hecate ☾ you were bigger than the whole sky

Le mur a beau couper le pays, il n’empêchera pas la vie. Dans une maison mal isolée de la partie Ouest de Berlin, Sarah Riemelt donne naissance à un petit garçon, Markus. Le père a disparu du paysage, ne laissant là que les souvenirs du bon temps passé à s’aimer.
Pourtant, Sarah sourit au nourrisson et accueille cette naissance comme un cadeau : elle n’a pas grand-chose à offrir, mais cet enfant sera aimé.

Un petit bébé est présenté sous les yeux ébahis de Markus. « Je te présente ton cousin, Creed. » murmure sa tante, les yeux pétillants de malice. Du haut de ses cinq ans, Markus soulève le nourrisson et le tient serré contre lui comme s’il s’agissait à ses yeux de la chose la plus précieuse de l’univers.

Markus est un petit garçon jovial, curieux du monde et de tout ce qui l’entoure. Il a conscience que des choses importantes se passent, que le monde a l’air irrémédiablement cassé autour d’eux, mais ça ne l’empêche pas de mener une enfance heureuse entre promenades avec Maman, journées passées à l’école et week-ends à jouer avec Creed comme avec une tête à coiffer.

Le jour de l’effondrement du mur, Markus court parmi les adultes et leurs pieds de biche. C’est une célébration, une fête, et le préadolescent veut tout voir, tout comprendre, tout vivre. Il a à peine le temps de grimper sur le toit d’une des maisons proches que …
Le vide. Le néant. Des encres folles qui lui serrent les poignets, et cette sensation vomitive que rien ni personne ne l’entend. Markus hurle, Markus crie, l’incompréhension est trop vive. Où est le mur ? Où est Maman ? Qu’est-il advenu de ces rires qui l’avaient porté jusque-là ?


Lui n’a aucune idée de ce qu’est un djinn ; pourtant, il semblerait qu’il en soit un. Il y a cette jeune femme en face de lui : Sohalia. C’est elle qui lui explique, qui l’attire jusqu’à Seattle pour mieux le tirer des ténèbres. Elle lui explique qu’elle a besoin de lui, que sa seule famille c’était sa sœur et qu’elle a besoin de la venger.
Markus se laisse sortir de là, mais il n’a que trop bien conscience de ce qu’il doit faire pour rester. A peine son enveloppe retrouvée, ses doigts se serrent autour du cou de Sohalia, regardent ses yeux s’exorbiter et, dans le voile de ses sanglots, la vie quitter son corps parfait.
Clignement d’yeux, il est en elle, dans ce corps qu’il vient d’achever, et l’horreur de lui-même l’étreint quand il réalise ce que ça implique. Markus est devenu une femme, bien plus vieille d’apparence que lui. Markus restera sur terre, mais il en a payé le prix. Il erre, terrifié, horrifié par lui-même, terrifié par elle-même, il ne sait plus s’il est il ou elle, elle ne sait plus bien ce qu’elle est. Il semble que le purgatoire ait trop altéré son esprit, même incarné Markus souffre, sans trop savoir, sans trop comprendre, sans trop pouvoir.
Traînant cette nouvelle enveloppe, Markus gagne ce qui sera, désormais, son appartement.

Après des mois à ne plus oser sortir de chez elle, ne pas répondre au téléphone et chercher dans les lames du parquet une réponse à sa détresse brute, un ange vient à croiser sa route.
Les voisins, inquiets d’entendre à longueur de journée les lamentations de la jeune femme, ont fini par nouer le contact. Sorciers de sang, ils comprennent rapidement qu’ils se trouvent-là face à un djinn et, désemparé, s’en réfèrent à l’autorité la plus compétente en la matière : la famille gardienne des Nightshade.
C’est Athena qui s’occupe d’elle, lui explique ce qui s’est passé. Elle ne lui en veut pas, reste souriante et bienveillante, lui dit qu’elle a été courageuse. A son contact, Markus devient Hecate et apprend à mieux se servir des dons qu’on lui a confiés. Les illusions deviennent ses nouvelles alliées, et elle se forge un avenir.

C’est arrivé sans crier gare. Encore perdue dans son identité de genre, les premières amours sont tombées et ont tout emporté avec elle. Tandis qu’elle rendait visite à Athena une fois de plus, Hecate s’est trouvée nez-à-nez avec l’homme de sa vie : Hades.
Frère cadet d’Athena, le regard entier, le front triste, il a tout du cavalier sombre qu’elle ne peut s’empêcher d’aimer. Leur histoire se vit en secret, amoureusement et tendrement : d’après le dragon, Sapphire n’approuvera jamais leur union. Elle l’a déjà promis à une dragonne de bonne famille à qui il est censé faire la cour sans en avoir aucune envie. Il préfère lui promettre l’éternité entre deux caresses, le bonheur entre deux baisers. Et Hecate ne peut que le croire.

Ils n’ont pas fait assez attention, n’ont pas été assez cautionneux : Hecate est tombée enceinte de lui. Paniquée, la jeune djinn est au désarroi, convaincue qu’elle ne sera pas prête pour l’enfant qui viendra à naître.
Hades, lui, y voit un signe de la vie. Bravant ses peurs, il annonce à ses parents, Sapphire & Deucalion Nightshade, qu’il n’épousera pas celle qu’ils souhaitent. A la place, il glisse un anneau à l’annulaire d’Hecate. Le mariage sera célébré avec simplicité, le ventre de la djinn arrondi dans sa longue robe blanche.
Toute à sa félicité, elle se dit qu’ils y arriveront et donne naissance à un enfant, son premier-né, le petit Helios.

Enceinte pour la seconde fois, à peine plus vieille que la première, Hecate est mère à plein temps, en elle comme cette force intime qu’elle a été conçue pour ça, pour prendre soin de leurs enfants. Naissent Feyre et Orion, deux poupons aux regards si tendres qu’une fois de plus elle les accueille dans son cœur devenu immense. La voilà, sa famille. Si parfois elle pense à l’avant, à sa mère et à son cousin, aujourd’hui c’est avec Hades, leurs trois enfants et leurs promesses, qu’elle se voit bâtir une longue vie.

Encore un enfant, Adriel, le petit dernier des Nightshade. La grossesse a été compliquée pour Hecate, énormément de douleurs. La brune est restée alitée durant presque les quatre derniers mois de grossesse, avec Hades à son chevet tandis qu’Athena et Sapphire s’occupaient de leurs trois aînés. Elle a eu mal, elle a eu peur, toujours ce syndrome d’imposteur qui faisait dire à la vingtenaire qu’elle aurait dû attendre. Qu’être mère était lourd fardeau, et qu’elle aurait dû avorter lorsqu’elle attendait son Helios. Des crises d’angoisse, de rires, de larmes, le purgatoire qui ressurgit comme une menace sous ses paupières.
Après l’accouchement par césarienne, dans la douleur et dans l’urgence, Hecate connaît une sévère dépression post-partum. Elle a sans cesse peur de le perdre, son Adriel, son petit dernier, et s’enferme dans sa tristesse avec l’enfant qu’il lui manquait.

Lorsqu’elle redresse enfin la tête, elle réalise qu’elle a trop laissé ses aînés aux bons soins de Sapphire et Athéna. Même si finalement les deux femmes ont fini par se réconcilier avec leurs neveux, nièce, leurs petits-enfants, la culpabilité la dévore.
Hecate décide de se relever et d’incarner, pour ses enfants, une mère dont ils pourront être fiers.
A cause de sa naissance difficile, Adriel a besoin de soins qui se font à la demeure des Nightshade. Hecate sent les regards de Sapphire sur elle, ses jugements sur l’éducation qu’elle donne à ses très chers enfants, elle sent encore l’hostilité qui émane de la matriarche, mais Hades sera avec elle, mais ses enfants sont avec elle, et en eux elle puisera la force de s’asseoir sur ses positions.
Helios se transforme en dragon, suivi de peu par sa cadette. Orion, lui, est déjà un djinn, et Adriel est bien trop jeune pour avoir l’armure écailleuse des lourds reptiles de la famille.
Immédiatement après sa transformation, Sapphire se passionne pour Feyre, délaissant les autres enfants. Sa belle-mère aurait soi-disant perçu la puissance venant de sa fille, qu’elle prétexte auprès d’Hecate.
De son côté, la djinn se fait approcher par une marque de cosmétiques qui souhaite faire d’elle une modèle qui ne vieillira jamais ; utiliser son immortalité -fontaine de jouvence- comme un argument de vente. La proposition la dégoûte et, épaulée par deux amies, Hecate se lance dans la création d’une entreprise de cosmétiques éthiques & responsables : Lightshade. La piste est hasardeuse et elle, bien trop peu qualifiée, mais avec le soutien des autres et les apports de la famille, les trois femmes parviennent à établir solidement leur business de manière locale.
Le business plan est établi pour exporter, étendre leur gamme de produits et leur zone d’influence dans d’autres villes des États-Unis …

… malheureusement, la guerre éclate. Hecate a vu Hades et Athena s’opposer à leur mère et à son ivresse des grandeurs, et pourtant ça n’a pas suffi. Alors elle se recroqueville dans la maison, elle protège les 13 ans d’Helios, les 11 ans de Feyre et Orion, elle protège Adriel plus que tout, son bien précieux, petit dernier. Elle les protège de cette guerre ignoble, déclenchée par leur grand-mère, elle tait l’inquiétude moribonde qui lui déchire le creux des côtes.
Hades est parti pour combattre, elle ne sait même pas dans quel camp, elle n’a plus la force de s’inquiéter, elle n’a plus la force de rien.
Après la mort de Deucalion, son époux finit par leur indiquer un nouvel endroit où aller, un endroit où ils seront en sécurité, où il les rejoindra bientôt. Hecate se prépare, elle empaquette quelques affaires et quitte la demeure des Nightshade pour aller où Hades a dit.
Hélas ils tombent sur un dragon, la djinn avec ses quatre enfants, un dragon fou et dangereux qui blesse grièvement Adriel. Lorsqu’Hades les rejoint enfin, le benjamin de la fratrie est entre la vie et la mort. Ils feront tout pour le sauver, illusion déployée autour pour ne pas qu’il ait mal encore, mais ça ne leur suffira pas. Adriel meurt. Adriel. Meurt.
Et le cœur d’Hecate est brisé.

Une part d’Hecate est morte avec son dernier-né. Rien ne saurait la consoler. Aucun parent ne devrait survivre à son enfant, aucun. Pourtant Hecate a survécu. Elle a survécu à Adriel, et son âme s’est fendue en deux. A quoi bon. Elle reste debout, mais elle n’est qu’une coquille vide. Elle n’a même pas la force d’aimer Hades, même plus la force de l’embrasser.
Incapable de se consoler, de trouver des raisons de rester la mère qu’elle aurait voulu être, Hecate se met à haïr le nom Nightshade et ceux qui le portent.
La brune s’enferme pendant des heures, tissant autour d’elle l’illusion que son fils est encore bien là. Mais ce ne sont que des illusions. Encore, inlassablement, la réalité la rattrape. Encore, inlassablement, elle doit se rappeler qu’il est mort, se rappeler qu’elle est toujours là et que c’est la faute des Nightshade. Quand elle sort de ces illusions, elle est amère, inconsolée, et dès qu’Hades l’attire à lui elle se laisse faire sans y penser.

Instable, en colère, rancunière, Hecate en veut au monde entier. Peu à peu ses aînés grandissent, et ils vont quitter la maison. Elle voudrait les aimer bien plus, les garder auprès d’elle toujours et que jamais ne leur arrive ce qui a ravi Adriel. Elle tentera d’être là pour eux, pour racheter qu’il est trop tard, qu’à force de trop faire son deuil elle a éloigné les trois grands.
Les rênes de Lightshade sont confiées à ses deux co-fondatrices : elle n’a plus la force de ça. En lieu et place, elle se laisse convaincre par Jin, celle qui l’a faite accoucher des enfants, de venir occuper un poste au Diamond’s Apothecary. Là, elle déroule ses illusions dans l’arrière-boutique pour panser les âmes qui, comme elle, ont bien trop perdu dans cette guerre.
De plus en plus, elle fuit la maison, elle fuit tous les regards d’Hades, négligeant les adolescents à force de trop les aimer.

Maladroite, douloureuse, elle repousse l’aide qu’il lui faudrait et surprotège les trois enfants que le ciel lui a bien laissés. Entre affection surdéveloppée et tensions d’ados révoltés, ce deuil dont on ne parle pas, et le regard triste et distant de cette mère qui ne s’en sort pas, la demeure des Nightshade ressemble à une valse de fantômes avec des rubans qui les lient.
Hecate sombre dans un mysticisme incontrôlé : si elle ne parvient pas à reconstruire la vie qu’elle souhaite, c’est sans doute qu’il y a une raison. Les pierres, les cartes et les démons deviennent son quotidien, à mesure qu’elle perd pied. Plus rien ne semble la retenir dans cette maison, et elle caresse doucement le songe de parvenir à quitter Hades, laisser derrière elle les souvenirs qu’ils ne pourront jamais laver pour trouver dans d’autres caresses l’envie de continuer à avancer.

Finalement c’est Hades qui la trompe, Hades aux yeux trop implorants qui vient s’excuser auprès d’elle pour en avoir touché une autre. Et le dernier pilier s’effondre, la dernière certitude affreuse qu’il lui restait dans l’univers : que même dans ces années terribles, son amour serait là pour elle.
Hecate ne verse même plus de larmes, il en a déjà trop coulé. Elle l’aime, évidemment qu’elle l’aime, sinon pourquoi cette folle brûlure viendrait lui fendre tout le corps ? Elle l’aime tellement, et tellement mal, qu’elle parvient à le décevoir en y réagissant à peine.

Le temps passe vite, trop vite, si vite, elle a déjà plus de quarante ans.
Elle veut partir, elle veut rester. Plus le temps passe, plus elle réalise qu’elle n’arrêtera jamais de pleurer la mort d’Adriel. Plus elle réalise qu’elle en voudra toujours aux dragons, à tous les dragons en âge de combattre à cette guerre. Elle en voudra au monde entier et ça ne le ramènera pas.
Dans ce contexte de détresse, Hecate reçoit la visite d’un Chasseur perdu qui semble raviver une flamme qu’elle ignorait avoir gardé. Elle garde leur histoire comme son plus beau et plus doux secret, conserve les moments radieux comme autant de perles de pluie qu’elle range dans sa boîte à bijou.
Elle ne se reconnaît plus. Hades lui semble être un étranger.
Est-ce vraiment ça qu’ils sont devenus ?

La sensation que son crâne brûle, que son esprit s’embrase de l’intérieur. Moon, iel se présente, dans son esprit.  Iel est un phénix, venu pour prendre les commandes de ce vaisseau de chair brisé.
Hecate se sent soulagée, débarrassée des deux fardeaux qui pesaient le plus lourd sur elle : son immortalité et son quotidien accablant. Moon offre de gérer pour elle, de lui restituer la vie qu’elle mérite depuis des années. Et si Hecate voudrait lae laisser faire, quelque chose d'autre vient les lier, quelque chose que ni l'un.e ni l'autre iels n'avaient su anticiper ...