le secret des ruelles sombres, dans les fines gouttes qui se dessinent sur le visage de la gorgone quand tu repenses à cette soirée.

Arcadia elle-même semble différente. Elle n’est pas juste sérieuse, elle est éteinte. Comme si quelqu’un avait appuyé sans le vouloir sur l’interrupteur de son être, et qu’elle regardait désormais le monde à travers des yeux clos. Ce n’est pas l’agente que tu as croisée, celle qui te chasse ; c’est un pantin, une coquille vide que tu aurais envie de pousser juste pour voir si elle se brise.
Tu pousses un long soupir une fois la séance suspendue. Les membres de l’Assemblée se dispersent déjà, et un vent de panique se lève à l’idée qu’elle va s’en aller, elle aussi, rejoindre d’autres bras que les tiens qui ne la rendent pas plus vivante.
Alors, en désespoir de cause, tu finis par te tourner vers elle et tenter un sourire complice.
« Eh ben, y en a qui aiment bien s’écouter parler, hein ? »

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TW : misandrie vnr

Major.
Tu souris à la mention de ton grade. C’est le tien, tu t’es battue pour l’avoir et tu le mérites chaque jour en faisant de nouveau tes preuves. Les échelons, tu les as gravis, non pas à la force de ta ténacité ou quoi que ce soit d’autre du genre, mais bien en suant sang et eau. Bien plus que les imbéciles de ton unité qui rêvaient de te voir abandonner, qui continuaient avec leurs blagues misogynes et leurs gestes obscènes dès que tu avais le dos tourné. Tu es Major, c’est toi. Tu tiques à peine en réalisant qu’elle ne devrait pas savoir qui tu es. Vous ne vous êtes jamais croisées, et tu as la certitude profonde de n’avoir donné aucune raison que le Bureau enquête sur toi. Alors …
D’un signe de tête, tu salues son aveu d’un sourire. Borée Villacota fait évidemment partie de la liste de ses suspectes, celle qu’elle essaie de raccourcir en te tendant une perche grossière que tu te refuses à saisir. Elle devrait le savoir, pourtant, que Virago ne mord pas aux appâts, qu’elle choisit le lieu et la date sans jamais se laisser cerner. Tu plisses les yeux, jouant la comédie de celle qui connaît trop de monde et tâche de se rappeler d’un prénom.
« Est-ce qu’on s’est déjà … ? »
Ta phrase reste en suspens. Est-ce qu’on s’est déjà rencontrées ? Non, et la lueur dans les prunelles de la gorgone s’éteint aussi vite qu’elle est venue. Une chandelle que l’on moucherait du bout des doigts pour faire taire sa flamme vacillante. Tu aimerais te dire que ça ne fait rien, mais tu es prise d’une indignation à l’idée que cette femme brillante passe la plupart de ses journées à détester son existence ou, tout au mieux, à y errer comme un long spectre que rien ne peut réconforter.
Déjà la voilà qui embraie sur un autre sujet et ton sourire se fane lui aussi.

Monsieur Stonegold fait partie du problème, tu as envie de lui cracher. Monsieur Stonegold fait pire que cela, Monsieur Stongeold incarne le problème, il est son fer de lance, sa figure de proue, il est le problème en lui-même. Le grand, l’unique problème contre lequel tu luttes sans cesse sans jamais pouvoir triompher. Celui auquel tu ne vois qu’une solution, sans réellement la mettre en œuvre.
Les hommes.
Tant que vous serez gouvernés par eux, pour eux, tant que l’on considérera que celui qui pénètre a plus de force que celle qui porte la vie, rien ne pourra changer. Vautrés dans leur propre médiocrité, ils continueront à se complaire en s’astiquant la queue les uns les autres, s’auto-congratulant de s’être arrogés un pouvoir que Dieu seul devrait détenir. Celui de briser dans leurs doigts la bonne moitié de leurs espèces, juste parce qu’elle est née autrement, parce qu’elle fait partie du beau sexe.

Malheureusement, tout cela, tu ne peux pas le dire à Arcadia. La colère est trop grande, trop grondante ; elle ferait instantanément le lien avec les victimes de Virago, et tu n’es pas assez idiote pour montrer tout de suite tes cartes.
Alors tu te contentes de rire, un petit rire de gorge qui parait tout à fait sincère, quoi qu’un peu étranglé sur la fin.
« Vous savez, ‘en tant que militaire’, on m’apprend surtout à recevoir des ordres et à en donner à mon tour. Ce n’est pas vraiment notre armée qui permet de développer sa réflexion et d’affiner son sens critique. »
Un petit tacle dans les dents d’une institution dont tu reconnais la force et la nécessité sans être réellement dupe de toutes les tares qui la composent. Tu t’étais engagée pour changer le monde, parce que tu pensais être indigne de quelque chose d’autre ; Michele t’a montré une autre voie. Plus de retour arrière possible.
« Monsieur Stonegold s’exprime en tant que patriarche d’une famille qui dépend du système qui l’a placée là. Revoir sa perspective reviendrait à remettre en question ses privilèges, voire même laisser la place à d’autres. » D’un haussement d’épaules flegmatique, tu finis par te lever à ton tour pour te retrouver au niveau de l’agente. « Il n’est pas prêt à ça. »
Reprenant ta veste en cuir sur le dossier de la chaise, tu jettes un regard à ta compagne.
« Vous repartez loin, madame …? »
Ton intonation interrogatrice l’invite à te confier son nom, rétablir ce simulacre d’injustice que tu instaures en jouant les fausses ingénues. Tu pensais qu’il serait plus difficile de faire l’innocente en élaborant ton double jeu ; pourtant, ça te semble étonnamment facile.

Aussi simple qu’une giboulée.

CODAGE PAR AMATIS