Just a matter of luck | Feat. Erebos

Mar 19 Jan 2021 - 23:01

just a matter of luck

I'm gonna take my horse to the old town road, I'm gonna ride 'til I can't no more

C’était dépaysant de se retrouver ainsi, si loin de Seattle et de sa verdure, de sa pluie, de ses gratte-ciels. Les grands espaces, le ciel qui touche l’horizon, le silence… ça lui rappelait un peu chez elle, son vrai chez elle en dehors des villes, là où l’écœurant fourmillement surnaturel des centres urbains s’estompe pour laisser place à la beauté et la force brute de la nature : la pureté, la virginité de la terre comme l’a toujours voulu Dieu. Ça lui rappelait son chez elle… plus le sable à perte de vue, la terre rouge, et les cactus étendant leurs bras vers le soleil. C’était différent, mais si beau. Il y avait quelque chose de féroce dans les paysages désertiques, quelque chose rappelant son humanité, sa fragilité devant l’ordre naturel des choses. Ici, l’eau et la vie se faisaient rares, excepté pour quelques établissements plus près de Phoenix, défiant la poussière brûlante pour s’y dresser, défiants. Si Raven n’avait pas l’étoffe d’une voyageuse, elle appréciait ce climat et ces paysages durs. Ce qui s’était annoncé comme un ennuyeux voyage d’affaires ressemblait de plus en plus à des vacances, au fond.

Se laissant bercer par le rythme de la jument sous elle, son regard se perdait au plus loin qu’elle arrivait à regarder. Cela faisait longtemps… si longtemps qu’elle n’avait pas monté, elle avait l’impression de retrouver un peu d’elle-même dans le bruit du vent, l’odeur musquée de l’animal et les cris perçants des oiseaux de proie. Arrivée il y a deux jours par avion, elle avait sauté sur l’occasion d’être hébergée par un ranch pour la durée de son voyage, revisiter un peu de son passé avec sa mère à s’occuper des chevaux, faire du travail manuel, profiter des grands espaces. Plus de temps elle passait dans son appartement en ville, plus elle avait l’impression de se transformer en princesse, avec des petits besoins futiles et une obsession pour son apparence; ici, elle retrouvait son essence, un peu. Cœur sauvage, peau fouettée par le soleil, cheveux parfumés des grands vents. Elle aurait eu presque envie de rester ici pour toute la durée de sa visite, elle se rendait bien compte. Malgré sa répulsion pour les animaux, côtoyer à nouveau des chevaux la rendait heureuse, fière de ses aptitudes et sa débrouillardise, tout comme elle l’avait été jadis, enfant. Cependant, elle n’était pas ici pour faire de l’équitation ou renouer avec son enfance; un surnaturel en particulier l’avait intéressé, fort intéressé depuis qu’elle l’avait rencontré sur un solitaire bout de trottoir, clope entre les dents. Une rencontre hasardeuse et fortuite : un Stonegold. Pas n’importe quel Stonegold, par-dessus le marché, peut-être le plus innocent de tous, le moins méfiant. Il l’avait bien fait rire ce soir-là, pour un garçon, et une idée lui était germé dans l’esprit. S’informer sur la pompeuse famille de dragon était une occasion d’or, littéralement, et ce dénommé Erebos en était certainement la meilleure clé. Pour cela, elle devait s’approcher d’eux, et c’est ainsi qu’elle se retrouvait en bordure de Phoenix, attendant le bon moment pour s’infiltrer.

Tout en réfléchissant à son plan pour rencontrer à nouveau le blondinet, une commotion poudreuse dans le coin de son œil attira son regard. D’un mot elle arrêta sa monture piaffante, tentant d’apercevoir ce dont il s’agissait derrière ses verres fumés. Il n’était pas rare que des coyotes fassent du brouhaha près du ranch, mais il y avait beaucoup trop de mouvement pour qu’il ne s’agisse que de coyotes. Un mauvais pressentiment la pris et elle lança la jument au galop, enfonçant son chapeau vaguement western sur son crâne pour qu’il ne s’envole pas, laissant un nuage de poussière rougeâtre dans leur sillage. En s’approchant, il ne fût pas difficile de discerner ce qui causait le problème; Une vingtaine de chevaux du ranch s’étaient échappés, courant dans tous les sens, visiblement énervés par quelque chose. Génial, se dit-elle. Les propriétaires n’étaient pas là, c’était elle qui était en charge du ranch pour la soirée, et elle devait rassembler et calmer des dizaines d’animaux effrayés avant qu’ils ne se perdent et se cassent une patte dans un ravin ou se fassent dévorer par des prédateurs. Une silhouette se tenait près de l’enclos, et, certaine qu’il s’agissait d’un voleur, elle s’élança vers lui, prête à faire usage du pistolet qui reposait dans une ceinture à sa cuisse. « Hey ! », cria-t-elle à son intention d’une voix ferme alors que sa monture trottait vivement vers le coupable, un coup de feu d'avertissement résonnant vers le ciel.

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Lun 25 Jan 2021 - 0:20

Just a matter of luck.

Erebos x Raven

Vous vous demanderiez, comme ça, naïvement, en croisant Erebos au volant d’un corbillard, ce que le jeune sorcier Stonegold pouvait bien fabriquer là. On avait tendance à l’oublier, bien sûr, mais il avait un métier, le blond. Tout dysfonctionnel, tout malheureux et désireux parfois d’abréger son intolérable existence qu’il était, Alan Nightwish avait vu quelque chose en ce garçon. Le désespoir peut-être.
Ou simplement un travailleur sérieux et consciencieux, comme Dahlia et Eden avaient forgé leur garçon.
Bref, passons.

Erebos, donc, avançait au cœur du désert avoisinant Phoenix au volant d’un corbillard tapissé de poussière ocre. Un gars du coin, un fermier, avait clamsé dans son sommeil. Comme souvent, la famille avait téléphoné au thanatopracteur le plus proche, Allan -un des avantages incontestables de se trouver en lisière de la ville. Comme souvent, il fallait emmener le corps dans l’arrière-boutique pour le nettoyer et le préparer dans cette ambiance aseptisée comme peu de croque-mort à Phoenix pouvait encore le proposer. Et comme souvent, c’était Reby qui s’était retrouvé dépêché au volant de la décès-mobile, véhicule encombrant et peu maniable qui devrait mener les défunts jusqu’à leur destination finale -comprendre ici, leur cercueil.
La route était d’un rectiligne tel que le sorcier glissait peu à peu, lentement mais sûrement, vers un demi-sommeil bien trop dangereux pour qui est en situation de conduite. Le ronronnement monotone du moteur. La poussière sans fin soulevée par les roues. Le volant tiède et rugueux sous les deux mains du jeune homme.
Et puis, un éclair bai devant le capot.
Erebos pila net, écrasant la pédale de frein de toutes ses forces. Devant le corbillard se tenait un cheval. Immense et orgueilleux, la bête le toisait de ses yeux inexpressifs. Arrêtée au milieu de la route comme si telle était sa juste place.
Clignement. Mouvement de tête. Clignement. Clignement.
Reby, soudain bien réveillé, actionna précautionneusement le frein à main. Que faisait un cheval au milieu des voies, de la sorte. A bien y regarder, il identifia une sorte de harnais autour de son cou. Cheval sauvage ? Pas vraiment.
Le blond, après avoir garé sa voiture de fonction sur le bas-côté, tâcha de s’approcher de l’étalon sans se faire piétiner par une demi-tonne de muscles équins.
« Hey, tu viens d’où, junior ? »

Aucune réponse. Evidemment. C’est un cheval, Erebos. Tu parles à un cheval.
Pourtant, à travers la brume infidèle des mirages du désert, Erebos crut apercevoir un ferme, un ranch, à quelques 200 mètres de là. L’animal, à son côté, renaclait et le poussait du bout du nez. Est-ce-que ça s’appelait vraiment le nez, d’ailleurs ? Est-ce qu’on disait … museau ? Erebos n’en avait aucune idée, et pas véritablement non plus l’intention de le découvrir.
A la place, il s’empara d’un geste décidé du licol à demi déchiqueté de son nouvel ami et marcha en direction du ranch.

L’enclos était empli de chevaux. Beaucoup. Des gris, des alezans, des pommelés, des isabelle, des tachetés, des fins et nerveux comme des plus petits. Visiblement, la bête gigantesque qui avait interrompu son chemin faisait partie des plus petites du troupeau. Disait-on vraiment troupeau, d’ailleurs ?
Clignement. Clignement. Mouvement de tête. Clignement.
Peut-être serait-il bon de préciser, à ce moment de notre récit, qu’Erebos avait une phobie. Une phobie absurde, peut-être, comme beaucoup de choses chez lui. Là où certains sont halitophobes, ou ablutophobes, le sorcier avait cette peur absurde et inévitable de se faire piétiner par des animaux qui le dépassaient en taille. Ce qui n’était pas le cas de son compagnon au licol déchiré. Mais qui était, et de loin, le cas de la moitié des chevaux et juments présents dans cet enclos.
Le blond déglutit péniblement. Ramener junior avec ses copains, c’était tout ce qu’il avait à faire. Facile. Facile, n’est-ce pas ?
La tâche parut nettement moins facile quand, une fois la barrière ouverte, un troupeau de mustangs affolés profitèrent de leur liberté recouvrée pour caracoler gaiement à peu près partout … sauf dans leur enclos.
« Oh non non non non non non non … »
La tête entre les mains, Erebos avisa junior au milieu de ses amis. Au moins, il n’était plus perdu sur la route, risquant de se faire écraser, désormais, n’est-ce pas ? Plus difficile en revanche de qualifier l’état du sorcier. Tétanisé, s’agrippant à la barrière comme si sa vie en dépendait, il n’osait pas faire le moindre mouvement brusque de peur que l’un des canassons agités n’ait une soudaine envie de venir poser ses petits sabots sur son crâne de Stonegold et ne le réduise en tapis rougeâtre et malodorant.
Un coup de feu retentit.

Sans réfléchir, le sorcier mit les mains en l’air, ainsi qu’il l’avait vu faire dans bon nombre de films. Il était innocent. Il ne pouvait quand même pas mourir comme ça, au milieu du désert, dans un ranch pourri à l’écart de Phoenix, terrifié de se faire piétiner par des chevaux et sans avoir pu serrer son cousin contre lui une dernière fois !
« C’est pas moi ! » cria-t-il au cavalier qui avançait vers lui en trottant.
Cavalier qui, à bien y regarder, ressemblait plutôt à une cavalière. Une cavalière blonde et impressionnante, prête à se servir de son arme comme … bah, d’une arme, si Reby ne se montrait pas parfaitement coopérant.
« … Raven ? »

Dim 14 Mar 2021 - 17:55

just a matter of luck

I'm gonna take my horse to the old town road, I'm gonna ride 'til I can't no more

Quelques bruits sourds des sabots sur la terre compactée, rebondissements dans sa selle et cliquetis de gâchette plus tard, Raven se retrouvait à nouveau près de l’enclos à l’arrière du ranch. Les rênes habilement tenues dans une main et le canon toujours fumant de son pistolet dans l’autre, elle regardait du haut de sa bête brune l’individu qui était sans aucun doute à l’origine de tout ce chaos. Elle le tenait en joue, prête à tirer si nécessaire – après tout, elle n’allait pas laisser un simple con mal venu entacher sa réputation auprès des propriétaires du ranch – mais elle rangea bien vite l’arme dans son holster lorsqu’elle réalisa de qui il s’agissait. Appuyé à la barrière de bois comme s’il avait peur de s’envoler, le blond la regardait avec de grands yeux, les mains dans les airs. « … Raven ? » La blonde fronça les sourcils sous l’ombre de son chapeau. Quelles étaient les chances de le retrouver lui ici ? En plein cœur du ranch où elle nichait alors qu’elle s’était posée en bordure de Phoenix dans l’espoir de venir le trouver ? Un sourire s’étira sur ses lèvres pulpeuses. Un coup de chance comme celui-là n’arrivait pas une fois en un siècle. Il avait marché tout droit dans la tanière du grand méchant loup. Elle joua la carte de la surprise, descendant habilement de sa monture en s’écriant joyeusement. « Erebos ? Mais que fais-tu ici ? J’ai cru que t’étais un voleur, les Thompsons en ont quelques fois dans les parages ». Elle s’avança pour une accolade amicale. Ils ne s’étaient parlé qu’une fois auparavant, sur les rebords froids d’un trottoir la nuit juste en face de l’établissement où elle dansait, et elle croyait que de le retrouver dans Phoenix serait l’équivalent de chercher une aiguille dans une botte de foin. Décidément, les dés étaient tombés en sa faveur. Le Stonegold servi à elle comme un petit rôti décoloré sur un plat d’argent.

Derrière eux, les chevaux libérés caracolaient dans tous les sens, certains broutant les maigres touffes d’herbes sèches qu’ils arrivaient à trouver, d’autres s’élançant la crinière au vent vers d’autres horizons comme s’ils étaient à jamais libéré des rênes et des selles pour devenir des chevaux sauvages. Une vieille radio vintage crachait du Johnny Cash par ses amplificateurs sur la terrasse.

An old cowboy went riding out one dark and windy day
Upon a ridge he rested as he went along his way
When all at once a mighty herd of red-eyed cows he saw
Plowing through the ragged skies and up a cloudy draw

Il semblerait qu’ils allaient devoir jouer les cowboys eux aussi tout comme dans la chanson : ces chevaux n’allaient pas rentrer au bercail tous seuls, et ils n’avaient plus énormément de temps avant de perdre la lumière du jour. Une chose à la fois. Si tout se passait bien, ils allaient pouvoir s’asseoir et discuter après, pourvu qu’aucune bête ne se perde pour de bon ou qu’aucun prédateur ne profite de l’occasion pour se trouver à dîner. Elle réajusta son chapeau sur sa tête d’une main gracile et lança au sorcier, d’un ton à demi-narquois, à demi-sérieux: « J’espère que tu sais monter, parce que je vais avoir besoin de ton aide pour réparer ta connerie ». Sans davantage d’avertissement, elle lui tendit les rênes de sa propre jument, avant de s’approcher d’un étalon noir qui était resté plus près de l’enclos et de sauter sur son dos à cru. Elle s’éloigna dans un petit nuage de poussière rouge, l’animal renâclant sous elle pendant qu’elle s’agrippait à sa crinière. Si Erebos ne savait pas faire du cheval, ça rendrait simplement le tout infiniment plus intéressant. Une partie mesquine d’elle avait envie de le voir trébucher, jurer, tomber dans la poussière peut-être; ça lui apprendrait bien à se mêler de choses qui ne le regardait pas. Il y avait une première fois à tout de toutes façons, et ils pourraient en reparler autour d’une bière lorsque tout cela serait terminé. Si elle n’avait pas prévu de tomber sur le Stonegold ce soir, elle allait certainement en profiter pour s’amuser un peu à travers le boulot. Peut-être pourrait-elle profiter davantage de sa visite à Phoenix comme de des vacances si elle réglait ça plus rapidement que prévu. Elle lui envoya la main quelques mètres plus loin pour l'inviter à se dépêcher. « On a pas toute la journée ! »

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Mer 24 Mar 2021 - 18:40

Just a matter of luck.

Erebos x Raven

Pendant un court instant de grâce, la surprise supplanta la peur et notre Erebos affolé écarquilla de grands yeux clairs. La jeune femme aux cheveux blonds l’avait marqué, la dernière fois, lors de leur initiale rencontre sur un trottoir un peu trop sale d’une boîte de nuit bondée. Une discussion dont il ne se souvenait plus vraiment de la teneur, mais à vrai dire pour Erebos beaucoup de discussions subissaient le même sort. Il se souvenait de son nom, en revanche, et de son visage. Le fait de la trouver ici, dans un ranch à l’écart de Phoenix, au beau milieu d’un après-midi de travail, aurait pu, aurait dû relever de la coïncidence divine. Pour peu que le sorcier ait cru en Dieu.
D’un geste habile la cavalière mit pied à terre, s’approchant du jeune Stonegold avec un air bien amical et heureux de le trouver là.
Clignement. Clignement. Mouvement de tête. Clignement.
Ses mains étaient toujours en l’air, à la périphérie de son champ de vision, et cela ne faisait pas sens de les garder là plus longtemps. Mais Reby était effrayé, par les animaux, le désert, par une bonne partie de la situation et le fait que Raven soit là était à la fois potentiellement rassurant et incroyablement bizarre.
« Un voleur ? Mais je … » Il secoua la tête, baissant finalement les bras pour répondre à l’accolade impromptue de son interlocutrice. « Et toi, qu’est-ce-que tu fabriques ici ? »
La blonde ne répondit pas, mais embrassa d’un regard vaste la plaine où le troupeau vengeur de mustangs qui avait tenté de réduire le sorcier en tortilla vivait sa tranquille vie de troupeau. C’est-à-dire … caracolait, broutait, se dispersait en hennissant, sans un regard pour Erebos, tétanisé près de l’enclos malgré la présence de Raven.
Avec un sourire indolent, elle remit son chapeau en place, un joli chapeau de cowgirl qui appairé à la musique et à l’ambiance orangée-ocre donnait à la scène toute entière l’air d’un film western amateur. Et puis ses lèvres rondes s’ourlèrent, laissant passer quelques palabres qui glacèrent Erebos d’effroi.
« Monter ? Je … »
Déjà il tenait dans sa main les rênes en cuir de la jument sur laquelle Raven était arrivée, fourrées là par la blonde danseuse qui s’éloignait au petit trot. Affolé, le jeune homme sentit son palpitant faire des ruades dans sa poitrine, comme l’un de ces chevaux féroces qu’il avait eu le malheur de libérer. Déjà junior, dans le lointain, semblait l’appeler d’un air guilleret, et la jument brune de Raven attendait d’avoir cavalier.
« Raven ? » hasarda-t-il, les yeux clignotants.
Mais elle était déjà partie.

Le sorcier fit face à la bête, tentant vainement de conserver son myocarde brûlant sous contrôle. Elle était grande, les yeux paisibles, et pourtant sur son regard sombre Reby se sentit vaciller. Il ne savait pas, il n’avait jamais su monter à cheval. Il lui semblait bien qu’Alaska avait fait de l’équitation, étant petite. Ou était-ce Daisy ? Il ne savait plus. Toujours était-il qu’en cet instant, avec sa monture sur les bras, il ne savait comment monter, comment volter, comment manier. Malhabilement il essaya de retrouver un souffle calme.
Clignement. Clignement. Mouvement de tête. Clignement.
Plaçant une main sur le garot et l’autre sur la selle en cuir, il essaya de se hisser à la force de ses petits bras. Impossible. La bête renâcla, et avant qu’il ait pu comprendre, Erebos se trouva à terre, dans la poussière ocre du jour qui se soulevait sous son poids. Bon. Deuxième tentative. Cette fois-ci il repéra, pendant sur les flancs de l’animal, deux étriers argentés qui se balançaient lestement. Bon. Il enfila son pied dans l’un des deux et, prenant appui de tout son corps, finit par se trouver à plat ventre sur la selle, les jambes battant toujours le vide. Il s’était trompé de pied. Mauvais côté, mauvais étrier. Et, emporté par son élan, il retombe tête la première sur le sol chaud de l’autre côté.
Probablement la lèvre ouverte, il fit le tour de l’animal, bien décidé à réussir à surmonter sa peur gamine pour parvenir à monter là. Et, il faut croire que la troisième fois fut la bonne, puisqu’avant de comprendre comment il se trouva en position, un pied dans chaque étrier, le derrière posé sur la selle et les rênes toujours dans les mains.
Clignement. Mouvement de tête. Clignement. Clignement.
« Gentil cheval. Gentil. » flatta-t-il le cou de la bête.
Avancer, maintenant, rejoindre Raven qui l’appelait et tendait à s’impatienter. D’un petit coup de talon, il lança la jument au trot. Docile, celle-ci s’avança jusqu’aux abords de sa maîtresse. Ou, du moins, sa précédente cavalière. Les chevaux avaient-ils des maîtres, comme les chiens ou les éléphants ?
« Raven, euh, faut que je te dise, je sais pas monter à cheval et … »
Comme si tout ne suffisait pas, ses vêtements couverts de poussières et sa lèvre au sol éclatée, dans un mouvement trop enthousiaste il redonna un coup de talons dans les flancs bruns de sa jument, et celle-ci vint à détaler au milieu de la plaine aride, sans la moindre considération pour le Stonegold sur son dos qui vit arriver la Faucheuse un peu plus vite qu’il n’aurait cru. Evidemment, pour qui n’y est pas habitué, se retrouver sur le dos d’un cheval ainsi lancé à vive allure est déstabilisant. Très déstabilisant. Il y eut quelques mouvements flous, des ouvertures désespérées, jusqu’à ce qu’Erebos retrouve le contact assez rassurant du sol sableux sous sa poitrine.
Oui. Sous sa poitrine. Sauf que son pied gauche demeurait dans l’étrier d’une selle en cuir, qui s’enfuyait toujours aussi vite avec la jument qui la portait.
Traîné au sol sur une bonne quinzaine de mètres, le sorcier retrouva enfin la liberté de sa jambe gauche quand celle-ci tomba à son tour et que sa course s’arrêta dans un soulèvement de poussière. Roulant boulant encore un peu, il finit par se retrouver étalé de tout son long sur le dos. Probablement contusionné de partout, avec des trous dans ses vêtements, il demeura là dans le sable. Finalement, l’endroit n’était pas si désagréable. Avec un peu de chance, les chevaux ne lui marcheraient pas dessus, il pourrait attendre que Raven ait fini de les rassembler sans goûter au métal hurlant des fers qu’ils portaient à leurs pieds. Oui. Après tout. Pourquoi pas. Rester étalé là dans l’ombre, en attendant un petit peu que ses membres finissent de revenir à leur disposition de repos. Oui, après tout, ça ne paraissait pas être une mauvaise idée. Plutôt une bonne même.
Il fixa l’azuréen qui s’étendait par-dessus tout comme une couverture de clarté.
Oui. Pourquoi pas rester là, allongé sur le dos, dans le sable, et attendre qu’on vienne le chercher.

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