PTSMR / Bogota

TW : violence, sang

Tout part en vrille. Les bruits courent et les esprits craquent, les larmes fusent et les coups volent. Les évènements s’accélèrent, et la présidente dans sa blanche demeure ne semble plus s’appartenir. La colère gronde, ses racines profondément ancrées dans une peur qui n’épargne personne, quand le climat politique donne envie de se recroqueviller en attendant que ça passe. T’as vu des crétins foutre le feu à des poubelles, des timides sortir du silence, t’as vu les moins éduqués de tes collègues sombrer dans ce climat de violence et, ballottée là-dedans, tu te demandes si y a encore un sens à l’insigne de Major sur ton uniforme.
Tout part en vrille. Combien de temps avant que l’agente Barbosa ne se lasse de votre petit jeu ? Combien de semaines avant que Zephyr ne réalise qu’il n’a, en fait, jamais eu besoin de sa grande sœur ? Combien de jours avant que Joah – ou Cesar, pour ce que ça change – ne déniche ton nom d’épouse ? Combien de minutes avant que Viktoria ne revienne sur sa parole et ne se décide à t’accuser ? Combien de battements de cœur avant que Joran ne se retourne contre toi, lui aussi, lui qui est le symbole brisé de toutes les actions que tu regrettes ? Les points d’interrogation voltigent et te harponnent, les cernes sous tes yeux de plus en plus mauves tandis que Virago se déchaîne.
Tout part en vrille. Et des fois tu te poses la question : pourquoi t’es juge de leur violence quand tu laisses s’exprimer la tienne ? Parfois, tu ne trouves plus les réponses, tu grattes l’intérieur de ton crâne à essayer de te convaincre que t’as pris les bonnes décisions. Seulement, tout t’apparaît seulement au prisme de motivations égoïstes. Elle est grande ton hypocrisie, Borée – mais plus grande encore est ta colère.

Tout part en vrille. Alors, les gens se rattachent au maîtrisé, au contrôlé, au familier ; à ce qui ne sera changé ni par Cordelia Kane, ni par la menace grandissante des luttes intestines du pays. Des lieux clos, régis par des règles que personne ne remet en question – espaces où l’on peut perdre ses dents mais pas ses repères. L’Hydra Club est un de ces lieux-là, et tu te tiens adossée au comptoir à quelques mètres de la cage. L’atmosphère est lourde, moite, empreinte de l’odeur de la sueur et de celle, métallique, du sang. Le brouhaha des acclamations noierait presque le bruit des coups, mais tu ne eprds pas une miette du combat : Valkyria Dragonstone contre une humaine aux cheveux bleus. Tu l’as déjà vue, une fois ou deux, mais jamais aussi acharnée que ce soir. Moulée dans un débardeur blanc, tu regardes le combat s’achever trop vite et la furie foncer vers toi.
Tout part en vrille. Même les plus anodines des conversations virent à l’agression, et le sourire sur tes traits tirés s’attire immédiatement les foudres. « Qu’est-ce que tu veux ? Je t’ai fait perdre de l’argent et tu veux la revanche ? Laisse-moi prendre une bière et je peux te servir le même pain que j’ai mis à l’autre princesse. » Sa colère te percute comme un mur ; de toutes tes forces, t’essaies d’ériger tes défenses avant qu’elle t’embrase toute entière. Peine perdue. Ton empathie se teinte de rouge et tes canines se dévoilent sous tes lèvres.

Tout part en vrille. Même toi, Borée, alors que tu t’entends répondre des mots qui te ressemblent pas. « Wow. La blonde t’a filé un trauma crânien, ou quoi ? T’es pas en état d’affronter qui que ce soit, championne. » Le cynisme s’invite et te défigure, la condescendance prend le pas sur l’admiration que tu ressentais – ça t’apprendra, à ne pas savoir fermer tes écoutilles plus vite. Tu te fais craquer la nuque sans quitter la bleusaille du regard. Si c’est vraiment la bagarre qu’elle veut, tu vas pas te gêner pour lui donner.
Tout part en vrille. Tu lui files une petite bourrade dans l’épaule. Pas vraiment un coup, plus une petite poussée amicale. « J’tape pas sur les infirmes, alors si tu veux vraiment te mesurer à moi, passe d’abord à l’infirmerie. »

Avant que tout ne parte en vrille.