I don't dress for vilains or for innocents // Novik

Ne bouge plus Nova-Blue.
Au bruit des clés dans la serrure succède ce ton impérieux, cette ordre comme un fouet qui claque dans l’appartement normalement vide. Ambrose n’est pas là, n’est pas supposé être là, ce soir ; il n’est sensé y avoir que toi et les vagues fourbes de ta migraine. La sensation s’est instillée profondément dans tes atomes, jusqu’à devenir la toile de fond de tes journées. Ce qui t’était insupportable n’est devenu qu’un inconfort plus léger, et le sentiment singulier qu’il y a quelque chose, au fond de ton crâne, que t’arrives pas à agripper. Quelque chose qui s’ébroue et se secoue gentiment lorsque les mots de l’intruse arrivent jusqu’à toi, qui cabre lorsque tu te rends compte que tu n’as plus aucune envie, aucune intention de bouger.
Une nouvelle attaquante vient de faire son entrée dans le champ de bataille qu’est ton crâne, et elle est venue pour gagner. Ses mots s’enroulent autour de tes chevilles comme des crotales prêts à planter, dans ce qu’il reste de toi, leurs crocs bien trop envenimés. Tes propres serpents s’agitent à tes tempes, comme un miroir à ta détresse – tu leur intimes de rester tranquilles. Pas besoin de rajouter leurs écailles dans un pareil nid de vipères.
Dans ton dos, tu entends l’inconnue se déplacer, faire grincer les lattes du parquet à mesure que la raison de sa présence se dévoile petit à petit.

A dire vrai, les évènements du tombeau te paraissent déjà tellement loin que tout ce que tu as fait ce jour-là t’apparaît comme à travers un voile. Tu te rappelles, effectivement, avoir dû batailler contre Caïn Stonegold et même, avoir su l’emporter. En revanche, qu’il en ait gardé de la rancune te semble complètement incongru, toi qui as été contrainte de tourner la page plus rapidement que ton mental n’aurait normalement pu le permettre. Cela étant, oui ; en y réfléchissant, ça fait plutôt sens que le leader suprême de l’Ordre ne soit pas exactement ravi d’avoir été changé en pierre pendant bien une heure et demie.
Mais bon. Il s’en remettra.
Quelque chose s’agite, sous la surface, quelque chose exige que tu te libères de l’emprise que les mots de ta visiteuse ont instillé dans ton esprit. Hélas, tu n'en as pas le pouvoir : tu restes simplement sans bouger, à essayer de déceler au milieu du marasme ambiant la meilleure conduite à tenir.
Tu lui tournes le dos ; aucune idée de si elle est armée. Quelque part, heureusement que tes muscles sont rompus à toutes sortes d’exercice physique : parfaitement immobile, tu te racles la gorge avant de parler.
« Et vous, vous vous attendiez vraiment à ce que votre leader puisse récupérer ces deux crânes sans rencontrer de résistance ? »
Cette voix, elle est rangée quelque part dans ta mémoire, de ces fois où t’épiais l’Ordre à travers le trou de serrure des simples missions de Scarlett. L’intruse est ostensiblement une partisane de l’humain, et obéit aveuglément aux ordres que celui-ci donne.

Un brin de sarcasme dans la voix, la migraine cisaillant les tempes, tu poursuis.
« C’est quoi votre plan, du coup ? Œil pour œil, dent pour dent, vous allez m’immobiliser pendant deux heures et on sera quittes ? » Tu te doutes bien qu’il y a autre chose, mais il y a cette voix dans ton crâne qui t’intime de pas te laisser faire. « Si c’est ça, est-ce-que je peux juste faire pouce et vous m’empêchez de bouger, mais assise dans mon canapé ? »