RHERIN ϟ now we got bad blood

Le problème avec la colère, c’est que le corps ne veut pas la lâcher, et que peu de choses l’apaisent.

Probablement qu’une psy dirait que c’est tout simplement trop, que le coup porté aux résistants ne fait que s’ajouter à la grande pile des événements traumatiques de l’année, mais ça va plus loin que ça. C’est l’audace, la manifeste injustice du pouvoir en place qui piétine tout sans aucun regard pour ceux piégés sous les décombres. C’est le silence de ceux qui pourraient faire la différence. C’est la manière dont on s’en prend toujours à ceux qui n’ont pas grand-chose pour se défendre. C’est l’image de sa mère qui lui est revenue des années après qu’elle en ait eu vraiment besoin. C’est ces souvenirs arrachés dans le sang à ceux qui ont jugé bon de les garder sous clé, sans se demander exactement ce que ça lui avait coûté. C’est le danger dans lequel ils sont tous aujourd’hui, alors que leurs communautés sont infiltrées et qu’on ne peut plus faire confiance à personne. Et en ce moment, c’est ce petit fils de pute qui a tout gâché et qui a bien failli faire perdre la guerre aux Résistants – et qui reste, à ce jour, impuni et inconnu.

Rhea a recommencé à dormir dans son bureau dans le Vieux Carré. Elle se sait désagréable, surtout avec Lance qui n’a rien demandé et qui fait ce qu’il peut – et qui est bien plus efficace que ce qu’elle peut laisser entendre dans sa mauvaise humeur. C’est en partie grâce à lui qu’elle a pensé à fouiller un peu du côté de cette indic retrouvée par hasard à la Cour des Miracles. Erin Gallaway. Ça lui a fait bien mal de creuser la piste, avec toute la tendresse qu’elle a eu malgré elle pour la jeune femme ; elle lui a tant rappelé une version plus jeune d’elle-même, un peu sauvage, à la carapace bien forgée, déterminée à survivre dans un monde qui voudrait bien l’écraser. Erin lui a été bien utile plusieurs fois, elle a été ses yeux et ses oreilles dans les viviers qui lui sont désormais plus difficiles d’accès et qui la considèrent parfois comme une traîtresse à son milieu social. Ça ne lui a pas semblé étonnant pour un sou de la retrouver chez les Résistants – elle ne s’est pas méfiée. Pour quelqu’un qui auparavant se méfiait de tout et de tout le monde, c’est un sacré coup dans la gueule ; surtout après Isra.

Elle a tenté, la dragonne, de se délecter les mérites d’une vie plus douce, d’un cœur ouvert et de yeux plus tendres. Mais elle commence à amèrement le regretter.

A sa demande, Erin est venue la retrouver dans son bureau. Elles auraient pu se croiser à Lightstorm Plaza, elles y sont toutes les deux les bienvenues – mais par fierté, Rhea ne veut pas lui donner plus d’occasions que nécessaires de côtoyer ceux qu’elle protège si férocement, au cas où elle se serait trompée sur son compte depuis le début. « Je te propose pas de café, j’ai pas trop le temps pour faire les courses en ce moment » Rhea marmonne en s’adossant à son bureau, une fois que la porte a claqué derrière son invitée. D’un signe de tête, elle s’invite à s’installer sur le canapé élimé qui lui fait face et qui est désormais creux de toutes les nuits qu’elle a passé dessus. « J’essaie de remonter la trace du traître chez les résistants, je ne pense pas être la seule. Ça doit faire parler dans les rues. T’as entendu quelque chose ? » Pas le temps de minauder en mondanités ou politesses, de toute manière, ce n’est pas le genre de la maison, ni pour l’une, ni pour l’autre.

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