Toast to the ones here today (rhever)

Rhea & River

If something bad happens you drink in an attempt to forget; if something good happens you drink in order to celebrate; and if nothing happens you drink to make something happen.

La scène s’est déroulée si vite qu’il a encore du mal à remettre tous les évènements en place. Il se revoit tentant de réveiller l’inconnue, impuissant face à une illusion surement trop présente dans son esprit. Il revoit Isra, débarquant de nulle part et réussissant à aider la jeune femme mais repartant aussi vite qu’elle est arrivée. Une attitude étrange, mais le triton un peu sonné n’a pas eu le temps de la rattraper pour lui demander plus d’explications. La foule autour d’eux se disperse petit à petit, chacun sait à présent qu’il ne fait plus bon rester au cœur d’une manifestation qui ne fait qu’enchainer les catastrophes. Il aurait dû fuir dès que le dragon est apparu, il était évident alors que les choses allaient mal tourner. Il était resté malgré tout, avait tenté d’aider Scylla mais l’avait perdue dans la foule dense. Il ne se fait pourtant pas de soucis pour la princesse. Elle est rusée, forte et capable de se sortir de n’importe quelle situation Et puis il a le sentiment que si quelque chose lui était arrivé, il l’aurait, d’une façon ou d’une autre, ressenti. Quoi qu’il en soit, il n’a pas la force de la chercher, pas la force de se battre à nouveau avec elle s’il la trouve, pas la force d’accueillir ses critiques sur les évènements qui se sont déroulés durant la manifestation. Il n’a de la force que pour une chose, se poser à un bar et enchainer les verres jusqu’à ce que tous les évènements qui viennent de se dérouler se mettent à avoir un minimum de sens.

La femme à ses côtés le tire de ses rêveries alors qu’elle reprend petit à petit conscience. Il la regarde un instant, tentant de savoir si son visage lui est familier maintenant qu’elle semble en pleine possession de ses moyens, mais aucune lumière ne s’allume dans sa mémoire. Il s’agit là d’une parfaite inconnue à qui il n’a été d’aucune aide. « Rebienvenue parmi nous. » Il lui dit avec un sourire désolé. Il ne sait pas ce qu’elle a subit dans ce monde irréel, mais il se doute que cela n’a pas été une partie de plaisir, en se basant sur l’air encore terrifié qui parcourt son visage. « Je suis désolé de ce qu’il vient de vous arriver, mais tout va bien maintenant, ce n’était qu’une illusion. Il semblerait que le dragon géant n’était pas assez terrifiant, les djinns s’en sont mêlés aussi. » Il rajoute en laissant échapper un rire nerveux. Ebouriffant ses cheveux d’une main distraite, il laisse le rire vivre plus longtemps que prévu, sentant la pression des dernières minutes s’évaporer lentement, trop lentement à son gout. Il ne peut pas rester ici plus longtemps, c’est un coup à devenir fou. Quand le rire finit par se taire, il reprend. « Ecoutez, on ne se connait pas, mais je pense qu’il vaut mieux partir d’ici. En tout cas moi, j’ai eu mon compte. » D’un mouvement circulaire il regarde les alentours de la place, tente de trouver une sortie quand il croise une route qu’il a déjà abordé en se promenant avec Llyr. « Et j’ai besoin d’un verre après tout ça. Il y a un bar très moyen dans cette rue, il continue en pointant la fameuse allée du doigt, je vais aller y boire quelques bières, vous êtes la bienvenue si vous le souhaitez. » Il hausse les épaules pour souligner le caractères non obligatoire de la situation et commence déjà à amorcer son départ, presque certain que l’inconnue n’aura pas envie de le suivre.

Rhea & River

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L’inconnue n’hésite finalement pas si longtemps que ça à le suivre. Légèrement surpris au début, il n’en ralenti pas moins l’allure vers leur destination finale. Le chemin est silencieux, il imagine que la jeune femme doit comme lui se repasser les récents évènements en boucle. D’un œil nerveux, il observe le chaos qu’ils sont en train de quitter et ne fais pas particulièrement attention à celle qui marche à ses côtés. Il ne la voit pas taper un SMS, ne lui demande pas si elle cherche quelqu’un, si elle est venue seule, si elle voulait retrouver un proche avant de partir. Son seul objectif est de quitter cette place et de laisser toute cette manifestation derrière lui. Il pourrait s’inquiéter pour Llyr, mais il n’avait pas croisé son frère dans la manifestation, alors l’idée s’évapore rapidement de son esprit dans une attitude beaucoup trop égoïste : sauver sa propre peau. Il n’y a que quand ils s’arrêtent devant le bar en question que le silence est brisé par la blonde à ses côtés. « Merci de m’en avoir sorti. Les deux fois. Je ne suis pas tout le temps comme ça je vous rassure, ce n’est vraiment pas mon jour » Il lui sourit, hausse légèrement les épaules, un peu gêné. Il n’a en réalité pas fait grand-chose, s’étant montré plutôt incapable durant tout ce grand foutoir. Certes il l’a aidé à se relever, mais il a été aussi bien incapable de la ramener à la raison quand elle était aux prises avec son illusion. Un échec cuisant pour celui qui aimait à se vanter d’être un expert du cerveau, un manipulateur hors pair. Il avait prouvé ses limites aujourd’hui et son égo en prenait un coup. « Vous n’avez rien ? » La question le surprend presque, réalisant qu’il ne se l’était pas encore posée. Bêtement il baisse la tête et observe son corps un instant, à la recherche d’une possible blessure qu’il n’aurait pas ressenti sous le coup de l’adrénaline. « Non, ça a l’air d’aller. » Il dit en poussant la porte du bar.

A cette heure de l’après-midi, l’établissement est plutôt vide et calme, malgré la grande télévision qui diffuse en boucle des images de l’évènement. Il n’y avait donc pas moyen d’oublier cette stupide manifestation pendant deux secondes. Indiquant une table un peu à l’écart à l’inconnue, il s’adressa au barman d’une voix forte. « Deux pintes de blonde s’il vous plait, on se met là. » Et il s’assoit face à elle. « J’espère qu’une bière vous va ? Au pire je prendrais les deux, je pense en avoir besoin. » Il lui sourit légèrement, prenant pour la première fois pleinement conscience de la situation de laquelle ils venaient de s’échapper et du fait qu’il se trouvait maintenant là avec une parfaite inconnue. Il n’avait clairement pas prévu ça en partant de chez lui ce matin. « Et bah, pour une journée infernale je crois qu’on a eu notre compte. » Il soupire un bon coup, ce qui semble lui redonner de l’énergie, évacuant de la sorte toute la tension accumulée au cours des dernières minutes. « Je m’appelle River au fait, il dit en croisant son regard, et moi non plus je ne suis pas tout le temps comme ça. » Pas certain que ses paroles aient du sens pour celle qui venait de le remercier de son aide, il précise simplement. « Disons qu’à part vous aider à vous relever, j’ai échoué sur pas mal de choses aujourd’hui. » Sa voix est pleine de regret et d’un peu de colère. Comment avait-il pu être aussi mauvais ? Incapable de venir en aide à la moindre personne, arrivant seulement après les faits pour aider à sortir une pauvre malchanceuse de la foule ou relever son inconnue. Si l’Ordre avait vent de ses piètres performances, il deviendrait surement une risée facile. Si la Garde l’apprenait aussi. Il serait surement remercié en quelques instants. Si une partie de sa mission en tant que garde était de protéger la princesse, il avait été bien minable aujourd’hui. Ses pensées sont coupées par l’arrivée d’un serveur qui dépose deux grosses pintes sur la table qui les sépare. Du regard il interroge alors la femme pour savoir si la boisson lui convient ou si elle souhaite commander autre chose. Sans attendre sa réponse néanmoins, il se saisit de son verre et descend une bonne première gorgée qui l’aide à continuer de faire descendre sa pression.

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Alors que la première gorgée coule le long de sa gorge, il pousse un soupir de satisfaction et de décontraction, sachant pertinemment que celle-ci ne sera que la première d’une longue, très longue série. Encore un peu étonné de la présence de l’inconnue, il la regarde pourtant se saisir de la deuxième pinte sans la moindre hésitation et il se dit que peut-être, pas le plus heureux hasard, il a rencontré la personne idéale pour l’occasion. En tout cas, seul ou accompagné, il est évident qu’il finira cette journée dans un état approximatif, peut-être obligé de se trainer jusqu’à chez son frère pour y passer la nuit, incapable de traverser le moindre portail. L’idée ne le met pas en joie et en même temps, savoir que tout le monde est rentré sain et sauf serait surement un réconfort. « C’est l’intention qui compte, j’imagine ? » Elle lui dit, le tirant de ses pensées et il approuve en hochant la tête. Il sent que comme lui, l’inconnue n’est pas ravie de ses performances de la journée et que des regrets ou des remords doivent la ronger. Etait-elle venue accompagnée ? Avait-elle mis quelqu’un en danger ? Elle-même ? « Moi c’est Rhea. On peut se tutoyer peut-être ? Si on est partis pour boire des bières autant faire ça bien. » Elle se présente et il acquiesce. Il est certain que l’on n’a jamais vu personne s’enivrer à outrance et faire preuve des plus grandes précautions de politesse.

Rhea. A présent qu’il peut mettre un nom sur ce visage, il ressent une certaine proximité. Peut-être dû au fait d’avoir vécu la même épreuve simultanément, de s’être retrouvé dans la même galère. Si tout n’était pas glorieux pour lui, il savait que cela avait été de même pour elle et, d’une certaine façon, cela enlevait un peu de pression. « Triton, j’imagine ? » Elle lui demande et pendant quelques secondes il est surpris, se demandant ce qui a bien pu le trahir aussi facilement. Puis il remarque le regard de Rhea posé sur l’hippocampe qu’il porte autour du cou, preuve irréfutable de son lien constant avec l’océan. Amusé, il l’attrape entre ses doigts et précise en haussant les sourcils. « Coupable. » La jeune femme ne fait cependant pas cette remarque avec agressivité et sa nature ne semble pas lui poser problème. Du regard il cherche un indice de sa nature à elle. A priori il ne remarque pas de fiole d’eau de mer et se dit qu’elle n’aurait pas posé la question ainsi, si elle faisait partie de son peuple. Il pourrait tenter d’extraire facilement la réponse de son esprit, mais ses pouvoirs ont été assez inutiles aujourd’hui pour qu’il ait envie de s’en resservir. Un nouvel échec serait un affront trop brutal à présent. Alors il se contente de reprendre une gorgée de bière, laissant Rhea ajouter. « Du coup tu n’as pas été touché par l’illusion du djinn ? » Il sent une pointe d’agacement dans sa voix, s’imagine qu’elle n’apprécie pas d’avoir été victime sans pouvoir se défendre.

En réalité il n’a aucune idée de pourquoi l’illusion n’a pas pris possession de son esprit. Mais il en est bien heureux. Les expressions qui se sont dessinés sur les visages alentour, sur celui de Rhea, ne laissaient rien présager d’agréable. Les djinns avaient cette capacité à faire de votre propre esprit la pire des prisons et il se passe volontiers d’avoir à subir cette torture. « Non, il répond en haussant les épaules pour souligner son incompréhension. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, c’était très étrange, d’un coup la moitié des personnes présentes se sont comme effondrées, comme si l’intégralité du malheur de la terre leur était tombé dessus. » Il marque une courte pause, frissonne légèrement. « C’était glaçant, même sans le vivre, c’était terrifiant. » Regarder des dizaines de personnes être torturés et ne pas pouvoir les aider à s’en sortir était effectivement assez inhabituel, même pour lui qui n’était pas le triton le plus compatissant de l’océan. « On ne se connait surement pas assez pour que tu me dises ce que tu as vu, mais, ça va ? Comment tu te sens ? J’ai du mal à imaginer ce que tu dois ressentir. » Il est légèrement curieux dans sa question, mais ne veut pas se montrer intrusif ou maladroit. Il ne s’attend absolument pas à un grand débalage de la part d’une femme qu’il ne connaissait pas cinq minutes plus tôt. Mais peut-être elle avait-elle envie d’en parler ? De s’en débarrasser. Pour appuyer ces propos il rajoute. « Après tout vous les zouwus vous êtes doués dans le contrôle d’émotion. » Il laisse son visage se tordre dans une grimace soulignant qu’il ignore parfaitement sa réelle nature et qu’à la place de zouwu il aurait pu dire sorcier, djinn ou même humain. Puis il rit un instant avant de porter à nouveau son verre à ses lèvres, sentant les prémices des premiers effets de l’alcool, envahir très timidement son esprit et son corps.

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L’ambiance est encore lourde et il le sent parfaitement. Il ne suffit pas de se poser dans un bar et d’avaler les premières gorgées d’une bière bien fraiche pour tout oublier en une fraction de seconde. Pour l’instant, ils ressemblent plus à deux inconnus, réunis par le coup du sort et une épreuve en commun, qu’à deux connaissances partageant un moment agréable et serein. Ignorer les instants qu’ils viennent de vivre n’arrangerait rien et River sait que parfois, il vaut mieux en parler, même si c’est encore douloureux, même si ça fait toujours mal. Et puis, il se dit, si jamais la conversation devient trop embarrassante, ils pourront très bien ne jamais se revoir ou mettre ça sur la responsabilité de l’alcool. L’inconnu et les bières, deux très bonnes raisons de lâcher prise. Alors il n’hésite pas trop, tente d’apporter un peu de légèreté, quitte à passer pour plus bête qu’il n’est réellement. Et quand Rhea éclat de rire, il s’y mêle, détendant par la même occasion les muscles de ses épaules et de son dos. Rire pour oublier, voilà quelque chose qui fonctionne à merveille également. « J’ai l’air de pouvoir me déplacer à la vitesse de la lumière ? Crois-moi si j’avais pu ouvrir un portail, attraper mes amis et me tirer de là, je l’aurais fait sans hésiter. » Elle dit finalement et il hausse les épaules. « Amen. » Il dit avec un petit sourire, même s’il n’est pas totalement sûr de qui il aurait pu emmener dans son portail. Scylla surement, elle est la seule qu’il a réellement croisé là-bas, à part Isra, à la toute fin. Mais étonnement, il se dit que Scylla ne l’aurait jamais suivi, surtout pas en ce moment. Alors peut-être qu’il se serait enfuit tout seul, mais était-il vraiment aussi lâche ? Il n’a pas le temps de s’appesantir sur la question que la jeune femme rajoute. « Non je suis une dragonne. Ton ennemie jurée, ou une connerie du genre » Elle lui montre la bague qui orne sa main et se met à nouveau à rire. Amusé, River vient taper son front du plat de sa main, prenant un air surpris, comme s’il aurait dû s’en rendre compte et rit lui aussi à nouveau.

La vérité, c’est que le triton n’est pas des plus observateurs et que même s’il l’avait été, son esprit était trop embrouillé en ce moment pour remarquer ce genre de détail. Une dragonne. Il sourit à l’idée. Elle n’avait pas tort, leurs peuples n’étaient pas les plus proches, mais River n’avait jamais réellement accroché à cette histoire de haine viscérale, ancestrale. Est-ce qu’il en voulait aux ancêtres des dragons d’avoir retiré leurs ailes aux sirènes ? Bien sûr, parce qu’il aurait adoré voler. Mais la femme qui lui faisait face n’était pas venu lui arracher les ailes du dos dans son sommeil et il n’avait pas de raison de la détester pour ça. « T’as de la chance de pas avoir été pris au piège. Ils ont vraiment le don de trouver ce qui te fout par terre et de bien tourner le couteau dans la plaie, d’appuyer précisément où ça fait mal. » Elle reprend et la légèreté acquise s’assombrit de nouveau. Mais il comprend. Il comprend ce besoin de laisse sortir cette douleur et cette peur. Il ne sait pas ce qu’elle a vécu, ne pourrait surement pas comprendre, mais il imagine. Quoi que ça ait été, il sait que les djinns ne font pas de cadeaux, qu’ils torturent avec les pensées, rendant votre plus grande peur bien réelle, bien tangible, même si vous vous trouvez dans le confort de votre salon. Il tente un petit sourire désolé, certainement pas suffisant, mais c’est tout ce qu’il a en stock pour montrer son soutien. « Des années et des années à se reconstruire sur un truc pour qu’on revienne en plein dedans… Pas merci aux putains de djinns » Il lève son verre, comme pour saluer ses propos, marquer son accord, et vide lui aussi son verre d’un trait. Il l’accompagnera sur cette route avec le plus grand des plaisirs.

« Oui, c’est vraiment une race vicieuse. » Il finit par dire le visage fermé. Il ne les porte pas vraiment dans son cœur. Tous ne sont pas terribles, mais il connait leur mentalité profonde, ce besoin de chaos et de destruction. Et le petit intermède de cet après midi en est un exemple cuisant. « Jouer aussi facilement avec les peurs des autres, c’est vraiment dégueulasse. Et petit, ils ne se mouillent pas, attaquent de loin …  » Il laisse sa phrase presque en suspens, alors que le serveur dépose à nouveau deux pintes sur la table. Ses yeux brillent à leur vision et il se saisit de l’une d’entre elles. « Je préfère les guerres plus franches comme celle entre nos deux peuples. Tapons-nous dessus les yeux dans les yeux, c’est plus honnête, non ? » Levant son verre, il vient l’écraser contre celui de Rhea, riant à nouveau, soulignant que bien sûr, tout ça n’avait pas de sens et qu’il n’allait pas se jeter sur elle pour sa nature. Reprenant un air pour sérieux il ajoute. « Je te propose un marché pour aujourd’hui. Au diable les djinns et leurs illusions. Tout ce que tu as vu était faux, tout ira bien. » Instinctivement, il pose furtivement une main réconfortante sur le poignet de Rhea, quelques instants avant de la reposer sur sa bière, comme un geste amical peut-être inattendu de la part de quelqu’un que la dragonne connait depuis cinq petites minutes. « Ne pensons plus à eux, ils ont gâché notre manifestation, mais certainement pas notre cuite. » Et, avec un grand sourire, il reprend une bonne gorgée de bière.

Rhea & River

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Il n’est là que pour une seule et bonne raison. Oublier. Boire jusqu’à oublier. Oublier l’après-midi dans le fond d’un verre, dans des mots échangés, dans les rires apportés par l’ivresse et l’insousciance d’un moment de relachement. Et il a bien l’impression que c’est l’exacte raison pour laquelle Rhea a accepté de le suivre juste ici. Il le voit dans les pintes qu’elle vide, dans les mots qu’elle prononce, dans la soudaine proximité qui se crée entre eux, parfaits inconnus, et qui ne peut être le fait que des prémices des effets de l’alcool sur leurs inhibitions. « T’as raison. Après tout on peut considérer qu’ils ont provoqué cette cuite, quelque part. Alors profitons-en. » Elle lui dit et il se met à rire d’un rire franc et honnête. Quelque part oui, sans les djinns ils seraient peut-être rentrés tous les deux chez eux sans après la fin de la manifestation. Il n’aurait pas essayé de la sortir de son illusion, ils ne se seraient tout simplement pas vus au milieu d’une foule bien trop épaisse pour porter de l’attention à qui que ce soit que l’on ne reconnait pas d’un regard.

Elle commande des verres de shots, faisant parfaitement fit des regards désapprobateurs du patron du bar et River se dit qu’il n’aurait pas pu tomber sur une meilleure camarade de cuite. Il aurait pu aider une mère de famille, une adolescente, une fille coincée ou se laissant complètement abattre par les évènements. Mais c’est devant cette dragonne et ses shooters qu’il se retrouvait en plein milieu de l’après-midi, et il adorait ça. « J’ai un petit jeu à te proposer. Je vais supposer quelque chose à propos de toi, si j’ai tort, je bois, si j’ai raison, tu bois. Et vice-versa. Histoire de savoir un minimum avec qui on se la colle. Partant ? » Elle lui explique pendant qu’il hoche la tête avec attention, notant précieusement chaque règle de son petit jeu. Il n’était pas le plus habitué de ces pratiques, se contentait souvent de simplement boire, mais l’idée l’amusait. Elle avait raison, en plus, ils ne se connaissaient pas et ça serait l’occasion d’en apprendre plus l’un sur l’autre. Même s’il était très probable que chaque secret dévoilé serait oublié à la fin de cette soirée, vu la tournure qu’elle prenait déjà.

« Cela dit si toutes tes affirmations sont du même ordre que ta supposition de zouwu, tu vas finir sous la table plus vite que prévu » Elle rajoute pour le titiller. Il étire sa bouche en un fin sourire, plongeant ses yeux dans ceux de la dragonne, sans ciller. Finissant le reste de sa bière d’une traite, il repose la pinte sur le bord de la table. « Tu peux toujours courir dragonne, premièrement car j’ai une très grande résistance et deuxièmement parce que tout ça était une stratégie pour te laisser croire que tu avais l’avantage. » Pendant un instant, il reste très sérieux et intense, puis se met à rire à nouveau et se recule sur sa banquette. La vérité est qu’il n’avait aucune idée de s’il serait bon à ce jeu, ses talents de déductions n’étaient pas toujours les meilleurs, mais il essayerait. Et puis s’il devait finir sur le sol, après tout, c’est pour ça qu’il est venu.

Se frottant les mains, il fixe les petits verres que la dragonne place entre eux. « Ok Rhea, que le meilleur gagne. » Puis il se concentre un instant, observant avec plus d’attention la jeune femme pour tenter de trouver quelque chose à deviner sur elle. Dans son esprit, il se repasse les évènements de la journée depuis leur rencontre, elle sur le sol, lui lui donnant des conseils dont elle se serait passée, jusqu’à leur arrivée dans ce bar. Il la voit sûre d’elle, fière, pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, mais il sait que ce ne sont pas des informations qui pourront le faire gagner. Le jeu serait trop simple s’il suffisait de dire « Je pense que tu es blonde. » Et espérer gagner. L’idée était de sonder l’autre, d’apprendre à le découvrir plus en profondeur que ce qu’il irradiait en surface. Son regard se pose sur la bague contenant le catalyseur de la dragonne et maintenant qu’il la voit, elle a plus de sens pour lui. Emeraude. L’Ordre lui a appris à reconnaitre les pierres, à détecter celles qui pourraient contenir une magie puissante, appartenir à une grande famille, car alors, elles seraient plus puissantes. Le triton a bien fait ses devoirs et associe rapidement la pierre à sa possible famille. Cela peut aussi être une coïncidence, mais il lui faut bien commencer quelque part. « Je dirais bien que tu n’es pas n’importe quelle dragonne. » Il reprend d’un air malicieux, feignant de réfléchir en même temps qu’il parle. « Tu avais l’air impliquée dans la manifestation, tu voulais aider, faire de ton mieux pour … protéger. » Il insiste sur le dernier mot en lui lançant un petit regard complice. « J’aurais tendance à dire Riverwood ? Mais c’est peut-être juste mon égo face à cette famille nommée après moi. » Il conclut en riant à nouveau. Il devait l’accorder aux deux matriarches, leur choix de nom de famille était brillant.

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Rhea Riverwood. Il ne s’était pas trompé et l’idée dessina un sourire satisfait sur ses lèvres. Il la regarde avaler son premier shot d’un air malicieux mais pas si impressionné que ça de se trouver en présence du gratin draconique. Certes il n’était pas le plus familier des grandes familles dragons, mais il évoluait depuis toujours dans les cercles restreints de la royauté aquatique et se trouvait parfaitement habitué face à tout ce que cela pouvait impliquer. Et puis, assise face à elle dans ce bar approximatif, Rhea ne ressemblait pas aux princesses qu’il côtoyait sous l’océan, car finalement, un nom de famille ne changeait pas grand-chose. « Vu l’échec de cette manifestation ils sont peut-être en train de révoquer mon adoption néanmoins, alors restons prudents » Elle rit à moitié et il le sent bien, joignant son sourire au sien. Il n’est pas encore assez ivre ou ne la connait pas encore assez pour lui dire que les familles peuvent supporter quelques déceptions, qu’il en est la preuve et qu’elle n’a pas à s’en inquiéter. Mais il la comprend. Rien n’est plus dur que de voir la déception dans le regard de ceux qui sont censés nous aimer. En tout cas les premières fois, avec le temps, on finit par s’y habituer.

A son tour, elle concentre son attention sur lui, l’examine sous toutes les coutures. D’un geste dramatique, il passe une main devant son visage. « Poker face. » Il prononce dans un rire avant de la laisser prendre le temps de briser le silence. « Je pense que tu es assez impliqué dans la communauté surnaturelle. Assez fier d’être triton et tu le revendiques sans problème, pas du genre à te cacher » Il hoche la tête. Ce n’est pas son affirmation, ça serait trop simple, mais c’est évident. Etre triton est sa plus grande fierté et jamais il n’oserait dire ou envisager le contraire. Qu’on lui donne des écailles et de l’eau salée, rien ne pouvait avoir plus d’importance. « Et tu es un combattant. Un combattant triton qui a assez d’instinct de protection pour secourir de parfaits inconnus dans une manifestation » Elle ajoute, le regard posé sur ses paumes. D’un geste un peu gauche, il se frotte les mains, tente de cacher les traces de ses combats passés. Il n’en a pas vraiment honte, mais il sait ce que cela peut vouloir dire de lui. River qui aime se battre, River qui n’exprime ses émotions qu’à travers ses points, River qui ne réfléchit pas puisqu’il peut taper. « Tu fais partie de la garde royale ? » Elle finit par proposer et son visage à lui s’éclaire. Elle ne le prend pas pour un idiot et ça lui fait du bien de s’en rendre compte. Le reste de l’après-midi aurait été moins plaisant sinon.

Pendant quelques instants, il reste silencieux pour entretenir une part de mystère, puis il attrape du bout des doigts l’un des shoots qu’il avale d’une traite. Vodka grenadine. Pas son préféré mais la chaleur qui s’empare de sa gorge lui fait un bien fou. C’est tout à fait ce dont il a besoin. « Bien joué. J’assure les arrières des Van Seabrook depuis des années maintenant, j’ai du mal à me souvenir d’une époque où c’était pas le cas. » Il rit un peu alors que le visage de Scylla s’impose à sa mémoire. Pas maintenant. Il ne pensera pas à elle maintenant. Il n’a pas envie de raviver sa douleur. Il est là pour jouer, il est là pour boire, il est là pour oublier. « T’inquiète, quand ils m’auront viré après mes tentatives ridicules d’aider aujourd’hui, on pourra monter un petit club des rejetés de la vie, toi et moi. » Avec un clin d’œil, il repose son verre vide sur le coin de la table poisseuse et se reconcentre sur la dragonne. Son nom de famille était visible facilement, maintenant il devait faire preuve d’un peu plus de déduction. Elle se tenait fièrement devant lui, ne semblait pas avoir honte de ce qu’elle était, mais il avait vu ses hésitations, son rire forcée en parlant de sa famille. « Je pense que tu es aussi fière d’être dragonne, on doit avoir ça en commun. » Différents mais similaires dans le fond, l’idée lui plait. « Tu t’inquiètes pas mal pour ta famille et ce qu’ils vont penser de toi. Ca ne te plait pas de t’être fait prendre dans cette illusion. Pas seulement parce que c’est désagréable, mais parce que tu n’as pas pu montrer ce que tu valais vraiment. » Il hésite un peu, peut-être aurait-il dû se lancer sur un sujet moins personnel. Il espérait qu’elle ne lui en voudrait pas, qu’elle ne prendrait pas ça trop mal, il ne voulait pas la blesser ni se moquer, il essayait de comprendre. « Je dirais que tu as peur qu’ils changent d’avis, qu’ils te tournent le dos, que tu as peur qu’on t’abandonne en gros. » Il grimace un peu, alors pour ne pas pourrir totalement l’atmosphère il rajoute. « Ouai, la psychologie de comptoir c’est mon truc, tu peux me lancer un shoot au visage si ça casse le mood. » Après tout, l’alcool déliait souvent les langues et ce qu’ils échangeraient aujourd’hui resterait peut-être collé sur le cuir trop épais des banquettes, alors qu’ils partiraient avec la ferme intension de ne jamais se revoir.

Rhea & River

If something bad happens you drink in an attempt to forget; if something good happens you drink in order to celebrate; and if nothing happens you drink to make something happen.

C’est maladroit et il s’en rend facilement compte. Mais si elle le connaissait un peu plus, elle ne serait pas surprise. Il n’est pas toujours, même pas souvent, le plus malin de la pièce, le plus délicat non plus. Foncer en premier, réfléchir après. Ca lui a souvent joué des tours, mais il continue de ne rien en apprendre. Après l’après-midi qu’ils avaient tous les deux vécues, elle ne pourrait pas réellement lui en vouloir. Au diable les convenances et les discussions creuses. Qu’ils profitent de ce moment pour dire tout ce qui leur passait par l’esprit. Les saveurs âpres de l’alcool viendraient masquer la gêne et les faux-semblants. « Tu rigoles, au prix que ça coûte on va pas les gâcher. » Elle répond finalement et River comprend qu’il est face à une femme qui n’a pas froid aux yeux, qui ne se cachera pas, n’hésitera pas à se montrer vraie. Et ça lui plait, au moins il sait à quoi s’attendre. Rien de pire que les non-dits et les faire paraitre. La royauté lui en a assez donné pour toute une vie. La royauté en a assez usé pour lui pourrir la vie. « Je me console en me disant que la peur de l’abandon c’est devenu mainstream, je suis pas toute seule dans ma merde. Et j’irais même jusqu’à dire que ça se double d’une peur d’abandonner aussi, parce que sinon c’est pas fun » Elle rajoute et il acquiesce. La peur de l’abandon, la peur d’abandonner. Il ne sait pas vraiment s’il les ressent. Peut-être que oui, c’est surement la peur de l’abandon qui l’a poussé à abandonner Scylla. S’il n’avait pas craint de tout perdre, il n’aurait pas perdu le plus important. Il sourit pourtant à la dragonne, attrape lui aussi un nouveau shot qu’il soulève en sa direction.

« Au stade où on en est on peut les boire directement je pense. Mais c’est bon à savoir, t’es doué, si j’ai besoin d’un stagiaire pour mon activité de détective je ferai appel à toi » Elle plaisante et il renverse un peu de son verre en prenant un air outré. « Oh je vois tu m’as proposé ce jeu parce que tu pensais avoir l’avantage, c’est pas beau de tricher. » Et, un grand sourire aux lèvres, il englouti le contenu du récipient. « T’as un boulot, en dehors de la garde royale ou tu colles aux trains majestueux des Van Seabrook toute la journée? » Nouveau sourire alors qu’il s’imagine effectivement coller aux trains d’un Van Seabrook pendant une journée. Il n’y en a probablement pas un qui ne finirait pas par lui coller une baffe. « Ils ont de très beaux trains il faut le dire. » Il dit en pouffant, l’alcool commençant sérieusement à mélanger ses pensées et à déformer sa vision. C’est la chaleur réconfortante et ce sentiment d’oubli et de liberté, tous deux très spécifiques, qui l’envahissent en même temps. Ce que chacun cherche finalement au fond d’un verre. « Non je travaille à l’Hydra Club, à Seattle. Je sais pas si ça te parle ? » Il répond finalement, avec tout le naturel du monde, comme s’il travaillait à la boulangerie du coin et pas dans un fight club interdit. « Ca pourrait te plaire. » Il rajoute avec un clin d’œil, ignorant parfaitement les doutes qu’il aurait pu lire dans le regard de Rhea sur ses intentions, s’il y avait fait un peu plus attention. « En tout cas si tu n’as pas peur de te blesser, c’est un bon endroit pour passer sa colère, je peux te l’assurer. » Et de la colère ou de la frustration, elle en a forcément, comme lui, comme tous. Après tout, existe-t-il quelqu’un sur cette Terre qui puisse se vanter sincèrement d’être parfaitement heureux ?