Your dreams are my nightmares [Seska]

Your dreams are my nightmares

Début Septembre 2022

Il faut bien avancer.
Ce sont pourtant des mots simple à comprendre. Simple à dire. Mais ce n'est pas une idée que l'on peut assimiler facilement. A chaque fois que tu arrive presque au bout, quelque chose te force à reculer et à entendre cette vérité froide et cruelle. Ton frère est mort. Quelques semaines ont passé depuis cette funeste journée. Journée ou tu te tenais avec ta mère encore sous le choc et une famille secouée à écouter les condoléances de maintes et maintes inconnus. Tu as vu les larmes et les pleurs et tu faisais tout pour que les siennes coulent en silence. Parce que tu ne dois pas craquer. On a encore besoin de toi. Ta mère a encore besoin d'un enfant. Tu dois tenir la barre avant que le bateau chavire. Encore une épreuve. Encore un coup porté contre les Stonegold.

Ta petite sortie à Seattle n'a pas eu l'effet escompté. Tout d'abord pour voir un client qui devait te vendre une œuvre pour ta boutique, tu as fini par attendre un fantôme, sachant qu'il ne viendrait pas. Quelques jours pour souffler. Pour rester loin de Phoenix et du poids des responsabilités. L'espace d'un instant, tu veux oublier le nom de ta famille. Être autre chose qu'une femme au lettre doré. Autre chose que cette carte de Tarot qui te permet de croire en un monde meilleur. Juste Alaska, une jumelle qui n'a plus de jumeau.
Ta chambre d’hôtel t’oppresse, tu as l'impression que les murs se referment autour de toi. Tu laisse plusieurs messages à Dakota, la certifiant que tu vas bien alors que ton cœur et ton âme sont en peine. Tu as besoin de lui mentir. De lui faire croire que tout va bien. Parce qu'il y aura un moment ou ton esprit y croira pour de bon.
Il faut bien avancer.

L'insomnie t'empêche de dormir, le chagrin refuse de te lâcher. Alors, tu sors, enfilant les premières fringues qui te tombe dessus avant de fermer derrière toi. La nuit commence à tomber et tu te dépêche de te rendre dans une petite apothicaire non loin de ta résidence. Tu n'as jamais été friande de ses décoctions mais tu as besoin de tout lâcher. De verser des vrais larmes avant de reprendre le combat. Si ton prénom est synonyme de glace, tu te contente de rayon doux et lumineux. Manque de chance, la boutique est fermé et tu dois te contenter de marcher en profitant de l'air frais de la ville.
Une sensation nouvelle te percute de plein fouet. Parce que ce n'est pas la première fois. Parce que tu connais trop les sons qui t’enveloppent. Tu ne vois que la silhouette, une ombre presque imperceptible. Les derniers évènements te rendent plus vigilance, sur tes gardes. Tu te contente de te retourner très rapidement. Trop rapidement quand un visage te fait face.

- Je me fais des idées ou vous êtes en train de me suivre ?

Ce n'est pas le moment. Non, du tout. Tu es trop à vif, trop impliquée pour faire demi-tour. Parce tu es trop honnête. Trop toi-même. Incapable de mentir. Incapable de nier ta personnalité. Trop douce pour ton cousin. Mais entièrement altruiste.
Mais pourtant, il faut bien avancer.

Codage par Libella sur Graphiorum

@Seth Sem

Qu’était le destin si ce n’était une somme de coïncidences favorables ou défavorables qu’il ne fallait surtout pas omettre ? Passer à côté de ces miracle du hasard était une erreur cruelle que faisaient les malheureux incapables de saisir les opportunités d’un monde à saisir aux creux de leurs mains. Seth n’était pas de ces tristes gens qui vivaient dans la linéarité d’un parcours bien pensé mais sans surprises. Il avait de plus grandes ambitions ; ce monde, non seulement il le saisirait mais le ferait tourner entre ses doigts pour y laisser son emprunte, attisant admiration et affection dans son sillage.

La venue d’Alaska Stonegold à Seattle était un de coup même de ce destin dont il se servirait pour tisser d’une étoffe de prouesse sa carrière chez les chasseurs. Les Stonegold, une famille ambigüe dans la cause des surnaturelles, dont les membres hétéroclites formaient un danger certains pour l’humanité sous couvert de respectabilité et de modération. Seth n’avait pas l’objectif de s’attaquer à des surnaturels innocents, intégrés et cherchant une vie paisible, mais il ne pouvait que se méfier d’une famille surnaturelle ayant un tel pouvoir et une telle aura dans le pays.  

Impossible que le pouvoir n’amène pas à pactiser avec le diable lui avait confirmait son père quand avait été évoquée la question des grandes familles qui s’étaient érigées en gardiennes au vu et au su de tous depuis la guerre. Et mettre à jour ces machinations et en connaître tous les rouages seraient sûrement ce qui donnerait à l’initié encore mésestimé une place plus admirable dans son travail.

Cependant Seth n’était pas un stratège, pas un tacticien et surtout pas un espion. La patience et les compétences que demandaient les prises d’informations et l’infiltration ne faisaient pas parties de son panel - grandiose - de qualité. Il était plutôt un instinctif et un manuel. Son mode d’action était … l’action. Voilà pourquoi, sans préparation, sans soutien et même sans en informer ses précieux collaborateurs, le grand chasseur qu’il était était parti en filature improvisée. La jeune femme était là depuis peu mais sa venue n’était pas passé inaperçue, le deuil qui ébranlait cette famille était autant de sujet de commérage qui alimentait des histoires variés sur la raison de la venue de l’héritière. C’était des théories fascinantes et Seth avaient envie de toutes croire ; un amant secret, une coupure nette avec sa famille, une sombre histoire de tueur à gage à régler dans les rues sombres de Seattle. Mais le chasseur décidait de garder une approche empirique. Basé sur des  « faits ». Si ses pensées pouvaient matérialisées des guillemets, elles le feraient.  

Seth était à moitié allongé dans le siège conducteur de sa caisse, ses jambes croisées reposant sur le tableau de bord, au dessus de la boîte à gant. Ses mains gantées reposaient sur ses cuisses et un handspinner aux couleurs chatoyantes tournaient entre son pouce et son index. Dans les hauts parleurs de son radio-cassette passait une vieille musique qui avait l’apanage des sons de son époque avec des voix plus saturés et une pellicule de bruits résiduels sur la bande. Sa merveilleuse mission était en cours alors qu’il était garé devant l’hôtel de la jeune femme, se reposant dans l’obscurité presque complète de son véhicule, seulement éclairé par le petit cadrant du bloc radio. Et l’inaction le démangeait déjà alors que ses pensées tournaient dans sa tête, cherchant un exutoire dans le mouvement qui ne venait jamais.

Alors quand il vit sa cible sortir de sa tanière, le soulagement balaya la surprise et une fois qu’elle se fut un peu éloigné, il sorti de sa voiture et apprécia l’air frais sur sa peau et étirant ses membres engourdis. Seth s’étonna lui même de ses capacités de traque silencieuse alors qu’il suivait la blonde jusqu’à un coin de ville qui semblait ne pas correspondre à ses attentes puisqu’elle repartie en errance dans les rues. Fier de sa prestation, il prit la confiance et se dit que cette histoire de tueur à gage était peut-être tout à fait pertinente et qu’il assistait peut-être à l’histoire d’une tragédie familiale orchestré de toute part.

Parti dans son imagination - non dénué de fulgurances- il se retrouva rapidement face à la jeune fille et son souffle se coupa. Car dans une configuration normal, elle devait être dans l’autre sens, dos à lui, sinon toute l’action de la suivre discrètement n’avait plus de sens. Et la question le prit bien plus au dépourvue qu’il ne s’y attendait, son éloquence naturelle bloquée par l’incongruité de la situation.

« -Je… en réalité… je… » Soudain sa main se hâta vers sa poche et il en sorti son portefeuille de cuir sombre. « Je crois que vous avez fait tombé votre porte-feuille ! Alors, dans un élan de civilité et de bienveillance, je viens vous le ramener ! »

Your dreams are my nightmares

Début Septembre 2022

Il aurait pu s'agir de n'importe qui. Un homme d'affaire qui rentre précipitamment du travail. Un joggeur nocturne ou un poivrot qui cherche à obtenir quelques pièces pour étancher sa soif. Et comme n'importe qui, tu aurais pu agir de milliers de façon. Utiliser une tactique d'auto-défense que ta chère meilleure amie t'a inculquer à multiple reprise. Fuir et oublier la soirée cloitrée dans ta chambre d'hôtel. Mais tu ne fais rien de cela.
Tu regarde bien en face cet homme dont tu n'entendais que le bruit des pas sur la chaussée. Une chose te frappe. Des cicatrices peuplent son visage, mise en avant grâce à l'éclairage de la rue. Les blessures ne le rendent pas laids, bien au contraire. Cela met en avant la force de caractère, la volonté d'affronter le pire pour en obtenir le meilleur. Mais même le diable utilise la beauté pour corrompre le meilleur.

Tendant le porte-feuille à l'aspect sombre, tu ne peux t'empêcher de le regarder sous toutes les coutures. Parce que tu sais très bien qu'il ne s'agit pas du tien. A l'exact opposé de ce que tu as devant les yeux, ton porte-feuille au couleur multiple et douce ressemble à un arc-en-ciel. Tu voudrais savoir. Savoir ce qu'il cache dans cet objet pourtant si banal. Savoir ce que dissimule son regard ou le choix de ses mots.

- Si c'est bien mon porte-feuille, pourquoi y aurait-il votre permis de conduire ?

Tendant la preuve à l'appui, ses lèvres esquisse un sourire presque innocent. Tu pourrais avoir affaire à un idiot. Ou simplement un malade à l'esprit mal placé. Mais comme tout le monde, tu lui devais le bénéfice du doute.
Rangeant la carte lui permettant d'utiliser et conduire un véhicule, tu te permets de fouiller encore un peu. Tu étais dans ton droit le plus strict, cherchant à savoir le fin mot de cet étranger. Mais également, parce que la curiosité t'ordonnait de répondre aux nombreuses questions muettes. Un bouton d'or séché, signe d'un certain raffinement. Mais encore et surtout, un cliché dont tu avais failli passer à coté.

Trois têtes. Deux adolescents. Un enfant. Inutile d'être un surdoué pour comprendre qu'il s'agissait des êtres les plus importants de sa vie. Une famille. Les sourires étaient véritable, le souvenir aussi. Difficile de mentir les yeux dans les yeux quand un objet aussi personnel se retrouve dans les mains d'autrui.

- Je reconnais bien la bienveillance...

Abandonnant tes recherches, tu te décidais à rendre le porte-feuille à son propriétaire légitime. Ses indices t'avait donné matière à réfléchir, des morceaux que tu n'avais pas encore réussi à réunir les uns avec les autres. Tu te sentais prête à ne pas lâcher l'affaire. Tu n'avais pas envie de retourner dans la tourmente de ton esprit.

- Je suppose que si vous me suiviez, c'est que vous êtes au courant de mon identité. Grâce à votre subterfuge, je connais également la vôtre.

Tu t'approche d'un pas, faisant de nouveau face à son regard et le mystère de son esprit. Il était comme un casse-tête. Des milliers de combinaisons. Mais en vérité, la solution promettait d'être à la hauteur du défi.

- Qui êtes-vous, Seth Sem ? Le héros ou le criminel ?
Ange ou démon ?

Codage par Libella sur Graphiorum

@Seth Sem

Le plan brillamment improvisé de Seth avait une seule petite lacune, une minuscule faille, un point de détail mais qui ici avait son importance. Il ne fallait pas que sa cible ouvre le porte-feuille. C’était simple, évident, et pourtant, Alaska Stonegold avait ouvert ce porte-feuille. Peut-être était-ce un coup de chance ou totalement calculé de sa part, en tout cas, Seth saluait ce coup de maître.

Répondre à sa question était alors bien compliquée mais étrangement, la jeune femme ne semblait pas énervée ou contrariée. Du moins, pas autant que l’on pourrait l’être dans une situation aussi suspecte.  Elle semblait même plutôt à l’aise et avec audace, elle scrutait ce que l’objet contenait. Alors le Chasseur était attisé par des sentiments contraires ; le besoin impulsif de saisir son bien, de le protéger des yeux indiscrets qui pourraient s’y glisser, et celui de laisser faire, intrigué et à la recherche d’une ouverture  à travers cet étrange violation de sa vie privée. Dans un sens, cela ressemblait presque à un équilibrage des tords ; lui l’abordant pour un motif douteux après l’avoir suivi et elle saisissant l’occasion pour mettre ses mains et son regard dans son intimité coulé sur papier glacé. De quoi remettre la relation à sa position initiale, avant les faux pas.

Et il y avait cette phrase, étrange, peut-être sympathique. Celle sur sa bienveillance. Evidemment, Seth était bienveillant. Il n’avait pas de grief particulière envers cette étrange femme à la curiosité dévorante, son enjeu n’était pas de lui faire du mal mais de faire ce qui était bien.
Le Chasseur se montra silencieux tout le long, incapable de trouver une parade, une astuce, une pirouette qui ne soit pas vaine, bien loin de ses babillages incessants et c’est avec rapidité qu’il rangea son porte-feuille dans sa poche, récupérant son bien qui peut-être lui offrait une nouvelle opportunité d’approfondir le contact. Elle se ventait de connaître son identité, elle se targuait de pouvoir le cerner, lui demandant sa nature sans une once de crainte.

Son éclat de rire était cristallin dans le silence de la nuit alors que son visage se parait d’un sourire qui faisait pétiller son regard d’une myriade de lumière joyeuses. «-Seulement un humain qui aspire à être un héros. » Répondit-il en ravalant les derniers élans d’hilarité qui courraient dans sa gorge. Il posa ses mains sur ses hanches, toisant son audacieuse interlocutrice. «-Et vous ? »

A peine éclairé par de lointains lampadaire et par la lune qui les couvait d’un halo fantomatique, l’homme tandis sa main vers la blonde, gardant l’autre sur sa taille. « -Enchanté, je m’appelle Seth ! Désolé pour la filature de weirdo. Mon frère me dit toujours que suivre les gens, c’est un immense Red Flag. Enfin il fait plutôt « bro… c’pas cool » d’un ton lancinant. » Finit-il en prenant une voix grave et traînante pour son imitation.

« -Mais qu’est-ce qu’un membre de la famille Stonegold vient faire en pleine nuit dans les rues de Seattle ? » Demanda le chasseur, le regard plus acéré.

Your dreams are my nightmares

Début Septembre 2022

Il se prenait pour héros. Du moins, c'était ce qu'il voulait. La voie qu'il voulait suivre tel les briques jaune dans le pays d'Oz. Tu n'avais aucune raison de démentir ces propos. Il pouvait s'agir d'un soldat ou d'un combattant. Le point commun restait le même : la guerre à venir, la bataille continuelle. Son attitude elle-même était contradictoire. Son sourire et son air quasi jovial entrait en conflit avec ces cicatrice et sa matière du terrain. Véritable caméléon.
Ce n'était pas le terme héros que tu retenais. Tu n'avais pas besoin d'un chevalier en armure. Tu n'avais pas envie qu'on voit de toi, une jolie princesse au cheveux de blé. Il était humain. On pouvait croire qu'il était plus aisé d'être un surnaturel. Qu'avoir la capacité de se transformer en dragon ou de contrôler les éléments était le véritable pouvoir. Pas toi. Être humain, c'était avoir le choix. Choisir ce qu'on voulait être. Choisir la voie qu'on veut. Sa battre avec des armes propres. Et puis, le valeureux n'avait pas besoin de se battre pour obtenir ce qu'il veut.

- Moi ? Je suis simplement Alaska.

Léger sourire sur tes lèvres. Il était parfois simple de discuter. De dire la première chose qu'on a dans la tête. Être simplement une femme parmi tant d'autre. Oublier les responsabilités et les privilèges, le temps d'une soirée.
Tu regarde sa main tendu. Ou plutôt, le gant qu'il porte pour recouvrir sa peau. Tes tas de questions et ta curiosité dévorante veuille te poser à découvrir ce mystère. Seth est comme un casse-tête chinois. Ou une poupée russe qui dévoile une personnalité imbriqué les unes au autres. Cela dit, ton objet d'étude a la chance d'avoir un minois attrayant. Tes yeux l'ont bien compris.

- Un homme très sage, votre frère.

Tu décide de prendre ta main dans la sienne, qui semble presque minuscule quand tu vois vos mains entrelacés. Ce n'est qu'un bref instant, quelques secondes, mais tu crois comprendre que Seth possède une fusion contrôlé entre la force et la douceur.
Sa filature raté et sa question sur ton programme de la soirée pourrait faire croire qu'il est un tueur en série déguisé. Tu laisse la nuit et les rumeurs de femme enlevé en pleine rue derrière toi. Tu ne veux pas que la psychose s'empare de ton esprit. Tu dois respirer un grand coup. Et garder la tête haute. Pourquoi devrais-tu avoir peur ?

- J'ai dû mal à trouver le sommeil, le soir n'a jamais été le moment de la journée que je préfère. Vous avez sans doute dû entendre les rumeurs qui circulent au sujet des miens.

Tu joue sur du velours. Te rappelant que la vérité est d'or, aussi dorée que ton propre patronyme, tu ne t'éloigne jamais. Tu n'aime pas vraiment le mensonge. Même si tu pense que tu pourrais mentir si la situation t'oblige à le faire, tu ne saurais pas comment t'y prendre. Ta mère t'avait toujours dit qu'elle savait quand tu essayais de lui mentir.

- Mais je devrais peut-être pas vous dire tout ceci. Après tout, vous avez essayé de suivre maladroitement une femme seule en pleine nuit. Qui me dit que je suis en sécurité avec vous ?

Si le ton est plein de douceur et taquin, tu ne peux pas t'empêcher de croiser une énième fois son regard énigmatique. Parce qu'une question te brûle les lèvres et qu'il n'y a que dans ses yeux que tu y liras la vérité.Dois-je avoir peur de toi, Seth Sem ?

Codage par Libella sur Graphiorum

@Seth Sem

Personne n'était simplement quelqu'un. Voilà une terrible ignorance envers soi-même que de penser qu'on était "juste" soi. Seth n'était pas simplement un chasseur, il était le futur de la profession. Roman n'était pas simplement un fainéant, c'était un génie touche à tout avec des problèmes d'addiction aux condiments et une hygiène de vie déplorable. Nikki n'était pas simplement un apprenti fleuriste, il était un magicien de la vie, faisant fleurir chaque plante qui passaient entre ses mains avec la terrible manie de recueillir tous les chats de gouttière qui passaient dans le quartier... Malgré tout ce qui les séparaient, ses frères lui manquaient. Mais là n'était pas le sujet. Le sujet était Alaska. Pas simplement Alaska. Alaska. Dans toute sa complexité d'être vivant. Seth retint ses remarques, ses protestations quant à cette phrase car on risquait de le considérer comme tatillon, voir même un chipoteur.

Son interlocutrice était sagace. En effet, son frère était sage ; quand rien ne se rapportait à la nourriture, au ménage ou aux responsabilités domestiques. Il se félicita de cette poignée de main, premier pas d'un rapprochement qu'il espérait fructueux pour son groupe et en même temps il se trouvait simplement heureux d'avoir réussi une interaction. Ce n'était pas si simple. Surtout au vu du contexte de la rencontre. Peut-être Alaska avait-elle un entraînement commando pour garder son sang-froid face à ce qui était vraisemblablement un stalker la suivant dans les rues de Seattle en pleine nuit. Son audace face au danger en aurait peut-être fait une chasseuse hors pair. Mais pour le moment elle apparaissait surtout comme une aubaine, alors le sourire de Seth se dessina encore plus, rayonnant quand la paume rencontra la sienne et que le cuir entoura la peau pâle de son emprise.

Peut-être était-ce cette euphorie dû à sa réussite ou la main serrée dans la sienne, mais Seth ressentit une certaine empathie pour la situation de la jeune femme. Oui bien sûr qu'il en avait entendu parler, ce n'était pas un fait caché. Le deuil avait fait couler bien plus d'encre que de larmes, malgré tous ce que les proches avaient pu verser, les médias étaient en prompte à pleurer sur leur feuille de chou des larmes de crocodiles, encrant leurs désirent de vente dans des lignes et lignes d'édito larmoyants. Alors évidemment, il n'avait pas lu une ligne de ces journaux, moins par honnêteté intellectuelle que par désamour du support écrit, mais la radio l'avait informée de nombreuses fois de ce que traversait la famille. Il n'était pas là par hasard. Se mettre à sa place n'était pas son objectif et imaginer éprouver sa perte... non. Son esprit bloquait, tout le poussait à éviter le sujet.

La jeune femme prouvait encore une fois sa perspicacité. D'un côté Seth était outragé qu'on puisse penser ne pas être en sécurité avec lui. Il ne faisait pas parti du mal, il était un sauveur, un défenseur de la justice. Et d'un autre côté, il savait qu'il usait de techniques peu honnêtes ; mais nécessaires.

"Rien du tout" s'exclama-t-il avec une joie presque enfantine. "Il faut avouer qu'il y a peu de lumière, personne ne passe par ici et ma voiture n'est pas très loin alors... C'est vraiment inquiétant comme situation." Acquiesça-t-il. Un moment de silence suivi sa déclaration qui aurait peut-être mérité d'être nuancé voir à être rassurée. "Cependant, pas d'inquiétude !" Finit-il enfin par ajouter après un temps interminable.[/color] "Je n'ai pas l'intention de vous faire le moindre mal. Disons que si j'avais eu le cran, je serais venu en journée. Je ne vais pas vous faire mes condoléances ou parler de ce qui s'est passé dans votre famille, je ne vois pas l'intérêt puisque tout le monde le fait déjà, continuellement. Mais je voulais vous voir car on a peu de fois la chance de rencontrer quelqu'un avec votre parcours. Mes frères sont ..." Sa gorge bloqua. Car ce n'était pas bien d'utiliser sa famille. Et en même temps... "... concernés aussi par tout ce qui arrive ces temps-ci envers les non-humains. Et je n'y comprends pas grand-chose finalement, à la politique, aux familles, aux groupuscules... Alors, je me suis dit, pourquoi ne pas parler avec des personnes qui sont concernées ? Je suis peut-être trop opportuniste ! "

Gardienne. Seth détailla ce visage lumineux, dont l’audace était aussi le symptôme de sa main tendue vers le monde. Cette ambition ... elle était belle, il ne pouvait qu’imaginer à quel point elle était dur à tenir. A quel point il devait être compliquer de voir l’unité familiale glisser entre ses doigts comme du sable qui s’écoulait et qui ne répondait qu’à l’implacable appel du temps tandis qu’elle était occupée à répondre à son devoir ailleurs.  

Gardien. C’était aussi son but. Dans la longue liste erratique de ses ambitions, il voulait rétablir un ordre parfait, en récolter les lauriers. Et pour cette raison, ils étaient ennemis. Deux oppositions frontales dans un monde qui ne se rebâtirait qu’une fois les édifices de la domination surnaturelle tombés.  

Les humains et les surnaturels n’étaient pas si différents selon Alaska.  

Parfois, les différences étaient si infimes, c’étaient comme un souffle. Ça pouvait être invisible ; un changement de ton dans la voix d’une sirène, un toucher apaisant de Zouwu, une fraicheur à proximité d’une Sylphe. Et soudain c’était le silence assourdissant, un esprit doucement dévoyé de ses pensées pour en épouser d’autre, une gerbe de flamme destructrice et inarrêtable. C’était la fin du calme, de la douceur du foyer. Seth serait bon contre les mauvais et bon pour ceux qui l’étaient.  

Monde en paix. Il ne put s’empêcher de demander. “Et ce rêve, vous le faites souvent ? Ca doit-être si agréable et si décevant au réveil.” Loin d’avoir l’envie d’être défaitiste, il rajouta. “Mais ce n’est qu’une occasion de porter l’espoir plutôt que la fatalité ! Si on prend les choses en mains et qu’on croit en soi, on peut changer le monde. Après tout, c’est notre devoir de faire tout pour protéger ce qui est cher.”  

La question d’Alaska barra son visage d’un sourire large alors qu’il haussait les épaules. “Groupuscule ?” Il connaissait le mot pour l’entendre régulièrement dans les médias, mais il ne faisait pas parti de son vocabulaire. Il parlait plus volontiers de groupe, de cercle, de communauté. “Comme quoi par exemple ?” Il tourna la tête de côté avec curiosité. “Je ne suis pas très informés... J’ai entendu parler de vous, bien sûr. On entend tous parler de vous, ces temps-ci. Mais... je n’ai aucune idée vers qui me tourner. Il y a des tas d’associations j’imagine, mais je crains de tomber dans des groupes d’adeptes. Je ne sais pas ! Beaucoup de groupes sèmes la terreur. Vous y comprenez quelque chose vous ?”  

Ce n’était pas un complet mensonge ; Seth ne s’intéressait qu’à ce qui pouvait intéresser son cercle. Il rechignait à s’informer plus que de raison.  

“Mais peut-être que je vous empêche d’aller quelque part ce soir ? Vous sembliez décider en sortant de votre résidence ! De plus, il ne faudrait pas que des voisins inquiets contact nos incroyables forces de l’ordre, sinon les journaux vont dépeindre encore une fois votre portrait sans égard pour vos désirs. Alors je vous propose de vous accompagner. Ou éventuellement de trouver un lieu où continuer cette discussion ?”